Mauvaise connexion

 Mauvaise connexion
Jo Witeck
Talents hauts  2014,

 

 Un récit utile

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

mauvaise connexion imageMauvaise connexion est le récit d’un harcèlement moral et d’une agression sexuelle,  par écran interposé,  mais bien réelle et dévastatrice. En effet, ce texte est le témoignage de Julie Nottin. Elle raconte qu’à l’âge de quatorze ans, passionnée par le monde de la mode et rêvant de devenir mannequin, elle a posté  sur le web des photos d’elle, sous le pseudo de Marilou.

Elle est alors contactée par un producteur  qui lui promet de l’introduire dans le milieu  et de la faire travailler. Sous ce prétexte,  il lui demande de prendre des pauses, puis de le faire en sous-vêtements puis nue,  et enfin, il demande de simuler des actes sexuels,  peu à peu, elle devint sa chose, sa victime consentante. Elle s’isole,  fuit ses amies et tait son secret.

Le récit montre bien l’emprise progressive établie par le prédateur, son habileté, il n’est autre qu’un pervers pédophile, et il n’en est pas à sa première jeune fille abusée. Nous comprenons que cette aventure peut arriver  à toutes, même à des filles intelligentes et équilibrées,  tant ces hommes sont habiles. Le récit narre ensuite la reconstruction psychique longue et douloureuse,  grâce à la famille, aux amies.

Ce récit simple,  qui se veut un avertissement,  est efficace et certainement très utile.

Tous nos jours parfaits

Tous nos jours parfaits
Jennifer Niven  
Gallimard, Jeunesse, 2015

 

Deux jeunes gens aux prises avec la mort

Par Maryse Vuillermet

tous nos jours parfaits image2 Violet et Finch se rencontrent sur un toit, tout en haut du clocher de leur lycée,  décidés tous deux à se suicider. Mais Finch réussit à sauver Violet, à la faire redescendre.

Finch est un original, une bête curieuse pour les autres, tantôt plein d’énergie, tantôt déprimé et suicidaire. Violet a tout pour elle, comme on dit, belle intelligente, populaire,  mais elle a perdu sa sœur dans un accident de voiture et depuis, s’isole et n’arrive pas à faire son deuil.

Sous le prétexte de travailler ensemble à un exposé sur les richesses à découvrir dans leur région, Violet et Finch apprennent à se connaître, s’apprivoisent peu à peu, partagent la même recherche de beauté, l’une en photographie, l’autre dans l’écriture et la peinture.

L’alternance stricte des points de vue des deux adolescents permet des suivre de l’intérieur leurs tourments et l’évolution de leur relation.

Et puis, un jour Finch disparaît mais laisse à Violet des indices pour le suivre dans sa quête. On comprend assez vite que Finch est un bipolaire, qu’il souffre d’absences, de trous de conscience vertigineux, qu’il ne dort quasiment pas mais que les adultes autour de lui, parents, psychologue, enseignants n’arrivent pas à le comprendre ni à percer ses mensonges.

L’atmosphère est étrange, à la fois poétique, car les deux jeunes sont artistes et sensibles, et qu’au cours de leurs recherches, ils rencontrent des personnages hauts en couleur, rencontres magnifiées par la beauté de l’hiver américain, et tragique, car la disparition de Finch est inquiétante et sa recherche haletante.

Un beau roman d’amour, de mort, des personnages de jeunes puissamment singuliers.

 

Cinq minutes et des sablés

 Cinq minutes et des sablés
Stéphane Servant Irène Bonacina
Didier jeunesse 2015,

 Quand les sablés font des miracles  

Par Maryse Vuillermet

 

cinq minutes et des sablés Une Petite Vieille s’ennuie toute seule chez elle alors elle attend la mort.

La mort arrive sur sa belle moto, mais comme ni la vielle dame ni la mort ne sont pressés, la  Petite Vieille lui propose des sablés,  mais lui demande d’attendre cinq minutes pour qu’ils soient bien à point. Elle lui propose aussi un bon thé.  Arrivent le chat, très drôle, elles jouent avec lui, puis Kenza la petite voisine, elles jouent aussi avec elle, puis un monsieur élégant… Tout l’album est construit sur ce principe des visites qui distraient la mort. De cinq minutes en cinq minutes, on gagne du temps .

Finalement,  toute la ville est là et c’est la fête. Mais la mort est fatiguée, elle renonce à emmener la Petite Vieille, elle reviendra plus tard.

