Passagers d’exil

 

Passagers d’exil
Anthologie présentée et établie
par Bruno Doucey et Pierre Kobel
Editions Bruno Doucey 2017,

De quoi faire aimer la poésie aux ados
Par Maryse Vuillermet

Cette anthologie vient enrichir la collection Poes’idéal « une collection engagée de poèmes rassemblés autour d’un idéal » dirigée par Mireille Szac qui a déjà publié Guerre à la guerre, Vive la liberté !, Chants du métissage, Quand on a que l’amour.
Elle rassemble soixante poètes d’âges, de nationalités et de sensibilités très différentes, comme Mahmoud Darwich, le Palestinien, Mohamed Cherfi et Soprano, les rappeurs d’origine algérienne et comorienne, les romanciers français Laurent Gaudé, Didier Daeninckx , les poètes classiques comme Jacques Prévert, Herman Hesse ou plus contemporains comme la Mauricienne Ananda Devi, Gaël Faye…
Elle se structure en cinq parties qui sont les étapes du parcours de l’exil :
I Il a fallu partir,  parle de l’arrachement, du départ et de ses causes, la misère, la guerre, la persécution.
II Maintenant il faut traverser Les poèmes disent les dangers et les douleurs du voyage.
III Cet endroit n’entend pas, décrit la douleur et la surprise d’arriver dans un lieu indifférent, hostile, froid, d’être rejetés
IV Et les portes se referment, disent l’exil, l’errance, la solitude et l’anonymat.
V Parle-leur d’espoir Là, on nous parle de fraternité, de collectif, de langue et de paroles pour s’exprimer.
Entre chacune des parties, une double page de citations, phrases percutantes et fortes.

L’anthologie est accompagnée d’une introduction et d’une conclusion de Bruno Doucey, poète et éditeur, qui rappelle avec ses images, son histoire personnelle et de manière poétique, le contexte historique et politique.
Et enfin, chaque poème ou texte est accompagné d’une courte biographie de l’écrivain mettant l’accent sur sa relation au thème, personnelle, familiale,  politique, ou d’engagement personnel.
Bibliographie, discographie, filmographie ainsi que des références bibliographiques de chaque extrait permettent d’aller plus loin.
C’est vraiment un très beau travail que l’illustration de Bruno Clarke,  subtile et forte,  sert avec justesse, les textes sont émouvants, le choix est varié, le propos n’est jamais larmoyant mais toujours, les mots des poètes parviennent à dire mieux que tous les documentaires l’humain, le singulier et l’inacceptable de cette actualité.

 

Des poings dans le ventre

Des poings dans le ventre
Benjamin Desmares
Rouergue, doado noir 2017,

Coups de poings

Par Maryse Vuillermet

 

Le récit se fait à la deuxième personne du singulier et s’adresse à Blaise, un adolescent en troisième qui cherche à se battre avec n’importe qui, à frapper au hasard, juste pour calmer sa colère. L’histoire s’adresse à lui comme pour lui poser une question, pourquoi cette violence constante et gratuite ? En effet, Blaise est aveuglé par la rage, ni sa mère, ni son professeur de français étrangement attentif à lui n’arrivent à percer sa carapace. La nuit, il erre avec de mauvais garçons, boit de l’alcool et se drogue.

0r, au retour d’une de ses fêtes tristes, il rencontre un homme masqué, qui lui rappelle quelqu’un. On sait que son père l’a abandonné et qu’il est à nouveau dans les parages.

Le récit est rapide, va à l’essentiel, pose question mais, pour moi, la fin est un peu trop rapide et le nœud se défait trop facilement.

Je suis qui je suis

Je suis qui je suis
Catherine Grive
Rouergue 2016,

 Trouver son genre et son chemin

Par Maryse Vuillermet

Raph ne part pas en vacances car sa maman est sur le point d’accoucher. Elle s’ennuie donc et s’est mise à voler le courrier dans les boites aux lettres de son immeuble.

Et puis, il y a un autre problème, elle est remplie de chagrin et depuis très longtemps, elle n’est bien qu’avec les garçons et dans des activités de garçon. Elle fait la tête même avec ses amis.

Et puis,  grâce à son copain Bastien, elle rencontre Sarah, la première fille avec qui elle peut être amie et qui l’écoute sans la juger.

Mais elle est surprise en flagrant délit de vol de courrier et tout va s’accélérer. Dans ce roman, il est bien clair que si Raph commet des délits, c’est parce qu’elle ne va pas bien et ne sait pas comment et à qui exprimer son mal-être.

D’où l’importance de l’amitié, de trouver une personne jeune ou adulte qui sache vraiment écouter.

Un joli roman sensible et bien écrit auquel je mettrais un seul bémol : l’immeuble et ses habitants, comme microcosme de la société, est rempli d’humains vraiment compréhensifs, je me demande si tout se passerait ainsi dans la vraie vie.

