Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps

Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps
Manchette et Loustal

Gallimard jeunesse, 2011

Par Marianne Mondel (Master MESFC Lyon 1)

Quelle caractéristique incarne le mieux notre jeune héros Asdiwal ? Son incommensurable appétit bien sûr ! C’est durant l’été 1966 que ce personnage a été mis en scène par un père pour son fils, alors en vacances en Provence loin de lui, à Paris. Cette œuvre est la première et seule incursion de Manchette au sein de la littérature de jeunesse. Lorsque que l’on songe à cet auteur, polyvalent dans ses fonctions de critique littéraire et de cinéma, scénariste et dialoguiste, traducteur, et surtout père de nombreux romans policiers, on aurait tendance à penser noirceur, violence, crimes… mais bien au contraire, le ton reste résolument comique et décalé !

Malgré une histoire semblant sortir tout droit de l’imagination de son auteur, les indiens Tsimshian, peuple d’Asdiwal, existent bel et bien dans de lointaines contrées. Ce dernier fait figure de héros dans leur mythologie. Manchette puise ses sources dans le l’ethnologie des peuples amérindiens, connue chez nous depuis Claude Lévi-Strauss (ASDIWAL est le nom d’une revue d’anthropologie et d’histoire des religions).

La langue employée par l’auteur est très inventive et frappe le lecteur par sa vivacité et son naturel. Celui-ci s’adresse ainsi aux enfants en s’exprimant comme eux. Les répétitions sont un élément récurrent qui accroche le petit lecteur à l’ouvrage. Manchette joue joyeusement entre le réel et le fantastique, nous entrainant doucement dans l’imaginaire. La dynamique de l’œuvre par ses enchainements d’actions entraîne attention et réflexion. Le loufoque pointe le bout de son nez par la succession brutale des évènements, sans beaucoup de transition ou de logique. Les dessins, quant à eux, accrochent l’œil par la vivacité des couleurs et l’impression de mouvement qui s’en dégage.

L’attachement à ces petits indiens ne parvenant plus à voir leurs mocassins, dissimulés par un ventre grassouillet, est inévitable. Ce joyeux bazar indéniablement original permet une fin heureuse à Asdiwal, devenant un mari comblé… et obèse !

Ma première nuit ailleurs

Ma première nuit ailleurs
Chiaki Okada, Ko Okada
Seuil jeunesse, 2012

L’apprentissage de la séparation

Par Caroline Scandale

Un petit lapin s’apprête à vivre sa première nuit loin de sa maman. Il serre fort son doudou crocodile. Triste et angoissé, il ne trouve pas le sommeil. Le lendemain matin, il songe à sa maman qui lui manque. Heureusement ce malaise ne dure pas longtemps car la petite fille qui l’héberge est adorable avec lui. Elle s’évertue à lui redonner le sourire avec une infinie tendresse. Au fil de l’histoire ils s’apprivoisent et tissent des liens d’amitié. A la fin du petit séjour, lorsque sa maman vient le chercher, Haruchan a le cœur gros. Bien sûr ils se reverront bientôt…
Les couleurs de cet album sont pâles, et ses dessins crayonnés, empreints de sobriété et de délicatesse. L’ombre de la couverture cède rapidement sa place à la lumière. Après la tristesse et l’angoisse, revient le temps de la gaité et du partage.
L’histoire et les illustrations se marient élégamment et mettent en scène de nombreuses thématiques propres à la petite enfance, notamment celle de la séparation mère/enfant nécessaire et salvatrice, celle du doudou, objet transitionnel par excellence et l’amitié comme moyen de dé-fusionner. Dès 3 ans.

Les Pozzis (t. 5: Antoche)

Les Pozzis (t. 5: Antoche)
Brigitte Smadja, Alan Mets
L’école des loisirs (Mouche), 2012

Au Lailleurs, meilleur

Par Anne-Marie Mercier

Des Pozzis aventureux sont partis vers le Lailleurs (pour ceux qui déjà n’y comprennent rien, voir la chronique des volumes précédents). Ils frémissent, se réconfortent, s’évanouissent, se divisent… et on reste dans le même suspens (retrouveront-ils Adèle, disparue dans le volume précédent? quel est le peuple étrange qu’ils ont rencontré?). Entretemps, on a fait avec eux un bout de chemin charmant, plus dense en trouvailles et événements que dans les  volumes précédents… c’est mieux, alors, vite la suite!

Les Listes de Wallace

Les Listes de Wallace
Barbara Bottner et Gerald Kruglik, Illustrations d’Olof Landström
Casterman, 2011

Etes-vous plutôt Wallace ou plutôt Albert ?

