Je suis venu tout seul

Je suis venu tout seul
Nicole Dedonder

mØtus (mouchoir de poche), 2011

Deuil : mode d’emploi en petit carnet

par Anne-Marie Mercier

Rémy se rend régulièrement sur la tombe de son frère, souvent seul, parfois avec sa mère. Là, il lui parle, le questionne. Il lui raconte l’avancée de ses amours avec Louise, ce que deviennent les copains qui l’oublient, entrent en sixième, trouvent qu’un cimetière est un lieu infréquentable. Il rêve aussi, il joue, met des notes aux inscriptions qu’il lit sur les autres tombes, imagine la vie des autres, écrit ses pensées dans un petit carnet. Les années passent, mais pas le souvenir.

Imprimé en blanc sur noir comme tous les livres de cette collection « mouchoir de poche », ce n’est pas un livre funèbre et pourtant il dit beaucoup sur la mort d’un frère, avec les questions que les enfants  se posent, les vêtements qu’on essaie de leur faire porter, leur solitude face aux autres qui ne comprennent pas.

Odile n’existe plus

Odile n’existe plus
Frédéric Chevaux

Ecole des Loisirs (Neuf), 2011

Quand faire face à la mort est possible

par Sophie Genin

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Odile n’existe plus n’est pas un texte thérapeutique pour faire face à la mort quand on a dix ans, c’est un roman sur les histoires qui ne sont pas toujours fausses. Odile n’existe plus n’est pas un roman de plus sur la fin de l’enfance, c’est un livre qui donne la parole à une petite fille, Emilie, en créant une voix originale, comme une mise en abîme de l’acte d’écriture. C’est un texte touchant, émouvant, dans lequel vous croiserez la Belle au Bois dormant, le Petit Poucet, Hansel et Gretel, le Petit Chaperon Rouge et son loup et, surtout, le Prince Charmant d’Emilie : Rémi. Vous comprendrez pourquoi il n’y a que lui qui peut lui convenir à elle, courageuse, mais pas tout le temps, et qui aimerait que les contes de fées ne soient que des débuts et, surtout, vrais, même si elle sait bien, au fond, que c’est impossible !

Le monde dans la main

Le monde dans la main
Mikaël Ollivier
Thierry Magnier, 2011

 Le carillon des anges

par Christine Moulin

mikaël ollivier,thierry magnier,adolescence,deuil,secret de famille,christine moulin« Le carillon des anges » : l’évocation de ce jouet que la famille du narrateur, Pierre, ressort à chaque Noël, encadre le récit et fait mesurer ce qui s’y est joué.
Disons-le d’emblée : ce roman est bouleversant. La phrase ultime, en forme de mise en abyme, en est particulièrement révélatrice : « C’est une autre histoire que celle que je termine d’écrire aujourd’hui en ajoutant ce point final qui suit ce dernier mot ». Roman d’une disparition, il est tout entier construit sur une absence, à tel point que l’on se demande encore longtemps, bien après le livre refermé, ce qui est arrivé à la mère du narrateur, qui s’en va, un jour, sur le parking d’Ikéa.
Cette rupture va jouer le rôle d’un révélateur, permettre l’écriture, débusquer les non-dits, transformer les êtres, faire remonter les secrets. Jusqu’à la révélation finale.
La virtuosité de la narration est au service du propos, qui souvent, émeut, interpelle le quotidien de tout un chacun, tout en brossant le portrait d’un adolescent sensible, généreux, un peu perdu dans ce monde de brutes mais non dépourvu de ressources ni de force.
Et en prime, c’est drôle : le début est hilarant. Ikéa plus vrai que nature (première phrase du premier chapitre : « Ikéa, c’est drôle au début »; Dernière phrase du même chapitre : «Là où ils sont forts chez Ikéa, c’est que tu en as tellement marre à la fin, que tu es soulagé de payer » !).
Sur le site de l’auteur, on peut voir une vidéo où il parle de son livre (mais attention, allez l’écouter après lecture: SPOILER!). Il dit qu’un bon roman pour ados doit pouvoir intéresser pleinement les adultes : n’est-ce pas tout le pari de Lietje?
Et voici à quoi ressemble un carillon des anges :

