100 princesses à créer
Ia Chhuy-Ing, Raphaël Hadid
Père Castor – Flammarion, 2012
100% princesses
Par Caroline Scandale
On le sait, les petites filles aiment le rose, s’habillent en princesses et rêvent du prince charmant. Elles sont plus sages que les garçons, aiment les jeux calmes d’intérieur, notamment dessiner des princesses… L’idée est un peu usée mais toujours vivace. La nature imposerait des rôles et des comportements aux hommes et aux femmes. Selon ce principe ancestral et rassurant, de nombreux parents achèteront 100 princesses à créer à leurs petites lolitas…
Père Castor-Flammarion propose ici une collection intitulée « 100… à créer ». Déclinée pour l’instant en quatre thématiques trés appréciées des jeunes lecteurs: les chevaliers, les dinosaures, les chevaux et donc les princesses. Le principe est d’apprendre à dessiner des modèles de personnages ou d’animaux, en plusieurs étapes, puis de les créer à partir de pochoirs et d’autocollants. Au verso de chaque page, des anecdotes historiques garantissent un minimum syndical de culture. Ces ouvrages jouent sur des codes couleurs stéréotypés pour les deux thèmes sexués que sont les princesses et les chevaliers. Les dinosaures et les chevaux, qui le sont moins, bénéficient de coloris plus neutres comme le vert et le orange.
Ce que l’on peut reprocher principalement à ce livre d’activités est qu’il ne surprend pas. On ne croise pas des princesses rebelles, décalées ou loufoques mais uniquement des modèles de princesses délicates et charmantes, que l’on devine sensibles et secrètement amoureuses. De ce fait il véhicule la panoplie complète des stéréotypes de sexes. Étape par étape la jeune lectrice découvre un seul modèle féminin abrutissant, la princesse, ici, lisse à souhait. Au lieu de prendre à contre pieds ce stéréotype, 100 princesses à créer en fait une icône superficielle et donc soumise. Ainsi, les petites filles intègrent une image peu valorisée d’elles-mêmes. Dommage…
Sur chaque double-page de cet album d’une fraîcheur d’embruns, trois à sept vers d’une densité irréprochable rayonnent au milieu d’un tableau-poème. L’un à côté de l’autre, l’un avec l’autre, texte et image battent une chamade maîtrisée et irrésistible, évoquant la meilleure tradition du poème illustré pour enfants, mais ouvrant aussi une voie à part, métissée et résolument moderne. Ouvrir un album de poésie et être emporté par un rythme, un air, prendre envie de voir par les fenêtres et de prolonger l’évidence esthétique crayon(s) à la main est une expérience marquante – permise ici par la rencontre opportune d’une auteure féconde et d’une jeune illustratrice dépositaire d’une chatoyante culture des arts textiles.
La seule manière évidente de fêter la longévité d’un éditeur comme le Père Castor était de redonner à lire, aux enfants de 2011, ses toujours très jeunes premiers classiques. La petite bibliothèque du Père Castor réunit ainsi dans un coffret Michka (1941), Roule Galette (1950), La Plus mignonne des petites souris (1953), Conte de la Marguerite (1959), La Vache orange (1961), Le Grand cerf (1972).
Le fameux conte de la petite poule rousse, classique, traitant de la solidarité avec impertinence, revient mais… elle est rouge ! La couverture, avec cette toute petite gallinacée à la grande ombre, donne envie de redécouvrir cette histoire de poule faisant son pain toute seule, sans aucune aide de ses amis, paresseux et pas généreux. Les illustrations, colorées et vives, la réactualisent et la tournure répétitive choisie pour ce conte en randonnée le rend très accessible. Le Père Castor reste un incontournable pour les contes traditionnels et la volonté affichée de modernisation des illustrations fonctionne parfaitement dans ce nouvel opus !