Cet album tout en délicatesse et tendresse,  servi par le dessin subtil d’Irène Bonacina, est un hymne à la vie, une piqûre de rappel pour tous,  jeunes et vieux, profitons de chaque minute, ne soyons pas pressés ! Et rendons visite aux vieilles personnes seules.

L’usine

 L’usine
Yaël Hassan
Syros, Coll. Tempo, 2015.

 

 Il faut sauver l’usine

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

l'usine L’histoire se passe dans un village qui vit depuis plus de cent ans au rythme d’une usine de jouets. Or, cette usine va fermer. Tous les enfants de l’école sont concernés sauf de très rares enfants de commerçants, et encore.

Leur institutrice Anne, qui connait parents et enfants puisqu’elle est elle-même une fille de ce village, essaye de les faire exprimer leur angoisse pour les en soulager. Elle a l’idée de créer avec eux un journal d’école. Puis, Sylvain, un jeune collègue,  plus moderne,  propose un blog, outil plus adapté et plus interactif. Tous les enfants sont ravis et très motivés.

Ils enquêtent, photographient, recueillent des témoignages sur le village et l’usine. Clotilde, la fille du directeur,  a entendu son père dire qu’on peut sauver l’usine, que la crise est due à la mauvaise gestion de l’héritier. Son père a même contacté un repreneur potentiel, un de ses amis d’école,  originaire lui aussi de ce village.

C’est un bon roman, pas ennuyeux. Même si le sujet est un peu lourd, chaque personnage évolue, les enfants, les enseignants, les parents, et même les méchants directeurs, père et surtout fils qui a ruiné l’entreprise,  font un bout de chemin.

 Cette histoire me plait car elle me fait penser à un village jurassien que je connais et à une usine qui a eu le même destin, peut-être est-elle inspirée de ce faits divers, en tout cas c’est réussi.

L’écrivain Clémentine

 L’écrivain Clémentine
Roland Fuentès
Syros, Coll. tempo, 2015

Le métier d’écrivain

Par Maryse Vuillermet

 

l'écrivain clémentine image Récit de l’écriture d’un roman où l’on voit l’écrivain Christian Rivage déjà rencontré dans Un écrivain à la maison et dans Un écrivain au jardin, emmener son jeune ami Gérald en Algérie. En effet, il a besoin de sentir, voir, s’approprier son histoire à travers un garçon de l’âge de son héros. Gérald joue en quelque sorte le rôle d’une doublure au cinéma.  L’écrivain veut raconter l’histoire de la découverte de la clémentine par le père Clément dans un verger d’Oran, grâce à la curiosité d’un jeune paysan.

On assiste donc au making of du roman, à sa genèse, à ses balbutiements, à la constitution de sa documentation. Mais le récit que l’auteur veut mettre en place manque,  aux yeux de Gérald de suspens, de rebondissements. Gérald apprenti écrivain et vrai gaffeur va fournir, contre son gré, quelques aventures, donc quelques améliorations au texte. L’écrivain confirmé,  beau joueur,  va accepter et même se réjouir de cette collaboration inattendue mais bienvenue.

C’est également grâce à tous leurs amis algériens, bienveillants et plein de malices que tout va bien se terminer

La révolte d’Eva

la révolte d'eva La révolte d’Eva
Elise de Fontenaille
Rouergue, 2015

Sortir de l’enfer

Par  Maryse Vuillermet

 

  Récit à la première personne fait par Eva qui confie son calvaire.  Son père fasciste, alcoolique, raciste  et violent l’oblige à saluer le portrait d’Hitler, la frappe quotidiennement, et d’autant plus qu’elle  est la seule de ses quatre sœurs à lui résister.   Blonde, intelligente, sensible, Eva se réfugie le plus souvent dasn la forêt, leur maison,  comme celle de l’ogre étant  isolée à l’écart du village,  à l’orée d’un bois.  Là, au bord des étangs,  des rivières elle peut lire, être un instant  au calme.  Son père est si amateur de violence qu’il pratique la chasse, et le tir et qu’il les fait pratiquer à ses filles.  La mère soumise et apeurée ne fait que culpabiliser et craindre son mari.

 Eva ne peut se confier à personne ni à sa meilleure amie ni à ses enseignants. Son seul  confident  est Lechien, un chien sans nom, (dans cette famille, les chiens sont interchangeables),  qui, un jour, pour la défendre,  se dresse contre son maître. Alors,  le père le tue à coups de fusil et abandonne son cadavre en forêt. Eva grandit, son père la bat moins.

 Et puis, un jour, le père s’attaque à la petite sœur. Alors,  que va faire Eva ?

