À l’école il y a (encore) des règles!

À l’école il y a (encore) des règles !
Laurence Salaün, Emmanuelle Cueff, Gilles Rapaport
Seuil jeunesse, 2023

… mais on rit toujours autant !

Par Anne-Marie Mercier

À l’école, il y a des règles ! des mêmes auteurs, voilà une nouvelle liste… Le succès de l’ouvrage précédent est confirmé par les nombreuses vidéos que l’on trouve sur Youtube, pas toujours réussies… A contrario, j’en ai vu une, avec une posture que je trouve intéressante et qui illustre ce qu’il ne faut pas faire avec cet album :  on ne se moque pas des enfants, on n’insiste pas sur le fait que leur bonne volonté est souvent  insupportable (le texte le suggère assez), on est juste un peu sarcastique vis-à-vis des ruses des parents ; le tout est dit avec un ton un peu rigide, ce qui va bien avec le texte et fait un contraste comique avec la loufoquerie des images.

Que de règles à apprendre, pour les enfants ! Mais encore que d’humour, aussi bien dans le texte que dans l’image. On y lit l’exaspération des adultes devant les questions répétées, les injonctions ignorées, les inventions et drôleries moins drôles quand il faut en essuyer les conséquences. On y lit aussi tout l’apprentissage nécessaire pour devenir élève…
Au milieu d’injonctions simples, surtout en forme de négation, on trouve des conseils pour persévérer malgré la difficulté, à faire face à ses responsabilités et réparer les erreurs, faire confiance… et ne pas faire la leçon à la maitresse sur le brachiosaure !
Voir quelques pages sur le site de l’éditeur

Rappelons les chroniques de Christine Moulin sur les livres de Gilles Rapaport et Laurence Salaün, Alors, c’est quoi la vie? (2021) et des mêmes, avec déjà Emmanuelle Cueff, C’est quoi être un bon élève ? (2017)

 

Le Bain de huit heures

Le Bain de huit heures
Nina Blanchot
Tsarines, 2022

Le héros de huit heures (le/la prof)

Par Anne-Marie Mercier

Après l’ouvrage de Sarah Alami publié chez le même éditeur (Tsarines), Comment lire de vieux textes avec de jeunes élèves ?, qui proposait des séquences de français, voilà l’éditrice elle-même qui prend la parole, pour dire autrement son expérience du métier de « prof de français » (ou de lettres…).
Dans un roman graphique beau, coloré et inventif, jouant de manière variée avec les cadres, rythmé, elle raconte des fragments de sa vie de prof : le cauchemar qui lui vient en fin d’été, au moment où la rentrée approche, le souvenir de son premier cours, l’allure de sa première année, les moments marquants, les échecs cuisants et les probables réussites. Le dessin mêle portraits et décors à grands traits et figures inventées : oiseaux de malheur, sourires flottants… Les dispositions labyrinthiques, les flous, les explosions, toutes sortes d’événements graphiques donnent à cette vie une présence. C’est un réel vécu et senti, éprouvé, que nous sommes invités à visiter.
Le discours est plein de modestie : l’autrice ne se présente pas comme une héroïne du savoir (de très belles réflexions sur la connaissance, représentée comme un cachalot), ni de la pédagogie, ni comme une martyre de la cause. Elle se met parfois en accusation ; à d’autres moments, discrètement, elle s’interroge sur l’institution.
Le ton reste léger. Les dialogues de la débutante avec son compagnon en fin de journée sont drôles et grinçants dans le décalage qu’ils suggèrent. L’espoir d’avoir semé quelque chose fait tenir debout, comme les rencontres avec les ami/es, l’humour, et l’amour de la poésie.
Le livre s’achève en glorification, timide mais réelle, de ces combattant/es du quotidien : « prof : la routine héroïque ».

 

 

 

 

Le Problème

Le Problème
Marcel Aymé, May Angeli
Éditions des éléphants, 2020

 

Les maths, la poule et le réel

Par Anne-Marie Mercier

La réédition des Contes du chat perché de Marcel Aymé par les Éditions des éléphants est chaque fois une heureuse surprise. On a beau croire bien connaitre ces histoires, c’est toujours un bonheur de les retrouver, surtout avec les belles images de May Angeli. Réalisées avec des bois gravés, elles ont la patine des images anciennes, des couleurs intenses, une naïveté touchante.

« Le Problème » est un des meilleurs contes. Il met en scène les deux fillettes face à un problème mathématique dont l’énoncé fait sourire tant il est représentatif d’une pédagogie qui tentait (bien maladroitement et faussement, comme ici) de mettre les élèves face à des questions concrètes : « les bois de la commune ont une étendue de seize hectares. Sachant qu’un are est planté de trois chênes, de deux hêtres et d’un bouleau, combien les bois de la commune contiennent-ils d’arbres de chaque espèce ? »
Les parents se fâchent, comme d’habitude, les fillettes ont du mal à se concentrer, comme toujours et pleurent à l’idée de la punition : les animaux décident de les aider. Tout cela est très dôle, notamment les scènes de dispute entre le cochon et les autres animaux (il a vraiment un caractère de cochon) et le dénouement en classe, en présence de l’inspecteur, avec une conclusion savoureuse pleine d’implicite.
Voyez aussi « L’éléphant« , extraordinaire, que les Éditions des Éléphants ont mis très tôt à leur catalogue, bien sûr !
Extrait du site de l’éditeur : « Nées en 2015 sous le signe de la longévité, les Éditions des Éléphants proposent des albums pour enfants qui cultivent toutes les qualités de l’éléphant. Force, grâce, intelligence, mémoire… se retrouvent au fil de nos livres. »

 

Par Anne-Marie Mercier