 

La plus grande chance de ma vie

 La Plus Grande Chance de ma vie
Catherine  Grive
Rouergue, 2017

Quand tout s’écroule autour de vous

Par Maryse Vuillermet

C’est une histoire inspirée d’un fait divers réel et c’est au début, un cauchemar. Juliette est la fille unique d’un couple d’employés de la Française des jeux ; jusque là dans sa vie, elle a eu beaucoup de chance, elle s’entend très bien avec sa mère avec qui elle partage tout, les gouts, la joie de vivre… Un peu moins avec son père, elle a l’impression qu’il ne l’aime pas.

Ses parents se disputent beaucoup et un jour finissent pas se séparer, c’est à l’occasion du divorce que, le père refusant de payer la pension alimentaire de sa fille,  une recherche d’ADN en paternité est demandée et horreur ! Juliette n’est la fille ni de son père (mais ça elle s’en doutait) ni de sa mère.

Une enquête  de police montre qu’il y a eu échange de nourrissons à la maternité par une infirmière déséquilibrée. Suivent des semaines de désespoir, son monde de certitudes s’écroule, elle doit rencontrer ses parents biologiques à qui elle est indifférente,  elle souffre beaucoup.

Ensuite on comprendra par les faits, la différence entre liens biologiques et liens affectifs et l’importance dans l’éducation de l’environnement familial, culturel, social…

Les questions sont posées avec intelligence, et expliquées à hauteur de jeunes. Un bon roman.

 

 

Le tueur d’écume

 Le Tueur d’écume
Michel Honaker
Rageot  2015,

 

 A la poursuite du bateau fantôme

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

le tueur d'écume image Cliff, jeune héritier américain a fait naufrage avec son voilier et a perdu son meilleur ami disparu en mer. En fait, il raconte aux autorités avoir été attaqué par un super tanker, mais sur les radars, ce bateau démesuré n’a pas été repéré,  donc personne ne le croit.

Sauf un avocat Argill,  payé par un mystérieux commanditaire qui réunit une équipe ultra compétente pour partir à la recherche de ce bateau mystérieux ; dans l’équipe, on retrouve Cliff pour ses compétences de marin et Amber, jeune et jolie amérindienne qui a gardé de ses ancêtres le don de lire les sillages dans la mer, c’est à dire de retrouver la trace d’ un navire plusieurs jours après son passage.

Conduite par le capitaine Karras, le groupe part en mer.

Ce roman est donc un mélange de roman d’aventures maritimes,  de récit sur les croyances des Indiens d’Amérique, et de roman fantastique,  car le super tanker, au fur et à mesure des pages, devient de plus en plus fantomatique rejoignant la lignée mythique de tous les navires fantômes qui hantent les cauchemars des marins.

Le suspens de l’aventure est parfait et s’y ajoute la question de la relation entre Amber et Cliff, deux jeunes beaux et forts, qu’elle sera-t-elle?

 

Fans de la vie impossible

 Fans de la vie impossible
Kate Scelsa (Trad. Faustina Fiore)
 Gallimard, Scripto, 2016

 

 

 Adolescents en souffrance

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

 fans de la vie impossible imageCe récit nous fait entendre successivement et alternativement les voix de trois adolescents très mal dans leur peau.

Jérémy, passionné d’art, incapable d’entrer en relation avec les autres, abandonné par sa mère et élevé par deux hommes, Sebby, homosexuel déclaré en rupture d’études,  élevé par une nourrice de la DAS débordée, et Mira, pliant sous le poids de ses kilos et de sa dépression nerveuse.

Quand Jérémy rencontre Sebby au lycée, pour la première fois de sa vie, il ne se sent plus seul. Et comme Mira a besoin de Sebby pour tenir, ils vont former un trio inséparable. Seuls, ils sont vulnérables et en proie à leurs obsessions ou addictions même, mais ensemble, ils sont heureux, s’inventent des fêtes ou des rituels, peuvent même aider les autres.

C’est une description  très dure et réaliste d’une jeunesse à qui « on ne laissera jamais croire que c’est le plus bel âge de la vie ». Elle est faite sans aucun tabou sur l’homosexualité, la drogue, le suicide,  et sur,  d’un côté, une Amérique en perdition, et de l’autre, des familles bourgeoises accrochées à leurs préjugés sur les grandes écoles et la réussite sociale.

 

La dernière reine d’Ayiti

 La dernière reine d’Ayiti
Elise Fontenaille
Rouergue doado, 2016

 

 

 Un génocide raconté aux jeunes

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la dernière reine d'Ayiti Image Elise Fontenaille aime croiser l’Histoire et l’ethnologie, révéler des génocides et, en même temps, faire revivre la culture perdue d’un peuple. Elle l’a fait pour les indiens Haidas dans La cérémonie d’hiver ( Rouergue 2010) pour les Héréros dans Eben ou le yeux de la nuit ( Rouergue 2015).

Dans ce récit, elle nous raconte la disparition,  en une seule génération d’un million de Taïnos, le peuple d’Ayiti, actuelle Saint-Domingue et Haïti.

