Annette

Annette
Gabriel Schemoul, Gregory Elbaz

Pastel,  2015

Quand papa était loin

par François Quet

003565702Annette est une variation sur un thème souvent traité dans les albums pour les tout petits et qui a déjà ses « classiques » : celui de l’attente des parents. On songe à Bébé Chouette (Martin Waddell et Patrick Benson, 1996), à Il fait nuit petite fille (Louis Baum et Susan Varley, 1984),  Pourquoi les petits garçons ont-ils toujours peur que leur maman les abandonne dans une forêt sombre et noire ? (Vincent Ravalec et Anne-Marie Adda, 2000) et bien sûr à Quand papa était loin (Maurice Sendak, 1982).

L’originalité de l’album de Gabriel Schemoul et Gregory Elbaz tient beaucoup au décor : Annette vit seule avec son père qui est pêcheur. La maison de bois est bientôt enveloppée de brumes. L’enfant voit disparaitre l’embarcation de son père « comme un sucre dans une tasse de lait ». Le texte est attentif aux bruits des rames, au sifflement du coucou, au silence et à la « voix grave » du père qui vient finalement le briser. L’illustration en noir et blanc (dessins au crayon sur de grandes pages au format A4) affiche un gout discret mais marqué pour les natures mortes : théière « joufflue », lampe à pétrole, soufflet près d’une cheminée, jouets, poupées, coquillages, une clé accrochée à un clou, poissons morts et bouquet de fleur sur une table. La fillette en chemise de nuit se déplace tantôt sur les rochers du rivage, tantôt à l’intérieur d’une maison au mobilier ancien.

La tête un peu disproportionnée de la fillette, l’apparente autonomie d’un petit pantin de bois, comme la douce grisaille qui enveloppe la scène donnent une touche d’étrangeté onirique à cet album qui rassure le lecteur tout en évoquant subtilement des craintes profondes.

Les Zarnak

Les Zarnak
Julian Clary, David Roberts (traduit de l’anglais par Nathalie Zimmerman)

MELOkids+, 2016

A rebrousse poil

par François Quet

large-ccc6bbec-bc2d-4c04-8131-d9321ea6c203Deux hyènes parlant couramment anglais, correctement habillées et munies de passeports en règle, s’installent dans un pavillon de banlieue. La suite pourrait être terrifiante, mais les auteurs n’ont pas choisi de s’inspirer des histoires de zombies ou de loup-garou, bien au contraire.  Le couple qui se félicitera bientôt de la naissance de jumeaux n’a qu’une aspiration : passer pour des gens « normaux », ce qui n’est pas si facile quand on a une queue assez encombrante, quand on rit bêtement à tout propos, et quand on préfère à l’arbre de Noël l’enfouissement des cadeaux dans le jardin.

Le roman de Julian Clary est doublement intéressant. D’abord il est drôle, d’une loufoquerie inhabituelle dans le paysage français. L’invraisemblance de la situation est joyeusement assumée et finirait par devenir naturelle, si de nouveaux faits ne venaient pas régulièrement rappeler au lecteur qu’on n’est pas dans un roman animalier (où les animaux se comportent tellement comme des humains qu’on finit par oublier qu’ils sont des lapins ou des souris). L’inadaptation des hyènes aussi bien que leur assimilation relèvent d’un grotesque que renforcent les illustrations hilarantes de David Roberts. Ainsi les passants arrêtent M. Zarnak, pour le complimenter sur sa progéniture : « — Qu’est-ce qu’ils vous ressemblent ! Mais ils n’ajoutaient pas pour autant « Et c’est fou ce que vous avez l’air d’une bête sauvage. » Un peu comme quand on voit un bébé très laid, on ne dit pas : Oh, on dirait un crapaud ! » même si on le pense très fort » (p.33).

La deuxième raison d’aimer ce roman tient à son thème. Sans jamais renoncer aux ressorts du comique (avec parfois une facilité qui ravira les enfants : Fred ne cesse de raconter des blagues qui parasitent tellement le récit que son épouse finit elle-même par s’en lasser), et sans jamais insister sur la dimension symbolique du récit, Julian Clary raconte une histoire d’intégration : le voisin méfiant suspecte cette famille de ne pas être très conforme et s’en alarme vraiment au point de leur rendre la vie compliquée ; Minnie, la petite copine des jumeaux, voudrait bien quant à elle avoir une queue pour chasser les mouches ; le regard des hyènes sur nos coutumes les plus ordinaires permet de prendre un peu de distance et de les rendre moins « naturelles ».   Avec beaucoup de légèreté, le roman invite à réfléchir sur l’altérité ­­— les animaux sont intelligents, d’une intelligence différente de celle des humains, mais ils sont intelligents ­—, sur les difficultés de l’intégration et sur le respect de chaque identité.