Par Maud Ceyrat

 Difficile pour un enfant de sortir de son quotidien. Lui qui est très attaché à ses habitudes pourra facilement s’identifier à Wallace, un souriceau qui ne fait rien sans l’avoir déjà écrit sur sa liste. Néanmoins, pour sauver son ami aventureux Albert, il oublie tous ses principes et part à l’aventure dans la jungle urbaine. Les illustrations, quoiqu’un peu sombres, soulignent bien ces deux philosophies de vie.

La couverture du livre et les listes de Wallace disséminées au fil des pages nous invitent à une lecture guidée tout en nous rappelant nos cahiers d’écoliers. Le ton léger et la délicatesse de l’histoire permettent d’aborder les thèmes de l’indépendance et de l’amitié avec beaucoup d’innocence. C’est un album fort et attachant qui permettra aux jeunes et moins jeunes, comme aux plutôt Wallace ou plutôt Albert, de s’interroger sur leur façon de vivre le quotidien et l’imprévu, … pour en sourire ensemble.

 

 

Prix littéraire des lycéens et apprentis rhônalpins 2012

Prix littéraire des lycéens et apprentis rhônalpins 2012
800 jeunes ont choisi cette année Blandine Le Callet pour La Ballade de Lila K (Stock), dans la catégorie roman, ainsi que Olivier Jouvray et Fred Salsedo pour Nous ne serons jamais des héros (Le Lombard), dans la catégorie bande dessinée.

Les prix ont été décernés au cours d’une après-midi festive à la Maison de la danse, à Lyon, avec les élèves des 25 lycées participants. Organisé et soutenu par la Région Rhône-Alpes, avec le concours de l’Arald, le Prix littéraire des lycéens et apprentis permet à ces jeunes de découvrir la littérature et la bande dessinée contemporaines, mais aussi de s’investir dans une multiplicité de projets pédagogiques autour des quatre romans et des quatre bandes dessinées en compétition.
Plus d’information sur le site de la Région Rhône-Alpes

Antoine

Antoine
Rotraut Susanne Berner
La joie de lire, 2011

Les élucubrations d’Antoine

 Par Caroline Scandale

Quel libraire/documentaliste/bibliothécaire, en retrouvant chaque matin son antre littéraire sans dessus dessous, ne s’est jamais demandé, à l’image d’Antoine, « mais pourquoi tout ce bazar ? », alors qu’il l’avait laissée propre et rangée la veille? Soit… Mais qui est cet Antoine ?
Antoine est le titre d’un petit album cartonné et carré, écrit et illustré par l’auteure allemande Rotraut Susanne Berner. Le héros est un libraire pour la jeunesse, décontracté, passionné et très attaché à la propreté de sa petite boutique bien achalandée. Il porte des Converse rouges, ce qui le rend d’autant plus sympathique et rock’n’roll…Tout le monde, dans la ville, le connait pour ses histoires contées. Mais Antoine a un souci… Il ne comprend pas pourquoi, tous les matins, il retrouve de nombreux objets en désordre dans son petit magasin. Quelle naïveté… Il ne sait pas que la nuit, ses livres s’animent et que tous leurs personnages s’extirpent des pages pour festoyer… Alors évidemment le matin, c’est un peu le bazar.
Ce petit album foisonne de personnages facétieux. Le lecteur s’amusera à y reconnaître les héro-ïne-s sorti-e-s des contes. Antoine s’inspire des livres-promenade, c’est-à-dire que ses illustrations représentent des scènes riches en détails, que l’on découvre petit à petit, chaque fois que l’on s’y plonge. Cet ouvrage respire la joie des plaisirs simples de l’existence et incite à la flânerie. Il invite les petits lecteurs mais aussi les plus réticents à s’immerger dans l’univers fantastique des contes et à se familiariser avec les livres. Place à l’imaginaire !

Maurice Sendak: Deuil à la Maison blanche et ailleurs

Maurice Sendak, l’auteur du mythique album Max et les maximonstres (Where the Wild Things Are), récemment adapté au cinéma, est mort mardi, à 83 ans, à l’hôpital de Danbury, dans le Connecticut.

Selon le New York Times, il aura « libéré les livres illustrés du monde aseptisé et rassurant de la garderie d’enfants pour les plonger dans les recoins sombres, effrayants et magnifiques de la psyché humaine ».
« Chaque parent doit être un peu en deuil aujourd’hui et, pour chaque enfant ayant grandi avec ce livre, Max et les Maximonstres, c’est un triste jour », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche.

