Cité Babel, Le grand livre des religions

Cité Babel, Le grand livre des religions
Pascale Hédelin, Gaëlle Duhazé

Les éditions des éléphants, 2015

Religions en voisinage

Par Claire Damon

Cité Babel, Le grand livre des religionsLudique et passionnant, l’album Cité Babel se présente sous la forme d’un immeuble de plusieurs étages. Au rez-de-chaussée se trouve l’épicerie de Monsieur Félix qui est athée, au premier étage vit une famille catholique, au deuxième, une famille juive et au troisième, une famille musulmane.

Cette forme – avec des pages découpées qu’on tourne au gré du hasard et des envies – est le coup de génie de l’album. Jamais rébarbatif, ce documentaire fait découvrir au fil des saisons les temps forts, les rites, les fêtes et les traditions païennes et religieuses. Comme au sein de l’immeuble, ces habitudes et ces croyances se superposent, se respectent, s’invitent et se questionnent. Le vivre ensemble en ressort comme une évidence.

Le Secret de l’astrolabe

Le Secret de l’astrolabe
Fabian Grégoire
L’école des loisirs (Archimède), 2015

Le mesure de toute chose

Par Anne-Marie Mercier

Le Secret de l’astrolabeIl est rare de trouver des albums documentaires qui trouvent le bon équilibre entre la fiction et la transmission de connaissances ; ici, l’alliance fonctionne. Du côté de la fiction, on trouve un enfant rêveur, orphelin, travaillant comme ouvrier agricole, à qui son père a légué un astrolabe. A un moment où le village manque d’eau, Aqil part à la recherche d’une figure légendaire, le « maître de l’eau ».

Cet homme sait non seulement les techniques de l’irrigation mais également celles de la mesure du temps et de ses divisions dans les différents peuples ; l’ayant trouvé, Aqil arrive à l’amener à son village et sauve ainsi ses concitoyens de la misère, il apprend beaucoup (et le lecteur avec lui), et finira lui-même astronome… mais pas tout de suite (la fin, elliptique et portée par l’image plus que par le texte est savoureuse).

Les images sont belles, entre l’ocre des paysages et des visages et le bleu intense du ciel nocturne. Un épisode de délire causé par une piqure de scorpion provoque aussi de belles pages poétiques sur les constellations. La science (car c’en est, avec la présentation de calculs complexes) est portée ici avec élégance et sensibilité. La culture des peuples d’Orient et leurs avancées scientifiques sont mises en valeur à travers les figures d’Omar Khayam (oui, le poète est aussi l’auteur d’un calendrier), Avicenne, Averroès, Maimonide et à travers les techniques d’irrigation du Moyen Orient dans les dernières pages, purement documentaires.

Petite histoire des noms des rues

Petite histoire des noms des rues
Thierry Delahaye

Flammarion jeunesse, 2015

Petite histoire des noms des ruesVoilà une belle entreprise, servie par une belle couverture (de Solange Gauthier), mais avec un titre encore une fois (j’avais signalé le m un peu trompeur : il ne s’agit pas vraiment d’une histoire des noms des rues, mais plutôt d’un parcours d’histoire à partir de noms de rues.

Pour éviter que cela fasse trop « cours » d’histoire », l’auteur met en scène un grand-père et son petit-fils, avec des questions-réponses, des dialogues, des défis, des rendez-vous à travers Marseille, examens du plan de Paris, … il y a d’infinies variations pour proposer des thèmes à explorer : les artistes, les inventerus, les politiques, écrivains, les époques (période médiévale, commune…).

Cela reste un ouvrage qui n’a rien d’un roman et ne se lit pas comme un roman mais qui sera sans doute dévoré par les jeunes lecteurs amateurs de savoirs encyclopédiques. Un bon moyen de réviser ensemble ses connaissances, entre enfants et adultes.

Thierry Delahaye a publié chez le même éditeur des contes des îles

 

La pizza

La Pizza 
Raphaël Fejtö
Playbac (Les p’tites inventions), 2015.

Viva Italia ?

Par Bérengère Avril-Chapuis

La Pizza deLes p’tites inventions, 2015 Raphaël Fejtö titille pupilles et papilles des jeunes lecteurs tout en nourrissant leur curiosité. D’où vient la pizza ? Qui l’a inventée ? Pourquoi la célèbre Margherita porte-t-elle ce nom ? Que savons-nous vraiment de ce plat familier tant prisé des petits (et des grands) ? Autant de questions auxquelles ce petit livre facétieux et malicieux se fera un plaisir de répondre avec humour et efficacité, nous faisant découvrir son histoire – mais aussi celle, conjointe, de la tomate. Sous des allures de petit livre sans prétention, c’est en réalité une petite histoire pleine d’intelligence servie par des illustrations vives, savoureuses, vraiment très drôles, un texte clair. Un bon moment de lecture partagée qui nous donne d’ores et déjà très envie de découvrir les prochains volumes (sur le stylo, les frites, les lunettes…) de cette toute nouvelle collection centrée sur des objets familiers du quotidien.

