Mes rêves au grand galop

Mes rêves au grand galop
Didier Jean et Zad, Didier Garguilo (ill.)
Rageot, 2013

Voilà un livre qui « fait le job »

par Christine Moulin

reves galop« Classique »: ce terme, parfois péjoratif, devrait reprendre du galon pour qualifier le roman de Didier Jean et Zad. Classique la couverture, qui rappelle les magazines pour ados des années 70 (style 15 ans -1-). Classique le titre qui ne ment pas sur la marchandise: il va être question de cheval et cela va être émouvant. Classique l’intrigue : une jeune fille, Inès, victime d’un accident qui l’a paralysée, reprend goût à la vie et cesse de rudoyer son entourage, grâce à l’amoureuse amitié d’un jeune homme, Sébastien, qu’elle déteste, évidemment, dès leur première rencontre. Les dialogues, authentiques, rendent bien compte des relations parfois épineuses entre les personnages. Un peu moins classique, la narration alternée permet de varier les points de vue et de pénétrer dans la psychologie des deux ados. L’ensemble se lit vite, se lit bien, évite les écueils moralisateurs de certains livres sur le handicap et respire l’optimisme. Le fait que les adultes y soient bien traités, positifs et solides, joue pour beaucoup dans cette impression que le livre, sous des apparences ordinaires, est nimbé d’une douce lumière.

-1- pour mémoire, un exemple :

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Manon Fargetton

Rageot, 2014

Le suivant sur la liste…des romans à lire

Par Matthieu Freyheit

LesuivantsurlalisteNathan est un mordu d’informatique, un petit génie et hacker prodigieux, fidèle à l’image fictionnelle du hacker. Morgane est une reine de popularité : ne pas l’aimer est semble-t-il impossible. Timothée, le cousin de Nathan, est protégé de son empathie maladive par les murs de la clinique des Cigognes. Izia, rebelle solitaire, et Samuel, rebelle solitaire (bis), ne sont pas tout à fait communs non plus. Vous découvrirez que tout cela n’a rien de naturel. Mais il ne faut pas attendre jusque là pour que s’emballent les choses : dans les premières pages déjà, on comprend que Nathan est sur la piste d’un secret dérangeant qui ne concerne pas que lui. Dans les premières pages déjà, la voiture fonce à vive allure, mettant un terme définitif (pense-t-on) aux recherches du jeune adolescent. Mystères, complots, faux accidents et courses-poursuites, la vie de cette poignée de collégiens bascule avec la mort de Nathan et l’envoi d’étranges emails posthumes… Dans ce roman palpitant, l’univers du thriller se mêle efficacement à celui de la science-fiction et du marvel. Un art du mélange et de l’hybridation (une association du fond et de la forme qui dans ce roman fonctionne parfaitement) que Manon Fargetton avait déjà initié dans Aussi libres qu’un rêve (2013).

Ici, la convoitise des uns fait le malheur des autres, et le potentiel révélé devient un fardeau à cacher, tandis que la solidarité du groupe est mise à rude épreuve. Ce qui n’empêche pas l’auteure de dessiner, parallèlement, les contours d’une belle et cruelle histoire tantôt d’amour, tantôt d’amitié. Tantôt de trahison. Le motif classique du superhéros, assez peu représenté en France, trouve ici une application intéressante parce que discrète : sans spectacle, Manon Fargetton crée du rythme, de l’aventure, de la tension, presque du cinéma, tant l’écriture restitue ici un mouvement continuel (des corps, mais aussi des sens).

C’est, en somme, un très bon roman qui confirme la qualité de la série Thriller de Rageot qui s’affirme comme une collection incontournable du thriller dans la littérature adolescente. Quant au roman de Manon Fargetton, il s’achève sur la promesse d’une suite, que l’on ne peut qu’attendre avec avidité.

 

 

La Saga de Sakari. Banquises de feu

La Saga de Sakari. Banquises de feu
Guillaume Lebeau

Rageot, 2012

Par Anne-Marie Mercier

sakariGuillaume Lebeau a  en tête une belle saga, un univers glacial superbe, des personnages attachants. Mais l’écriture à mon avis ne suit pas et c’est bien dommage. Elle adopte souvent un style épique (pourquoi pas, puisque c’est une « saga » ?), mais manque de naturel même dans ce cadre. Parfois, sur un ou deux paragraphes ce style prend, mais retombe ensuite, ce qui rend la lecture pénible.
Des astérisques signalent un lexique du nord très riche mais qui parfois qui laisse perplexe : est-il besoin de définir des termes comme « glace », « banquise », « phoque » ?

Deux pirates pour un trésor

Deux pirates pour un trésor
Roger Judenne

Rageot, 2012

Pirates just want to have fun ?

Par Matthieu Freyheit

Deux_pirates_pour_un_tresorOn le sait depuis longtemps déjà, les pirates sont des comiques. Polanski en a fait la preuve dans son célèbre et ruineux Pirates. C’est que le pirate a cessé, avec le tremblant capitaine Crochet de la version Disney, d’être cette créature terrifiante et destructrice, cet ogre dévoreur d’enfant qui apparaissait dans les illustrations aux premières éditions du Peter and Wendy de James Matthew Barrie. Depuis, il n’est souvent rien d’autre qu’un joyeux et sympathique compagnon, aussi affable que le sont les membres de la famille pirate du dessin animé du même nom, accompagnés de leur fidèle crocodile Sac-à-main.

