A propos Sophie Genin

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Le Retour de la demoiselle

Le Retour de la demoiselle
Cathy Itak
Ecole des Loisirs (Médium), 2011

Un roman coup de poing sur l’orientation professionnelle – mais pas que

par Sophie Genin

LeRetourdelademoiselleCathy Itak s’est inspirée, pour rédiger ce roman, d’une histoire vraie racontée dans un article de journal que l’on trouve à la fin du livre. Mais, à partir de ce matériau premier, elle brode un conte mêlant rêve et réalité avec une habileté fascinante. Elle réussit à nous entraîner dans la mythologie celtique avec son univers envoûtant, tout en campant un héros jurassien, comme elle. Ce garçon va se découvrir et d’ado paumé trouver sa voie professionnelle, grâce à la révélation qui lui sera faite un après-midi dans une clairière où une jeune femme joue de la harpe celtique.

L’écriture de Cathy Itak, toujours coup de poing (pour s’en convaincre, lire dans la collection « D’une seule voix » chez Actes Sud Junior Rien que ta peau et 50 minutes avec toi), fonctionne à merveille : nous suivons les pérégrinations de cet ado touchant sans perdre de vue le contenu indiqué par le titre : le retour de la demoiselle, une libellule disparue depuis 133 ans et redécouverte en Franche-Comté en 2009. Si vous voulez savoir comment l’auteure tisse avec brio ces différentes fils, ouvrez ce roman que vous n’êtes pas prêts d’oublier ! Et n’hésitez pas à écouter, pour accompagner votre lecture, de la harpe celtique, comme vous y invitent, entre autres informations complémentaires, les annexes.

J’y vais !

J’y vais !
Matthieu Maudet
L’Ecole des loisirs (loulou et compagnie), 2011

Humour très efficace pour les plus jeunes

par Sophie Genin

Jy vaisUn petit livre cartonné présente sur la couverture un oiseau harnaché : parapluie, lampe de poche, livre et casquette. Il est décidé et toute sa famille lui remet l’un de ces objets au cas où. Mais où va-t-il ? Pour le savoir, il vous faudra lire la chute de cet album à structure répétitive, chute rigolote et adaptée au jeune âge du lecteur.

La Vraie folle histoire du gros canard jaune

La Vraie folle histoire du gros canard jaune
Nathalie Meynet, Guillaume Plantevin
Océan Jeunesse 2011

La meilleure volonté didactique ne donne pas toujours de bons albums

par Sophie Genin

lavraiefollehistoireL’éditeur indique que le récit de ce comptable qui rêve d’être un gros canard jaune, est « une histoire un peu folle sur le mode du conte traditionnel qui parle des envies et des vocations profondes de chacun, qui peuvent ressurgir à n’importe quel moment de la vie… ». Soit. Mais cette volonté didactique, soutenue en fin d’ouvrage par une page intitulée « Tu veux faire quoi plus tard », semble avoir empêché l’intérêt littéraire.

Qu’est-ce qu’on s’ennuie à suivre ce pauvre homme qui fait un jour (involontairement d’ailleurs, renvoyé de son métier, celui qui, accessoirement, le nourrit) son coming out et sort déguisé pour aller jouer avec les enfants dans les parcs pour des « caresses sur bisous et bisous sur caresses » ! Il affrontera dorénavant la vie en « gros canard jaune ». On peut penser que cet happy end peut pousser les jeunes lecteurs à être eux-mêmes mais le principe de réalité est omniprésent et va en sens inverse de cette idée : être soi-même est incompatible avec le travail ! Le message, surtout en temps de crise, est gênant. Le conte n’est peut-être pas allé assez loin dans le loufoque pour quitter réellement une réalité pas toujours attirante, il est vrai. Dommage que les bonnes intentions ne donnent pas toujours des albums intéressants !

Noémie princesse fourmi

Noémie princesse fourmi
Anton Krings
Gallimard Jeunesse (Giboulées, « Drôles de petites bêtes »), 2011

Anton Krings tire sur la corde !

par Sophie Genin

noemieEt une nouvelle petite bête à mettre entre les mains d’une Noémie que vous connaîtriez ! Ben, oui ! C’est bien le principe de cette série : trouver le prénom de l’enfant que l’on connaît ! Sorti de cet intérêt, on retrouve dans cet opus le jardin d’Anton Krings ainsi qu’un certain nombre de ses habitants.

