Robots intergalactiques: Les super Brikabraks

Robots intergalactiques: Les super Brikabraks
Richard Marinier
Rouergue, 2014

Cata…logue?

Par Chantal Magne-Ville

Robots intergalactiques- Les super BrikabraksQue peut-on trouver dans un catalogue de robots ? Des prouesses technologiques ? Des solutions pour la maison ? Une inspiration pour une nouvelle de science-fiction ? Pas du tout… Une rêverie à l’état pur ! Il faut dire que les dix robots proposés sont le fruit d’une folle inventivité, mais pas là où on l’attendrait. Ils sont faits de bois, et qui plus est de bois de récup’, mêlant des éléments aisément identifiables : au cas où l’un d’eux échapperait à la sagacité du lecteur, des notes de marge doubles l’aident à retrouver l’élément manquant, qui loin d’un inventaire de bricoleur, montrent comment on joue avec la langue…mais pas la langue de bois justement….plutôt celle de la poésie.

La présentation en diptyque montre les robots à l’état naturel, puis transcendés par le dessin sous forme de sérigraphies de type « vintage ». Ils sont affublés d’un nom révélateur de leur personnalité et magnifiés jusqu’à devenir de véritables héros aux pouvoirs multiples. Pour ne pas s’y perdre, l’auteur a obligeamment joint une évaluation pour chacun d’eux, au moyen d’un code couleur et d’un système de curseur qui teste leurs puissances d’attaque, leurs faiblesses, leur capacité de défense et les dégâts qu’ils peuvent occasionner ! Une porte ouverte sur la création d’histoires. Et dieu merci !, on trouve des robots féminins, dont les performances n’ont rien à envier à celles des hommes. A noter, toutes sortes de qualités intellectuelles et guerrières bien sûr, mais gourmandes également… La parodie du monde électroménager n’est pas loin, mais enflée par une imagination débordante. A consulter et re-consulter : chaque lecture offrant de nouvelles découvertes…

 

L’oiseau sur la branche

L’Oiseau sur la branche
Anne Crausaz
MeMo, 2014

Une belle et bonne année à plumes

Par Anne-Marie Mercier

LOiseau_ActuaLi&je a choisi de vous souhiater une bonne année 2016 avec un superbe album paru il y a déjà quelques temps, chez MeMo qui est vraiment l’un des meilleurs éditeurs quant à la qualité d’impression des livres.Celui-ci ne déroge pas à la règle, au contraire.

Une même branche au fil des pages, de jour, de nuit, sous le gel, la pluie, le soleil, le chaud et le froid, autant dire suivant le rythme des saisons. Sur ce décor minimal et stable malgré ces variations, des oiseaux se posent, un différent à chaque page. Chardonneret, grive musicienne, grimpereau des jardins, Bergeronnette, engoulevent, roitelets à triple bandeau… Ils sont cinquante deux, un pour LOiseau_Actua2chaque semaine de l’année.

La beauté des dessins et des couleurs, la subtilité des teintes et la qualité de l’impression font de cet album un chef-d’œuvre à déguster page après page, tout au long de l’année… en commençant par le 1er janvier.

Les Sauvages de Mélanie Rutten, publié chez MeMo en 2015, a été primé dans la catégorie Album par une mention spéciale « Librairies sorcières », attribuée par l’Association des Librairies Spécialisées Jeunesse (ALSJ) parmi la sélection des Pépites du Salon du livre et de la presse jeunesse 2015

 

 

Fatale Spirale

Fatale Spirale
Fabrice Vigne, Jean-Baptiste Bourgois (ill.)
Sarbacane, 2015

Adieu à 2015 : un programme pour 2016 ?

couv-Fatale-spiraleLe ton est au constat amer : l’irréparable s’est produit, et par contamination la ville, le pays, la planète entière ont basculé dans… la fraternité.

Fabrice Vigne inverse l’idée selon laquelle la violence engendre la violence et que «tôt ou tard l’ancienne violence engendre la violence neuve», comme le dit la phrase d’Eschyle placée en exergue au volume. Chaque double page montre une étape dans cette évolution scandaleuse qui inquiète les politiques et met en cause les valeurs traditionnelles de la France, « nation éternelle de la chamaillerie, du sarcasme, du mépris, du préjugé et de l’humeur massacrante ». Comme c’est vrai…

Haut les cœurs, et partageons l’optimisme de Fabrice Vigne qui cite Gramsci  : « le pessimisme de l’intelligence contre l’optimisme de la volonté », dans une page de son blog  datée du 9 novembre 2015, donc après le 7 janvier et juste avant le 13 novembre, à l’occasion d’une rencontre avec une classe dans un collège grenoblois. Oui, on le voit dans ses propos, les écrivains font partie des remparts contre l’obscurantisme, la bêtise et la violence qui en découle.

