Le Château des papayes

Le Château des papayes
Sara Pennypacker
Traduit (anglais, USA) par Faustina Fiore
Gallimard jeunesse, 2020

Faire société

Par Anne-Marie Mercier

Ce roman est un beau cadeau pour tous les enfants mal dans leur peau, mal en société, décalés par rapport aux attentes de leurs parents, solitaires, rêveurs, un peu potelés et allergiques aux collectivités d’enfants. Au début du roman, Ware dont on vient de lire le portrait est en vacances chez sa grand-mère, et c’est du fond de sa piscine où il rêve qu’il assiste sans rien comprendre à l’arrivée des secouristes qui viennent pour elle, beau résumé de son attitude de retrait involontaire. La suite le montre chez ses parents, qui l’inscrivent à un centre de loisirs pour l’été, horreur absolue pour lui (la description des hurlements et des mouvements réglés des enfants, l’injonction à voir un projet de vie et à être positif, tout cela  est raconté avec un bel humour grinçant).
Très vite, il feint de s’y rendre chaque jour et se réfugie dans un terrain vague où s’active une fille de son âge, Jolène, qui a bien d’autres difficultés avec la vie, familiales, économiques et sociales. Elle y plante des papayers afin de récolter et vendre les fruits. Son organisation pour amender et irriguer le terrain, protéger les plants, réfléchir aux problèmes lorsqu’ils se présentent fait un beau contraste avec le comportement enfantin de Ware, d’abord tout occupé à se construire un château du moyen âge dans les ruines de l’église qui borde le terrain.
Mais progressivement les enfants s’apprivoisent l’un l’autre et Ware, tout doucement, évolue : c’est un autre enfant, beaucoup plus mûr que découvriront ses parents lorsqu’ils finiront par le voir vraiment, à la fin de l’été, un enfant qui restera non conforme, mais qui se sera affirmé dans sa posture et dans son regard : un futur artiste ? Entretemps, Ware et Jolène, aidés d’une jeune écologiste auront tenté de faire front contre un projet immobilier qui menace leur terrain. Et comme le dit Jolène, puisqu’on n’est pas dans le monde des Bisounours, ils échoueront, mais quand même pas sans quelques victoires.
C’est l’une des qualités de ce beau roman qui part de peu, et procède pas à pas, en chapitres très courts mais tous chargés de sens à l’intensité croissante : il montre que la littérature de jeunesse peut refuser le monde des Bisounours sans désespérer pour autant la jeunesse et sans lui mentir.

La fois où Mémé a vaincu un taureau!

La fois où Mémé a vaincu un taureau!
Vincent Cuvellier, Marion Piffaretti (ill.)
Nathan, 2019

Ma mémé, quand elle était petite, c’était pas encore ma mémé

Par Christine Moulin

Comme son nom ne l’indique pas, Mémé est une petite fille, ou plutôt, le narrateur a choisi de raconter un épisode de la jeunesse de sa grand-mère (un autre épisode a été publié, La fois où Mémé a tapé un clown: nous assistons manifestement à la naissance d’une série). Il s’agit de la confrontation avec un terrible taureau, Angelo. Confrontation assez drôle, qui permet à la petite fille de montrer un courage et une ingéniosité au moins égales à celles de son petit copain Mimile, mais qui pourraient fâcher les détracteurs des corridas…

L’argument est assez mince mais il est relayé par des illustrations faussement naïves que l’on pourrait qualifier de « rigolotes » (la galerie des vaches est savoureuse). Le style est une transcription de l’oral: ce qui en fait le charme pour certains peut en agacer d’autres, ou les inquiéter (cela n’aide pas à faire la distinction avec l’écrit mais ne peut-on parfois s’autoriser un récit très gentiment transgressif?).

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas mort de taureau.