Nous découvrons un nouveau personnage : celui d’une fourmi ouvrière qui rêve de rencontrer la reine des abeilles (ah ! Les dégâts de la lecture de magazines people chez les fourmis !), fantasme qu’elle va pouvoir vivre grâce à ses amis (ah ! La solidarité de ce jardin idyllique !), enfin qu’elle aurait dû vivre mais Mireille l’abeille s’est trop avancée : la reine refuse de recevoir les fourmis, pilleuses de sucre devant l’éternel ! Heureusement, le très célèbre Loulou le pou va trouver une solution : si Noémie se déguise en reine, on oubliera ses origines (vive la société de l’apparence contre celle l’être !). Sauf que tout ne se passera pas comme prévu et que c’est en loque qu’elle se présentera à l’horrible chef des butineuses ! Honteuse, elle s’enfuira mais, heureusement encore, Carole la luciole la transformera en Cendrillon le soir du bal, beau clin d’oeil au conte éponyme, si ce n’était le jeu de mots final dont est friand l’auteur (et qui fait penser que le public n’est pas si jeune que l’on croit pour ces histoires) : « les souliers de vers à soie » de Noémie !

Si Noémie ne vous attire pas spécialement, je vous conseille un autre personnage intéressant : allez donc lire Léon l’étron d’Antonin Louchard, dans la collection « Tête de lard » chez Thierry Magnier, à ne mettre qu’entre des mains adultes ou en tous cas aptes à comprendre le quinzième degré !

Construis ton village

Construis ton village
Usborne (maquette), 2011

Voyage au Moyen-Age

par Sophie Genin

ConstruistonvillageCe livre d’activités, associé à de la colle, des ciseaux et un cutter, permettra aux enfants de construire un village médiéval. La maquette a été, selon l’éditeur, « conçue en fonction de la réalité historique » et la qualité des détails (plus de cinquante personnages de 2 cm de haut !) et du papier, ainsi que l’aide à la construction apportée en fin d’ouvrage, font de cette création une idée originale pour découvrir la vie au Moyen-Age pour des enfants minutieux et patients.

 

Une Chanson douce

Une Chanson douce
Chantée par Henri Salvador, illustrée par Eric Puybaret
Casterman (Tralalère, avec CD), 2011

Nostalgie enfantine

par Sophie Genin

unechansondouceNous connaissons tous le début de la fameuse chanson d’Henri Salvador : « Une chanson douce que me chantait ma maman, en suçant mon pouce, j’écoutais en m’endormant… ». Mais qui se souvient de la suite de cette berceuse, suite indiquée par le sous-titre de cette version illustrée : « le loup, la biche et le chevalier » ? Grâce à Casterman et la collection « Tralalère », nous allons tous pouvoir nous plonger dans ce conte, envoûtés par la voix inimitable de son interprète et, surtout, par l’univers onirique proposé par Eric Puybaret.

Frida et Diego au pays des squelettes

Frida et Diego au pays des squelettes

Fabian Négrin

Seuil Jeunesse 2011

Hommage à Frida Kahlo et Diego Rivera

par Sophie Genin

 Dans ce très bel album grand format, l’auteur illustrateur raconte d’abord une histoire d’amour d’enfants, donc une histoire extrême et profonde, sans compromis. Il raconte aussi une histoire de jalousie et de mort. En effet, le jour de la fête des morts, au Mexique, est un jour de friandise et de jeu pour les enfants. Mais cette nuit-là, Diego et son amoureuse, Frida, vont descendre au pays des squelettes dont la jeune fille, Orphée au féminin, va sauver son Eurydice masculin, grâce à un xoloitzcuintle, chien sans poil traditionnel de leur pays.