Bref, on connaît le potentiel comique/ridicule du personnage de pirate, que devrait confirmer ce petit ouvrage destiné, précise une quatrième de couverture enthousiaste, à « se lancer à l’abordage& du rire ! » Pour l’abordage, mettons. Quant au rire, c’est une autre affaire. Le volume est composé de huit récits très courts sur le thème de la piraterie, explorant un univers archi-connu pour en travestir et en désamorcer les motifs d’aventure, d’action et de violence et les convertir en rire. Le procédé, connu, tient théoriquement la route. Théoriquement. Mais il faut le génie d’un Polanski pour réaliser l’exploit de transformer l’essai. En l’occurrence, ni Deux Pirates pour un trésor ni aucun des sept autres récits ne parviennent à leur fin. Les textes manquent certainement de la vie, du rythme, de l’originalité et de l’audace nécessaires au rire. Il en faudra plus pour susciter quelque réaction chez les lecteurs/lectrices visé(e)s. Dommage.

A comme association, t. 7 : Car nos cœurs sont hantés

A comme association, t. 7 : Car nos cœurs sont hantés
Erik L’Homme
Gallimard / Rageot,  2012

Une série hantée

Par Anne-Marie Mercier

On avait laissé dans le tome précédent Jasper en mauvaise posture. Qu’on se rassure : c’est de pire en pire ! Si ce tome a les faiblesses (enfin, à mon goût) des précédents (langage faussement ado, jeu convenu avec les stéréotypes, pastiche un peu trop systématique donc lassant des lieux de la fantasy…), en revanche il développe davantage leurs qualités : les moment de réflexion et de souvenir de Jasper sont beaux et touchants, l’intrigue surprend par ses rebondissements, la métamorphose qu’il subie bien mystérieuse, le mélange roman d’espionnage / roman de fantasy / roman d’initiation très réussi…

La série, qui avait connu un infléchissement à la mort de Pierre Bottero, co-auteur, semble ici trouver une nouvelle dynamique, un ton plus juste. On lui souhaite bonne chance sur cette voie… et on attend la suite avec curiosité, ce qui est bon signe pour une série !

Lire mes chroniques sur les vol 3 et 4.

A comme association (4 et 5)

A comme association,
t. 4, Le subtil parfum du souffre

Pierre Bottero

t. 5, Là où les mots n’existent pas

Eric Lhomme

Gallimard jeunesse/Rageot, 2011

 Par Anne-Marie Mercier

acommeassociation4.jpgLes deux derniers volumes de la série sont portés par l’ombre de la disparition de Pierre Bottero, mort dans un accident de moto en 2009. De façon assez sidérante, le volume 4 se clôt sur le départ d’Ombe et de Jasper pour une virée en moto, eux qui se définissent mutuellement « sans casque » et sans  prudence. Le livre s’achève sur ces mot : « la vie mérite d’être vécue. Toujours. »

acommeassociation5.jpgDans le 5e volume, Eric Lhomme prend acte de la disparition de son coéquipier et ami : Ombe est morte, ne reste que Jasper, décidé à la venger. Ce roman, hanté par la disparition, peine à prendre son rythme. Il est parasité par les interventions continuelles d’Ombe dans la tête de Jasper et parfois par une contamination du style oral d’Ombe. Il est aussi un peu trop répétitif (trop de passages d’invocations magiques), très morbide ; enfin, il a des allures de roman de deuil, de ressassement. Ce n’est que vers la fin qu’il parvient à prendre une véritable consistance en introduisant de la complexité et en suggérant un nouveau départ, comme si le deuil avait fait son travail. A suivre, donc ?

Oui : Le sixième volume paraitra en octobre prochain.

On souhaite à Eric Lhomme bonne route sur ce chemin désormais solitaire.

 Dans les premières pages des livres comme sur le site consacré à cette série (http://www.acommeassociation-leslivres.fr), on peut lire le récit de la rencontre entre Pierre Bottero et Eric Lhomme, l’immédiate complicité, et le projet en trois points qui a donné cette série :

« – l’association (deux auteurs et deux éditeurs, main dans la main),
– la nouveauté (cet univers commun ne renvoie à aucun de nos univers particuliers, sinon pour des clins d’œil ponctuels),
– le plaisir (plaisir d’écrire, d’imaginer et de délirer ensemble). »

Si le projet est original, les clins d’œil aux deux œuvres ne sont pas si ponctuels que cela. La série joue beaucoup sur l’humour : de nombreux clichés, stéréotypes ou contre-stéréotypes, des allusions aux autres auteurs de fantasy (notamment à travers les noms de rues). Les volumes sont courts, l’intrigue et la psychologie peu fouillées, le style très oral (notamment pour les textes de Bottero qui n’ont pas pu être relus par lui).

L’univers, c’est celui de « l’association » dirigée par Walter, mademoiselle Rose et le Sphinx, qui semblent sortis d’une série d’espionnage (imités de ‘M’, le patron de James Bond, sa secrétaire Miss Moneypenny et de Boothroyd (ou ‘Q’) génial inventeur de gadgets). Cet univers est mixé avec des personnages d’histoires fantastiques ou de fantasy, plus familières aux deux auteurs : vampires (pas très charmants), trolls, etc.

L’Association est chargée de maintenir la paix entre les humains (les ‘normaux’) et les ‘anormaux’ et recrute ses agents parmi des créatures hybrides (les ‘paranormaux’), humains aux pouvoirs spéciaux. La jeune Ombe est indestructible et très virile dans ses actions comme dans ses propos. Le jeune Jasper est plus délicat, presque efféminé, et est très fort en incantations magiques. Quant aux vampires, trolls, etc, ils semblent sortis de films de série B ou de BD parodiques.