La vie est belle

La Vie est belle
Christophe Léon
La joie de lire, Encrage   2013

  Souffrance au travail

Par Maryse Vuillermet

la vie ets  belle image J’avais été frappée par  la force et l’horreur d’un des romans précédents de Christophe Léon Silence, on irradie, publié chez Thierry Magnier en 2009 qui se situait dans des territoires dévastés par une explosion nucléaire. Celui-ci se déroule dans une famille dévastée  par  une explosion sociale. L’histoire commence par le récit fait par plusieurs passants de la défenestration  d’un homme sur  son lieu travail.

Puis, le récit se poursuit à la première personne du singulier. Lewis,  le narrateur,  quinze ans, fils de la victime du suicide, nous explique sa stratégie très réfléchie,  presque diabolique pour rencontrer et devenir l’ami de Julia,  une fille de son lycée. Or, il ne l’aime pas, et elle n’est pas jolie. Peu à peu, grâce à des retours en arrière, on comprend que son unique projet est la vengeance. En effet, son père a été harcelé par son chef,  humilié et conduit à la dépression et au suicide ; son sentiment d’échec, ses souffrances l’ont détruit,  lui et sa famille et le responsable, son patron, est le père de Julia.

Mais la mère de Lewis, elle,  a décidé de tourner la page, elle rencontre un homme simple et joyeux et veut refaire sa vie. Evidemment, Lewis le déteste mais accepte de l’accompagner au stand  de tir où il apprend à manier une arme. Les travaux d’approche fonctionnent,  il devient ami avec Julia qui, contre toute attente, se révèle être une fille intéressante.

Le grand jour arrive, il est invité  par les parents de Julia qui est même devenue jolie avec un peu de maquillage. Son frère Oscar a compris qui est Lewis, mais c’est un rebelle dans sa famille, il déteste son père et veut assister au règlement de compte.Tout semble se passer bien, le père de Julia, l’odieux patron qui a harcelé son employé, s’intéresse à Lewis, se montre prévenant. Que  va faire Lewis ? Va-t-il accomplir sa vengeance ?

Atmosphère étouffante et cruelle.  Suspens jusqu’à la fin.

Et récit d’une actualité poignante. L’entreprise s’appelle Violet Telecom, elle pourrait être n’importe laquelle des grandes sociétés de service qui maltraitent leurs employés et dont les suicides font régulièrement la une de la presse.Tous les protagonistes de l’histoire sont les victimes collatérales de ce nouveau fléau social mené au nom de la rentabilité,  appelé  harcèlement  au travail.

La Vraie folle histoire du gros canard jaune

La Vraie folle histoire du gros canard jaune
Nathalie Meynet, Guillaume Plantevin
Océan Jeunesse 2011

La meilleure volonté didactique ne donne pas toujours de bons albums

par Sophie Genin

lavraiefollehistoireL’éditeur indique que le récit de ce comptable qui rêve d’être un gros canard jaune, est « une histoire un peu folle sur le mode du conte traditionnel qui parle des envies et des vocations profondes de chacun, qui peuvent ressurgir à n’importe quel moment de la vie… ». Soit. Mais cette volonté didactique, soutenue en fin d’ouvrage par une page intitulée « Tu veux faire quoi plus tard », semble avoir empêché l’intérêt littéraire.

Qu’est-ce qu’on s’ennuie à suivre ce pauvre homme qui fait un jour (involontairement d’ailleurs, renvoyé de son métier, celui qui, accessoirement, le nourrit) son coming out et sort déguisé pour aller jouer avec les enfants dans les parcs pour des « caresses sur bisous et bisous sur caresses » ! Il affrontera dorénavant la vie en « gros canard jaune ». On peut penser que cet happy end peut pousser les jeunes lecteurs à être eux-mêmes mais le principe de réalité est omniprésent et va en sens inverse de cette idée : être soi-même est incompatible avec le travail ! Le message, surtout en temps de crise, est gênant. Le conte n’est peut-être pas allé assez loin dans le loufoque pour quitter réellement une réalité pas toujours attirante, il est vrai. Dommage que les bonnes intentions ne donnent pas toujours des albums intéressants !