 

Le livre des vrai faux de l’Histoire

Le livre des vrai faux de l’Histoire
Gérard Dhôtel, Benoît Perroud
La Martinière, 2014

L’Histoire en 50 « vrai faux » (?)

Par Dominique Perrin

vraiLe livre des vrai faux de l’Histoire s’inscrit dans une longue lignée de livres-jeux didactiques, avec pour atout particulier de questionner non seulement des connaissances, mais aussi leur genèse et leur degré de validité. La cinquantaine de « questions-pièges » retenues dessine au fil du livre une chronologie allant de la Préhistoire à nos jours (mais à plusieurs reprises cet ordre est en fait, étonnamment, celui des croyances dénoncées par l’ouvrage), au sein d’une aire géographique qui se resserre assez rapidement à l’Empire romain et la Gaule, puis à la France – avec une édifiante page conclusive touchant aux raisons de l’unicité du mandat de Nicolas Sarkozy (premier président en exercice à concevoir un enfant), et une ouverture internationale un peu plus concluante touchant à l’information publique délivrée sur les attentats du 11 septembre. On restera sur sa faim si on espérait trouver dans cet ouvrage une initiation sérieuse aux questions historiques.

Chine, scènes de la vie quotidienne

Chine, scènes de la vie quotidienne 
Nicolas Jolivot
Hong Fei, 2014

Par Dominique Perrin

Exquis voyageur

chinNicolas Jolivot est souvent et longtemps retourné découvrir la Chine. De l’intimité paradoxale issue de ce commerce intermittent, il partage la subtilité et la profondeur, dans un richissime carnet de voyage, organisé comme un portrait du pays-continent. Quatre sections singulières et nécessaires (« voyager », « manger », « dans la rue », « pour la vie ») déclinent des sujets variés, qui se révèlent empreints d’autant de poésie éthérée que de prosaïsme charnu. Comme les textes, les dessins à l’encre attestent paisiblement que la séduction imprévisible et inassignable d’un tel pays – presque aussi mal connu des européens, d’une certaine manière, que par le passé –, trouve un miroir fidèle dans celle de son chantre lui-même. Pour le dire plus clairement, le lecteur peut avoir le sentiment de faire avec Nicolas Jolivot la rencontre d’un « voyageur selon son cœur ». Ce livre espiègle, lucide et lumineux, a justement été consacré par une « pépite » documentaire à Montreuil en 2014.

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?

Comment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?
Jessie Magana
Le baron perché, 2014

Bonne question, réponses multiples

Par Anne-Marie Mercier

En ces temps dComment parler de l’égalité filles-garçons aux enfants ?e crispation sur le « genre » et sa « théorie », des ouvrages comme celui-ci, à la fois fermes sur le principe de l’égalité et pleins de bon sens quant à la connaissance des freins qui demeurent encore, sont extrêmement précieux. Ce n’est pas un ouvrage théorique mais il répond très précisément à la question posée par son titre. Il répond aussi aux « pourquoi » et « pour quoi ».

Après un court préambule sur le contexte actuel et sur l’le passé, il propose des activités pour éduquer à l’égalité et répond à une série de questions classées par thèmes : le corps, l’apparence, le sexe, l’identité sexuée et l’orientation sexuée, les rôles attitrés, les modèles féminins dans les religions, etc.

Complété par des illustrations variées et éclairantes, souvent drôles, un index, des suggestions de lectures complémentaires, c’est un excellent outil pour aider tous ceux qui travaillent auprès d’enfants et d’adolescents.

