L’ogre, Margotte et la galette

L’ogre, Margotte et la galette
Catherine Tamain, Marjorie Béal,
âne bâté éditions, 2015

Une nouvelle Zéralda

Par Claire Damon

L’ogre, Margotte et la galetteSi vous n’en avez pas fait une overdose, je vous propose de reprendre encore un peu de galette avec ce charmant album.

Un ogre à la gloutonnerie sans limite s’apprête à dévorer Margotte. Celle-ci lui suggère de lui préparer plutôt une galette pour le goûter. L’ogre alléché et impatient devra pourtant passer par toutes les étapes de la confection – et de la cuisson ! – avant d’engloutir le délicieux goûter. Pour la fève, on garde le suspens… Un joli graphisme plein d’humour pour régaler nos yeux, avec en bonus la recette de la galette de Margotte font de la lecture de cet album un délicieux moment à partager, et à

 

Les Pozzi, 10

Les Pozzi, t. 10 (Pozzi)
Brigitte Smadja
L’école des loisirs (Mouche), 2015

La fin d’une série-fleuve

Par Anne-Marie Mercier

Les Pozzi, t. 10 (Pozzi)Voici le dixième volume, enfin ! Non qu’on se lassait, mais l’intrigue au fil du temps devenait un peu ténue et il fallait tout le charme de ce petit monde auquel on avait fini par être sensible (après un début un peu réticent) pour rester attentif aux sorties de nouveaux épisodes.

Fin où tout est expliqué, une sorte de genèse en forme de conclusion : on apprend d’où viennent les Pozzi, leur rapport avec le Lailleurs, l’origine de la guerre… Tout cela ressemble beaucoup à nos mythes, avec le thème des frères ennemis, de l’enfant livré au flots, et ce petit monde prend une allure autre tout à coup.

Voir sur les tomes précédents

Raconte à ta façon le petit chaperon rouge

Raconte à ta façon le petit chaperon rouge
Sonia Chaine Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse 2016

Triangles, ciseaux, carré…

Par Michel Driol

pcrVoici un nouveau petit chaperon rouge – version Grimm. L’originalité vient de l’intention et du dispositif. L’intention est de fournir un support aux enfants pour qu’ils racontent – à leur façon – cette histoire connue, en leur fournissant un support stylisé à base de pictogrammes. Un marque page rappelle la signification des pictogrammes et propose, page par page, au verso, un résumé de l’histoire. Au nombre de neuf, les pictogrammes sont des triangles, de taille et de couleur variables, pour les personnages, un carré vert pour la forêt, un rectangle allongé pour le lit, une maison orange pour la maison, des petits ronds noirs pour les cailloux et, plus original, une paire de ciseaux pour le loup. Ces ciseaux sont l’objet polymorphe de cet album : mâchoires lisses ou munies de dents,  agrémenté d’un triangle symbolisant les dévorations, puis d’un cercle matérialisant les cailloux dans le ventre, il finit avec des spirales dans les yeux, mort.

On regrette la pauvreté du texte du résumé – écriture au présent, style très simple, dans le genre des Oralbums de Philippe Boisseau  – que, de toutes façons, l’enfant – dès 4 ans, dit la notice – ne pourra pas lire. Fallait-il vraiment le mettre ? A la limite pour un enfant apprenti lecteur de 6 ans ? En revanche, on trouve l’idée et la réalisation graphiques séduisantes : les pages suivent de très près le récit – bien plus que l’album de Rascal, autre version sans texte du petit chaperon rouge – et sont donc un bon support au rappel de récit par l’enfant. Le choix – comme chez Rascal, de graphismes dépouillés fournit  un tremplin pour l’imaginaire et constitue un premier pas vers le symbolisme et/ou l’abstraction figurative, tout en proposant une création originale qu’on croirait faite avec des gommettes – objet graphique par excellence pour les enfants !

 Un album support aux rappels de récit, sous toutes leurs formes (comme l’indique le préambule : tu peux ajouter des bruits, ce que pensent les personnages…) : l’enfant lecteur peut ainsi devenir auteur de son propre récit !

