Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)

Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)
Anna Benning
Traduit (allemand) par Isabelle Enderlein
Rouergue (épik), 2022

Un monde en tourbillons 

Par Anne-Marie Mercier

Vortex, t. 1 (Le jour où le monde s’est déchiré)
Anna Benning
Traduit (allemand) par Isabelle Enderlein
Rouergue (épik), 2025

Chambardement général 

Par Anne-Marie Mercier

A l’heure où est déjà paru le troisième tome de cette trilogie publiée dans la collection épik du Rouergue, il est grand temps d’en rendre compte, en commençant par le premier qui est paru cette année en format poche. Il faut saluer d’abord la belle invention qui le porte, et le rapproche de séries comme Hunger games tout en abordant des sujets de société plus divers, orientés plutôt vers la sauvegarde du vivant et l’acceptation des mutations et du métissage plutôt que vers la lutte simplette mais efficace de la série de Suzanne Collins qui opposait riches et pauvres.
Un Vortex (une sorte de tourbillon cosmique) a fracassé le monde ancien, apportant des mutations et créant des peuples greffés sur les éléments, comme le peuple de l’eau, celui des arbres, celui de l’air et celui du feu, avec des pouvoirs en relation avec leur élément. Pour se protéger de ces minorités, les humains non modifiés les ont parqués dans des « zones » misérables (un peu comme des camps de réfugiés, on voit les applications possibles) et les contrôlent sévèrement grâce à un corps d’élite, les « Coureurs », aptes à se déplacer d’un point de la planète à un autre grâce à des passages, ou « vortex », qu’ils ont appris à emprunter. L’héroïne fait partie de ce corps et le roman commence ou moment où elle participe à une course qui doit déterminer lesquels parmi les élèves seront sélectionnés pour rejoindre les Coureurs.
Elaine gagne, de manière inexplicable. On comprendra plus tard qu’elle a fait un saut dans le temps. Mais très vite elle est enlevée et mise à l’abri par le peuple des arbres et découvre que ces mutants qu’elle a appris à exécrer ne sont pas les monstres qu’elle imaginait. Dans le même temps, elle découvre que les autorités de son propre monde se livrent à une guerre contre eux aussi cruelle qu’injuste. Des conflits de loyauté en tous genre (familiaux, raciaux, amicaux et amoureux) mettent au jour les choix difficiles auxquels elle est confrontée et Elaine grandit, difficilement, à travers les épreuves.
La première moitié est très intéressante et installe un univers riche et problématique, la suite (chez le peuple de l’arbre) propose un univers sensible et poétique où la beauté du monde et des êtres, leur douceur, conquiert la jeune guerrière. La description de l’utopie du village-arbre est superbe, comme celles des êtres composites et changeants qui le peuplent. En revanche, la suite faite de nombreux combats dans lesquelles Elaine a un comportement peu crédible est un peu agaçante… A suivre, donc : elle aura certainement grandi dans les autres volumes.

 

 

 

Killiok

Killiok
Anne Brouillard
L’école des loisirs (Pastel), 2023

Oh la belle journée !

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec un grand plaisir plaisir le chien Killiok qui dans La Grande Forêt. Le pays des Chintiens, attendait son ami Vari Tchésou, un humain, et dans Les Iles, cherchait à le rejoindre. Dans un autre album il rendait visite, malgré la neige, à son ami Pikkeli Mimou. C’est dire si l’amitié est importante dans cet univers et combien l’espace et le temps qui nous séparent de ceux qu’on aiment ont une épaisseur.
Ici, c’est l’été, et il se contente d’attendre à nouveau Vari Tchésou. Il aère la chambre de son ami, va prendre un café dehors, devant sa maison, au bord du lac. Et c’est beau et on savoure l’instant avec lui.
Le charme d’une belle matinée calme près de l’eau est merveilleusement évoqué.
Mais la tasse se renverse, le journal s’envole… il faut rétablir cette perfection et Killiok a une idée : transformer sa maison et lui ajouter une terrasse.
On le voir faire des allers et retours vers sa maison (fort jolie), dessiner des plans, discuter avec la souris qui vit dans un trou là où il pense bâtir, découvrir le vivant qui grouille dans le sol, discuter avec un ami de passage (le Chat Mystère)… avant de renoncer : il a peur de défigurer sa jolie petite maison, de déranger la souris, et de tout le désordre que des travaux apporteraient.
La morale de cette toute petite histoire où un grand projet ne donne rien est utile à tous ceux qui veulent trouver une perfection là où elle est impossible et concilier l’inconciliable : se contenter de la beauté qui est là  est une grande force – et cette maison très simple est très jolie, on en a même le plan à la fin.
Pourtant, ce n’est pas la morale qui importe : l’autrice nous propose de passer une belle journée avec son personnage, au bord d’un lac, à attendre un ami, discuter avec un autre, faire des plans et découvrir tout ce qui vit autour de soi. Ses images aux couleurs éclatantes et fraiches nous emportent de façon magique dans son pays imaginaire.