Le sujet est délicat, il pourrait être dérangeant, mais le récit est plutôt réussi. L’auteur a su nous rendre sensibles  à la honte, au silence  mêlés à la soif de vivre,  à  la pitié pour les plus faibles,  de son héroïne. Elle a su aussi faire progresser le récit dans l’horreur, coups puis  meurtre du chien, puis attaque de la petite sœur…

Les autodafeurs, tome 2 et 3

Les autodafeurs,  Tome 2
Ma sœur est une artiste de guerre, Tome 2
Rouergue 2014,
Nous sommes tous des propagateurs, Tome 3
Martine Carteron
Rouergue 2015,

 Duel à mort pour les livres

Par Maryse Vuillermet

Cette trilogieautodafeurs2  pourrait paraître classique, et ressembler à A comme association de Erick Lhomme ou à Typos de Scagnoli, elle en a les ingrédients :

– une lutte à mort entre deux forces, d’un côté les autodafeurs qui, depuis la nuit des temps, ont voulu détruire les livres. Ils étaient déjà à l’origine de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, ils étaient encore là lors des autodafés des nazis à Berlin. En face, la Confrérie, secrète, puissante et organisée, qui a pour mission de sauver les livres.

– Dans la confrérie, une famille, les Mars dont les grands-parents, et le père ont été tués dans le tome 1, la mère, Auguste, le grand frère, un ado, comme tous les ados,  plein de contradictions, de doutes et de pulsions et Césarine, la petite sœur, autiste Asperger, aux réactions étonnantes.

autodafeurs3 – des aventures, des bagarres, des souterrains, des laboratoires secrets…des évasions, du suspens.

Mais elle est originale car :

– elle pose des questions fondamentales : à quoi servent les livres, pourquoi faut-il risquer sa vie pour les sauver ? La petite Césarine, adepte des listes, et d’une logique redoutable, après avoir bien réfléchi, trouve que les livres rendent heureux.  Autre question que se pose Césarine qui a du mal à ressentir les émotions : qu’est-ce que l’amour ?

– cette série est également un mélange détonant qui fait constamment rebondir l’action, une intrigue guerrière,  sur la base d’un complot et d’une lutte à mort, une intrigue politico-philosophique, la survie des livres et de la culture, et une intrigue scientifique. En effet, les autodafeurs ont mis au point une bactérie tueuse de livres, un procédé chimique qui les réduit en cendres, mieux qu’un incendie, la Confrérie doit donc aussi utiliser la science, les nouvelles technologies…

– les variations de point de vue, c’est tantôt Auguste qui s’exprime, son langage ado est drôle, le tandem qu’il forme avec son ami geek Nene est désopilant et tantôt Césarine, ce personnage est une trouvaille, un enchantement, ses réactions sont tellement étonnantes et sûrement vraies, elle a une intelligence supérieure et une logique infaillible, elle sait se battre et a comme livre de chevet l’Art de la guerre,  du maître chinois Sun Tzu…dont elle connait par cœur les préceptes, mais c’est une petite fille, donc, personne ne l’écoute !

Cependant, j’émets deux réserves, même si on change de lieu au tome 3, l’intérêt a tendance à s’essouffler un peu.  De plus, on a du mal parfois à justifier la violence de ces enfants transformés en tueurs, à coups de poing, de stylos, de revolver, ils tuent allégrement leurs ennemis, car ils sont entrainés pour ça ! Auguste a beau en faire une dépression, il recommencera, on atteint là la limite du genre !

 

Bansky et moi, Elise Fontenaille

 Bansky et moi
Elise Fontenaille
Rouergue  2014, doado

 

Des dessins pour éclairer les murs  et la vie

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

Bansky et moi imageDarwin,  collégien à la peau noire et aux yeux bleus raconte sa vie dasn un quartier où,  chaque jour,  on expulse, détruit pour reconstruite plus cher et  faire partir les pauvres, Darwin  va au collège et croise tous les matins sa mère, qui rentre du y travail en effet, elles est chauffeur de taxi de nuit,  elle a  fui  la Somalie,  son pays enceinte à quinze ans.  Darwin n’en saura pas plus  de la vie de sa mère et de son père inconnu. Il est assez timide et  aime  cuisiner, il est heureux avec sa mère s’il n’y avait pas devant leurs fenêtres un énorme mur de bêton gris et sale qui leur cache la lumière et la vue. Alors,  quand il rencontre Eva, la fille la plus secrète du collège et qu’il la voit dessiner sans cesse, il a l’idée de lui proposer de peindre ce mur. Comme Bansky, le célèbre artiste de street art,  mystérieux graffeur dont personne ne connaît l’identité, un modèle pour ces jeunes.  Eva et Darwin vont s’apprivoiser et vivre quelques aventures, dont une expédition  dans les catacombes où ils croisent de très horribles skin heads  racistes et violents qui veulent les tuer !

