Une histoire grande comme la main

Une histoire grande comme la main
Anne Herbauts
Casterman 2017

L’Enfant Branche et Grand-mère Ecorce

Par Michel Driol

De l’enfant, on ne connait que l’initiale, Y. D’où son surnom, l’Enfant Branche. Il habite en lisière d’une forêt qu’une marée remonte toutes les nuits, marée qui laisse un matin des bottes qu’il enfile avant de s’endormir. Il rêve alors qu’il marche, accompagné de Tigre, jusqu’à la maison de Grand-mère Ecorce et son Chat. Grand-mère Ecorce raconte alors cinq histoires.  Puis c’est le matin.

Sur un modèle bien connu – récit enchâssant, récits enchâssés – Anne Herbauts propose un tissage original par l’univers évoqué, le travail sur la langue et l’unité thématique autour de la main. Une histoire grande comme la main, cela fait cinq histoires décrète l’enfant. Mais tout dépend comment on compte, répond le Tigre. D’emblée est posé l’entre deux : entre certitude et incertitude, réalité et rêve. Le récit enchâssant  tient du conte, par ses personnages (l’enfant, la grand-mère), par ses lieux (la forêt enchantée où l’on se perd, au cœur de laquelle se trouve la maison habitée par une vieille femme), la perte des repères habituels (la marée de la forêt qui mêle le végétal et l’aquatique dans une sorte de symbiose merveilleuse). Les récits enchâssés tiennent d’avantage du récit initiatique dont la thématique commune est grandir, trouver sa place dans le monde quand on croit ne savoir encore rien faire ou être inutile. Ces histoires conjuguent des figures du minuscule et du géant, de l’inutile et de l’utile, sous des formes variées : végétales (arbres, graines…), aquatiques (rivière et océan).Toutes ces histoires sont enfin reliées par la thématique – ou la symbolique – de la main qui parcourt le livre : du Y initiale de l’enfant – comme la figuration du pouce opposé aux autres doigts à la main griffée par le Chat, de la petite graine qui roule dans la main aux mains qui peignent, écrivent ou parlent… Quelque part, l’album est un hommage rendu au pouvoir de faire des mains –l’étymologie grecque du mot poésie signifie faire, créer…

L’album est écrit dans une prose poétique essentiellement rythmée soit par la ponctuation, qui isole des segments de phrase, soit par le retour à la ligne. Cette langue fait la part belle aux énumérations, comme s’il s’agissait de dire le monde par les mots dans sa totalité, sa diversité. Les illustrations jouent du clair et de l’obscur, du simple et dépouillé ou du complexe, sans chercher à en dire plus que le texte.

Un album qui propose une certaine vision de la poésie qui, tout en plongeant dans l’imaginaire, le rêve, aborde une problématique universelle : prendre place au monde. Il fait partie de la sélection 2018-2019 pour le Prix de la Poésie Lire et Faire Lire.

La Vie ne me fait pas peur

La Vie ne me fait pas peur
Maya Angelou – Géraldine Alibeu
Seghers jeunesse bilingue 2018

Résister et surmonter ses peurs

Par Michel Driol

Maya Angelou est peu connue en France dans les grandes figures de l’émancipation des femmes afro-américaines. Née dans une famille très pauvre du Missouri, élevée par sa grand-mère, elle parvient à entrer à l’université puis à devenir chanteuse et danseuse, poétesse et conteuse qui se bat aux côtés de Malcolm X et de Martin Luther King. Elle est décédée en 2014.

Revient, comme un refrain, le vers qui donne son titre à l’ouvrage, essentiellement en fin de tercets dont les deux premiers vers sont des évocations de choses qui pourraient faire peur. Peurs enfantines pour l’essentiel : liées à des choses concrètes comme les ombres, les bruits, les chiens, ceux qui tirent sur [sa] tignasse,  ou à des choses plus imaginaires comme les dragons, Mère l’Oie, les spectres. D’autres strophes  sortent de cette liste pour évoquer la résistance de l’enfant : rire, sourire, faire bouh, mettre un sort de magie dans sa manche. S’il y a bien des peurs, elles ne sont qu’en rêves. Le poème délivre alors une leçon de vie dans laquelle courage, rêve et imaginaire deviennent ainsi des armes pour lutter contre les terreurs.

