Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?

Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?
Sébastien Pelon (ill.)

Père Castor, 2013

Schmilblick pour les tout-petits

Par Dominique Perrin

mon livre« Je suis un doudou lapin aux dents blanches, et j’ai une étiquette verte à carreaux. Où suis-je ? ». Cet album agrémenté d’étiquettes de tissu en guise de marques-pages ne poursuit assurément pas de but poétique ; emboîtant le pas à de désormais classiques comme Il est où mon p’tit loup ? de Stéphanie Blake, il attire le jeune lecteur par son thème et ses onglets agréables à toucher en vue de lui soumettre des devinettes logiques. Pour cela, il requiert l’analyse correcte de groupes nominaux descriptifs et la discrimination visuelle correcte d’une pluralité de doudous de même type (de double page en double page, des ours, puis des lapins, puis des éléphants…).

Il est bien possible que ledit jeune lecteur s’y amuse et y apprenne la langue… mais pourquoi bannir aussi rigoureusement toute gaieté inventive d’énoncés impitoyablement calqués sur le modèle cité ci-dessus ?

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau. Un roman à lire et à jouer
Yves Grevet et Julien Meyer (illustrations)
Syros, 2014

Le passé est un jeu comme un autre

Par Matthieu Freyheit

Le Voyage dans le temps de la famille BoyauL’auteur reprend ici les codes du livre-jeu et, en sous-main également, ceux plus discrets du cahier de vacances auquel Le Voyage dans le temps de la famille Boyau s’assimile parfois davantage. Tutoyé dès les premières lignes, le lecteur est pris à partie par Victor, douze ans, fils d’un inventeur et d’une historienne. Victor, enfant typique du début du quatrième millénaire. Victor toujours, donc le père décide d’emmener sa famille dans un voyage interdit vers un passé mystérieux de l’humanité : le 21e siècle. Le voyage proposé par Yves Grevet a l’intérêt de mettre le lecteur en relation avec son propre passé récent (saura-t-il reconnaître les ancêtres de son téléphone bien-aimé ?), mais aussi d’engager l’idée qu’il appartient lui-même à un présent qui passera bientôt au rang de passé explorable, d’Histoire. Déjà dépassé, le 21e siècle ? Une leçon de relativisation, donc, diluée dans une succession de jeux, de codes, de rébus à déchiffrer, d’indices à découvrir qui mettent constamment le lecteur-joueur en rapport avec les différentes temporalités qui l’entourent, avec lesquelles il dialogue parfois sans en avoir conscience. Les illustrations elles-mêmes ne cherchent pas une quelconque poésie mais se mettent au service du jeu et de la redécouverte de son propre univers. Un voyage qui se prête, sur un mode ludique, à l’introduction de motifs complexes, et pourquoi pas au récit d’un certain Huron venu en France…

Mon tout premier livre d’art. Tableaux célèbres

Mon tout premier livre d’art
Rosie Dickins, Sarah Courtauld

Usborne, 2011

Mon livre d’art. Tableaux célèbres
Rosie Dickins

Usborne, 2014

Manuels d’art…

 Par Dominique Perrin

mon tt prem« Tu es libre d’utiliser les couleurs que tu veux » : c’est sur ce type d’incitation idéalement explicite en ce énième siècle du rose et du bleu que repose ce « tout premier livre d’art » instructif, pratique et stimulant.Le projet est à la fois réaliste – il prend en compte le niveau de formation culturelle réel du plus grand nombre – et relativement ambitieux : il s’agit d’ouvrir en même temps les possibilités techniques et les représentations en matière d’arts plastiques. Partant, tout est inivitation ici : à empoigner résolument pinceaux et matières, mais aussi à explorer les multiples musées qui nous entourent, et plus globalement à regarder autrement le monde. Du coup, tout est « modèle » aussi, au meilleur sens du terme : le pari qui structure le livre est conforme aux acquis de la pédagogie contemporaine : des enfants cultivés et outillés sont des enfants actifs et émancipés.
tablxLe second et plus récent des ouvrages présentés ici apparaît sous ce jour nettement moins convaincant que le premier. Cette galerie de « tableaux célèbres », forcément aussi brève qu’arbitraire dans ses choix, et dont seuls les plus anciens sont situés dans le temps, ne relève assurément pas la gageure d’apprendre « tout », ou du moins quelque chose d’essentiel aux jeunes lecteurs sur les œuvres considérées. Elle tombe sous le coup, en tant que telle, des critiques percutantes formulées il y a longtemps déjà par Hannah Arendt à l’encontre du « philistinisme cultivé », attitude par laquelle la bourgeoisie s’approprie l’action artistique en la circonscrivant dans un discours technique et descriptif apte à en désamorcer la dimension de ferment social et existentiel.

