Le Musée en pyjamarama

Le Musée en pyjamarama
Michaël Leblond, Frédérique Bertrand
Rouergue, 2016

Le musée, la nuit…

Par Anne-Marie Mercier

Fatigué de sa visite au musée, un enfant s’endort et se retrouve dans un dédale de couloirs sombres ; un gardien semble dormir, c’est l’occasion de revoir les tableaux : des roues tournent, des mobiles bougent, des taches explosent… Soulages, Mondrian, Calder, Miro, et d’autres figures de l’art moderne ou contemporain s’animent.

Sur le même principe que les autres albums « en pyjamarama » (Lunaparc, New YorkMes Robots, Les Billes, une grille rayée que l’on passe sur les images permet ces effets de la technique de l’ombro-cinéma (on peut voir une video sur le site de l’éditeur), le livre devient une surface qui bouge et fait bouger le lecteur. Il choisit son rythme, l’ordre des animations, il se promène… tout en regardant de belles images.

Le Livre qui dit enfin tout sur les filles et les garçons

Le Livre qui te dit enfin tout sur les filles et les garçons
Françoize Boucher
Nathan, 2014

Tout, vous saurez tout… ou rien de plus ?

Par Anne-Marie Mercier

Le Livre qui dit enfin tout sur les filles et les garçonsCe livre ne dit pas tout (d’ailleurs la plaisanterie est vite découverte), mais il dit ce qu’il juge essentiel très habilement, sous forme de jeux, de tests souvent absurdes, et en dessins vite croqués et stéréotypés à souhait, ce qui permet de souligner la courte-vue de ceux qui penseraient encore que filles et garçons ne sont pas égaux.

Ils sont affirmés comme différents, certes, mais on ne nous dit jamais à quoi tient cette différence sinon à l’évolution du corps et aux idées reçues. Les variations possibles ne sont pas niées, au contraire, mais elles ne sont pas non plus mises au premier plan.

Tout cela pour ça ? On pourrait objecter que ces idées sont aujourd’hui elles-mêmes bien « reçues » ; mais la qualité du livre tient à sa drôlerie, à son jeu sur l’interactivité (un peu à la manière des albums d’Hervé Tullet) et à sa manière de dire de façon annexe mais juste qu’il n’en a pas toujours été ainsi, que la situation est loin d’être parfaite chez nous et qu’elle reste inextricable dans bien des pays.

Cité Babel, Le grand livre des religions

Cité Babel, Le grand livre des religions
Pascale Hédelin, Gaëlle Duhazé

Les éditions des éléphants, 2015

Religions en voisinage

Par Claire Damon

Cité Babel, Le grand livre des religionsLudique et passionnant, l’album Cité Babel se présente sous la forme d’un immeuble de plusieurs étages. Au rez-de-chaussée se trouve l’épicerie de Monsieur Félix qui est athée, au premier étage vit une famille catholique, au deuxième, une famille juive et au troisième, une famille musulmane.

Cette forme – avec des pages découpées qu’on tourne au gré du hasard et des envies – est le coup de génie de l’album. Jamais rébarbatif, ce documentaire fait découvrir au fil des saisons les temps forts, les rites, les fêtes et les traditions païennes et religieuses. Comme au sein de l’immeuble, ces habitudes et ces croyances se superposent, se respectent, s’invitent et se questionnent. Le vivre ensemble en ressort comme une évidence.

Visitons la maison

Visitons la maison
Pittau & Gervais
Galimard jeunesse (Giboulées), 2015

ABC de la maison

Par Anne-Marie Mercier

Visitons la maisonDans le même esprit que les grands albums parus précédemment (Promenade au jardin, Visite au zoo), les auteurs proposent une visite guidée entre les pages par des chemins de couleur : l’un permet de relier les silhouettes de différents membres de plusieurs familles, dont on retrouve les images à coller en page centrale, l’autre relie les objets, cachés sous des rabats à leur initiale qui évoquent parfois les bruits qui leur sont associés, un autre associe les animaux. Beauté du graphisme sur un fond bleu marine, ingéniosité des parcours, mise en éveil et en activité, c’est tout un monde qui se déplie, dans un abécédaire en forme de jeu.

Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?

Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?
Sébastien Pelon (ill.)