L’album présente le poème de Maya Angelou en le découpant soit par vers, soit par strophes, cette adaptation imposant au lecteur un certain rythme de lecture et de respiration. Les illustrations envahissent les doubles pages, et donnent à voir une petite fille afro-américaine – à l’image de l’auteure. Les couleurs passent du gris et du sombre, au début,  aux couleurs  plus éclatantes de la fin. Elles accompagnent le texte, quitte peut-être à trop le commenter, ou à rajouter des détails (la petite fille qui danse, ou qui est montée sur des échasses). Certes, ces détails respectent le ton et l’intention du texte, mais imposent peut-être trop une certaine vision d’un monde relativement édulcoré aux lecteurs. On pourra les opposer aux illustrations proposées par Basquiat pour une édition américaine, dans un style beaucoup plus expressionniste, contemporain et violent

L’édition bilingue associe bien sûr le texte original à sa traduction et permettra d’évoquer la figure de l’auteure, dont la biographie est heureusement présente en fin d’ouvrage. Cet ouvrage fait partie de la sélection 2018-2019 pour le Prix de la Poésie Lire et Faire Lire.

Poèmes pour affronter le beau temps & profiter du mauvais

Poèmes pour affronter le beau temps & profiter du mauvais
Pierre Soletti Clothilde Staës
Le port a jauni  2017

Avec le temps…

Par Michel Driol

En quatre temps, le recueil évoque du temps qui passe, à la fois temps météorologique et temps chronologique. Quatre temps, comme les quatre saisons, ce qui pourrait fournir une clef de lecture au recueil parmi d’autres. Quatre temps articulés autour de quatre sujets – à la fois grammaticaux et thématiques : un « je » qui s’adresse à un « tu » dans le premier, le frigo dans le deuxième, l’automne dans le troisième, les arbres dans le dernier. C’est dire à la fois la variété formelle et l’originalité de ce recueil qui ne se laisse pas saisir facilement tant il semble jouer sur les variations et la combinatoire à partir de quelques mots pour mieux emporter le lecteur dans un tourbillon verbal où les sonorités comptent autant que le sens :

J’ai coincé pour toi / un bout de pluie / dans le vent
J’ai coincé pour toi / un bout de vent / dans la pluie
J’ai coincé pour toi / un bout de temps / dans le vent

Quatre moments pour affronter le temps qui passe, le temps qui s’étire, le temps perdu, ou le temps qu’on voudrait bien remonter avec une machine bricolée à partir de trois bouts de ficelle. Quatre moments qui invitent à être sensible à la nature : à la brume ou au soleil, au chahut des grenouilles…  Quatre moments qui questionnent aussi sur la place de l’homme au monde : maitre de temps d’abord, dans une relation quasi protectrice visant à arrêter le temps, il disparait ensuite complètement au profit d‘objets : le frigo dans une maison abandonnée,  l’automne qui se faufile partout dans la maison vide,  (on ne peut que songer à l’Hiver, dans la série Hulul d’Arnold Lobel), les arbres qui tentent de retenir les oiseaux.

On a évoqué les sonorités : reste à évoquer aussi une poésie visuelle dans laquelle les mots prennent la forme de ce dont ils parlent : les deux n du tunnel, l’allongement  du verbe s’allongent miment par leur forme leur référent et renforcent le coté jeu et humoristique du recueil qui, à partir d’un vocabulaire d’une grande simplicité, par le biais des associations, des métaphores ou des comparaisons recrée un monde d’une étrange familiarité.

Le texte est traduit en arabe, présenté en version bilingue, et illustré d’encres rehaussées de couleur qui invitent aussi à voir différemment le monde qui nous entoure. Cet ouvrage fait partie de la sélection 2018-2019 pour le Prix de la Poésie Lire et Faire Lire.