Julian Clary est une vedette de télévision outremanche (http://www.julianclary.co.uk/). C’est son premier roman pour enfants (on annonce une suite en plusieurs tomes) aussi déjanté que généreux et profond.

Monsieur Matisse

Monsieur Matisse
Anne-Marie van Haeringen

Sarbacane,  2016

La sirène et la perruche

par François Quet

slider-monsieur-matisse Librement inspiré des derniers découpages de Matisse et plus précisément de La perruche et la sirène (1953), le livre d’Anne-Marie van Haeringen est avant tout un bel hommage au peintre. L’auteur et illustratrice relatent les circonstances dans lesquelles Matisse est passé de la peinture aux papiers découpés. Le vieil homme, alité ou dans un fauteuil roulant, réorganise le monde qui l’entoure et transforme les murs blancs de l’hôpital en une fête de la couleur.

Le scénario est mince mais il est complètement porté par le travail plastique, qui de page en page invite le jeune lecteur à participer à l’enthousiasme du créateur. On comparera cet ouvrage avec celui de Vanessa Hié et Véronique Massenot, La perruche et la sirène – Matisse (Éditions L’élan vert, 2015)

Un monde à part

Les Chroniques d’Hurluberland
Olivier Ka

Rouergue,  2016

Un monde à part

par François Quet

9782812610608D’abord, il y a le ravissement des noms propres : Camille Plumedange dont la beauté est « époustouflante », Hector Boulocarré, le boulanger, Auguste Barbefolle, le « tonitruant bourgmestre », Joséphine Cœurdefruit, « éleveuse de chevaux », ou encore Amédée Soupaleau qui est « idiot à manger ses sabots » et bien d’autres personnages, qui si leur nom est bizarre, nous ressemblent un peu et font que cette terre d’Hurluberland est un peu la nôtre.

Ce qui est étrange au pays des Hurluberlus ce n’est finalement pas, le plus souvent, sa population. Bien sûr, il y a ces trois femmes qui ne chantent que pour les fleurs, bien sûr il y a cet arbre savant qui trouve réponse à toutes les questions des autochtones. Mais la plupart du temps, c’est un événement extérieur qui suspend la vie quotidienne et assez sage des Huluberlus : la présence inopinée d’une porte en pleine forêt derrière laquelle on trouvera la maison d’un vieillard inconnu, une échelle apparue au milieu du village et qui conduit au-delà des nuages, une belle et exigeante inconnue, une île minuscule où vivent des chevaux miniatures, un épais brouillard qui modifie le regard des villageois sur eux-même, un grand vent qui emporte tout sur son passage. L’inspiration d’Olivier Ka, nourrie de contes et de légendes traditionnelles semble sans limite ; il s’amuse à déstabiliser son petit monde, pour mieux le retrouver. Car, à chaque fois ou presque, l’issue de chacun de ces petits récits (qu’on pourrait lire de façon indépendante) reconduit l’univers initial, est une invitation à changer de regard plutôt qu’à changer le monde.

Chaque nouvelle porte en effet une morale implicite : la générosité d’Adélaïde Bellétoffe finit par révéler la bonté de ses compatriotes ; il ne sert à rien de multiplier la beauté des fleurs qui finiraient par étouffer le monde : c’est leur rareté qui fait leur prix ; Camille, l’indécise, perd toute chance d’épouser l’un ou l’autre de ses merveilleux prétendants : lui restera un homme  ordinaire, rencontré par hasard, mais qui doit lui aussi avoir des talents cachés, encore faudra-t-il prendre le temps de le trouver.

La « morale » de chacune de ces petites fables n’est pourtant pas assenée et ne réduit en rien ni le charme du récit ni la fantaisie de l’auteur. Le lecteur reste libre d’attribuer à ces petites aventures la signification qui lui paraît la meilleure, ou pas de signification du tout, si ce qu’il préfère, c’est la rêverie (à laquelle nous invite l’auteur).