Mamie fait sa valise

Mamie fait sa valise
Gwladys Constant
Rouergue 2019

Tout est toujours à remailler du monde…

Par Michel Driol

Mamie a quitté pépé, et vient habiter dans la famille d’Armand. Tout cela parce qu’elle en a assez, parce que son mari ne lui fait plus de cadeaux, ne s’occupe plus d’elle… Pour Armand, une seule chose à faire : réconcilier ses grands-parents. Ce à quoi il s’emploie, faisant l’intermédiaire entre eux, invitant son grand père à faire telle ou telle chose, en fonction de ce que sa grand-mère lui dit. Mais la grand-mère est difficile ! Et Armand ne se décourage pas ! L’Amour triomphera à la fin, avec un second voyage de noces en Italie, le pays d’origine…

Gwladys Constant signe là un roman léger – ce qui n’est pas un défaut – et plein d’humour. Le récit est pris en charge par Armand, et tout est donc vu à travers ses yeux d’enfant qui ne comprend pas toujours le monde des adultes, mais qui s’avère un petit garçon au grand cœur plein de bonne volonté. Le texte fait la part belle à des dialogues savoureux. Les situations cocasses s’enchainent, la grand-mère se révélant assez déjantée – entre la Vieille dame indigne et Tatie Danielle. Les relations entre adultes – le gendre, la faille et la mère sont aussi vues à travers les yeux de l’enfant : que faire quand votre chambre à coucher est squattée ? Dans ce roman, comme souvent en littérature jeunesse, les adultes s’avèrent assez enfantins, et les enfants remettent le monde en ordre. Voici donc le portrait d’une famille un peu folle – comme Gwladys Constant semble aimer  les dépeindre pour notre plus grand bonheur. (Voir notre chronique sur Philibert Merlin)

Un roman drôle, agréable à lire, optimiste, qui montre aussi comment un enfant grandit et découvre la complexité d’un monde qu’il n’interprète pas toujours bien.

Miss Ming

Miss Ming
Valérie Dumas – Jean-Pierre Blanpain
HongFei 2017

La pierre de rêve, ou la grand-mère retrouvée

Par Michel Driol

Lila revient chez sa grand-mère, la fameuse Miss Ming. Au-delà du champ d’Antonio, elle retrouve la maison inhabitée désormais, et ses souvenirs. Se dessine alors le portrait en creux de cette grand-mère, à travers les objets exotiques omniprésents qui évoquent celle qui a été une grande voyageuse dans sa tête. Lila se souvient de ses sept ans, de la fête d’anniversaire organisée par sa grand-mère, et de son cadeau, un étrange objet à la quête duquel elle se lance : une pierre de rêve qu’elle retrouve dans l’armoire rouge. Elle la regarde et y retrouve la figure bienveillante et initiatrice de sa grand-mère, accompagnée de la figure protectrice d’Antonio.

L’album tisse finement plusieurs fils : celui de la province française, avec son paysan, ses vaches et ses fromages et celui de l’exotisme, avec ses cerfs-volants, ses figurines chinoises ; celui du souvenir de la grand-mère, des jours heureux de l’enfance et celui du voyage dans la vie qui reste à parcourir ;.celui de l’ancrage dans le réel, avec la maison, la brouette, l’escalier… et celui du merveilleux avec les dragons, voire du fantastique avec cette bague qui apparait mystérieusement à la fin dans la main de Lila.  Le tout est rythmé par la voix de la grand-mère, qui résonne encore « Lila ma douce… » L’album ne manque pas d’humour, en particulier dans le portrait de cette grand-mère, Miss Ming. « Pas de doute, ici tout est Ming » assure le texte, tandis que l’illustration montre un éventail « Restaurant la baie d’Along » ou une carte « pour votre fête ». Se mêlent ainsi, au fil des pages, des chinoiseries, des porcelaines, un robot, des théières qu’on croirait sorties de chez Jérôme Bosch, des clowns, des poupées, des dessins d’enfant… jusqu’à l’épure finale de la pierre de rêve qui fait passer dans une autre dimension, plus orientale, avec les silhouettes des montagnes et la grue en vol.

L’illustration – à quatre mains – est particulièrement réussie et riche. Elle aussi mêle les aquarelles colorées  de Valérie Dumas aux linogravures  noir et blanc de Jean-Pierre Blanpain.  On prend plaisir à observer tous les détails, à pénétrer, comme par effraction, dans cet univers particulier qui porte la trace de la grand-mère disparue et d’un passé qui ne sont  plus.

Voilà un album plein de tendresse où il est question avec légèreté de dépaysement, de transmission, d’interculturel et de voyage immobile.