Mille choses à faire par tous les temps

Mille choses à faire par tous les temps
Fiona Danks, Jo Schofield
Gallimard, 2013

Créer dehors

Par Dominique Perrin

1000Que l’hiver (le printemps, et l’automne) soient givrants ou boueux, les lecteurs du continent ont certainement à apprendre d’un art britannique de cueillir le jour par tous les temps. Ce guide d’activités extérieures ludiques et artistiques peut passer pour l’un des joyaux nécessaires d’une bibliothèque enfantine ouverte sur le monde – en l’occurrence, celui des éléments. L’air, l’eau, la terre, et, au bord de quelques pages, le feu sont ici donnés à fréquenter et mettre en forme dans tous leurs états, d’une manière à tout le moins inventive et fantaisiste, et pour tout dire jubilatoire dès la simple lecture grâce à de nombreuses photographies de réalisations. Que le lecteur français, civilisationnellement empreint de bonnes manières, puisse rester ici et là abasourdi par certaines propositions touchant aux mille façons de réapprivoiser la boue, n’ôte aucun charme à ce guide par ailleurs prudent, et somme toute révolutionnaire…

Paysageux. Une image peut en cacher une autre

Paysageux. Une image peut en cacher une autre
Henri Galeron
(Les Grandes personnes), 2012

Jeux intemporels

Par Anne-Marie Mercier

paysageuxCe grand album cartonné ne comporte que sept doubles pages mais demande une lecture longue et attentive. Il est construit sur le principe des objets cachés dans l’image (à la manière de certaines assiettes anciennes), du jeu des sept erreurs, ou des perspectives impossibles à la Escher.

Les images, dans le pur style Galeron, c’est-à-dire belles, précises, aux couleurs délicates, sont un enchantement par elles-mêmes. Quant à la recherche, elle est très graduée : certaines éléments sont faciles à trouver, tandis que d’autres demanderont au lecteur un long temps d’observation : c’est une école du regard en soi, qui prouve que si on y met le temps, on voit ce qu’on ne pouvait voir… En cas de difficulté,  on peut  prendre conseil dans la dernière page – j’avoue y avoir eu recours pour la dernière image : le chasseur est coton à trouver !

Le principe de l’album sans texte (ou presque) associé à une recherche le rend accessible et intéressant pour tous les âges tandis que sa solidité le destine à être un objet que l’on lit et relit, que l’on transmet, qui fait le lien entre les générations… Un cadeau idéal  ?

Henri Galeron a publié récemment aux grandes personnes d’autres grands albums d’images surprenantes : Le Chacheur (46 cmx11 de haut… texte de Bernard Azimuth), Monsieur (pour les amateurs de chats) texte de Marie-Ange Guillaume) et Chacun son tour (le monde à l’envers, texte de Gilbert Lafaille), et chez Motus Les bêtes curieuses (texte de François David), tous magnifiques et inépuisables.

Voir pour plus de détails un article sur le Blog de LU Cie & Co

 

 

 

Cahier pour apprendre à colorier autrement

Cahier pour apprendre à colorier autrement
Pascale Estellon

Les grandes personnes, 2013

Colorier est un art

Par Anne-Marie Mercier

Cahier pour apprendre à colorier autrementColorier est un art… et une technique. Ce n’est pas si simple : comment faire pour éviter de « déborder » ? comment foncer les couleurs sans surcharger en encre de feutre et risquer de percer le papier ? Toutes sortes de conseils judicieux sont donnés en première page.

Puis, vient l’art : les supports sont « autres » : dessins en broderies, proches de motifs aborigènes, dessins naïfs, pop art… et on les colorie de différentes façons : avec des traits, des chiffres, des points, des étoiles… alors, le coloriage devient autre chose et s’émancipe. C’est à cela qu’invite aussi le format exceptionnellement grand de cet album qui affiche une ambition d’album d’artiste.

Le Tyran du désert – Un Livre dont vous êtes le héros

Le Tyran du désert – Un Livre dont vous êtes le héros
Joe Dever
Traduit (anglais) par Pascale Jusforgues et Alain Vaulont
Gallimard Jeunesse (Loup Solitaire), 2006 [1985]

Homo ludens, so 80ies 

Par Matthieu Freyheit

letyrandudesertCinquième volume de la longue série Loup Solitaire de Joe Dever, Le Tyran du désert est d’importance puisqu’il vous met sur la piste du livre du Magnakaï, discipline ancestrale dont il vous appartient de devenir un maître au fil des nombreux volumes de la série. Le synopsis, comme pour la plupart des LDVEH de cette période, est à la fois complexe et convenu. Complexe par la volonté affirmée sans cesse par les auteurs de déployer l’étendue d’un monde vaste et entier, rempli d’une multitude de noms de lieux, de lieux-dits, de monts, de mers, de déserts, d’oasis, et autres termitières. Convenu par un ensemble de motifs aujourd’hui connus, reconnus, peut-être même dépassés. De fait, la réédition de ces LDVEH par Gallimard pose la question de la possibilité même de leur succès : les jeux vidéo et les jeux en ligne désormais installés dans les foyers, ces livres peuvent-ils intéresser des lecteurs autres que les nostalgiques d’une enfance ‘so 80ies’ ?

Dans ce volume, vous êtes envoyé auprès du souverain de l’empire de Vassagonie pour y signer un traité de paix. Bien entendu, la formalité diplomatique se transforme en mission de survie, accompagnée d’une quête mouvementée. Le livre peut se jouer, comme les autres, indépendamment du reste de la série, mais il faut bien avouer que le plaisir naît de la continuité et de l’évolution donnée à votre personnage. Autant, si on s’y met, prendre les choses au début.