Le sous-marin de papier

Le sous-marin de papier
Werner Lambersy – Aude Léonard
Møtus 2017

Le temps des bateaux

Par Michel Driol

Voici le premier recueil de poèmes de Werner Lambersy écrit à destination des enfants. Chaque double page associe un poème – d’une longueur de 8 ou 9 vers, adressé à un « tu » dont on devine qu’il est un enfant  – et une photo en noir et blanc qui l’illustre. Le recueil dessine ainsi un parcours au travers d’une série une série d’instantanés qui sont autant de tranches de vies minuscules, instants à la fois d’une grande banalité et précieux, interrogations ou émerveillements : le coquillage qu’on porte à l’oreille pour écouter la mer, les jeux, les activités comme le bricolage. L’imaginaire trouve sa source dans le quotidien.

Le sous-marin de papier du poème invite à un voyage, à une navigation non pas en surface, mais en profondeur, au cœur même des choses, au cœur même de nous-mêmes à travers l’enfant dont ces instantanés constituent le portrait en action. Les figures du voyage et du départ sont omniprésentes : bateaux, vélos, automobiles, évasion par la musique et s’opposent à d’autres figures de l’immobilité : la tortue qu’on épie, les cygnes qu’on regarde passer. Ce qui se dessine ainsi  – en particulier au travers de métaphores et des comparaisons – c’est une façon d’être au monde, de relier le microcosme du corps au macrocosme de l’univers qui se reflète dans les yeux – ce monde qui reste à explorer non pas seulement en parcourant les continents, mais en trouvant sa propre place, entre les désirs d’évasion,  les peurs ressenties dans la cour de récréation et la petite voix de la mère. Ce qui se dessine aussi, c’est l’univers enfantin, celui des bonhommes de neige et des châteaux de sable, celui des réveils qu’on démonte patiemment, celui des odeurs de gaufres. C’est aussi le temps des grandes questions : la mort, la guerre, juste évoquées en filigrane.

Les illustrations d’Aude Léonard figent le temps l’instant d’une photo,  qui, le plus souvent, suggère une vision du monde et des choses qui propose  un voyage dans un monde étrange : roues de réveil aussi grandes que l’enfant, enfant blotti dans un nuage.  On navigue ainsi – en magnifique et juste écho aux textes – entre réalisme poétique et fantastique.

Un recueil qui donne à voir et à retrouver une belle image de l’enfance. Il fait partie de la sélection 2018-2019 pour le Prix de la Poésie Lire et Faire Lire.

Le Zoo poétique

Le Zoo poétique
Bruno Gilbert

Seuil Jeunesse, 2018

Par Matthieu Freyheit

« Mon amie le croit bête, parce qu’il est poète »

« Les animaux assistent au monde. Nous assistons au monde avec eux, en même temps qu’eux », suggère Jean-Christophe Bailly dans Le Versant animal. Le Zoo poétiquepublié chez Seuil Jeunesse tente de restituer cette coexistence en interrogeant la forme singulière de la parole animale lorsqu’elle s’incarne en poésie. La tradition est ancienne : elle consiste à trouver dans la poésie un espace de recherche pour donner un langage à ceux qui ne parlent pas et à ce qui ne parle pas. On y dit l’indicible, on y fait parler les silencieux, on y livre le parti-pris des choses, et des êtres.

Pas d’anthologie animale, ici, mais une proposition recueillant des textes de Charles Cros, de Jules Supervielle, de Francis Jammes ou d’Emile Verhaeren, entre autres, tous illustrés par Bruno Gilbert à qui l’on doit déjà, chez le même éditeur, un travail consacré à la poésie de Maurice Carême (La Poésie est un jeu d’enfant, 2015). La poule est faite d’automne, le cheval de blanc vide, la panthère faite de nuit ; l’écureuil se confond avec la feuille. La géométrie l’emporte, comme les remplissages simples de figures d’un seul tenant. Ainsi les animaux sont-ils formes et couleurs en plus d’être mots. Les écrevisses, élégantes dans leur costume, « s’en vont […] à reculons, à reculons ». Le merle, croquant le givre, « croit à la jeune saison ». La panthère tire la langue à la nuit, tandis que « les bruits cessent, l’air brûle, et la lumière immense endort le ciel et la forêt ». L’âne, bien sûr, porte ses charges, et trompe bien son monde : « Mon amie le croit bête, parce qu’il est poète. » La langue et l’image ne font pas que révéler l’animal, mais se laissent également révéler par lui. C’est que « l’identité de l’homme comme celle de l’animal s’éclairent de leur mutuelle confrontation », précise Dominique Lestel dans L’Animalité. Cette complexité est en jeu dans le Zoo poétique, et en fait un objet de contemplation esthétique autant que de réutilisation pratiques avec des classes pour une exploration des relations texte-image, et des relations entre fond et forme.

