Les Mous

Les Mous
Delphine Durand
Rouergue, 2015

Vive les mous !

Par Anne-Marie Mercier

lesmousQu’est-ce qu’un mou ? une bestiole sympathique, de forme indéterminée, plutôt arrondie, « cool », « niais », ils vivent sous terre, sont sociables. Il y a toutes sortes de mous. Ils ressemblent un peu aux Gibis pour ceux qui connaissent les Shadocks, l’intelligence et la gaieté en moins.

Si vous êtes séduits après la lecture de cette encyclopédie et souhaitez avoir un mou chez vous, sachez que le mou apprivoisé demande des soins. En fin de volumes, vous trouverez toutes sortes de conseils…

Parodie d’encyclopédie jubilatoire !

C’est juste Stanley

C’est juste Stanley
Jon Agee

Ecole des loisirs, 2016

Chien fou?

Par Claire Damon

C’est juste StanleyDans C’est juste Stanley, les membres de la famille Wimbledon sont dérangés dans leur sommeil par les activités quelque peu bruyantes du chien Stanley. Infatigablement, il semble qu’il répare la cuve à mazout, prépare un bouillon de poisson, débouche la baignoire. Malgré son mutisme, c’est bien autour de ce personnage de Stanley, montré en hyperactivité, que le récit tourne.

On croit avoir affaire à un récit du quotidien empreint d’humour et de fantaisie, à un mini drame familial dans un « picture book » à la John Burningham. L’album recèle quelque chose de très british, on pense à Wallace et Gromit. Mais la fin, percutante, fait prendre au livre une dimension inattendue, extraordinaire et romantique…

La chute, réjouissante, assez abrupte, donne en effet un nouveau jour au début du récit.

Yen Yen le Panda géant

Yen Yen le Panda géant
Fred Bernard, Julie Faulques
Nathan / Museum national d’Histoire naturelle, 2014

Vie et mort d’un Panda

Par Anne-Marie Mercier

Yen YenRien de choquant dans cet album qui retrace la vie du panda du Zoo de Vincennes : on ne l’a pas arraché à sa famille, il s’est simplement perdu dans les bois… Puis la Chine l’offre à la France, et il fait les délices des visiteurs. Il semble ne pas être mécontent de sa situations, très occupé à manger (« les pandas aiment la solitude »).

Les visiteurs du Zoo aimeront avoir un souvenir de l’animal, mais les autres resteront sans doute sur leur faim.

Le Secret de l’astrolabe

Le Secret de l’astrolabe
Fabian Grégoire
L’école des loisirs (Archimède), 2015

Le mesure de toute chose

Par Anne-Marie Mercier

Le Secret de l’astrolabeIl est rare de trouver des albums documentaires qui trouvent le bon équilibre entre la fiction et la transmission de connaissances ; ici, l’alliance fonctionne. Du côté de la fiction, on trouve un enfant rêveur, orphelin, travaillant comme ouvrier agricole, à qui son père a légué un astrolabe. A un moment où le village manque d’eau, Aqil part à la recherche d’une figure légendaire, le « maître de l’eau ».

Cet homme sait non seulement les techniques de l’irrigation mais également celles de la mesure du temps et de ses divisions dans les différents peuples ; l’ayant trouvé, Aqil arrive à l’amener à son village et sauve ainsi ses concitoyens de la misère, il apprend beaucoup (et le lecteur avec lui), et finira lui-même astronome… mais pas tout de suite (la fin, elliptique et portée par l’image plus que par le texte est savoureuse).

Les images sont belles, entre l’ocre des paysages et des visages et le bleu intense du ciel nocturne. Un épisode de délire causé par une piqure de scorpion provoque aussi de belles pages poétiques sur les constellations. La science (car c’en est, avec la présentation de calculs complexes) est portée ici avec élégance et sensibilité. La culture des peuples d’Orient et leurs avancées scientifiques sont mises en valeur à travers les figures d’Omar Khayam (oui, le poète est aussi l’auteur d’un calendrier), Avicenne, Averroès, Maimonide et à travers les techniques d’irrigation du Moyen Orient dans les dernières pages, purement documentaires.