Les planches de ce livre sont autant d’hommages à la culture mexicaine, aux ancêtres, aux rites traditionnels qu’à la fabuleuse histoire d’amour de Diego Rivera et Frida Kahlo, que l’on imagine tout à fait sous les traits que leur a donnés Fabian Négrin lorsqu’ils étaient enfants. L’atmosphère baroque des illustrations n’est pas sans faire penser aux histoires de Tim Burton, la culture mexicaine en plus ! C’est dire si l’envie de plonger avec les héros dans ce monde étonnant est grande ! Il ne vous reste plus qu’à les suivre et, si cela ne vous suffit pas, rendez-vous au musée d’Orsay pour l’exposition « Frida Kahlo/Diego Rivera. L’art en fusion », d’ici le 13 janvier 2014, pour prolonger la magie de cet album.

La Meilleure nuit de tous les temps

La Meilleure nuit de tous les temps
Séverine Vidal
Rouergue (dacodac), 2012

Premier amour fantasque

par Sophie Genin

LameilleurenuitdetouslestempsLa meilleure nuit de tous les temps, c’est celle où le narrateur, Raph, se marie avec Colombe, rencontrée un mois auparavant : coup de foudre, amour fou, interdiction de se voir par les parents, chef et employés dans un même magasin de bricolage et, finalement, fugue chez la mamie et dans le cabanon de jardin de l’amoureux !

Ce livre, bref mais riche en rebondissements, adopte le point de vue du héros, garçon de 11 ans, pas dénué d’humour, arrivant en sixième et foudroyé par l’amour d’une jeune fille étonnante, surprenante et douée d’une imagination débordante !

Séverine Vidal a su adopter un ton très juste et son écriture s’adapte parfaitement à la collection « Dacodac », réussite éditoriale, adaptée à tous types de lecteurs et traitant de sujets vrais et profonds.

Comme mise en bouche, un extrait du mariage des amoureux :

« Colombe a crié un énorme oui, qui venait de loin, genre du coeur ou des environs.

 Quand ça a été à moi de dire oui, j’ai eu le hoquet. Le stress sans doute. » (p. 55)

 

Les Artichauts

Les Artichauts
Momo Géraud, Didier Jean et Zad
2 vives voix, 2012

Quand la littérature est utile

Par Sophie Genin

41N-pvrcatL._AA160_Combien de fois a-t-on pu entendre que la littérature « ça sert à rien » ? Cet album sert. Aux enfants témoins de violences conjugales mais aussi aux autres. En effet, l’identification est immédiate à la souffrance rentrée, tue mais tellement visible d’une petite fille tout ce qu’il y a de plus « normale » : elle aime faire ses devoirs sur la table de la cuisine avec sa maman, est forte en français mais en difficultés en maths, mange ses artichauts jusqu’à profiter du coeur, une fois débarrassé de sa barbe, attend impatiemment la visite de son grand frère et la fête du village dimanche, pour laquelle elle portera sa belle robe blanche et le gilet cadeau de sa tante. Oui mais chez elle, le soir, quand il rentre pour le repas, la tension est palpable, tout change dans la maison. La fillette guette l’orage, le craint, le redoute puis s’en protège en se bouchant les oreilles comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort. De survie. Elle s’évade dans ses rêves d’avenir. La résilience est en marche.

Les illustrations de cet album tout en retenue et en émotion ajoutent au sentiment de mal être ressenti dans un premier temps : comment le lecteur, impuissant, peut-il supporter d’être le témoin de cette atroce intimité ? Heureusement, la postface, rédigée par le docteur Roland Coutanceau, spécialiste de la question, vient à son aide : moi, lecteur, je peux comprendre et aider, téléphoner, parler. Ouf !

A lire ces mots, vous pourriez penser que ce bel album grand format au titre aussi anodin que la vie apparente de son héroïne est très didactique, au sens négatif du terme, quand le message surpasse la littérarité de l’oeuvre mais il n’en est rien. Pourquoi ? Parce que les concepteurs de ce petit bijou de sensibilité et de pudeur suggèrent et n’assènent pas de jugement. Parce que tous les enfants et adultes qui ont vécu un tant soit peu de traumatismes de ce type s’y retrouvent mais les autres aussi. Parce que les mots ne sont pas des coups de poings mais bien au contraire des bribes d’idées, de pensées, à attraper au vol. Si on veut. Si on peut.

Il est peu de livres qui sont des rencontres et tous les créateurs ne sont pas en mesure de toucher le lecteur au plus profond de ses sentiments, au plus profond de son humanité. Les Artichauts en fait partie. Merci.