Une Vache dans ma chambre

Une Vache dans ma chambre
Dominique Cagnard et Aude Léonard

Motus, 2008

Par Matthieu Freyheit

Les vaches sauveront la poésie

La poésie sauvera le monde. Les vaches sauveront la poésie. Les vaches sauveront-elles le monde ? Nous connaissons les éloges et les hymnes, les élégies et les dithyrambes. Rien d’aussi solennel ou grandiloquent ici. Dans la poésie de Dominique Cagnard, les vaches se promènent, broutent et secouent les mouches. Elles attendent et elles dorment, et ne demandent rien : « […] nous sommes si bien / à regarder les boutons d’or. / Les vacances c’est pour les hommes. / Nous ne voulons rien que le ciel / et un coin d’herbe / pour abriter nos yeux. » Dans la poésie de Dominique Cagnard, les vaches donnent à vivre petitement, elles laissent deviner le silence, ruminent et rêvent sans savoir qu’elles font un paysage, et que d’ailleurs il « n’y a rien d’autre à faire / qu’à regarder les vaches ». Dans la poésie de Dominique Cagnard, les vaches visitent nos chambres, veillent la nuit et quittent la terre, remplissent et vident successivement le monde : « Au loin les vaches s’en vont / dans des camions / tassées dans la nuit / et personne n’y fait attention. »

Motus agrandit avec Une Vache dans ma chambresa remarquable collection « Pommes pirates papillons », unique dans le paysage français pour son parti-pris et la qualité de ses propositions. Le volume issu de la collaboration entre Dominique Cagnard, poète, et Aude Léonard, illustratrice, est l’un des plus beaux de la collection, et un recueil rare. Les vaches immenses envahissent le monde d’un imaginaire nourri de prés et de vent. Mises bout à bout, elles déploient des territoires familiers qui ont nos mots à nous, sans hermétisme ni symboles, ou extravagances poussives. La langue et l’image reproduisent et inventent les vaches, leur donnent des formes et des pouvoirs qui sont, précisément, ceux de la poésie capable non pas de transformer l’univers, mais de modifier ou de nuancer le regard posé sur lui. Le travail de photographie et d’incrustation mêle alors la nostalgie rurale à l’onirisme des éléments et au temps de l’enfance : « Je n’ai que sept ans », assure celui qui écrit les vaches. « À chacun son lyrisme d’enfance », souligne Sophie Nauleau dans La Poésie à l’épreuve de soi. Le lyrisme des vaches, chez Cagnard, regarde le temps passer, se souvient peut-être de Petit Pierre partageant une danse avec sa vache préférée, secoue la neige et dîne tout le jour. Nulle obsession, mais observation d’une vie qui dit un rythme, celui de la contemplation de celles qui « ruminent pour ne pas oublier ». Ruminons, alors, à notre tour, ce que dit le reflet des vaches, ainsi que nous y invite l’admirable couverture d’Aude Léonard.

Un livre irremplaçable qu’on souhaiterait garder pour soi, n’était le sentiment de devoir partager sa valeur, la nécessité de le donner à lire, et à aimer.

Moi j’irai dans la lune, et autres innocentines

Moi j’irai dans la lune, et autres innocentines
René de Obaldia, Emmanuelle Houdart
Grasset jeunesse, 201

