Œdipe
Yvan Pommaux
Ecole des Loisirs, 2010
La mythologie est-elle pour les enfants?
Par Anne-Marie Mercier
L’histoire d’Œdipe est racontée à travers un récit articulant textes et images (tantôt en pleine page, tantôt distribués en encadrés) à l’intérieur d’un récit cadre sous forme de bande dessinée. Dans ce premier niveau, un grand père raconte, à la demande de ses petits-enfants, une « histoire mythologique », tout en disant qu’il ne les aime pas parce qu’elles finissent mal. D’ailleurs, en dernière page, les enfants renchérissent sur cet avis négatif et demandent de passer à autre chose. Donc, la chose est entendue, ce genre d’histoire – et encore plus celle d’Œdipe – n’est pas pour les enfants et n’a rien à voir avec un conte de fées.
Si cette dernière affirmation est un avertissement salutaire à méditer pour ceux qui feraient l’amalgame entre ‘récit fondateur’ et ‘conte’ (notamment en classe de 6e), l’affirmation précédente (Œdipe, ce n’est pas pour les enfants) montre le problème du public visé par cet album sur Œdipe. Les albums précédents de Pommaux sur des sujets mythologiques (Orphée, Thésée) ne posaient pas ce problème. A qui s’adresse-t-il ? quelle vision de la mythologie, et de ce mythe en particulier, propose-t-il ?
Première réponse : il propose des images. Celles de Pommaux sont superbes et sombres à souhait. Les personnages avancent sous de grands ciels, ciels d’orage ou trompeusement bleus. La Pythie est impressionnante, le sphinx charmant, ou plutôt charmante : on regrette qu’elle disparaisse si vite. Pommaux multiplie les différents cadrages et angles de vue, presque trop : peur de lasser son public, ou volonté de lui faire prendre un point de vue ‘divin’, qui permette de voir les événements de haut, avec distance et détachement ?
Il semble que Yvan Pommaux ait eu du mal à actualiser cette histoire. Son sujet est délicat : il s’agit tout de même d’une histoire qui tourne autour du meurtre du père (meurtre qui suit un abandon du fils par le père). Cette extrême violence est dissimulée en partie : Pommaux choisit d’insister sur le chagrin des parents d’Œdipe plutôt que sur les actions de Laïos qui ont provoqué sa malédiction (autre sujet délicat, l’homosexualité). L’histoire se poursuit avec une version édulcorée dans laquelle Laïos se tue en tombant et non directement sous le coup donné par son fils.
Les dieux sont ici passablement sadiques et jouent avec les humains. A l’issue de tout cela, Œdipe n’est plus un mythe, mais une histoire triste, qui finit mal. Soit. Sans doute l’adaptation à un public est-elle à ce prix (mais à quel public ?). Etait-il bien nécessaire d’employer tout ce talent pour ce résultat ? Faut-il raconter l’histoire d’Œdipe aux enfants au moment où ils la vivent « en toute innocence » ? Vraie question, qui mérite au moins d’être posée.
Une petite fille en sandales, âgée de quelques saisons, s’aventure dans une prairie à la végétation luxuriante. Ce n’est pas pour les auteures le prétexte d’une exploration du monde des plantes et de leurs insectes ; ni d’un petit drame psychologique à fin heureuse, dans une veine désormais bien repérée de la littérature de jeunesse. Il y a bien de la tension, de l’étonnement, de la peur et finalement du soulagement dans ce voyage d’exploration en forêt vierge, mais l’ambition et la réussite de l’album se trouvent ailleurs.
Le texte d’Agnès Desarthe avait déjà été édité en 1992 dans la collection « Renardeau » de l’Ecole des loisirs, mais il était illustré, à l’époque, par Louis Bachelot. Pour cette réédition, une habituée des cochons en propose sa version. En effet, après avoir donné vie à de multiples aventures de la famille très très nombreuse des Quichon, Anaïs Vaugelade présente ici celles de Simon.
D’un « certain âge », la chaise d’une petite fille aspire à être plus attirante et confortable ; les autres objets de la chambre lui prêtent leur concours, en sorte qu’elle ressemble finalement à un trône, prêt à accueillir la petite fille en reine… Madame chaise est un album d’une grande sobriété, dont le charme est une fois encore lié au rapport à l’enfance qui singularise l’œuvre de Dorothée de Monfreid, lui conférant cohérence et renouvellement : les petits d’humains y révèlent une forme imprévisible d’éminence, tout à fait comme dans la tradition des contes de fée – où le règne final des rois et des reines est la promesse faite, dans un esprit merveilleusement démocratique, à tout être en formation.
Dès la page de titre, le lecteur est prévenu : « En rang sur une file et dans l’ordre, s’il vous plaît » annonce un grand panneau de bois au centre de la page. Une hirondelle ajoute : « Bienvenue ! Les derniers arrivés prennent la queue ici ». Et le narrateur, comme s’il prêtait sa voix au lecteur, s’écrie : « Tiens, mais qu’est-ce qu’ils attendent tous ? Allons voir… ». A cet instant, le regard peut enfin se poser sur une grenouille portant un mystérieux « n°50 ».
Le héros anthropomorphe de Lo Gruhier, nouvelle plume et illustratrice prometteuse, devrait rapidement rejoindre ses condisciples de L’Ecole des Loisirs. En effet, tous les éléments constitutifs de ce petit album, qui ne paie pas de mine, le prouvent : le petit cochon au mauvais caractère qui ronchonne rappelle nombre de jeunes enfants qui se reconnaîtront et fera sourire beaucoup de parents ! De plus, l’éloge de l’ennui et de la lenteur comme moteur créatif fonctionne à merveille lorsque Ptit Cochon découvre un escargot devant chez lui. L’investigation concernant sa provenance, en suivant la trace de bave de son chemin, va emmener le jeune héros très loin.
Pour ceux qui trouvent que Les Hauts de Hurle-vent serait un chef d’œuvre si le texte était moins bavard et moins diffus, l’idée d’une adaptation est séduisante. Pour les jeunes lecteurs, c’est également une bonne idée : ce livre culte risque de devenir peu accessible avec le temps, à moins d’être inclus au programme scolaire, chose possible dans les pays anglophones (c’est le livre préféré de l’héroïne de Twilight…), mais difficile dans le nôtre.