Avec des si

Si j’avais une girafe
Shel Silverstein

Grasset-jeunesse,  2016

Avec des si

par François Quet

 

003785104Avec des si disait-on quand j’étais enfant, on mettrait Paris en bouteille. Donc prenons une girafe, étirons la, coiffons la d’un chapeau et d’un rat, habillons la, accrochons lui une rose sur le museau. Imaginons qu’une guêpe lui pique le genou, qu’elle mette ses pieds (chaussés) dans de la glu.… etc. Et puis imaginons qu’on la débarrasse successivement de tous ces éléments. Qu’obtenons-nous ? Bravo ! Vous avez gagné. Si vous ne faites rien de tout ça, alors, tout simplement vous avez une girafe. Ce qui n’est pas mal.

J’avais déjà souligné ici l’utilité de On a toujours besoin d’un rhinocéros chez soi, du même auteur, chez le même éditeur. C’est une autre merveille de fantaisie et d’humour que proposent ici les éditions Grasset (dans une traduction de Christian Demilly). Le crayon de Shel Silverstein rend possible ce que la réalité ne permet pas : un dragon, un vélo, un coffre à roulette, une flûte à et au bec, une girafe en costume etc. Sous les yeux et avec la participation d’un petit enfant, la girafe se transforme, se déplace, fait d’étranges rencontres avant de redevenir une girafe.

Tout cela a le charme des comptines et des contes en randonnée. Le dessin est celui d’un caricaturiste habile, vif et insolent. On ne peut qu’encourager la consommation immodérée de cette invitation au désordre et au rêve.

Little Man

Little Man
Antoine Guilloppé

Gautier-Languereau, 2015

Le rêve de l’exilé

par François Quet

 thLe personnage s’appelle Cassius. On croit d’abord que ce sera une histoire de boxe. Mais non. C’est juste l’histoire d’un rêve d’enfant. Celui-ci rêve qu’il franchit un pont et part à la conquête de la Ville. À la fin de l’album, son père le réveille, c’est son anniversaire : le moment est venu de passer le pont. De Cassius, on sait juste qu’il a fui un pays en guerre, une guerre qui l’a forcé à franchir l’Océan et dont Guilloppé présente deux images terrifiantes sur un fond de végétation proliférante. Sur la ville de l’autre côté du pont, on ne sait rien non plus, sinon qu’une statue gigantesque y veille sur les réfugiés et que cette statue est celle de la Liberté.

Antoine Guilloppé utilise les papiers découpés avec une intelligence magique. De little man aux façades de Big Apple, tout n’est que jeux de proportions et de formes : la préciosité des dentelles de papier évoque ici une toile d’araignée, ailleurs les barreaux d’une prison ou les grilles limitant l’accès à un Eldorado, ailleurs encore une boule à facette réfléchissant une lumière fragmentée ou encore le filet protecteur d’un vitrail splendide. La silhouette de l’enfant noir s’inscrit toute petite sur la trame insensée de la ville géante ; d’autres fois c’est son visage devenu immense qui absorbe et reflète les lumières de la ville.

Le texte d’Antoine Guilloppé est résolument optimiste puisque tout semble devoir sauver l’enfant réfugié, déjà parvenu aux portes de la ville désirée, sous la protection de sa célèbre statue et bientôt admis à la visiter autrement qu’en rêve. Ses images sont cependant beaucoup plus ambiguës. L’enfant est si petit…, il n’arrête pas de courir, il ne rencontre personne (« il a rêvé qu’il jouait à cache-cache avec les adultes »). Sur l’écriteau accroché à une grille (« Please Keep Dogs Off »), c’est Keep off que je lis ou que j’entends ; la silhouette des policiers qui l’observent ne me rassure pas complètement et la beauté de la ville, redessinée par les ciseaux de Guilloppé m’effraie autant qu’elle m’éblouit.

La technique des papiers découpés, habituelle dans le travail de Guilloppé, prend ici une ampleur considérable en raison du thème abordé, mais aussi en raison des dimensions de l’ouvrage (un très grand format carré de 31 x 31) et surtout parce que les pages sont effectivement découpées, ce qui permet des jeux de superpositions saisissants. C’est un tour de force magistral sans doute, mais pas seulement. La magie de l’illustration permet en effet d’interroger la surnaturelle séduction de la métropole américaine.