 

Cité Babel, Le grand livre des religions

Cité Babel, Le grand livre des religions
Pascale Hédelin, Gaëlle Duhazé

Les éditions des éléphants, 2015

Religions en voisinage

Par Claire Damon

Cité Babel, Le grand livre des religionsLudique et passionnant, l’album Cité Babel se présente sous la forme d’un immeuble de plusieurs étages. Au rez-de-chaussée se trouve l’épicerie de Monsieur Félix qui est athée, au premier étage vit une famille catholique, au deuxième, une famille juive et au troisième, une famille musulmane.

Cette forme – avec des pages découpées qu’on tourne au gré du hasard et des envies – est le coup de génie de l’album. Jamais rébarbatif, ce documentaire fait découvrir au fil des saisons les temps forts, les rites, les fêtes et les traditions païennes et religieuses. Comme au sein de l’immeuble, ces habitudes et ces croyances se superposent, se respectent, s’invitent et se questionnent. Le vivre ensemble en ressort comme une évidence.

Enquête à l’orchestre : le compositeur est mort

Enquête à l’orchestre : le compositeur est mort
Lemony Snicket, Louis Thomas (ill.)
Pepito Matéo (voix), Nathaniel Stookey (musique)
Traduit (anglais) par Pepito Matéo et Nathaniel Stookey
Didier Jeunesse (un livre, un CD), 2015

Pédagogie musico-policière

Par Anne-Marie Mercier

Enquête à l’orchestreL’enquête est un prétexte pour découvrir les différentes parties de l’orchestre. Le commissaire interroge successivement les différentes classes d’instruments à cordes, puis ceux qui composent les cuivres ou les percussions pour connaître leur alibi, leurs raisons d’en vouloir au compositeur, enfin tout ce qu’un enquêteur veut savoir lors de ses interrogatoires.

C’est bien organisé, souvent drôle (bravo aux traducteurs, le texte est truffé de jeux de mots), les dessins sont pleins d’humour, le CD complète bien l’ensemble : un moyen intéressant de faire connaître la composition d’un orchestre classique à de jeunes lecteurs, mais non un récit qui va bouleverser le monde du roman policier.

Attention petits cochons !

Attention petits cochons !
Ramadier & Bourgeau
Loulou et Cie – Ecole des Loisirs 2015

Loup, y es-tu ?

Par Michel Driol

Attention_petits_cochonsSur la couverture, trois petits cochons fixent le lecteur… ou autre chose, les yeux grands ouverts, comme terrifiés, ou perplexes… Sur la 4ème de couv’, un loup qui dort, ventre rebondi et proéminent. L’histoire est-elle jouée d’avance ? Quand on ouvre le livre, sur la page de gauche, un loup violet, qui souffle… et invite à tourner, dans le sens inverse de l’ouverture habituelle d’un livre, les pages du rabat droit. Ainsi, successivement, le loup va faire s’envoler les feuilles, les arbres, le toit de la maison, la porte et les fenêtres, les murs, la cabane, le drap, jusqu’à ce qu’on voie trois petits cochons tenant un  gâteau d’anniversaire surmonté de bougies… Le suspense monte avec le « et ? » de l’avant-dernière page…  avant de découvrir la page finale « Bon anniversaire le loup », et trois petits cochons hilares. Au lecteur de se demander si le loup de la 4ème de couv’ s’est contenté du gâteau…

Voici un album cartonné offrant aux plus petits peut-être la première occasion de découvrir un détournement de conte. Sur le modèle des randonnées, on va du plus vaste, la forêt, au plus petit – ce qu’il y a dans la maison, sous la cabane, sous le drap-,  le souffle extraordinaire du loup faisant disparaitre peu à peu tous les éléments qui composent l’univers, ce que souligne la répétition de la formule « les feuilles s’envolent », « les arbres s’envolent »….  L’humour vient à la fois de cette exagération dans les pouvoirs du loup et de la chute, qui s’écarte de l’histoire canonique du conte. Les illustrations, colorées et stylisées, sont totalement en adéquation avec les jeunes lecteurs, et ne vont pas se perdre dans les détails..