Par la voix de Guaracuya, âgé de quize ans, neveu de la reine Anacoana, on assiste à la vie pacifique et féconde de ce peuple sur une ile paradisiaque. Ils étaient riches d’or, de nourriture mais surtout d’une très belle culture faite de croyances religieuses, mythologiques et de connaissances approfondies de la faune et de la flore.

Mais,  un jour,  arrivent trois bateaux, ceux de Christophe Colomb en 1492.

Toutes ces richesses sont convoitées par les Blancs, qui reviennent en nombre et asservissent les autochtones pour les obliger à travailler et ramener de l’or, violent les femmes ou tuent les récalcitrants et le pis,  c’est que tout cela se fait au nom de leur Dieu catholique.

Le récit n’est pas que d’horreur car la grande sagesse de ce peuple est d’avoir compris qu’il fallait transmette toutes sec connaissances avant de disparaitre et s‘allier avec les esclave noirs fugitifs qui se sont réfugies avec eux dans les montagnes. Ils sont su aussi créer une nouvelle religion à partir de trois religions, la leur,  celle des Africains et celle des conquistadors.

C’est un très beau récit initiatique, et instructif sur les Caraïbes, qui, malgré les horreurs décrites, sait conserver un espoir chez les jeunes lecteurs.

Poisson amoureux

 Poisson amoureux
Ralph Doumit, Wang Yi
Hongfei, réédition 2015

Quête amoureuse d’un poisson

Par  Maryse Vuillermet

 

untitled  Cet album est à la fois un récit d’initiation, un récit de rencontre amoureuse, et un récit d’aventures puisque Petit Poisson  gris devra braver tous les dangers pour rejoindre poissonne de la mer. Trois récits donc  en un seul,   riche et profond, pour  apprendre à aller vers l’inconnu, à aimer ceux qui sont différents.  Cette histoire est bien accompagnée  par une illustration tendre et pleine d’humour.

La rome antique

 La Rome
Dorling Kindersley (Trad. Michel Hourst)
Gallimard Jeunesse, nouvelle édition  2016
Première édition 2010

 

 L’empire romain au quotidien

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la Rome antique image Cet album s’adresse vraiment à des enfants pour leur présenter un empire romain très concret, très vivant. La plupart des doubles pages magnifiquement illustrées (reproductions de peintures, photos d’objets, de sites ou de mosaïques) parlent de la vie quotidienne, l’alimentation, les enfants, les jeux, les loisirs, les sports.

L’ensemble est remarquablement pédagogique, des textes explicatifs très courts, des petits flashs drôles,  comme celui sur les toilettes publiques ou encore sur le fait d’uriner dans des vases devant les boutiques de tanneurs, des encadrés sur l’essentiel à retenir.  Le texte  est suivi par huit pages d’activités et 50 autocollants.

Le propos  insiste sur la modernité de cette civilisation, des tenues, du confort des maisons, des femmes sportives, et sur ce qu’elle nous a laissé en Héritages.

Un ouvrage qui fait aimer la Rome antique.

 

 

Les regards des autres

 Les regards des autres
Ahmed Kalouaz
Rouergue  2016,

 

 Affronter le harcèlement au collège

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

les regards des auutres image A la différence du témoignage que je viens de chroniquer, Mauvaise connexion de Jo Witek, ce récit également  sur le même sujet et à la première personne,  d’une jeune fille Laure,  harcelée dans son collège de Lyon, me semble plus profond et plus touchant . Ahmed Kalouaz   décrit parfaitement le fonctionnement, une bande de filles qui s’attaque à une autre jugée plus faible, ou une bande de garçons qui s’attaque à un plus jeune parce qu‘il est gros ou à un Syrien parce qu’il est étranger, et ils le font pour se sentir forts.

 Et il démonte aussi  le mécanisme psychologique de la victime qui accepte  de se soumettre parce qu’elle a peur. Mais dès qu’elle relève la tête ou qu’elle en parle à des adultes, le mécanisme est cassé et le harcèlement cesse.

Mais ce qui rend ce texte fort, c’est le regard poétique, lumineux qui reste émerveillé   de la puissante sérénité de la montagne, du calme d’une promenade au pas des chevaux, et la beauté des images, par exemple,  quand Laure arrive enfin à parler à sa tante :

« J’ai parlé en retenant mes larmes, car elles venaient en même temps que les mots, finalement lâchés lentement entre ces rangées d’arbres qu’un vent léger courbait. Des mots parfois suspendus à la cime des sapins, entre ciel et terre. » p 70

« Il fallait que le flot intérieur se calme, retrouve son lit, comme après un gros orage qui charrie tout. J’avais brisé l’embâcle, repris le cours des choses un peu à ma façon. » p 74

Au début, les adultes, professeurs, CPE, parents,  sont perçus comme aveugles et indifférents, mais peu à peu, quand Laure relève la tête et trouve en elle la ressource de ne plus subir, ils deviennent attentifs et aidant, chacun à leur manière.

Un livre humaniste malgré le sujet.