Pourquoi s’y mettre, me direz-vous ? Eh bien, c’est que le LDVEH a plus d’une vertu. Quelques unes ont été mises en avant dans les notices consacrées à La Pierre de Sagesse ou au Manoir des Ténèbres. Soulignons cette fois-ci que le LDVEH a pour particularité de mettre en avant les coutures du processus de lecture, fait de deux attitudes soulignées par Umberto Eco dans Lector in fabula : le respect du texte d’un côté, la contribution personnelle de l’autre. Comment le LDVEH s’y prend-il ? En divisant le discours en deux modes : l’impératif d’abord, qui contraint le lecteur à suivre une série de directives non discutables. Faites ceci ; allez là ; prenez ceci ; combattez celui-là. En réponse se développe un discours de la proposition, de l’offre : Si vous souhaitez… ; Si vous préférez… ; Si vous désirez… ; Si au contraire… Le principe, fort simple et simplement mené, a le mérite de conscientiser l’état de lecture, et ses enjeux : devant le texte, je peux tricher, je peux choisir, je peux refuser, je peux cesser. Je peux aller de l’avant, mais je peux tout aussi bien aller de l’arrière. Autant de règles de jeu et d’attitudes qui ne sont pas sans faire penser à celles édictées par Daniel Pennac dans Comme un roman et qui donnent au lecteur à réfléchir sur son rôle devant le texte. Autant d’opportunités qui font du LDVEH un genre intelligent, où le lecteur est érigé en lecteur pensant.

Construis ton village

Construis ton village
Usborne (maquette), 2011

Voyage au Moyen-Age

par Sophie Genin

ConstruistonvillageCe livre d’activités, associé à de la colle, des ciseaux et un cutter, permettra aux enfants de construire un village médiéval. La maquette a été, selon l’éditeur, « conçue en fonction de la réalité historique » et la qualité des détails (plus de cinquante personnages de 2 cm de haut !) et du papier, ainsi que l’aide à la construction apportée en fin d’ouvrage, font de cette création une idée originale pour découvrir la vie au Moyen-Age pour des enfants minutieux et patients.

 

La Fabuleuse méthode de lecture du professeur Tagada

La Fabuleuse méthode de lecture du professeur Tagada
Christophe Nicolas, Guillaume Long
Didier jeunesse, 2013

La lecture est un jeu…

Par Anne-Marie Mercier

tagadaComment décrire cette « méthode » de lecture ? Son titre en dit beaucoup; ajoutons que ce professeur a un assistant nommé « tsoin-tsoin », un petit oiseau qui se démène sur toutes les pages pour accompagner efficacement les lettres nécessaires à la leçon.

Voici le début du texte :

« Leçon n°1 : Tu ne sais pas lire, c’est dommage. Mais la grande personne qui te lit ce livre sait lire. Il faut en profiter. Ta grande personne peut lire des mots faciles comme bébé, bobo, mémé, popo. Elle peut aussi lire des mots difficiles, comme plénipotentiaire ou hexakosioihexekontahexaphobie. Qu’est ce que ça veut dire ? La grande personne qui sait lire te l’expliquera plus tard. »

Suivent des leçons sur les avantages qu’il y a à savoir lire (bonne idée de commencer par aiguiser le désir d’apprendre avec de vraies raisons), les lettres, voyelles et consonnes (on est dans une méthode syllabique traditionnelle), les cas compliqués (comment faire le son [k])… enfin, en 10 leçons, l’affaire est réglée.

Ce n’est peut être pas si simple, mais en tout cas on s’amuse, les illustrations sont tordantes, parents et enfants riront ensemble, et ce livre pourrait être un accompagnement joyeux de méthodes moins mécaniques et sans doute plus efficaces mais moins drôles, quoique… le rire fait bien des miracles.

En scène

En scène  
Tatiana Werner
Gallimard Jeunsse, 2013

Génial !

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

en scène imageGénial ! Complet ! Intelligent ! Sérieux et drôle ! Instructif mais jamais ennuyeux Une multitude de conseils destinés à des enfants qui veulent monter  un spectacle chez eux.

Des pages documentaires sur le théâtre, ses différentes formes y compris les plus modernes, sur son origine, ses grands noms, ses bâtiments,  ses coutumes, ses professions…

Des exercices sur le corps, la voix, la relaxation,  des idées d’improvisation,  de reproduction,  d’écriture…

Des activités pratiques pour fabriquer un décor, un micro, des costumes, des maquillages, des marionnettes,  des  astuces  pour éclairer avec une frontale, délimiter une scène avec un fil à linge…

Le tout est agrémenté de dessins, schémas drôles et très pédagogiques, de photos belles et documentaires.

Bref, c’est complet et touchant car on sent chez l’auteur l’amour  et la connaissance des enfants et du théâtre.  A mettre entre toutes les mains,  y compris les enseignants qui veulent faire faire du théâtre à leurs élèves.