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Marie et les choses de la vie

Marie et les choses de la vie
Tine Mortier et Kaatje Vermeire

Le Sorbier, 2011

Histoire d’amour intergénérationnelle 

par Frédérique Mattès

Marie et les choses de la vie.jpgTine Mortier évoque avec une grande sensibilité les rapports entre Marie et sa grand-mère. Une complicité sans faille les lie. Elles se racontent des histoires, partagent leur amour des gâteaux et de la vie, les mille et une choses du quotidien. Le temps qui apporte décrépitude n’aura pasde prise sur ce lien qui les unit…. Marie sera toujours aux côtés de sa grand-mère, même quand elle aura perdu la parole, le goût de la nourriture, de la vie…

Ces propos sont admirablement soutenus par les illustrations délicates et travaillées (collages, peinture au  pochoir et dessins réalistes au trait) de la jeune illustratrice flamande Kaatje Vermeire.

Une bien belle façon d’aborder un sujet difficile. Il faut toutefois oser au-delà de la première page un peu déroutante qui décrit la naissance de Marie. 

Au revoir, Papy

Au revoir, Papy
Josy Bidan, Sandrine Lhomme
Nouvel Angle, 2010

Manuel de deuil

par Christine Moulin

josy bidan,sandrine lhomme,nouvel angle,deuil,lettre,journal intime,christine moulinLe procédé narratif, sans être original (on songe au superbe Je t’écris, j’écris d’Eva Caban), est intéressant : une petite fille écrit dans son journal intime des lettres à son grand-père décédé. Il y a des moments émouvants : celui où elle manque de garder pour lui le gros bout crémeux de la bûche, celui où elle retrouve le papier où il avait écrit les scores d’un jeu auquel ils avaient joué.

Mais, sinon, dans l’ensemble, on a l’impression de suivre les étapes du deuil, telles qu’elles ont été souvent décrites, avec des variantes, bien sûr, et une accélération peu vraisemblable vers la fin. Les illustrations ne viennent rien bousculer: redondantes par rapport au texte, elles sont sages et se veulent rassurantes.

Mais surtout, on se demande si c’est vraiment ainsi que les enfants vivent la disparition d’un proche. Tout est maîtrisé : pas de peur, pas d’interrogations, une croyance assez lisse en la possibilité de communiquer avec le défunt à travers les rêves. Il semblerait bien plutôt qu’on ait l’explication par un adulte de ce qu’est le deuil à un enfant, ou plutôt de ce qu’il devrait être, pour ne pas paraître trop effrayant, trop cruel. Rien de ce qui fait de la découverte de la mort une étape essentielle dans le devenir de chacun. Mieux vaut relire L’Arbre sans fin de Ponti.

Mistigri, mon ami

Mistigri, mon ami
Elisabeth Partridge, Lauren Castillo
traduit (anglais) par Fenn Troller
Seuil jeunesse, 2011

Dire le chagrin

par Christine Moulin

elisabeth partridge,lauren castillo,fenn troller,seuil,deuil,chat,christine moulinCet album est, en apparence, modeste et par là même, touchant. Il ne cherche pas à donner de la mort et du deuil une vision originale ou poétique ou profonde. Non, il dit tout simplement, avec des phrases très courtes, de celles que saurait écrire un enfant, les sentiments qui peuvent unir un chat, un petit garçon et sa maman. Il dit la rupture que provoque la maladie. Il dit la tristesse.

Les illustrations sont à l’unisson : réalistes mais délicates. Tendres (bouleversant, le dessin que dépose l’enfant sur la tombe de Mistigri, bouleversant le « petit menton » du chat…)

Dommage que la deuxième partie laisse place à une vision plus traditionnelle. Certes, il y a de la justesse dans la façon qu’a le petit garçon de chercher son ami perdu « tout là-haut, heureux parmi les oiseaux » puisque sa maman lui a dit qu’il était au ciel… Mais l’optimisme final  (« nous serons amis pour la vie, rien ne nous séparera jamais ») semble un peu forcé et débouche sur une sentimentalité que le reste de l’album avait su éviter avec beaucoup de pudeur.