Père Castor, 2013

Schmilblick pour les tout-petits

Par Dominique Perrin

mon livre« Je suis un doudou lapin aux dents blanches, et j’ai une étiquette verte à carreaux. Où suis-je ? ». Cet album agrémenté d’étiquettes de tissu en guise de marques-pages ne poursuit assurément pas de but poétique ; emboîtant le pas à de désormais classiques comme Il est où mon p’tit loup ? de Stéphanie Blake, il attire le jeune lecteur par son thème et ses onglets agréables à toucher en vue de lui soumettre des devinettes logiques. Pour cela, il requiert l’analyse correcte de groupes nominaux descriptifs et la discrimination visuelle correcte d’une pluralité de doudous de même type (de double page en double page, des ours, puis des lapins, puis des éléphants…).

Il est bien possible que ledit jeune lecteur s’y amuse et y apprenne la langue… mais pourquoi bannir aussi rigoureusement toute gaieté inventive d’énoncés impitoyablement calqués sur le modèle cité ci-dessus ?

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau. Un roman à lire et à jouer
Yves Grevet et Julien Meyer (illustrations)
Syros, 2014

Le passé est un jeu comme un autre

Par Matthieu Freyheit

Le Voyage dans le temps de la famille BoyauL’auteur reprend ici les codes du livre-jeu et, en sous-main également, ceux plus discrets du cahier de vacances auquel Le Voyage dans le temps de la famille Boyau s’assimile parfois davantage. Tutoyé dès les premières lignes, le lecteur est pris à partie par Victor, douze ans, fils d’un inventeur et d’une historienne. Victor, enfant typique du début du quatrième millénaire. Victor toujours, donc le père décide d’emmener sa famille dans un voyage interdit vers un passé mystérieux de l’humanité : le 21e siècle. Le voyage proposé par Yves Grevet a l’intérêt de mettre le lecteur en relation avec son propre passé récent (saura-t-il reconnaître les ancêtres de son téléphone bien-aimé ?), mais aussi d’engager l’idée qu’il appartient lui-même à un présent qui passera bientôt au rang de passé explorable, d’Histoire. Déjà dépassé, le 21e siècle ? Une leçon de relativisation, donc, diluée dans une succession de jeux, de codes, de rébus à déchiffrer, d’indices à découvrir qui mettent constamment le lecteur-joueur en rapport avec les différentes temporalités qui l’entourent, avec lesquelles il dialogue parfois sans en avoir conscience. Les illustrations elles-mêmes ne cherchent pas une quelconque poésie mais se mettent au service du jeu et de la redécouverte de son propre univers. Un voyage qui se prête, sur un mode ludique, à l’introduction de motifs complexes, et pourquoi pas au récit d’un certain Huron venu en France…

Mon tout premier livre d’art. Tableaux célèbres

Mon tout premier livre d’art
Rosie Dickins, Sarah Courtauld

Usborne, 2011

Mon livre d’art. Tableaux célèbres
Rosie Dickins

Usborne, 2014

Manuels d’art…

 Par Dominique Perrin

mon tt prem« Tu es libre d’utiliser les couleurs que tu veux » : c’est sur ce type d’incitation idéalement explicite en ce énième siècle du rose et du bleu que repose ce « tout premier livre d’art » instructif, pratique et stimulant.Le projet est à la fois réaliste – il prend en compte le niveau de formation culturelle réel du plus grand nombre – et relativement ambitieux : il s’agit d’ouvrir en même temps les possibilités techniques et les représentations en matière d’arts plastiques. Partant, tout est inivitation ici : à empoigner résolument pinceaux et matières, mais aussi à explorer les multiples musées qui nous entourent, et plus globalement à regarder autrement le monde. Du coup, tout est « modèle » aussi, au meilleur sens du terme : le pari qui structure le livre est conforme aux acquis de la pédagogie contemporaine : des enfants cultivés et outillés sont des enfants actifs et émancipés.
tablxLe second et plus récent des ouvrages présentés ici apparaît sous ce jour nettement moins convaincant que le premier. Cette galerie de « tableaux célèbres », forcément aussi brève qu’arbitraire dans ses choix, et dont seuls les plus anciens sont situés dans le temps, ne relève assurément pas la gageure d’apprendre « tout », ou du moins quelque chose d’essentiel aux jeunes lecteurs sur les œuvres considérées. Elle tombe sous le coup, en tant que telle, des critiques percutantes formulées il y a longtemps déjà par Hannah Arendt à l’encontre du « philistinisme cultivé », attitude par laquelle la bourgeoisie s’approprie l’action artistique en la circonscrivant dans un discours technique et descriptif apte à en désamorcer la dimension de ferment social et existentiel.

