Nuit de chance

Nuit de chance
Sarah Cheveau
La Partie, 2023

Cent nuances de beige

Par Anne-Marie Mercier

Dès la couverture, la « couleur » est annoncée : fusain noir sur brouillards bistres, dégradés de bruns… et la première page nous fait entrer dans ce monde : « Un soir à la nuit tombée, je suis entrée dans la forêt. Et j’ai vu… »
Pages sans texte, présentant un décor de bois dans des tons de beige ou de fusain noir d’encre sur fond blanc, branches, futs… ou pages montrant un animal qui fuit, en plein mouvement, saisi sur fond blanc : un écureuil, un renard plus loin, une horde de cerfs, et enfin une rencontre, avec un sanglier. Attente, approche, magie pour finir avec le retour du texte : la chance d’un miracle.
La beauté de l’album n’est pas seulement dans son histoire, son rythme, ses traits épurés et ses couleurs aux cent nuances de beige, gris, noir mais aussi dans la révélation du secret de sa fabrication à la fin : la couleur a été posée avec des bâtons écorcés et brulés. Différentes essences ont donné différentes couleurs, presque cent, dont on a le nuancier à la fin avec les noms des arbres qui les ont fournis. Deux autres doubles pages sont consacrées aux feuilles des arbres, cette fois dessinées avec des fusains achetés, chacune avec son nom.

Ce bel album est une école de l’attention, attention à ce qu’il nous montre, à son rythme, à sa retenue, à l’émerveillement de la découverte, à la suspension du temps de la rencontre animale – un peu effrayante mais heureuse finalement. C’est aussi un éveil de l’attention à la diversité des arbres et à l’infinie variété des couleurs, des couleurs proches avec chacune leur vibration.

 

Le Son du silence

Le Son du silence
Katrina Goldsaito – Julia Kuo
HongFei  2023

Choses entre lesquelles se glisse le silence…

Par Michel Driol

Sur le chemin de l’école, à Tokyo, Yoshio est sensible à tous les bruits qui l’entourent. Une musicienne, qui accorde son koto, lui révèle que le plus beau son pour elle est le ma, le son du silence. Commence alors pour Yoshio une nouvelle quête, celle de ce son. Mais tout est tellement bruyant, même la nuit. Le lendemain matin, à l’école, il entend enfin ce son, pendant un court instant, et prend conscience qu’il avait toujours été là.

Le ma, explique la dernière page, est un concept japonais qui, je crois, n’a pas son équivalent en Occident. Il désigne le moment où tous les musiciens, lors d’un concert, marquent un arrêt. Silence entre les sons, qui caractérise tous les arts du Japon, y compris la conversation. C’est ce silence entre deux bruits que Yoshio parvient à percevoir.

Le texte, plein de poésie, tout en douceur, se fait l’écho de tous les bruits que perçoit Yoshio, les énumérant, les décrivant, composant ainsi comme une symphonie de sons qui vont de celui de la pluie à celui des baguettes et des mastications au cours du repas. Yoshio se présente comme un amoureux des sons, qui, pour lui, parfois scintillent dans une correspondance très baudelairienne.  Cette recherche, très zen, du ma est, de fait, pour Yoshio, une façon de percevoir non pas à l’occidentale que le silence qui suit une œuvre de Mozart est encore du Mozart, mais, à l’orientale, que ce qui confère de la valeur aux choses est ce quelque chose qui se glisse entre elles, quasi imperceptible, ce quelque chose comme l’insoutenable légèreté de l’être qui donne sens à tout. La leçon de la musicienne devient alors une leçon de vie, le début d’une quête à la fois initiatique, physique et philosophique.

Les illustrations, en double page, accompagnent ce mouvement vers une ascèse, nous faisant passer des couleurs vivres de la ville bruyante et animée, à l’espace intérieur de la maison, déjà plus dépouillé, puis à une salle de classe vide et en teintes d’une grande douceur. Le silence envahit aussi l’espace graphique, rendu visible par des couleurs dans lesquelles peuvent s’intégrer, à la fin, les autres personnages. Comme en écho à l’illustration de couverture, la dernière illustration montre le héros seul au milieu d’une foule, en noir et blanc sur la couverture, foule qu’on devine bruyante en pleine rue, et, à la fin dans la salle de classe, dans des teintes plus sépia, foule qu’on devine plus calme, laissant dans les deux cas au héros l’espace libre du silence qui s’installe dans les interstices. Beau travail d’adaptation graphique d’un concept !