 

http://www.lietje.fr/2017/02/05/la-grande-foret-le-pays-des-chintiens/

Pikkeli Mimou

 

 

Eau douce

Eau douce
Emilie Vast
MeMo, 2021

Encyclopédouce

Par Anne-Marie Mercier

Cet album allongé se lit à la verticale; chaque page forme une moitié de la scène à contempler, l’une montrant ce qui se passe au-dessus de l’eau, l’autre ce qui se passe sous la surface, la pliure se situant exactement entre les deux zones. Ces très belles scènes aux couleurs douces (bruns, gris, bleu pâles, parfois quelques touches de rose, de jaune, de bleu vif) alternent avec des pages qui présentent un contenu encyclopédique, décrivant l’état de chacun des « personnages » dans la saison présentée (hiver, début du printemps, printemps, début de l’été…).
Les poissons (ici des ablettes), les grenouilles, les oiseaux (cincles plongeurs et martins-pêcheurs), les insectes (machaons, libellules, scarabées…)… sont vus à différents stades de leur vie, patientant pendant l’hiver, préparant leur portée ou couvée au printemps, la nourrissant ; certains se métamorphosent à l’automne. Parallèlement, les plantes (salicaire, renoncule aquatique, nénuphar…) mènent leur vie.
Tout cela est expliqué dans de courts textes très précis, complétés par un glossaire. La dernière page montre en images les étapes des métamorphoses du papillon, de la grenouille et de la demoiselle, et les cycles du nénuphar et du poisson.
Que de vie sous l’eau douce et à sa surface ! Et aussi quelle délicatesse dans les dessins d’Émilie Vast, quelle apparente simplicité dans cette entreprise d’explicitation de la complexité du vivant et de la variété des saisons !
Chez le même éditeur, on trouvera aussi Eau salée, pour prolonger les eaux d’été.

Hariki

Hariki
Lucie Félix
(Les Grandes personnes), 2019

Jeu-Leçon de chose pour tout petits

Par Anne-Marie Mercier

Les albums de Lucie Félix publiés depuis 2012 chez (Les Grandes personnes) offrent chaque année un délice nouveau. Après Coucou publié l’an dernier, Hariki surprend encore par son inventivité, sa drôlerie et sa perfection graphique.
Après un incipit invitant ( « J’avais trois Harikos, harikos chéris, mais ils se sont sauvés. Aide-moi à les retrouver »), les doubles pages présentent un, puis deux, puis trois (on a donc un album à compter) harikos de couleurs différentes (on a donc un album qui présente les couleurs) ; ils ne veulent pas dormir : comment faire ? (on a donc une situation miroir) Un autre arrive, de forme différente, « molle, bizarre » (observation de formes). L’intrus est chassé (idée de tolérance ?) ; il revient avec un autre encore différent pour former avec des harikos de nouvelles formes : image de la symbiose des cellules (c’est donc un livre sur le vivant).

Mais c’est surtout un livre jeu, un livre objet en carton épais et aux bords arrondis à manipuler : il y a  des reliefs à caresser, des formes à faire glisser le long de rails, un texte drôle et rapide, des couleurs éclatantes.