Le cas Jack Spark, saison 1 : l’été mutant
Victor Dixen
Gallimard (pôle fiction/fantastique), 2011
Vacances au ranch du cauchemer
par Anne-Marie Mercier
Il y avait la veine Enfant Océan, réécriture de conte, la veine Harry Potter, mixage de mythes et de « collège novel », Twilight qui faisait se rencontrer « collège novel » et vampires… Victor Dixen arrive à faire mieux encore, en mélangeant tous ces ingrédients dans un roman étonnant, haletant et poétique.
Le narrateur est envoyé dans un pensionnat au fin fond du Colorado qui se rapproche davantage du bagne que du ranch que l’on a vendu aux parents (on songe alors au Passage de Sachar). Il tombe raide amoureux d’une belle kleptomane et fascine un étrange adolescent habillé en Hamlet, citant Shakespeare par coeur, et la Bible. Sa bande d’amis (tous assez frappés, comme le reste des élèves) se heurte à un autre groupe, dirigé par un garçon très méchant. Rivalités, jalousies, intrigues se développent en parallèle avec la préparation d’une représentation de Roméo et Juliette. Les animateurs jouent des personnages de western ; une étrange religieuse soumet les personnages à l’épreuve du baquet de Mesmer qu’elle a réinventé pour pomper leur énergie à mort…
Jusque là, on pense à un récit réaliste qui cherche l’excès et frôle le genre frénétique, mais très vite le récit bascule dans le fantastique avec la découverte de la nature monstrueuse du directeur de l’établissement et des êtres qui peuplent la forêt avoisinante. Les allusions aux contes se multiplient (Le Petit poucet, Barbe Bleue, La Belle au bois dormant…). La métamorphose progressive du héros le plonge dans des affres identitaires (il est de la race des « méchants », des Fés) et les super pouvoirs qu’il expérimente tour à tour évoquent les jeux vidéos, où chaque situation demande des capacités différentes. Le thème de la difficile maîtrise de soi face aux désirs et aux colères, classique de la littérature pour adolescents, est au centre de son évolution.
Le roman tout entier est un brassage systématique de thèmes et de jeux, d’échanges de rôles, de renversements. L’ensemble est bien écrit et très ingénieux.
La série a déjà été publiée en grand format (3 volumes parus, 2009-2011, le 4e à paraitre) chez Jean-Claude Gawsewitch, a obtenu le « Grand prix de l’imaginaire – Étonnants voyageurs 2010 et connaît un grand succès.
C’est une belle lecture en poche pour l’été, en attendant la suite à l’automne, pour ceux qui n’auront pas lu la série. Le terme de « saison » qui désigne les volumes ne fait pas allusion aux séries télévisées mais aux couleurs des récits. Ici l’été est étouffant et torride, la saison suivante, l’automne, sera celle de la chasse…