Mille choses à faire par tous les temps

Mille choses à faire par tous les temps
Fiona Danks, Jo Schofield
Gallimard, 2013

Créer dehors

Par Dominique Perrin

1000Que l’hiver (le printemps, et l’automne) soient givrants ou boueux, les lecteurs du continent ont certainement à apprendre d’un art britannique de cueillir le jour par tous les temps. Ce guide d’activités extérieures ludiques et artistiques peut passer pour l’un des joyaux nécessaires d’une bibliothèque enfantine ouverte sur le monde – en l’occurrence, celui des éléments. L’air, l’eau, la terre, et, au bord de quelques pages, le feu sont ici donnés à fréquenter et mettre en forme dans tous leurs états, d’une manière à tout le moins inventive et fantaisiste, et pour tout dire jubilatoire dès la simple lecture grâce à de nombreuses photographies de réalisations. Que le lecteur français, civilisationnellement empreint de bonnes manières, puisse rester ici et là abasourdi par certaines propositions touchant aux mille façons de réapprivoiser la boue, n’ôte aucun charme à ce guide par ailleurs prudent, et somme toute révolutionnaire…

Paysageux. Une image peut en cacher une autre

Paysageux. Une image peut en cacher une autre
Henri Galeron
(Les Grandes personnes), 2012

Jeux intemporels

Par Anne-Marie Mercier

paysageuxCe grand album cartonné ne comporte que sept doubles pages mais demande une lecture longue et attentive. Il est construit sur le principe des objets cachés dans l’image (à la manière de certaines assiettes anciennes), du jeu des sept erreurs, ou des perspectives impossibles à la Escher.

Les images, dans le pur style Galeron, c’est-à-dire belles, précises, aux couleurs délicates, sont un enchantement par elles-mêmes. Quant à la recherche, elle est très graduée : certaines éléments sont faciles à trouver, tandis que d’autres demanderont au lecteur un long temps d’observation : c’est une école du regard en soi, qui prouve que si on y met le temps, on voit ce qu’on ne pouvait voir… En cas de difficulté,  on peut  prendre conseil dans la dernière page – j’avoue y avoir eu recours pour la dernière image : le chasseur est coton à trouver !

Le principe de l’album sans texte (ou presque) associé à une recherche le rend accessible et intéressant pour tous les âges tandis que sa solidité le destine à être un objet que l’on lit et relit, que l’on transmet, qui fait le lien entre les générations… Un cadeau idéal  ?

Henri Galeron a publié récemment aux grandes personnes d’autres grands albums d’images surprenantes : Le Chacheur (46 cmx11 de haut… texte de Bernard Azimuth), Monsieur (pour les amateurs de chats) texte de Marie-Ange Guillaume) et Chacun son tour (le monde à l’envers, texte de Gilbert Lafaille), et chez Motus Les bêtes curieuses (texte de François David), tous magnifiques et inépuisables.

Voir pour plus de détails un article sur le Blog de LU Cie & Co

 

 

 

Cahier pour apprendre à colorier autrement

Cahier pour apprendre à colorier autrement
Pascale Estellon

Les grandes personnes, 2013

Colorier est un art

Par Anne-Marie Mercier

Cahier pour apprendre à colorier autrementColorier est un art… et une technique. Ce n’est pas si simple : comment faire pour éviter de « déborder » ? comment foncer les couleurs sans surcharger en encre de feutre et risquer de percer le papier ? Toutes sortes de conseils judicieux sont donnés en première page.

Puis, vient l’art : les supports sont « autres » : dessins en broderies, proches de motifs aborigènes, dessins naïfs, pop art… et on les colorie de différentes façons : avec des traits, des chiffres, des points, des étoiles… alors, le coloriage devient autre chose et s’émancipe. C’est à cela qu’invite aussi le format exceptionnellement grand de cet album qui affiche une ambition d’album d’artiste.