On appréciera aussi dans cet album ce qu’il montre de la culture japonaise, de ses rues, de ses magasins, des costumes des écoliers, tout cela représenté dans des illustrations qui, au-delà de leurs couleurs symboliques, ont un aspect documentaire très précis.

La dernière page est une invitation à collecter les sons, ceux de l’album et d’autres encore, peut-être à la façon d’un des inventaires des notes de chevet d’une autre autrice japonaise du Xème siècle, Sei Shōnagon.

Lire aussi, sur cet album, la chronique de Lidia Filippini

Le Château des Papayes

Le Château des Papayes
Sara Pennypacker
Gallimard Jeunesse 2021

Un été dans le monde réel

Par Michel Driol

Lorsque Grand Manitou, sa grand-mère, tombe, et doit aller à l’hôpital, Ware doit passer l’été au centre aéré. Garçon rêveur, différent, il fait semblant d’y aller et trouve, dans un terrain vague, une fillette de son âge, Jolène, qui fait pousser des papayes près d’une église démolie. Ware entreprend de l’aider, mais le terrain va être mis en vente. Arrive Ashley, fille d’un conseiller municipal, qui ne veut pas que le sol reste bitumé car les grues le prendront pour de l’eau et s’y casseront les pattes. Ware et Jolène entreprennent alors de transformer l’espace bitumé en douves emplies d’eau. Mais qui achètera le terrain ? Un promoteur pour y construire un centre commercial ? Ou la mairie pour agrandir le centre aéré ?

Situé en Floride, le roman est fortement inscrit dans une culture et une approche très américaine du monde : Ware, le personnage principal, s’interroge sur sa propre normalité. Est-il asocial ? Il semble dans son monde qu’il transforme, et perçoit à sa façon, et devrait aller au centre aéré pour s’y socialiser, faire des rencontres enrichissantes. Enfant de la classe moyenne, ses parents font de nombreuses heures supplémentaires pour acheter leur maison. Ses problèmes semblent bien superficiels au regard de ceux de Jolène, dont la mère l’a abandonnée à sa tante, portée sur la bouteille. La fillette est bien plus mure que Ware, lui reproche de vivre dans un monde de Bisounours, et pense que le monde réel est noir, cruel, injuste et sans espoir. C’est sans doute là l’un des intérêts majeurs de ce roman, l’opposition entre deux visions du monde, celle de Ware, rêveur, sans doute destiné, d’après son oncle (dans le milieu du cinéma), à devenir artiste, et celle très désespérée de Jolène qui fait pousser ses papayers pour tenter de gagner un peu d’argent. Sa vision désespérée est sans doute plus proche de la réalité que celle de Ware et permet ainsi à l’autrice une réelle critique du mode de vie américain : l’ancienne église deviendra sans doute un centre commercial, temple de la consommation et de la pollution. Si Ware se prend pour un chevalier servant, défenseur des nobles causes, il y a aussi Ashley, qui, par ses contacts avec les défenseurs des oiseaux, avec la municipalité par son père, semble incarner une sorte de pouvoir fragile et limité, à la fois politique et écologiste. Deux autres personnages d’adultes sont intéressants : Grand-Manitou, la grand-mère, et le serveur du bar, deux personnages qui sont réellement à l’écoute des autres, et tentent de résoudre leurs problèmes autant – sinon mieux – que la mère de Ware, directrice du centre d’action sociale. Le roman, qui s’inscrit sur une durée brève, un été, dans quelques lieux bien définis (le terrain vague, un bar, la maison de Ware, le centre de rééducation) s’apparente aux romans d’initiation : Ware s’y découvre, y découvre ses potentiels, retrouve l’estime de lui-même, s’avère altruiste et fortement changé par rapport à sa propre image au début du roman, grâce à sa découverte d’un autre monde, d’un autre univers que celui de ses propres rêves.