Fabrice Vigne est l’auteur de Les Giètes (Th. Magnier, 2007) et de TS (l’ampoule, 2003), magnifiques et a mené l’aventure éditoriale des éditions du Fond du tiroir jusqu’en novembre 2015.

Origami Yoda, t. 3 : Le Secret de la cocotte Wookie

Origami Yoda, t. 3 : Le Secret de la cocotte Wookie
Tom Angleberger
Traduit (Anglais, USA) par Nathalie Zimmermann
Seuil, 2014

Star wars au collège

Par Anne-Marie Mercier

Origami Yoda3Comment faire lire les chères têtes de toutes les couleurs en ce temps de Star wars mania ? Une solution : la série parue au Seuil intitulée « Origami Yoda » : on y voit une bande de collégiens fou de ces films, les connaissant par cœur, interroger l’avenir à travers (dans le tome 1) un origami représentant maître Yoda, puis terrorisés par un origami nommé Kraft Vador (tome2) et tentant dans ce troisième volume de se débrouiller sans Yoda (et sans Dennis, son créateur, renvoyé du collège) à travers des substituts : ce sont des pliages plus simples, une « cocotte » ou « salière » représentant le Wookie Chewbacca, et un pliage origami yoda1représentant Solo pour traduire les grognement de Chewie…

Un détournement intéressant, avec l’introduction d’une éthique ‘Jedi’ dans le cadre du collège, une mobilisation des élèves contre la suppression des activités culturelles envisagée par la principale, un sauvetage de leur camarade Dennis, en voie de normalisation excessive dans un collège chic.. il y a beaucoup d’ingrédients intéressants.

Et si cela ne suffit pas, vous pouvez ajouter le livre de pliages origamiyoda activassorti : Les Pliages et griffonnages d’ART2-D2 Le livre d’activités d’Origami Yoda

Zita, la fille de l’espace

Zita, la fille de l’espace
Ben Hatke
Traduction (anglais) de Basile Béguerie
L’école des loisirs, 2013

Star wars pour les plus jeunes

Par Anne-Marie Mercier

Zita, fille de l’espaceEn ces temps de Star wars mania, on pourrait proposer aux plus jeunes de se plonger ou replonger dans l’univers de Zita, petite fille embarquée dans une lointaine galaxie, qui délivre son ami Joseph (enfin une fille qui délivre un garçon !) avant de sauver des planètes entières. Elle se fait des amis en chemin, de toutes sortes, monstres mous, robots ronds, machines rouillées…

Elle rencontre aussi des personnages qui évoquent une littérature plus traditionnelle, comme le musicien qui dans le premier volume évoque le joueur de flute de Hamelin. De nombreux thèmes de la science fiction populaire se rencontrent également. Le dessin est simple et expressif, la narration très rythmée, non sans humour. La SF de qualité pour les jeunes enfants est rare, ce roman graphique est une belle réussite. Il a lancé les éditions rue de Sèvres, branche BD de l’école des loisirs.

On en est au tome 3, et on peut la découvrir sur Youtube, en anglais.

Alice au pays des merveilles

Alice au pays des merveilles
Lewis Caroll, Guillaume Sorel (ill.)
Traduit (anglais) par H. Parisot
Rue de Sèvres, 2014

Alice, toujours nouvelle

Par Anne-Marie Mercier

Alice sorelDrôle d’objet, qui renouvelle partiellement le regard sur Alice : si c’est la traduction classique de Henri Parisot qui est proposée, les illustrations raccrochent cet album du côté de l’esthétique de la BD. Non que ce soit techniquement le mode de narration choisi : les chapitres de textes se suivent sagement, avec des vignettes, bandeaux ou illustrations pleine page. Mais le tracé net, les gros plans, l’allure échevelée de la fillette rafraichissent, même si peut on en préférer d’autres, plus « classiques ».

J’ai vu

J’ai vu
Cendrine Genin, Rascal (ill.)
L’école des loisirs (Pastel), 2014

Voir le voir, à hauteur d’enfant

Par Anne-Marie Mercier

j'aivuLa simplicité des choses vues par un enfant de sa fenêtre, sous la table, dans le jardin, la simplicité du texte, fait de courtes phrases commençant par « je l’ai vu », est accompagnée d’illustrations extrêmement variées : différentes techniques ( pastel, aquarelle, crayon de couleur, encres, impressions… ) toutes superbes, en explosion de couleurs ou en doux camaïeu.

Des choses douces : animaux, objets, sentiments, autour d’une maison pleine d’amour et de sécurité, vue avec les yeux du cœur.

L’Histoire de France en BD : 14-18… la grande guerre !

