Jojo le manchot papou

Jojo le manchot papou
Julia Donaldson et Axel Scheffler
Traduit (anglais) par Emmanuel Gros
Gallimard Jeunesse, janvier 2025

« On ne change pas une équipe qui gagne »

Par Lidia Filippini

Avec Jojo le manchot papou, nous plongeons de nouveau dans l’univers tout en couleurs d’Axel Scheffler. Son trait caractéristique, reconnaissable au premier coup d’œil, a un côté rassurant. Les couleurs vives, le sourire plaqué sur chacun des personnages… c’est un monde dans lequel on aimerait vivre tant tout y paraît joyeux et bienveillant. Le lecteur retrouve en outre des paysages glacés et une baleine qui ressemblent à s’y méprendre à ceux d’un autre album des mêmes auteurs, La Baleine et l’Escargote.
Le texte rimé de Julia Donaldson suit lui aussi la recette habituelle : le protagoniste animal (ici un manchot papou comme l’indique le titre) rêve d’aventure. Il parcourt le monde et rencontre, ce faisant, une galerie de personnages tantôt menaçants (un troupeau de morses), tantôt amicaux (un ours blanc, une sterne). Il traverse des moments difficiles et noue des amitiés sincères ce qui lui permet, en retour, d’en apprendre un peu plus sur lui-même. Arrivé grandi au terme de son voyage, il est prêt à commencer une nouvelle vie.
Il s’agit bel et bien d’un récit initiatique qui suggère à l’enfant de partir lui aussi à la recherche de lui-même, de prendre plaisir à avancer dans la vie, de rebondir après les coups durs pour mieux apprécier les bons moments.
Rien d’original ici, par rapport aux autres albums de Donaldson et Sheffler. Mais, même s’il manque le petit quelque chose en plus qui a fait le succès de Gruffalo, on prend tout de même un très grand plaisir à suivre Jojo le manchot dans sa recherche du Pôle Sud.

On peut sans doute le mettre en relation avec Le Long Voyage du pingouin vers la jungle, œuvre théâtrale riche et complexe de Jean-Gabriel Nordmann (NDLR).

 

 

 

Comment j’ai appris à parler ours

Comment j’ai appris à parler ours
Didier Lévy, Anaïs Brunet (ill.)
L’école des loisirs (Mouche), 2022

Gloumou !

Par Anne-Marie Mercier

Si le titre laisse rêveur, le récit est encore plus farfelu. On y apprend que les ours sont sensibles à la poésie, surtout à Victor Hugo (contrairement aux loups). L’un d’eux, très collant avec le narrateur, sait manipuler un détecteur d’ours, vole ses pantoufles et, plus surprenant encore la photo de sa grand-mère.
On apprendra par la suite pourquoi cette grand-mère l’intéresse (et le narrateur découvrira ainsi une facette cachée de cette admirable vieille dame), ce qui entrainera les deux nouveaux amis dans une jolie aventure de libération des animaux en captivité.

Un lexique, à la fin, nous donne la clé de certains dialogues qui sans cela resteraient un peu obscurs (enfin ce n’est pas grave non plus : si vous voulez savoir ce que signifie Gloumou, allez voir).
Les belles images d’Anaïs Brunet, japonisantes, suffiraient à nous faire aimer cette histoire loufoque d’une amitié paradoxale qui s’achève en plaidoyer pour la cause animale.

 

L’œil du loup

L’œil du loup
Daniel Pennac
illustré par Catherine Reisser, mis en musique par Karol Beffa, orchestre de chambre de Paris, Gallimard jeunesse/Nathan, 2012

Le chant des mondes

Par Anne-Marie Mercier

Le célèbre récit de Pennac se suffit à lui-même, certes et il était déjà dans sa première édition bien illustré. Tout développement aurait pu sembler inutile. Et pourtant, cette version illustrée et accompagnée d’un CD, loin d’être superflue, lui donne une nouvelle vie: les dessins sobres de Catherine Reisser (qui avait illustré la version pocket) encadrent le texte, s’y inscrivent parfois, l’aèrent.

Le narrateur est parfait : c’est l’auteur lui-même et il le dit aussi bien qu’un acteur professionnel, sobrement, marquant des pauses. On échappe ainsi aux dialogues portés par des voix enfantines, rarement justes. La musique est belle et colle à l’atmosphère du récit sans être envahissante; elle s’inscrit dans les temps de silence de la voix et prolonge la force du dit. L’ensemble est parfait.