Je suis un oiseau de la ville

Je suis un oiseau de la ville
Delphine Jaboeuf (texte), Caroline Aufort et Elodie Mandray (ill.)
Hélium, 2021

Pour devenir de petits naturalistes urbains

Ce n’est pas parce qu’on vit en ville qu’on ne peut intéresser aux oiseaux : il y en a partout autour de nous, il suffit d’écouter. Mais c’est agaçant, n’est-ce pas, d’entendre des oiseaux sans les voir et sans savoir si l’oiseau qui chante si bien (ou si mal) est brun, noir ou jaune, gros ou petit, et comment on l’appelle ?
Grâce à cet album, tendre l’oreille dans la rue va devenir un jeu et peut-être une passion : des oiseaux bien connus (moineau, mésange, canard mandarin, pigeon, corneille, pie, étourneau, martinet, cygne, mouette…) et d’autres qui le sont moins tout en étant proches de nous (pouillot véloce, bergeronnette, troglodyte, mignon, chardonneret élégant, gallinule poule d’eau, Bernache nonnette, roitelet triple bandeau…) vont devenir familiers. Par leur chant tout d’abord : celui-ci est transcrit en onomatopées, précisées par des majuscules/minuscules, gras ou italiques, des symboles qui marquent une note grattée, stridente, diffuse, etc.  C’est un systême de notation ingénieux que l’on peut s’approprier ensuite pour transcrire d’autres chants. On peut s’aider en consultant le site et découvrir ainsi le superbe graphisme avec les chants en version sonore  : merveilleux pour tous les parents qui souhaitent proposer une promenade avec un but, les enseignants  de musique ou de SVT, les amateurs d’oiseaux, et les amateurs de beaux livres tout simplement.
Les couleurs sont subtiles, les illustrations stylisées en à-plats montrent les caractéristiques principales des oiseaux; ils figurent deux fois en page de droite, tête bêche comme sur un jeu de cartes, pour représenter les deux versions de l’oiseau, mâle et femelle (il es notable que la version femelle soit en bonne position, à l’endroit, quand le mâle est à l’envers).
Enfin, un texte court, parfait de précision et de vivacité, donne la parole à l’oiseau; il fournit de multiples renseignements sur sa vie, ses habitudes, ses amours, ses besoins alimentaires (ne pas donner de pain aux canards), sa dangerosité (ne pas s’approcher des cygnes, surtout lorsqu’ils sont avec leurs petits).

Alors, elle est pas belle la ville ?

Une Chanson pour l’oiseau

Une Chanson pour l’oiseau
Margaret Wise Brown, Remy Charlip

Didier Jeunesse, 2013

Requiem pour un oiseau

par François Quet

1396829-gfUn oiseau est mort. Des enfants organisent un rituel pour l’ensevelir. On pense  à l’album d’Elzbieta, Petit lapin Hoplà (Pastel 2001) : « Qui chantera pour Petit Lapin Hoplà ? C’est moi dit l’alouette, du haut des nuages, tout au long du chemin, je chanterai pour Petit Lapin Hoplà ». Mais ce n’est pas la forme de la comptine qui est adoptée par les auteurs d’Une chanson pour l’oiseau. Le chant funèbre est un élément du récit parmi d’autres. On suit les enfants, de la découverte de l’oiseau jusqu’au réconfort que procure l’oubli. Etape après étape, on les voit célébrer l’oiseau « comme font les adultes quand quelqu’un meurt ». La chanson intervient à un moment du rituel au même titre que l’ensevelissement, le lit de fougères et de fleurs, la pierre qui portera une inscription, les violettes et les géraniums qu’on apportera pour garder en mémoire aussi longtemps que l’on peut le souvenir d’une vie éteinte.

Le chant, le requiem, tient plutôt à autre chose : le texte ne dramatise rien (« ils étaient contents de l’avoir trouvé, puisqu’ils pouvaient maintenant lui creuser une tombe »), il énonce ce que font les enfants, avec respect : « Ils l’ont emporté dans le bois/ Et ils ont creusé un trou dans la terre » et la succession des actions, sans aucun pathos, se déploie en un lent cérémonial, impression renforcée par l’alternance très régulière des doubles pages tantôt consacrées au texte et tantôt à l’illustration. Le format à l’italienne favorise lui aussi la dimension chorale du livre : un oiseau, un groupe d’enfant où nul ne se différencie, un environnement végétal, d’autres oiseaux dans le ciel, une histoire simple et naturelle qui par la discrétion même avec laquelle elle est traitée ajoute à la sérénité une forme de majesté rassurante.

Il s’agit, nous dit l’éditeur, d’un album publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1958. Bravo à Loïc Boyer (et à la collection Cligne Cligne) pour avoir donné un peu d’éternité à ce petit livre si juste et si beau.

Les poulets guerriers

Les poulets guerriers
Catherine Zarcate, Elodie Balandras
Editions Syros (Album Paroles de conteurs)

par Aurélie Caruso et Céline Rican

Il était une fois, en Afrique, des guerriers… Oui, de vrais guerriers Massaï à quelques détails près : ce sont de jeunes poulets dont la crête se dresse vers le ciel grâce à la magie du gel coiffant ! Déterminés, ils traversent le village pour emprunter le sentier de la guerre. Un petit poussin souhaite les accompagner : pas question, bien trop petit ce poulet là ! Soudain, dans la brousse apparaît l’ennemi : un chat tigré qui se lèche les babines en comptant les jeunes poulets. L’esprit guerrier cède alors la place à la panique chez les gallinacés. Ils sont pris au piège, ils ont peur… Comme vous le savez, les chats ne conçoivent pas un régal sans jeu. Alors, le chat sauvage de la brousse se délecte à l’idée du repas qui l’attend, en grattant un petit air à la guitare. Mais que se passe-t-il quand les petits poussins connaissent des chants guerriers capables d’effrayer le plus redoutable félin de la brousse ?

L’histoire est drôle et touchante : de jeunes poulets s’appliquent à faire les coqs pendant qu’un petit poussin devient un héros sans le vouloir. L’auteur porte un regard aussi amusé sur l’adolescence qu’attendri face à la capacité d’émerveillement qui caractérise l’enfance.

L’objet livre est beau, c’est un album grand format qui met en valeur le travail d’illustration d’Elodie Balandras. Les illustrations, pleine page, avec des couleurs chaudes, des personnages expressifs et drôles s’accordent parfaitement à l’humour et à l’enthousiasme de la conteuse. La composition du texte est elle-même travaillée de manière à rendre au conte, toute sa vitalité communicative. Les petits et les grands auront sans doute envie de jouer avec les différentes voix des personnages, et les enfants seront désormais convaincus qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi.