Le Phare aux oiseaux

Le Phare aux oiseaux
Michael Morpurgo, Benji Davis (ill.)
Gallimard jeunesse, 2021

Grand petit roman

Par Anne-Marie Mercier

Le Phare aux oiseaux est un vrai roman, avec des personnages forts et tourmentés, du suspens, des rebondissements, des actes héroïques, des voyages, des naufrages, des retrouvailles. Comme dans beaucoup de romans de Morpurgo il se passe pendant la guerre à laquelle le héros devenu grand, doit participer, sans enthousiasme. Il en revient plein de tristesse : nombre de ses amis sont morts et tout cela semble être vain (« je ne suis pas sûr qu’on gagne jamais une guerre, dit-il »).
Mais c’est surtout un beau roman d’initiation qui montre le parcours d’un jeune garçon et son amitié pour un vieux gardien de phare illettré. Dans son enfance, le jeune garçon et sa mère ont été sauvés d’un naufrage par cet homme; il tente de le retrouver, puis de se faire accepter par ce solitaire bourru qui ne trouve de joie que dans le dessin et la compagnie des oiseaux. Il y parvient en partageant les passions de son ami,  le dessin et le soin d’un macareux blessé.
Le livre est plein de ressorts captivants pour les jeunes lecteurs (et pour les autres) : des histoires de destins croisés, la vie d’un enfant orphelin de père, proche du Petit Lord, un élève pensionnaire malheureux, un soldat désabusé, puis un jeune homme sûr de lui et de sa place dans le monde.
Les aquarelles de Benji Davis sont magnifiques, tantôt rugueuses, tantôt suaves, et rythment le récit tantôt en vignettes, tantôt en pleine page ou même en double page à fond perdu, nous plongeant dans un univers de vent et de fraicheur.
Cet album a été écrit à la mémoire de Allen Lane, le fondateur des éditions Penguin, et des collections Pelican (pour les essais) et Puffin (alias macareux) pour les enfants.

 

Le Phare

Le Phare
Sophie Blackall
Editions des éléphants 2021

Ohé ! Du phare

Par Michel Driol

Un nouveau gardien arrive dans un phare isolé sur une ile. Il écrit à sa femme qui vient le rejoindre.  Puis un bébé nait. Un jour arrive une lettre, par le bateau ravitailleur, qui leur annonce que le phare va être automatisé et qu’il n’y a plus besoin de gardien à demeure.

Cet album se situe entre fiction et documentaire. Fiction par l’histoire de ce couple de gardiens et de leur enfant que l’on voit grandir, façon de marquer le passage du temps dans ce lieu clos et immobile. Documentaire par la double page finale, consacrée aux phares du XIXème siècle, mais aussi par la façon d’évoquer le bateau ravitailleur, les naufrages, le brouillard, la réserve d’huile où le mécanisme à remonter régulièrement. Ainsi, on saisit mieux la vie rude de gardien, et les tâches répétitives à accomplir, ou la façon d’être dépendant du temps, à la fois celui qu’il fait et celui qui passe.

Le texte est rythmé par des Ohé ! Ohé ! qui lui donnent l’air d’une comptine et renforcent à la fois l’aspect répétitif de la vie dans le phare, mais aussi l’absence de communication avec l’extérieur. Les illustrations – encre de chine et aquarelle – s’inscrivent souvent dans des cercles, façon aussi de marquer la rotondité du phare et l’enfermement de ses occupants. La figure du cercle est omniprésente. Mais les illustrations sont aussi documentaires : phare en coupe, scène de transfert d’un passager, scène de naufrage… autant de façon de mieux faire comprendre cette vie de gardien. Elles sont enfin une ode au ciel et à la mer, à leurs changements, à leurs couleurs, à leurs états.

Un bel album docu fictionnel, au format allongé comme un phare, pour rendre sensible la dure vie des gardiens de phare et leur rendre hommage, d’en garder la mémoire.

A la mer

A la mer
Emma Giulani
(Les grandes Personnes) 2021

Raconte-moi la mer

Par Michel Driol

On retrouve Prune et Robin – les deux personnages de Au jardin –  au bord de la mer. Ce documentaire animé les conduit dans les dunes, sur le plage, au port, à bord d’un bateau, sur une ile, puis enfin au départ d’une expédition océanographique.

On découvre ainsi une véritable encyclopédie de l’univers maritime, avec sa flore, sa faune, mais aussi les techniques spécifiques liées à cet univers : la signification des bouées, le fonctionnement d’un phare, ou encore la valeur des pavillons de marine. Il s’agit donc d’un ouvrage documentaire très complet, qui répondra à de nombreuses questions que se posent les enfants. La présentation est soignée et ludique, avec de nombreux rabats à soulever qui rendent cette exploration attrayante. Les textes sont accessibles dans leur syntaxe, mais ont parfois recours à un lexique de spécialiste en général bien reformulé pour le mettre à la portée des lecteurs et des lectrices. Les illustrations, souvent conçues à la façon d’un imagier, sont précises et pleines de détail.

Un documentaire animé, pédagogique, de très grand format, qui se termine en insistant sur les dangers courus par la mer et les animaux marins.

Le Pirate et le gardien de phare

Le Pirate et le gardien de phare
Simon Gauthier et Olivier Desvaux

Didier Jeunesse (Le monde animé), 2013

Apprends-moi le bonheur

Par Matthieu Freyheit

Les Vikings d’UdLe Pirate et le gardien de phareerzo et Goscinny sont bien sortis de leur froid nordique pour contraindre Goudurix à leur enseigner la seule des choses qu’ils ignorent : la peur. Pourquoi un pirate ne viendrait-il pas réclamer de ce gardien de phare un enseignement semblable : le bonheur ? C’est que le gardien, satisfait de pêcher son poisson et de bourrer sa pipe, se proclame lui-même, devant les flots, l’homme le plus heureux de la mer. Jusqu’à… jusqu’à ce qu’il soit contraint d’envoyer un appel au secours, dans l’espoir de trouver un remplaçant pour alléger son fardeau. Mais la libération ne vient pas seule : si un jeune homme vient bel et bien prêter main forte au gardien, entretenant sa lumière, l’ombre elle-même ne tarde pas à se montrer sous les traits du pirate, qui dans son ignorance du bonheur devient à son tour une figure du capitaine maudit d’un certain Hollandais Volant. Le gardien et son jeune compagnon trouveront-ils les réponses aux questions posées par ce témoin de la nuit ? C’est qu’ici se répondent, dans la même poésie, scènes de jour et scènes de nuit, à la lumière du soleil et celle de la lune, toutes deux reproduites par celle du phare.

L’album fonctionne certes à partir de motifs qui sont autant de clichés de contes, mais qu’importe : l’image est superbement travaillée, peuplée d’idées elles-mêmes lumineuses qui font de cet album un objet précieux, nourri de sentiments qui valent d’être mis en récit. Simon Gauthier, lui-même conteur célèbre et par ailleurs fondateur d’un festival de contes à Tadoussac (Québec), alimente son récit d’une poésie maritime et céleste, que le talent (immense) d’Olivier Desvaux restitue avec un goût rare.