Entre rêves, utopies, monde réel (c’est le titre original anglais), rôle de l’art et rapports inter individuels, ce roman plein de douceur et de sensibilité parle de l’Amérique contemporaine, mais trouvera aussi des échos chez les lectrices et lecteurs français qui s’attacheront à ces personnages à la fois lointains, différents, et proches par leurs aspirations.

L’Écrivain

L’Écrivain
Davide Cali, Monica Barengo
Passe partout, 2020

Cœurs solitaires: un chien et son maitre

Par Anne-Marie Mercier

Un chien s’inquiète pour son maitre, qui passe son temps à écrire. Il doit veiller à tout à sa place. Et puis, il trouve qu’il lui faudrait une compagne pour rompre sa solitude. Mais lorsque l’écrivain trouve sans lui l’âme sœur, le chien s’inquiète cette fois pour lui-même : cette compagne a un chien (ou une chienne ?) et cela ne va pas du tout.

Les illustrations sont très cocasses, montrant un chien extrêmement sérieux et plein de l’importance de son rôle. Tout est vu de son point de vue, souvent à ras du sol, et la chute est jolie : un peu de douceur, enfin.

Nos mains en l’air

Nos mains en l’air
Coline Pierré
Rouergue 2019

Eloge de la fugue

Par Michel Driol

D’un côté, Yazel, orpheline, sourde, adoptée par sa richissime tante … imbue d’elle d’elle-même et très antipathique à son égard. De l’autre, Victor, né et élevé dans une famille de braqueurs, obligé par un père tyrannique de suivre la voie familiale, mais ne désirant que d’y échapper. Lorsque Victor cambriole la maison d’Yazel, elle le surprend, lui indique comment ouvrir le coffre-fort, et lui demande de l’emmener loin de cet univers sans joie, en Bulgarie, pour y disperser les cendres de ses parents. Et Victor accepte… Les voilà tous les deux sur les routes d’Europe, d’Angers à la Bulgarie, en passant par Venise, le jeune homme de 21 ans et la jeune fille de 12 ans, l’un apprenant la langue des signes pour communiquer avec elle, l’autre demandant à ce presque frère, presque père de l’adopter…

On passe bien sûr sur toutes les péripéties, la recherche par les familles, les dangers : voilà un roman qui se lit presque comme un thrilleur, commençant par une scène nerveuse de braquage. Mais c’est surtout un roman qui parle de rencontre et qui s’intéresse à la psychologie, aux réactions, au ressenti de ses personnages avec beaucoup d’humanité. Yazel, sourde et lourdement appareillée,  que l’histoire familiale a fait passer d’un coup à cause de la mort de ses parents, d’un univers baba-cool et aimant à la sècheresse bourgeoise de la tante, a toute l’espièglerie, le don de répartie, la force et la fragilité d’une adolescente. Victor, personnage paradoxal, braqueur malgré lui et écoutant dans une association d’aide aux victimes, n’arrête pas de dire qu’il est désolé. Tous deux tentent de trouver leur place dans le monde, soit en rupture avec leur famille, soit pour continuer – par les lettres aux parents – le lien ténu avec les morts. La force du roman est démontrer comment ces deux-là vont s’apprivoiser avec pudeur, se découvrir dans leurs différences et leurs singularités. Le roman est fait de conversations tout au long de la route où chacun peut se dire et dire le monde qui l’entoure, en décrire les sons et les formes. Car la langue et le langage sont aussi au cœur du roman : la langue des signes, la langue maternelle, la langue du peuple, la langue de la bourgeoisie… Comment aller au-delà de ces différences pour apprendre la langue de l’autre et communiquer avec lui ?

Rien de mièvre ou de convenu dans ce roman qui reprend les thèmes du Bon Gros Géant ou du film Paper Moon dans l’exploration d’une relation entre un adulte qui devient protecteur d’une enfant, malgré lui, et cette enfant. Se trouver, se reconnaitre, c’est fuir, s’émanciper et échapper à sa famille, dans une complicité amicale et chaleureuse. Toutefois l’auteure porte deux regards différents sur les familles : autant la tante ne trouve pas grâce à ses yeux – caricaturée, excessive, mesquine, insupportable jusqu’au bout, autant le père de Victor devient petit à petit un personnage sympathique, humain dans son comportement pataud. Par ailleurs, le roman se tient sur une ligne étroite qui, par moments, dans la bouche du père, justifie ce travail de voleur. Les banquiers ne font pas un travail plus honnête, dit-il…

Le roman fait voyager dans des milieux et des lieux décrits avec le regard naïf des deux protagonistes : hôtel de luxe à Lyon – et assiettes gastronomiques !, lacs italiens, Venise en période d’acqua alta, frontière glauque entre la Roumanie et la Bulgarie, sans oublier les aires de repos des autoroutes. Ainsi c’est aussi à une découverte  du monde qui nous entoure que ce roman invite son lecteur.