Jardins d’enfants fous

Par Anne-Marie Mercier

Avec Obaldia, la poésie s’affranchit, et pourtant elle rime toujours. Les mots se tordent, les sens se multiplient, les syllabes se contractent et l’esprit d’enfance fait sa révolution. Le garçon et la fille de « Chez moi » rivalisent d’exagérations, l’enfant du « secret » court après des choses vues en rêve, la fillette de « J’ai trempé mon doigt dans la confiture » est excessive, Pétronille veut être un garçon, Zaza envie le zizi de son frère, « Antoinette et moi » rêvent de grandir pour être amants en vrai… On n’a donc pas que des histoires de confitures et de jeux ici, et quand il y en a, ça s’emballe sérieusement et les chevaux de bois ruent dans les brancards, tandis que les enfants mordeurs ne se laissent pas faire. Les dessins  colorés d’Emmanuelle Houdart ont la cruauté et l’innocence qui sied.
Un texte déroule toutes les caractéristiques de la langue anglaise et des anglais (enfin, celles que le locuteur débutant imagine), un autre un voyage dans le lune, un autre le charme des départs en « Ouiquenne, un autre une Sologne rêvée…

Vivement mes dix ans
(Ah ! cogne mon cœur cogne !)
Vivement mes dix ans
Pour aller en Sologne

En Sologne la neige
Tombe jusqu’au mois d’août
On y chasse en cortège
On y chasse le loup

Des loups qui sont tout blancs
Mais avec des dents noires.
Leurs pattes de devant
Ecrivent des histoires. […]

Dans les forêts perdues
Quelque part en Sologne
Mon cœur déjà fendu
bat pour les autochtones.
[…]

 

Petit jardin de poésie Robert-Louis Stevenson

Petit jardin de poésie
Robert-Louis Stevenson,  Ilya Green
Grasset jeunesse (la collection), 2017

Jardin d’enfants sages

Par Anne-Marie Mercier

Suivant le principe de « La collection » de Grasset, l’illustratrice a disposé d’une palette limitée à trois ou quatre couleurs et d’une semaine de délai pour illustrer le texte classique qui lui a été proposé. Les dessins d’Ilya Green ont une allure un peu désuète, imitant à la perfection des images de livres d’enfants d’autrefois.
Les poèmes de R.L. Stevenson sont joliment traduits, sagement, avec des rimes et des vers réguliers. Ils évoquent la maison, les heures de la journée, les jeux et les jouets, toutes choses charmantes reflétant l’idée que l’on se faisait à l’époque des bonheurs enfantins – du Maurice Carême en somme avec des problèmes liés à la traduction.
Cette sagesse fait un contraste intéressant avec l’album précédent de la collection, La Valse de Noël de Boris Vian, décapante et détonante.

Si Les pommes avaient des dents

Si les pommes avaient des dents
Milton et Shirley Glaser
adapté par Didier da Silva
Helium, 2017

A croquer et déguster lentement

Par Anne-Marie Mercier

« Si on laissait le choix au truites, elles prendraient certainement la fuite », « Si les oursonnes étaient coquettes, elles s’occuperaient de leur poilette (sic) », « Si les rhinocéros portaient des pulls, ils seraient certainement ridicules »…
Les formules jouent tantôt sur les sonorités des mots, tantôt sur la forme des objets et des animaux. Les plus intéressants sont ceux dans lesquels le rapport entre les éléments n’est pas évident : on cherche, on associe… Les dessins sont absurdes à souhait : la pomme souriante mais un peu inquiétante de la couverture en est un bon exemple.

Une « lecture » active et stimulante,

La géographie absente

La Géographie absente
Jeanne Benameur
Editions Bruno Doucey 2017

L’exil vu par une enfant

Par Maryse Vuillermet

Ce recueil de poésies raconte « l’exil, à travers le regard d’une enfant et le courage muet des mères ».
C’est une poésie presque narrative, évocatrice, faite de notations précises d’instants clés. L’exil se dit par les souvenirs.
De départs,
Les mains de nos mères avaient glissé
Sur la poignée des portes
Elles avaient fermé à clef
Ce qu’elles n’ouvriraient plus
De sensations,
La craie au fond de la gorge
D’attitudes corporelles, de gestes
 Depuis leurs gestes restaient
Suspendus
Et leurs bouches
Closes .
Des formules incandescentes, presque philosophiques, ramassent en courts-circuits le drame :
 L’enfance de nos mères
est une terre sans aveu
nous y marchons pieds nus .
Le contexte est la guerre d’Algérie pour l’auteur,  mais ces poèmes parlent de tous les exils de tous les enfants.