Rien ne presse, majesté

Rien ne presse, majesté

Pascal Prévot (ill. Benoit Audé)

Éditions du Rouergue, 2015

Vitesse de croisière

par François Quet

3109219335On retiendra d’abord, dans ce petit roman, le ton constamment amusant du récit : les noms des personnages, la circulation permanente entre le monde de la chevalerie et l’univers du quotidien. Quelques similitudes un peu forcées suffisent à faire de l’appartement de Brunehaut un royaume, un peu brouillon certes, mais où il fait bon vivre malgré l’agitation et le surpeuplement. A vrai dire, ce sont surtout les filles qui augmentent la densité de la population sur ce petit territoire. Jonas, le narrateur et le petit dernier de la famille, est entouré d’une maman surbookée et de trois grandes sœurs, et si la vie n’est pas toujours rose, cela pourrait être pire.

Une tortue d’appartement ne devrait pas changer grand chose dans ce petit monde. Et pourtant si ! Jonas remarque bientôt que sa lenteur est littéralement contagieuse. Il suffit de s’approcher d’elle pour que l’envie de prendre son temps vous gagne. Il va donc l’utiliser pour mettre un peu de douceur dans ce monde en effervescence.

Le grand mérite de Pascal Prévot est évidemment de se glisser dans la peau de son petit narrateur, si bien qu’il nous est difficile de savoir si la tortue dont « les petits yeux noirs » semblent afficher une complicité souriante avec le héros, est vraiment douée de pouvoirs magiques ou bien si d’autres raisons peuvent expliquer que le tourbillon de la vie soudain s’arrête et laisse la place à une autre façon de profiter du temps. Les subtils ralentissements que la tortue impose au rythme familial font en effet glisser le récit de la semaine au week-end, de la ville à la mer, de l’Europe à l’Amérique et de l’hyperactivité maternelle à la romance amoureuse. Que demander de mieux ?

Le petit monde de Pascal Prévot est aussi harmonieux que celui des contes (dont il ne connaît même pas la menace des ogres ou des mauvaises fées). Cet éloge de la lenteur est aussi une apologie de la bonne humeur. Une bonne humeur partagée par les images pleines de fantaisie de Benoit Audé qui ne se contente pas d’illustrer le roman : l’impertinence de ses variations tire encore un peu plus ce petit livre du côté de la farce joyeuse.

La fille qui parle à la mer — Le garçon au chien parlant

La fille qui parle à la mer

Le garçon au chien parlant

Claudine Galea (ill. Aurélie Petit)

Éditions du Rouergue, 2013

La mer, dans ses bras

par François Quet

D’une part, c’est Oyana qui passe « de l’autre côté » sur le dos agité de la mer. De l’autre, c’est Loïc qui ne sait pas ce que sont les « réfugiés ». L’histoire de Loïc prend la suite de celle d’Oyana à laquelle elle propose une issue heureuse : ils seront tous deux, l’un pour l’autre, princesse et prince.

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Belle histoire certes que celle de cette adoption, dont on aimerait sans doute qu’elle condense la réalité. Claudine Galea raconte ces deux récits, qui ne font qu’un, au présent la plupart du temps (« Maintenant ils marchent le long de la plage »). Elle enferme le lecteur avec ses personnages dont elle donne à entendre la voix, limitant la représentation de l’extérieur (le décor, les autres…) au strict nécessaire (la voix du passeur, quelques mots des parents de Loïc). Et les nombreux récitatifs donnent une grande puissance aux événements.Il y a une forme de théâtralité dans cette présentation des personnages, ; tout cela donne en tout cas, le sentiment d’une grande présence, intense et rayonnante : « Et elle se dit, J’ai perdu mes chaussures. J’ai perdu le bateau, j’ai perdu les autres (…) et Oyona entend sa propre voix murmurer, Tu n’es pas perdue, Oyana, tu es de l’autre côté de la mer, regarde comme c’est beau ». Les accents durassiens se retrouvent encore dans la brièveté des phrases, la fréquence des reprises anaphoriques, les retours à la ligne, le sens du silence :

« Cette année, c’est différent.

Cette année, il n’est plus seul.

Cette année, il voudrait rester à la maison.

Il voudrait que l’été recommence.