Un roman riche qui aborde, sans didactisme, mais avec sensibilité, des thèmes très actuels.

Il a neigé

Il a neigé
Richard Curtis – Rebecca Cobb
NordSud 2016

Folle journée d’hiver

Par Michel Driol

Par un jour de neige, seuls un élève et un professeur n’apprennent pas que l’école est fermée. Or ces deux-là se détestent : l’un est le plus sévère de l’école, l’autre le plus mauvais élève du pays. Avant la récréation, le professeur fait classe, comme à son habitude, avec un seul élève. Mais, lors de la récréation, il l’aide à fabriquer un bonhomme de neige, puis tous les deux jouent : patin à glace, skis… en détournant les objets pédagogiques. Le jour suivant, tout le monde revient en classe, et rien ne semble avoir changé. Mais, au lieu de la punition, le professeur montre à l’enfant un projet fantastique de ville en iglous, qu’ils réalisent lors de la chute de neige suivante.

Découvrir l’autre, avoir un projet commun, aller au-delà des stéréotypes dans lesquels on est enfermé et dans lesquels on enferme l’autre, vaincre les préjugés et la solitude : voilà ce dont parle cet album avec finesse et humour. Il semble suggérer qu’il faut, pour cela, bénéficier de circonstances particulières : la neige, qui fait retomber en enfance le vieux professeur et le rapproche alors de l’enfant, dans une complicité souriante que l’image montre très explicitement. L’album entraine le lecteur dans une folle journée, faisant alterner les doubles pages contemplatives montrant la ville, la neige qui tombe, et les pages découpées à la façon de la bande dessinée en strips verticaux qui multiplient les situations et donnent autant d’occasions de voir évoluer les relations entre les deux personnages.

Un livre plein de charme, drôle, aux illustrations sympathiques,  qui aborde des sujets sérieux avec légèreté.

Perdus de vue

Perdus de vue
Yaël Hassan – Rachel Hausfater
Flammarion jeunesse

La vieille dame et l’enfant

Par Michel Driol

perdusPrivée pour un temps de sa dame de compagnie, Régine, vieille dame aveugle et cultivée, fille d’un marchand de tableaux, engage Sofiane, adolescent un peu perdu. Petit à petit, entre les deux, se partagent les joies, les visites, les promenades, et les blessures qui deviennent de moins en moins secrètes. Entre l’adolescent dont le père est parti et la mère a démissionné, et la vielle dame qui a tout sacrifié – y compris ses propres enfants – pour un père dont elle a découvert, après coup, qu’il ne l’aimait pas, les parcours de vie se croisent. Peut-on réparer les erreurs et reconstruire les vivants ?

Le roman est construit  selon les points de vue des deux personnages principaux, l’un écrit par Yaël Hasan (Régine), l’autre par Rachel Hausfater (Sofiane).  Sans doute peut-on lui reprocher parfois l’optimisme et la confiance en la culture (Sofiane découvre et adore Chagall, se reconnait dans l’Attrape-cœur de Salinger), la cécité de Régine disparaît à la fin, mais c’est à une belle rencontre entre deux univers différents qui vont apprendre, tous les deux, à faire un pas vers l’autre pour accepter les différences, s’enrichir, et finalement se réconcilier avec les monde des vivants. L’humour des deux personnages – le sens de la répartie de Régine qui fascine Sofiane – ne gâche rien au plaisir du lecteur. La petite histoire des personnages croise bien sûr la grande – sur fond d’holocauste, d’immigration et de couples qui se déchirent, de cités glauques et de trafics de drogue.

Un livre plein d’optimisme à lire en ces temps troublés où les liens sociaux ont plutôt tendance à se déliter, comme pour montrer que tout est toujours à remailler du monde.