Tous nos jours parfaits

Tous nos jours parfaits
Jennifer Niven  
Gallimard, Jeunesse, 2015

 

Deux jeunes gens aux prises avec la mort

Par Maryse Vuillermet

tous nos jours parfaits image2 Violet et Finch se rencontrent sur un toit, tout en haut du clocher de leur lycée,  décidés tous deux à se suicider. Mais Finch réussit à sauver Violet, à la faire redescendre.

Finch est un original, une bête curieuse pour les autres, tantôt plein d’énergie, tantôt déprimé et suicidaire. Violet a tout pour elle, comme on dit, belle intelligente, populaire,  mais elle a perdu sa sœur dans un accident de voiture et depuis, s’isole et n’arrive pas à faire son deuil.

Sous le prétexte de travailler ensemble à un exposé sur les richesses à découvrir dans leur région, Violet et Finch apprennent à se connaître, s’apprivoisent peu à peu, partagent la même recherche de beauté, l’une en photographie, l’autre dans l’écriture et la peinture.

L’alternance stricte des points de vue des deux adolescents permet des suivre de l’intérieur leurs tourments et l’évolution de leur relation.

Et puis, un jour Finch disparaît mais laisse à Violet des indices pour le suivre dans sa quête. On comprend assez vite que Finch est un bipolaire, qu’il souffre d’absences, de trous de conscience vertigineux, qu’il ne dort quasiment pas mais que les adultes autour de lui, parents, psychologue, enseignants n’arrivent pas à le comprendre ni à percer ses mensonges.

L’atmosphère est étrange, à la fois poétique, car les deux jeunes sont artistes et sensibles, et qu’au cours de leurs recherches, ils rencontrent des personnages hauts en couleur, rencontres magnifiées par la beauté de l’hiver américain, et tragique, car la disparition de Finch est inquiétante et sa recherche haletante.

Un beau roman d’amour, de mort, des personnages de jeunes puissamment singuliers.

 

Le Dernier Chant

Le Dernier Chant
Eva Wiseman
L’école des loisirs, 2015

Petite leçon d’histoire en noir et blanc

Par Anne-Marie Mercier

Le Dernier ChantEn 1491, les Rois catholiques Isabel et Fernando, après avoir reconquis leur royaume contre les Maures, chassent les juifs d’Espagne. Les parents de l’héroïne du roman, Isabel, sont juifs et pratiquent en secret leur religion. Pour la protéger, ils le lui ont caché, l’ont élevée comme une catholique et l’ont fiancée à un jeune homme de la bonne société qu’elle exècre. Le roman oscille ainsi entre la veine historique, relatant les menées de l’inquisition et la montée du danger, le roman sentimental, Isabel tombant amoureuse d’un jeune orfèvre juif, et l’initiation religieuse.

Beaucoup de manichéisme dans tout cela, même si les événements sont dramatiques : un peu plus de nuances n’auraient sans doute pas fait de mal. Mais l’atmosphère de Cordoue à cette époque, le mélange culturel, la vie du ghetto, et l’équilibre brutalement rompu par l’obsession des souverains pour la « limpieza de sangre », le « sang pur » des vrais catholiques, est une leçon utile pour notre temps qui perd parfois la mémoire.

Des jours pas comme les autres

Des jours pas comme les autres
Taro Miura
La Joie de Lire, 2006

(En)cadrer l’étrange

Par Anne-Marie Mercier

des jours pasCes jours différents sont faits de peu de choses : l’allure d’une girouette, un phare qui semble avoir la tête ailleurs… mais les images suggèrent que l’impression est bien réelle et que le monde est magique.

Magique sont les images de Taro Miura, associant formes et couleurs de manière à la fois surprenante et harmonieuse, intégrant l’étrange dans la géométrie du cadre.