L’Histoire de France en BD : 14-18… la grande guerre !
Dominique Joly, Bruno Heitz

Casterman, 2014

La guerre en vignettes

Par Anne-Marie Mercier

La BD aL’Histoire de France en BD - 14-18 l’avantage (et l’inconvénient) de proposer des instants. Ici, la guerre est découpée dans toutes ses étapes : ses causes immédiates ou lointaines, les événements, les réactions des gouvernants et des populations… Elle permet aussi de comprendre avec des cartes, des plans, des schémas. Tandis que le texte du narrateur donne les faits, les bulles transmettent l’avis des poilus, des petites gens lisant leur journal, ou schématisent les situations (« La Fayette nous voilà », dit le soldat américain en posant le pied en France).

Rien n’est oublié : ni la vie à l’arrière, ni les conditions de vie dans les tranchées, les mutineries de 17, la révolution russe… Si le dessin garde une distance et a parfois un ton humoristique, le texte rappelle la gravité des événements. Enfin, l’album se clôt sur des pages plus directement documentaires : généraux célèbres, gueules cassées, femmes dans la guerre, cimetières et monuments, lieux à visiter…

En somme, si on a des doutes sur le pouvoir de la BD pour dire et faire comprendre l’histoire, ces doutes devraient être levés, même si cette histoire reste schématique et factuelle, l’âge des lecteurs et le volume de l’ouvrage y obligeant.

Agoulou Granfal et le rocher de la gourmandise

Agoulou Granfal et le rocher de la gourmandise
Alex Godard
Albin Michel Jeunesse, 2015

Le Festin de Nany-Rosette

Par Anne-Marie Mercier

Agoulou GranfalIl n’y a pas assez d’œuvres issues de la francophonie dans les bacs des bibliothèques et des librairies pour la jeunesse ; il y en a bien peu dans les programmes scolaires : quelques contes en 6e, quelques romans plus tard. Voilà au moins un album qui répare un peu ce manque bien qu’on soit encore dans le domaine du conte. Il le fait avec couleur, fantaisie, gourmandise enfin puisque c’est le thème de l’histoire.

On voit sur une île des Antilles une petite fille, Nanie-Rosette, qui se régale de la cuisine que lui prépare sa mère, une mère qui se régale de cuisiner pour elle et pour ses amis, et le lecteur lui-même se prend à avoir faim de toutes ces bonnes choses. Mais voilà, gare à l’Estomac sur pattes, Agoulou Granfal, qui dévore les gourmands qui ne veulent pas partager !

Dans ce conte enlevé on trouve les pauses du conteur, sa verve, ses « Crik et Crak », des épisodes proches du folklore européen (le conte des sept biquets), et enfin, une fin ouverte sur un choix entre plusieurs scénarios. Oui, décidemment, cet album est un vrai festin de saveurs et de couleurs.

C’est aussi l’occasion de réfléchir au rôle des collecteurs, notamment au personnage de Lafcadio Hearn (1850-1904), écrivain irlandais né dans les îles ioniennes, orphelin, borgne, rejeté, devenu journaliste aux Etats-Unis, renvoyé de son travail pour avoir épousé une métisse, découvrant le créole à la Nouvelle Orléans, puis aux Antilles, et devenu japonais sous le nom de Yakumo Koizumi. Il a traduit le conte du créole, et l’a publié dans Trois fois bel conte (Mercure de France, 1932). Et enfin revoilà Agoulou, tout vert avec des grandes dents et bien vivant pour tous les enfants  de langue française (et pourquoi pas les autres ?): quelle aventure…

 

Vladimir et Clémence

Vladimir et Clémence
Cécile Hennerolles, Sandrine Bonini
Grasset jeunesse, 2015

L’union du visible et de l’invisible

Par Anne-Marie Mercier

VladimirL’un, Vladimir, est photographe, l’autre, Clémence, est invisible : comment ils se rencontrent, se découvrent, s’unissent, se séparent, se retrouvent et ont beaucoup d’enfants dont on ne sait s’ils sont flous ou bien nets sur la photo, tout cela est raconté dans un petit roman graphique joliment illustré, imprimé sur beau papier, cartonné, un peu à l’ancienne.

Il est écrit aussi dans un joli style un peu décalé : beaucoup d’inversions du sujet lui donnent un air dansant et suranné. Elles obligent aussi à retarder la construction du sens comme on attend que la photo se dévoile quand on la développe.

B42-Voir-le-voir-Berger-Cover_scaledC’est une belle fable sur le regard et sur l’image qu’on dit « fixe ». Elle ne l’est pas tant que cela, quand on a le talent de Vladimir, mais aussi son expérience de l’invisible et un bon appareil… argentique, autrement dit, le sens de la tradition et du mythe. Cela m’évoque Voir le voir, le beau titre de John Berger, paru aux éditions B42, tiens, si on le relisait ? Et puis son interview dans Télérama intitulée “Un livre, c’est un silence qui demande à être rempli”