Mon tout premier livre d’art. Tableaux célèbres

Mon tout premier livre d’art
Rosie Dickins, Sarah Courtauld

Usborne, 2011

Mon livre d’art. Tableaux célèbres
Rosie Dickins

Usborne, 2014

Manuels d’art…

 Par Dominique Perrin

mon tt prem« Tu es libre d’utiliser les couleurs que tu veux » : c’est sur ce type d’incitation idéalement explicite en ce énième siècle du rose et du bleu que repose ce « tout premier livre d’art » instructif, pratique et stimulant.Le projet est à la fois réaliste – il prend en compte le niveau de formation culturelle réel du plus grand nombre – et relativement ambitieux : il s’agit d’ouvrir en même temps les possibilités techniques et les représentations en matière d’arts plastiques. Partant, tout est inivitation ici : à empoigner résolument pinceaux et matières, mais aussi à explorer les multiples musées qui nous entourent, et plus globalement à regarder autrement le monde. Du coup, tout est « modèle » aussi, au meilleur sens du terme : le pari qui structure le livre est conforme aux acquis de la pédagogie contemporaine : des enfants cultivés et outillés sont des enfants actifs et émancipés.
tablxLe second et plus récent des ouvrages présentés ici apparaît sous ce jour nettement moins convaincant que le premier. Cette galerie de « tableaux célèbres », forcément aussi brève qu’arbitraire dans ses choix, et dont seuls les plus anciens sont situés dans le temps, ne relève assurément pas la gageure d’apprendre « tout », ou du moins quelque chose d’essentiel aux jeunes lecteurs sur les œuvres considérées. Elle tombe sous le coup, en tant que telle, des critiques percutantes formulées il y a longtemps déjà par Hannah Arendt à l’encontre du « philistinisme cultivé », attitude par laquelle la bourgeoisie s’approprie l’action artistique en la circonscrivant dans un discours technique et descriptif apte à en désamorcer la dimension de ferment social et existentiel.

Les Esclaves de Cumanà

Les Esclaves de Cumanà : Aimé Bonpland et Alexander von Humboldt en Amérique du sud
Olivier Melano
L’école des loisirs (Archimède), 2015

Botanique, zoologie, esclavage

Par Anne-Marie Mercier

Les Esclaves de CumanàOlivier Melano a choisi de présenter les savants voyageurs Aimé Bonpland et Alexander von Humboldt à travers l’histoire de Pablo, un enfant métis, dont la mère a été vendue comme esclave loin de la plantation où il est né.

Ainsi, deux domaines s’entrelacent. Le premier est celui d’une aventure assez classique en littérature de jeunesse, celle d’un quasi orphelin, esclave, persécuté par ses demi frères blancs, qui cherche sa mère, et qui parviendra non seulement à la retrouver mais aussi à s’intégrer dans une autre famille (blanche et riche) qui lui donnera une éducation.

La seconde est le périple des deux voyageurs, leurs découvertes scientifiques et le combat qu’ils mènent contre l’esclavage. Mais cette partie est reléguée au second plan dans le récit, même si les dernières pages leur donnent davantage d’importance. La question de l’esclavage, qui lie les deux thèmes est elle aussi traitée en fin d’ouvrage, avec des images sur l’histoire de Toussaint Louverture (qui aurait été, mieux que l’improbable Pablo, le parfait héros pour une aventure de ce type).

Toutes les maisons sont dans la nature

Toutes les maisons sont dans la nature
Didier Cornille
Hélium, 2012

De natura domorum

 Par Yann Leblanc

Toutes ? non, matoutes-les-maison-sont-dans-la-nature-heliumis les plus surprenantes, et les plus modernes, de 1924 (la maison où tout est mobile de Gerry Rietveld) à 2002 (la maison écologique en paille de Sarah Wigglesworth et Jeremy Till). On trouve pour chacune de ces maisons qui ont changé la façon de concevoir l’habitat une présentation de son architecte (aux noms cités précédemment on peut ajouter Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Charles et Ray Eames, Mies van der Rohe, Jean Prouvé, Franck Gehry, Shigeru Ban, Rem Koolhaas). Le projet de construction est expliqué, en fonction du commanditaire, de l’emplacement, du contexte, aussi bien que les principes techniques et esthétiques à l’œuvre. Enfin, l’album ajoute des images des bâtiments les ^plus célèbres construits par le même artiste : église, musée, immeubles…

En format allongé à l’italienne, sur papier blanc, l’ouvrage a une allure de carnet de croquis et est un parfait support pour le texte, à la parfaite lisibilité, et les images ; celles-ci, des dessins à l’encre (« rotrings » de différentes teintes) réhaussés de quelques touches de couleur, sont proches d’un projet architectural.

Initiation à l’architecture, donc documentaire, ou livre d’art ? Comme l’album qui l’a suivi (Hélium 2014), Tous les ponts sont dans la nature qui a reçu le prix Pépite de Montreuil dans la catégorie livre d’art, cet album joue sur les deux tableaux, il informe, fait comprendre, donne à voir, et est une petite merveille de conception et de graphisme.