Pour rappel, Taro Miura est aussi l’auteur de l’album intitulé « Les métiers ». Voir aussi sur youtube une lecture en images du délicieux Tout petit roi

Le Miel des trois compères

Le Miel des trois compères
Richard Marnier, Gaëtan Doremus
Rouergue, 2014

Métaphysique des choix

Par Anne-Marie Mercier

Le Miel des trois compèresInstallons une situation : trois animaux amateurs de miel rencontrent un rayon de miel. Répétons la dix sept fois en proposant dix sept histoires différentes. On aura au bout du compte un exercice entre les Exercices de style et les Mille milliards de poèmes de Queneau : même style mais exploration des possibles.

C’est surtout sur le plan des rapports entre eux que ces « compères » font preuve d’inventivité, de la négociation à sa parodie, de la fable à l’explosion délirante.

Loup, renard, ours sont ici en compétition ; c’est souvent l’ours qui gagne : force brute, innocence un peu épaisse font mieux que ruse et cruauté.

Sylvain et SylvetteEt ces compères font penser au Roman de Renart et à Sylvain et Sylvette !

Tout là haut

Tout là-haut
Morgane de Cadier, Florian Pigé
HongFei, 2015

Ours vole !

Par Anne-Marie Mercier

Tout là-hautL’ours est une image de l’enfance en littérature pour la jeunesse ; quand il est blanc, cela ajoute une touche d’exotisme mais aussi d’innocence supplémentaire. Tout lui est possible, tout lui est désir.

Quand celui-ci est désir de savoir (qu’est-ce c’est que ces ballons qui survolent la banquise ?) puis désir de voyage (partons avec les belles montgolfières !), la liberté est totale.

Cette jolie fable est mise en texte et en images par deux jeunes diplômés de l’école Emile Cohl, qui ont bien du talent : il en faut pour qu’on accepte immédiatement cette situation étrange et improbable comme une évidence. Les images sont belles, inscrivant des ours schématiques dans des décors colorés et riches de nuances. L’ensemble est poétique, léger, parfait.

Décidemment, chez HongFei, tout voyage (voir La Roche qui voulait voyager)

Le Petit Camion Rouge

Le petit camion rouge
Tatsuya Miyanishi, Fédoua Lamodière (trad. japonais)
Nobi Nobi, 2014

Petit Camion deviendra grand

Par Christine Moulin

petit camion rougeVoilà une histoire qui plaira à tous les amateurs ou amatrices de véhicules en tous genres mais ne déplaira pas à ceux qui aiment les contes initiatiques: le héros, Red, est en effet un camion, qui n’a retenu du Petit Chaperon Rouge que la mission « aller porter quelque chose à quelqu’un ». En l’occurrence, le « quelque chose » prend la forme de deux mystérieux paquets, très fragiles, et le « quelqu’un » une famille de lapins, au Pays des Carottes, chez qui vient de naître une petite lapine, dont Monsieur Tanuki (1), remplissant ainsi le célèbre rôle du mandataire de Propp, veut célébrer la naissance par ce cadeau intrigant. Red va traverser une ville très stylisée, mais remplie de voitures, de camionnettes tous plus utiles les uns que les autres. Red est alors très déprimé et se sent « minuscule et mollasson », malgré l’aide que lui apportent un camion-grue et une dépanneuse. D’autant plus que sa mission semble avoir échoué. En fait, il n’en est rien… On songe presque au Tagagné de Dalrymple, dont l’objet de la quête résidait dans la quête elle-même.

La fable est jolie. Elle prend place dans la série des histoires qui peuvent rassurer les enfants malhabiles, qui se sentent toujours trop petits, trop incompétents. Aux plus grands, elle peut rappeler opportunément que l’échec apparent peut n’être que transitoire et laisser place à une réussite qui mérite patience et maturation. N’est-ce pas déjà beaucoup ?

(1) Un avertissement en début d’album prend soin de nous informer que le tanuki est un « animal d’Asie ressemblant au raton-laveur et qui est très présent dans le folklore traditionnel japonais. Il y est souvent présenté comme un animal espiègle aux pouvoirs merveilleux […] ».