Ces dernières années, Maurice Sendak  avait travaillé comme créateur de costumes et de décors pour l’opéra et le ballet au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Pour télécharger le numéro spécial de L’école des lettres consacré à Maurice Sendak et ses maximonstres
( Extrait du communiqué de son éditeur français,  l’école des loisirs, photo : Barack Obama lit Max et les maximonstres ).

On peut lire aussi la version du Guardian

Incroyable mais vrai

Incroyable mais vrai
Éva Janikovsky – Illustrations Laszlo Reber
La Joie de Lire, 2011

Un album de et pour la famille

Par Djamilla Eschmann
(M2 MESFC)

« Incroyable, mais vrai : tous les adultes ont été un jour des enfants, il n’y a pas si longtemps, il y a longtemps, et il y a très longtemps ». Réédition d’un album jeunesse de 1966, écrit par la poétesse hongroise Eva Janikovsky et illustré par le graphiste et caricaturiste Laszlo Reber , « Incroyable, mais vrai » traite avec modernité d’un thème d’actualité constante, à savoir le temps qui passe.

Au travers d’une généalogie familiale expliquée didactiquement par un petit garçon à sa sœur cadette, se construit cette notion abstraite, pour laquelle les enfants éprouvent des difficultés de compréhension, notamment lorsqu’ils doivent se situer eux-mêmes dans le temps : « Imaginer que quelque chose ait pu se passer avant ma naissance est terriblement difficile ». Face à l’incrédulité de sa plus jeune sœur, l’enfant a recours aux photos de famille en noir & blanc et sépia, témoignages intangibles d’autres époques, qui viennent s’intercaler avec bonheur aux personnages de fiction vivement colorés. Cette intrusion du réel dans la narration, avec ces photographies de personnes ayant véritablement vécu, rapprochées aux personnages crayonnés à gros traits et rendus assez génériques (caricatures de papis et mamies à lunettes et cheveux gris…) appuie le propos de l’album : c’est difficile à croire, mais c’est bien la réalité !

Les enfants à partir de 6 ans s’identifieront sans difficulté à ces petits personnages gais et solliciteront à n’en pas douter leurs parents, pour que leur soit à leur tour illustrée, albums de famille à l’appui, leur propre histoire familiale.

La vie cachée des poupées

La vie cachée des poupées
Gisèle Bienne
L’école des loisirs (Médium), 2012

Petits larcins et thérapie

Par Anne-Marie Mercier

Dans ce très joli roman, porté par la poésie des poupées mises au rebut et par la voix de l’héroïne, légère d’abord puis qui s’affole, on voit naître et se développer une pulsion étrange.

Dans un premier temps, on découvre une enfant qui « adopte » des poupées mal aimées. D’abord une, puis une autre… Chipées au passage dans des lieux où elles semblent être abandonnées puis prises de façons plus problématiques. Elle les cache dans le grenier, s’inquiète de ce que pourront dire les autres devant ses mensonges et ses vols : ses parents, ses amies…

Dans un deuxième temps, on s’interroge, comme elle, sur la logique de ces « emprunts » : chaque poupée est différente, et pourtant toutes ont un point commun. Celui-ci conduit à la découverte d’un secret…

Mon bébé

Mon bébé
Jeanette Winter
Gallimard jeunesse, 2012

La tradition ancestrale du bogolan

Par Caroline Scandale

Mon bébé est un album souple au format poche. Coloré et festif, il nous fait découvrir la tradition du bogolan malien, étoffe graphique peinte de boue et réalisée ici pour préparer la naissance de bébé. Nous y découvrons Nakunté enfant puis femme. Assise sous un calebassier, elle raconte au petit être qui pousse en elle, tout ce qu’elle peint sur le bogolan : le roulement des tam-tams, le petit serpent blanc, la moucheture du léopard, le scorpion qui pique, le ruisseau à sec, le sifflement de l’iguane, la maman crocodile, le caméléon, la douceur de la fleur de calebassier… Quand arrive la saison des pluies, le bogolan est fini juste à temps pour la naissance de son bébé. Enveloppé dans l’étoffe réalisée avec amour, l’enfant s’imprègne des merveilles du monde qui l’entourent…
Cette jolie histoire nous fait voyager au cœur de l’Afrique. Les couleurs chatoyantes évoquent la luminosité et les contrastes de ce continent. Publié dans la collection « L’heure des histoires », ce récit se raconte, s’écoute, se partage avec son enfant et élargit son horizon.