 

La fée des Maamouls

La fée des Maamouls
Jean-François Chabas
Magnard Jeunesse, 2016

L’eau à la bouche

Par François Quet

Si vous ne connaissez pas les maamouls, il serait temps de vous renseigner. En tous cas, ce livre aura pour premier effet de vous faire chercher la pâtisserie orientale la plus proche ou bien, sur un site internet, la recette de cette délicieuse confiserie libanaise. Le problème c’est que, quelles que soient les qualités de votre fournisseur ou vos talents de pâtissiers, vous n’arriverez pas à égaler les maamouls confectionnés par Razane, l’héroïne de ce petit roman de Jean-François Chabas.

Voici un bon moyen de savoir si vous avez réussi vos gâteaux aussi bien qu’elle : la fée des maamouls, qui n’apparaît que si la recette est tout à fait réussie, se présente-t-elle devant vous ? Sinon, vous devrez faire une nouvelle tentative.

Ce n’est finalement pas très compliqué pour l’excellente cuisinière qu’est notre héroïne, de faire apparaître la fée des Maamouls. Ce qui l’est plus, c’est d’obtenir d’elle qu’elle réalise le vœu auquel a droit la reine des pâtissières. Et les obstacles sont nombreux : il faut trouver le bon moment et le calme nécessaire, il ne faut pas perdre de temps en bavardages inutiles, et surtout, il ne faut être fâché(e) avec personne, mission quasi impossible quand on a le tempérament de Razane.

Jean-François Chabas a imaginé, dans la tradition des Mille et une nuits, un conte de fée très léger et plein de fantaisie.  Si le récit ne manque pas d’humour et de situations amusantes, il vaut surtout pour le portrait de trois femmes : la grand-mère, la mère et sa fille, tempéraments forts et que tout oppose dans cette comédie explosive.

L’intérêt pour le Liban se manifeste aussi dans le vocabulaire qu’emploient tous les personnages (y compris, bien entendu, la fée) au point qu’un bref glossaire s’avère nécessaire : instrument efficace mais aussi source d’imaginaire exotique, et belle introduction à une culture étrangère.

Enfin, c’est la cuisine et l’amour des bonnes choses qui met l’eau à la bouche du lecteur. Construire un roman (si petit soit-il) sur la gourmandise et la passion de cuisiner, ce n’est pas si courant !

 

Mamie Coton compte les moutons

Mamie Coton compte les moutons
Liao Xiaoqin – Zhu Chengliang
HongFei 2016

C’est un volet qui bat, c’est une déchirure légère… l’absence la voilà

Par Michel Driol

Mamie Coton n’arrive pas à dormir. Elle compte et recompte les moutons, mais à chaque fois, pense à quelque chose qu’elle n’a pas fait, et va le faire : rentrer le pot de chrysanthèmes, graisser les gonds de la porte, faire rentrer le chien… Puis elle va se promener dans le village endormi. Enfin papi Coton revient de sa visite dans sa famille. Et mamie Coton, tranquille, s’endort enfin.

Habituellement, c’est un enfant que la littérature de jeunesse place dans cette situation de ne pas pouvoir – ou de ne pas vouloir – se coucher et s’endormir. Cet album déplace la perspective,  choisissant une petite grand-mère, dont on ne découvre qu’à la fin les raisons de son inquiétude. Les menus  gestes du quotidien deviennent alors une façon de tuer le temps, d’autres ne prennent sens qu’à la fin : la lanterne accrochée à la branche du grand arbre, le regard de la grand-mère porté sur le chemin. Ce qui frappe dans cet album, c’est la quiétude apparente du personnage ; sourire quasi énigmatique perpétuellement accroché à ses lèvres, sourire qui s’élargira à l’entrée de papi Coton, c’est aussi son attention aux autres, qu’ils soient végétaux, animaux ou humains, faisant d’elle un personnage empreint de bienveillance avec lequel le lecteur entre, de suite, en empathie.

Le décor, particulièrement soigné, contribue aussi à dessiner ce personnage par son cadre de vie, celui d’une maison chinoise, avec son poêle, sa scie à bois, les gousses d’ail pendues, la lampe à pétrole. Au-delà de la maison, c’est le village, avec ses ruelles en escalier qui semble dominer une plaine : c’est comme une vie de labeur paysan qui semble se profiler à l’arrière-plan. Les couleur font alterner des illustrations en teintes froides, en accord avec la nuit et l’angoisse non dite, et des teintes plus chaudes qui éclateront au moment de l’arrivée de papi Coton.