Deux qui s’aiment

Deux qui s’aiment
Jürg Schubiger, Wolf Erbruch
Traduit (allemand) par Marion Graf
La Joie de lire, 2013

Un premier Art d’aimer

Par Anne-Marie Mercier

 

deuxquisaimentMon cœur saute,
hop, car tu es là.
Mon cœur saute,
hop, car tu es loin,
et que je pense
comment c’était
quand tu étais là.
Mon cœur saute,
hop, l’amour a le hoquet […]

Ils sont deux.

Dans l’image ce sont soit des couples assortis (deux lapins de même taille, fille et garçon, bien normaux, deux oies…), soit dépareillés (chien et poisson rouge, chouette et élan, renard et oie). Le texte est moins précis et plus sage; ces images un peu loufoques ajoutent un grain de sel à sa simplicité apparente.

Les situations sont diverses, mais toujours ils sont deux et ils s’aiment : rencontre, désir, premier baiser, déclaration… lassitude et malentendu ne sont que passagers ; du bonheur et de la surprise heureuse surtout. Sur ces situations simples, le texte est tout de fantaisie, s’émerveillant de petites choses, relevant le cocasse et le surprenant, la douceur des sensations nouvelles et des mots doux. C’est charmant, drôle, et jamais mièvre.

Entre chat et chien

Entre chat et chien
Eric Battut

Autrement, 2014

La plus fervente histoire

Par Dominique Perrin

9782218931437FSC’est la rencontre forte entre un lettré matériellement installé et un vagabond attentif au monde, entre un poète qui ne sait plus sortir et un explorateur qui a tout à découvrir des lettres, un sérieux et une légèreté…entre un créateur de texte et un créateur d’images enfin, qui désirent et accomplissent ensemble un livre qui rencontrera notamment le public des renards passionnés de poésie  !
C’est donc la plus fondamentale histoire sans doute, celle qui donne le spectacle non tant du « choc des cultures » (ou des civilisations) mais de la découverte inconfortable d’autrui, avec ses tensions (« Il ne faut pas abîmer les livres. Va-t-en de chez moi ! ») et ses détentes (« C’est beau. »), et de ce que vaut cette découverte (le besoin et la capacité de créer). Tout cela, dans un petit album au format « livre », et avec la simplicité caractéristique d’Eric Battut…

Un Piano sur son dos

Un Piano sur son dos
Claude Clément, Sylvie Serprix

Grasset-Jeunesse, octobre 2010

 Claude Clément et la poésie devient musique

par Sophie Genin

9782246779513.gifClaude Clément a encore frappé et bien ! A nouveau, la musique l’inspire, comme elle le note en dédicace : « A mon compagnon, Serge Delbouis, qui fait vibrer l’âme des pianos, à Geneviève Stahl qui éclaira sa vocation, à Belline pour que résonne son piano intérieur… ».

Ce n’est pas la première fois que la mystère entoure le personnage qu’on voit naître puis grandir, caché sous le piano qu’une vieille dame viendra un temps faire vibrer. Ce n’est pas la première fois que Claude Clément nous propose de suivre un jeune homme dans un conte initiatique. Ce n’est pas la première fois que se dessine une écriture poétique présentant un refrain (« l’enfant rêva que les touches s’enfonçaient, que des petits marteaux frappaient, sur des cordes vibraient et qu’ainsi, le piano tout entier chantait… »). Mais l’amour porté à son compagnon a donné une nouvelle dimension à son écriture, dimension que l’on pourrait qualifier d’amoureuse, et pas seulement pour la belle rencontre avec une jeune fille tout aussi mystérieuse que l’artisan bricoleur d’instrument dont Claude Clément a fait son héros !

S’ajoute à ce très beau texte une illustration envoûtante qui permet au rêve éveillé de l’auteur de prendre littéralement corps sous nos yeux, grâce, en particulier, à l’abondante neige qui vient recouvrir par touches astucieuses la rencontre des deux amoureux et l’envol final du piano. Les contrastes proposés, couleurs chaudes du piano, des personnages et des animaux face au bleu froid récurrent qui prend tout son essor dans la scène de rencontre hivernale, font de chaque page de cet album autant de tableaux qui invitent, tout comme le texte poétique, à un voyage initiatique plus qu’agréable, réconfortant.