Il voudrait aller courir sur la plage avec Oyona. Il voudrait ramasser les coquillages avec elle. Il voudrait nager avec elle. Il voudrait tout faire avec elle. »

Ces deux petits récits de Claudine Galea constituent donc une belle histoire d’amitié et d’accueil, mais on retiendra surtout la grâce d’une écriture qui force l’attention et suggère l’aventure intérieure au delà des événements et de l’anecdote.

Le secret

Le secret
Émilie Vast

Éditions MeMo, 2015

Chut !

Par François Quet

ob_6e60d3_secret-vastRenarde a un secret qu’elle confie à Lapin, qui le confie à Libellule, qui le répète à Écureuil, qui va voir Hibou, lequel se rend chez Chauve-Souris, qui le dit à Aigrette, qui en parle à Hérisson, qui le chuchote à Pic-Vert, qui le glisse au creux de l’oreille de Cerf. Et Cerf va chez Renarde pour qui ce n’est déjà plus un secret : Renardeau entre ses pattes attend les félicitations de tous les animaux du livre.

C’est un bien joli livre que celui-ci. D’abord il y a le thème du secret si brûlant qu’on a envie de le confier. Ensuite, il y a celui de la naissance et de la solidarité ou de l’affection qu’elle suscite dans toute société. La succession des rencontres et des échange au rythme des doubles pages comme dans un conte de randonnée permet la répétition des mêmes formules (« N’y tenant plus, elle le confie à… ») ou la variation (« Oh ! Extraordinaire … Oh ! Incroyable … Oh ! Fantastique… » etc.). Les doubles pages, admirablement composées, montrent systématiquement à gauche l’instant de la confidence (où un animal se penche et chuchote au creux de l’oreille d’un autre ce secret — que le lecteur ne connaît pas et qu’il ne découvrira qu’à la fin) et à droite la solitude du détenteur de secret dans son environnement végétal.

Mais plus encore, on aime le contraste entre la représentation très simple des animaux (façon papier découpé : une seule couleur, lignes claires sur fond blanc — sauf le hibou et la chauve-souris sur fond anthracite) et les enluminures qui encadrent de façon symétrique (sur la page de droite) l’animal solitaire : Emilie Vast (qui a dessiné des herbiers) cisèle avec beaucoup de préciosité des guirlandes de fleurs, de feuilles et de fruits, dont on retrouve quelques brins dans la procession des animaux venus rendre hommage à la nouvelle maman. La précision du trait, la délicatesse des couleurs, la grâce des couleurs ne sont pas des ornements gratuits qui souligneraient seulement l’habileté de l’artiste ; la richesse graphique est bien le signe d’un émerveillement devant le monde naturel, émerveillement qu’Émilie Vast réussira à partager même avec les plus jeunes lecteurs.

Perdu !

Perdu !
Alice Brière-Haquet, Olivier Philiponneau

Éditions MeMo, 2013

Contine

par François Quet

9782352891246FSPerdu ! est un hommage aux contes (en tous cas, à un conte en particulier) qui prend la forme d’une comptine un peu farce. Sept jours pour perdre un petit bonhomme dans les bois ! Ce n’est pas trop grave : il retrouve à chaque fois son chemin, mais ce n’est pas si simple, car quand il sème des fraises des bois, il constate qu’il y en a déjà des tas, et si ce sont des bonbons au miel qu’il laisse sur son chemin, ils ont fondu au soleil au moment de rebrousser chemin. Bref, passons tout de suite à la moralité de cette reprise loufoque d’une situation dramatique : « Que personne ne me dérange ! Je vais relire deux ou trois contes, ça peut servir à l’occasion ! ».

La structure de la comptine est bien présente et à chaque jour, par rimes plus ou moins savantes, correspondent des semailles plus ou moins fantaisistes mais toujours inefficaces… jusqu’aux cailloux blancs du samedi ! Beaucoup d’humour donc dans ce petit texte parodique, qui sans citer le Petit Poucet y fait constamment référence. Les gravures sur bois d’Olivier Philiponneau privilégient chaque jour une couleur (les fraises des bois, les petits pois, les gouttes d’eau, les pièces d’or, les bonbons au miel, …) avant de se retrouver sur l’arc-en-ciel du dimanche.

Sans se moquer (c’est un risque de la parodie : celui de faire le malin aux dépens de ce qu’on parodie), les auteurs font un clin d’œil malin à une vieille histoire (connue ou encore à découvrir pour les plus jeunes lecteurs) à travers une petite musique très personnelle et une imagerie séduisante.