Un bel album pour dire l’amour simple et tendre qui ne s’en va pas avec le temps. Comme toujours, avec les éditions HongFei, l’inscription dans la Chine n’est pas simplement anecdotique mais atteint des valeurs universelles.

 

 

iM@mie

iM@mie
Suzy Morgenstern
L’école des loisirs, 2015

Pour ceux qui ont un ado difficile à la maison/pour les ados qui ont des parents difficiles

Par Anne-Marie Mercier

im@mieAllez, encore une idée de cadeau pour ado non lecteur… ou bien de la part de celui/celle-ci à ses parents ou grands-parents?

En effet, on se demande qui profiterait le plus de ce livre : un(e) ado geek, ou sa famille ? Sans doute les deux. Il fait partie des ouvrages qui gagnent à être partagés et commentés, même si la lecture solitaire en est elle aussi délicieuse et instructive. Ceux qui ont eu à partager le quotidien avec un ado rivé à son téléphone ou son ordinateur comprendront parfaitement le propos, et les ados en question comprendront ce qu’ils font vivre à leur entourage.

Les parents de Sam – eux mêmes toujours rivés à leur travail ou à leurs écrans – s’inquiètent de son niveau en français et de son peu de goût pour la lecture alors que le bac de français approche. Ils ont trouvé une solution radicale : l’envoyer finir sa classe de première, sans téléphone ni ordinateur, chez une grand-mère lectrice et non connectée.

Il y a déjà eu un certain nombre de romans de ce type. Mais ici l’originalité vient du fait qu’à force de vanter les mérites d’Internet, le petit fils contamine sa grand-mère qui se met à regarder les petites annonces, les sites de rencontre, écrit à des amis perdus de vue, attend avec impatience leur réponse, etc. Enfin, elle finit convaincue qu’une nouvelle vie s’ouvre à elle, la vraie vie.

Mais du coup, elle néglige le présent, le réel. Elle en oublie le petit fils qu’elle couvait jusque là, elle a le regard vague lors des repas qui sont de plus en plus sommaires, elle n’arrive pas à se lever le matin… Si bien que Sam finit par être très inquiet, les rôles sont donc inversés.

Il y a beaucoup d’autres choses dans ce roman: l’éloge de la lecture et de la musique, une histoire d’amour, la ville de Nice sous ses plus beaux aspects, mais c’est surtout la description attendrie et un peu acide des relations entre le jeune homme, sa mère et sa grand mère qui en fait la plus belle ossature.

Le Petit Chaperon bleu

Le Petit Chaperon bleu
Guia Risari, Clémence Pollet

Le Baron perché, 2012

Le jeu des contes

Par Anne-Marie Mercier

Chaperon-BleuExercice n°1 : lire une énième histoire de chaperon, placée dans notre époque, et peu respectueuse des grands mères et des injonctions maternelles. Une jeune fille rencontre un garçon avec un costume de loup (Max devenu grand ?) qui tente de l’impressionner et de l’entrainer dans une histoire où il aurait le dessus. A la fin de l’histoire, ils sont devenus amis. Les illustrations de Clémence Pollet, qui présentent les deux enfants en bleu (la fille) et en rouge (le garçon) sur un fond blanc/beige et un décor urbain stylisé, suffiraient à elles seules à démontrer le côté décalé de ce Chaperon bleu. Pas très original.

Exercice n°2 : Un conte peut en cacher un autre : la fille propose au garçon de jouer d’autres contes, d’autres rôles. Les deux enfants se livrent ensuite au jeu des métamorphoses (les auteures nous invitent à imaginer en quoi la peur nous transformerait) : le jeu est une façon de décliner de multiples histoires et d’échapper aux rapports de forces.

Exercices N°3 : on lit les notes qui accompagnent certaines pages du texte. Faussement sentencieuses, elles commentent sur un ton moralisateur, disent le probable et le faux, proposent des listes, compléments, précisions, et donnent à l’ouvrage une bonne part de son originalité.

 Pour d’autres chaperons rouges, une page de croqulivre …

 

La voix du vent

La voix du vent
Rolande Causse
Gallimard Jeunesse, 2011

L’inflexion des voix chères qui se sont tues

par Christine Moulin

Tout, dans ce roman, est délicatesse : à commencer par la couverture et les illustrations dues au poétique pastel de Georges Lemoine. L’exergue est à l’unisson: « Les douleurs ont une clef de sol pour qui est musicien de l’intérieur » (Eric de Lucca, Le commentaire du un).

