Coup de foudre
Jean Baptiste Drouot
Les Fourmis rouges 2025
Faites l’amour, pas la guerre…
Par Michel Driol
Ce sont deux royaumes, celui de l’ouest, celui de l’est, séparés par un fleuve infranchissable. Lorsque leurs souverains respectifs meurent, les deux royaumes échouent à un roi et à une reine qui veulent faire la guerre au royaume d’en face. Mais comment franchir le fleuve ? Après avoir envisagé quelques solutions improbables, on décide de construire un point, pour lequel il faut que les ingénieur et conseiller des deux royaumes collaborent. Lorsque le pont est construit, les deux armées s’y retrouvent, face à face… Mais c’est sans compter sur un coup de foudre bien inattendu, qui mettra à bas les deux monarques, et permettra d’instaurer un royaume unifié autogéré !
Voilà un album qui fait rimer comique et politique, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Comique du texte d’abord, d’un comique pince sans rire, qui associe les évidences et le bon sens en les opposant à la folie des deux souverains, associe un vocabulaire bien technique et relevé (destriers, griffons, vociférer…) à la trivialité des ordres et injures des monarques. Comique des illustrations, qui nous emmènent dans un non temps et un non lieu. Des villages peuplés d’animaux très anthropomorphisés, à tête de cochons, pour ceux de l’ouest, têtes de chiens pour ceux de l’ouest. On se croit au moyen âge, châteaux forts et techniques de construction du pont à l’appui, mais on y mange des hamburgers, des sandwichs, on y promène les bébés en poussettes très contemporaines et l’on y porte de bien belles lunettes ! Comique des situations, qui se répètent, et jouent sur l’exagération (des bons souverains on passe aux pires possibles…). Comique des propos tenus dans les bulles… Cet album prend l’allure d’un conte pour aborder des questions éminemment politiques. Qui décide de la guerre ? Deux souverains, décrits comme énervés, méchants, qui forcent leur peuple à haïr ceux d’en face, à partir guerroyer alors qu’ils n’en ont aucune envie. Mais les gens du peuple se laissent pourtant entrainer par les propos des monarques. On apprécie le côté anarchiste et libertaire de la fin : une fois les rois disparus, les peuples s’unissent et s’autodéterminent librement pour le bonheur de tous, dans une utopie joyeuse qui fait la part belle au métissage, à la musique, et à la ripaille.
En se situant bien dans la veine d’un Tomi Ungerer, cet album plein de vie et de drôlerie délivre un message politique dans lequel l’amour triomphe toujours, même là où on ne l’attend pas.