Un album au dispositif original, dont la chute ravira les petits  qui y verront la réconciliation des cochons et du loup dans une scène de fête d’anniversaire.

Tour à tour sur un fil

Tour à tour sur un fil
Mordicai Gerstein
Le Genévrier (collection Caldecott), 2011

Doubles tours

Par Claire Damon

Tour à tour sur un filJe suis restée aujourd’hui stupéfaite devant l’album de Mordicai Gerstein. Publié pour la première fois en 2003, Tour à tour sur un fil constitue un double hommage : au funambule Philippe Petit qui tendit un fil entre les tours jumelles du World Trade Center et dansa sur la corde raide pendant 45 minutes à 400 mètres du sol, mais aussi aux deux tours effondrées le 11 septembre 2001.

L’histoire, parfaitement fidèle à l’invraisemblable réalité, est efficacement, sobrement, justement racontée. Et les mots sont portés par un style, une technique graphiques, une maîtrise de la couleur et de la mise en page dignes d’admiration.

Quant au sujet du livre, il est passionnant, percutant. L’acte de Philippe Petit – qu’il a lui-même qualifié de « crime artistique du siècle » – vient remuer nos entrailles. Existe-t-il acte plus fou ? Et en même temps, n’est-ce pas là l’acte le plus rebelle et le plus héroïque qui soit ?

Nos Petits Enterrements

Nos Petits Enterrements
Ulf Nilsson, Eva Eriksson
L’école des loisirs (pastel), 2006

Jeux avec la mort

Par Anne-Marie Mercier

Nos Petits EnterrementsTout commence par une journée d’ennui. Esther trouve un bourdon mort, s’apitoie et décide de lui creuser une tombe. Son jeune frère, craintif, écrira un poème : « Un petit être vivant dans le creux de la main, Soudain il n’est plus là, mais sous la terre, lointain ». La cérémonie est touchante, pourquoi ne pas continuer puisque « Le monde entier est plein de morts. Dans chaque buisson il y a une souris, ou un oiseau ou un papillon mort. Il faut que quelqu’un de gentil s’en occupe ».

Le mouvement est lancé et chacun a son rôle : Esther est celle qui creuse, le narrateur est celui qui écrit des poèmes (fort bons) et le jeune Lolo, un ami qui les a rejoints, sera celui qui pleure. Une musaraigne, un hamster, un coq, trois harengs (pris dans le congélateur) et d’autres forment les premiers convois enterrés dans leur clairière secrète. Par la suite, c’est le bord de route qui leur fournit des clients (hérisson, lapin écrasés). A chacun ils donnent un nom, une vie, une parentèle éplorée. Les illustrations ont fait le choix de la légèreté et de l’esprit d’enfance ; le vert et le brun se succèdent ou se complètent dans cet album qui parle de la mort avec vivacité, humour et tendresse.

La vie nocturne des arbres

La vie nocturne des arbres
Bhajju Shyam, Durga Bai, Ram Singh Urveti,
Actes sud junior,

Les sens de l’arbre

Par Claire Damon

La vie nocturne des arbresLa vie nocturne des arbres est un livre, et bien plus que cela. La preuve, il a une odeur. Une odeur d’Inde, mélange de papier et de bois de santal. L’acte que l’album impose est – plus qu’une lecture – une déambulation lente et silencieuse au fil des épaisses pages noires. Tous les sens sont mis en éveil.

Ce somptueux album au tirage limité reproduit des œuvres originales en sérigraphie des planches de trois artistes vivants héritiers de la tradition gond. Les textes sur la page de gauche placent les arbres au cœur du monde et témoignent des croyances animistes de ce peuple.

Le peuple Gond du centre de l’Inde fait partie de ces tribus très proches de la nature, à la marge de la société classique, qui intriguent et fascinent les hommes et femmes que nous sommes. Sortant – grâce à ce type d’ouvrages – de notre monde mondialisé, on découvre avec bonheur d’autres cultures très riches, fondamentalement différentes de la culture dominante, qui savent s’entendre avec la nature.

Il s’agit d’une réédition de l’album, publié en 2013.