Le ton est donné car c’est bien de musique qu’il s’agit, tout au long du livre. L’héroïne, Sonia, est particulièrement sensible aux sons, comme le révèlent les premières lignes: « J’écoute le bruissement des arbres. Je n’ai pas besoin de les regarder, je les connais par cœur. Seul leur chuchotement m’importe ». Elle a perdu sa mère, Anna, et à l’ouverture du livre, elle ne parvient pas à s’ « éloigner de sa peine », comme dit son père. C’est de sa mère qu’elle tient son amour pour la musique, même si elle ne veut plus entendre parler de son piano depuis…

Peu à peu, malgré tout, elle va parvenir, à petites touches, à surmonter sa douleur. Grâce à la psy qu’elle affuble de sobriquets (« La Mère Michel », « Déteste déteste ») mais qui va vaincre son silence et ses résistances, en accueillant ses rêves. Grâce à son père, qui, bien qu’il soit très occupé par son métier d’architecte, ne sait que faire pour la distraire. Grâce à Gravie, sa grand-mère, pour qui elle nourrit pourtant une grande hostilité au départ. Grâce à Ludovic, son presque frère (« Si j’avais eu un frère, j’aurais aimé qu’il lui ressemblât, trait pour trait ») Grâce à Berthe, une jeune Ivoirienne : « Nous sommes devenues amies, très amies, une amitié partagée au cœur de nos peines inavouées ».

Le roman s’écoule doucement. Les évènements sont souvent infimes même s’ils ont un grand retentissement sur les émotions de Sonia. On assiste ainsi à une bagarre à l’école (Emilie a lancé à Sonia: « Si ta mère était à la maison, tu serais plus aimable! »); à l’entrevue avec une prof qui accuse Sonia d’avoir copié sa dissertation sur Phèdre, oeuvre qu’elle a particulièrement aimée et bien comprise; à un voyage en Jordanie; à la visite d’une cousine importune; à un pèlerinage vers l’endroit où son père a dispersé les cendres de sa mère, etc. Jusqu’au jour où arrive Olivier… Ce courant narratif nous mène jusqu’à l’épilogue qui, comme on le sent depuis le début, célèbre les droits de la vie, portée par le vent: « Toujours j’écoute la voix du vent, il m’a ouvert une voie. La voie d’Anna ». Tout l’enjeu de ce récit de deuil est là: faire d’une voix une voie.

Même si le parcours que suit l’histoire n’est pas toujours très lisible, même si la musique, à force d’être discrète, peut sembler atonale, on se rend compte, finalement, que ce roman a su épouser le rythme du deuil: rien de fracassant, de spectaculaire, mais l’impression, au bout du chemin, que l’on a surmonté l’insurmontable. Le tout est orchestré par la langue pure et classique de Rolande Causse, comme racinienne.

Comment bien rater ses vacances

Comment bien rater ses vacances
Anne Percin

Rouergue (doAdo noir), 2010

En fait, comment grandir

par Maryse Vuillermet

comment rater ses vacances.jpgAu début de ma lecture, j’ai été un peu agacée par un langage « djeun » un peu lassant et qui m’a semblé outré, par un personnage d’adolescent maussade, solitaire, mal dans sa peau,  comme on en a déjà beaucoup rencontré dans la littérature  pour la jeunesse : il passe sa vie devant son ordinateur, il joue de la guitare, il ne communique que sur face book sous un pseudo. Et puis, tout à coup, alors qu’il est tranquillement en vacances chez sa grand-mère, une série de petites catastrophes l’obligent à sortir de ses habitudes et de sa coquille. Sa grand’mère a une attaque cardiaque et tout s’enchaine et se déchaine contre notre héros. Et là, le charme opère, on est pris dans le récit. Mais Maxime, d’épreuve en épreuve, de rencontre réelle à l’hôpital  et dans l’entourage de sa grand-mère, ou virtuelles sur face book, finit par prendre des initiatives, des décisions, se livrer un peu, s’intéresser un peu aux autres, bref grandir et découvrir qu’il n’est pas plus si seul. C’est je crois ce qu’on appelle un roman d’apprentissage.