C’est un roman  optimiste où ceux qui pourraient sembler misérables et exclus, les réfugiés,  les sans-papiers, à force de courage, d’entraide et de fidélité à eux-mêmes s’en sortent et se réalisent. Darwin, qui aime tant cuisiner et qui invente des recettes va entrer en apprentissage,  et  vivre sa passion  et,  à la  fin du  récit,  petite originalité, l’auteur nous livre plusieurs de ses recettes !  A essayer !

 

Le bureau des objets perdus

 Le bureau des objets
Catherine Grive
Rouergue, doado,  2015

 

   Tout perdre et se retrouver

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

CVT_Le-bureau-des-objets-perdus_4758 image La narratrice de ce très court roman perd tout, ses affaires, celles des autres. Elle vient aussi de perdre son amoureux, et ses parents sont si distraits qu’ils ne la voient pas. Son père chercheur a des ennuis au labo, sa mère généalogiste est sur une piste, sa bande de copains rigolarde ne lui est pas d’un grand secours. Reste son petit frère affectueux, sa meilleure amie amie Raph.  Elle a donc perdu l’objet auquel elle tient plus que tout, le blouson que son oncle Tozzi lui a offert pour son anniversaire, un blouson de baroudeur, d’aventurier. Tonton leur raconte toujours des histoires d’aventures et de rencontres merveilleuses. Elle a donc décidé pour une fois de chercher seule, sans ennuyer tous ses amis et sa famille. Elle va au bureau des objets perdus et on lui rend un blouson presque comme le sien, qu’elle prend, mais qui n’est pas le sien. Dans la doublure, elle trouve un nom donc une piste sur laquelle elle se lance. Et au bout de sa recherche de plusieurs jours, de révélations en révélations, elle le retrouvera mais aura surtout compris ce que signifie perdre, et que ce qu’on cherche est parfois tout près de nous, mais il faut savoir ouvrir les yeux.

Un roman d’éducation donc, agréable, et assez profond, quand on oublie un peu le langage « djeun » un peu convenu !

TYPOS, tome 2 Poison noir

TYPOS, tome 2 Poison noir
Guido Sgardoli
Flammarion 2014,

 

 De jeunes étudiants en journalisme  s’attaquent  aux multinationales de l’agroalimantaire

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

  Nous retrouvons la bande de jeunes étudiants en journalisme  qui, cette fois,  décide de comprendre comment et pourquoi la planète est menacée par un poison noir, une micro bactérie qui détruit les récoltes, les  agriculteurs sont ruinés,  et vendent leurs terres à bas prix, à  la même multinationale, spécialiste en désinformation Klab,  et Agrogen, une puissante entreprise agroalimentaire prétend,   comme par hasard,  avoir trouvé l’antidote. La famine menace des régions entières.  L’auteur nous rappelle que Harlequin,  Dusker,  Gipsy, Morph ont créé clandestinement l’équipe de Typos qui  s’est donnée une mission « se battre pour la vérité et contre KLab, la multinationale qui domine Maximum City ». Pour cela,  ils ont créé un journal clandestin. Ils ont pour but aussi de  permettre au père  d’ Harlequin, Seth,  de revenir sur terre. En effet, il avait dû s’exiler volontairement sur un satellite pour avoir la vie sauve car il s’était déjà attaqué à Agrogen.

 On a donc de nombreux  ingrédients  faits pour plaire aux jeunes :  une ambiance de campus américain, une équipe de jeunes soudés par un passé douloureux, (Gipsy a perdu ses parents et la sensibilité, Harlequin est séparé de son père),  un zeste de  films de James Bond, en effet,  ils utilisent des gadgets  hyper-sophistiqués, une montre qui détecte les mensonges, un camping-car suréquipé de  matériel de haute technologie, ils surfent sur internet et tous  les réseaux, un peu de  séries Mac Guyver, car ils sont très débrouillards et enfin, beaucoup d’héroïsme, une lutte à mort contre les méchants pour sauver l’humanité. Les méchants  sont  très méchants, très cyniques, ils créent des épidémies et tuent  des populations entières pour faire des expériences, ils affament la planète pour s’enrichir. La police et les hommes politiques sont corrompus, la ville est sale et polluée, seuls émergent de ce monde noir  qui ressemble à une caricature du nôtre, l’intelligence et le courage des Typos.

Un récit bien mené et un ultime rebondissement qui annonce le tome 3.