La Chine de Zhang Zeduan

La Chine de Zhang Zeduan
Mitsumasa Anno

Traduit (japonais) par Nadia Porcar
L’école des loisirs, 2010

La Chine au fil de l’eau, au fil du temps

Par  Anne-Marie Mercier

chine_zhang.gifS’inspirant du rouleau de peinture sur soie « Jour de Qingming au bord de la rivière », Mitsumasa Anno se livre à un hommage à son auteur, Zhang Zeduan (1085-1145), dont l’œuvre est aujourd’hui invisible, conservée, et à une mise en scène de ses croquis faits lors de ses voyages en Chine.

A la manière de son album le plus célèbre, Ce jour -là, il ne propose aucun texte, mais une suite de doubles pages totalement occupées par des vues dessinées à l’encre et aquarellées. Celles-ci présentent avec un point de vue légèrement surplombant des plans panoramiques où les hommes s’affairent : paysages de rivière ou de montagne, scènes diverses (constructions, jeux, activités agricoles et économiques, spectacles, mariage et funérailles…) dans lesquelles la modernité n’est pas encore entrée mais commence juste son œuvre de destruction. C’est une sorte de vision de la Chine éternelle, où des cavaliers suivant une oriflamme côtoient des cyclistes. On semble suivre une rivière, mais la fin de l’album la quitte pour les hauts plateaux.

L’ensemble est esthétiquement très réussi. Mais comme son prédécesseur, Anno vise à la précision et presque à l ‘exhaustivité : chaque scène est faite de plusieurs qui se côtoient dans un même espace et proposent chacune un aspect de la Chine ; la fabrication d’un matériau, le mode de transport d’un autre, une coutume locale, un débit de boissons, tout cela se côtoie et forme une petite encyclopédie en images de la civilisation et de la géographie chinoises, des difficultés climatiques et écologiques. Chaque scène est commentée en fin de volume, Anno attirant l’attention du lecteur sur un détail, développant un aspect et indiquant où le croquis a été fait. Une carte permet de localiser les lieux, croisant les tracés des fleuves, celui de la route de la soie et les points illustrés par le livre. Tout un voyage, instructif, inépuisable et beau.

Le Cochon magique

Le Cochon magique
Dorothée de Monfreid

L’école des loisirs, 2010

La magie est dans tout, et réciproquement

Par Anne-Marie Mercier

cochonmagique.gifJosette rencontre un cochon, forcément magique, du moins c’est ce qu’elle décide. Si ce cochon n’est pas très loquace (il ne sait dire que « Groooïnk ») pas très propre et pas du tout habillé, perchée sur son dos , Josette rencontre différents animaux plus civilisés : un lapin lecteur, un chat mangeur de sandwich, un chien guitariste en tricot rayé… Chacun porte un rêve qui se réalisera à la fin, un peu par hasard, en tout cas pas vraiment grâce au cochon magique.

Quant au rêve de Josette, il se réalise aussi, on le découvre à la fin. Preuve que le rêve entraine la satisfaction. Celle du lecteur aura été de suivre ce récit jubilant d’optimisme et de simplicité. Tout peut être magique, quand on le veut vraiment… dans cet espace rose et rond.

Bobo lapin – …Faut-il qu’une « histoire à colorier » soit plate ?

Bobo lapin
Ramadier et Bourgeau
L’école des loisirs, 2011

…Faut-il qu’une « histoire à colorier » soit plate ?

Par Dominique Perrin

 

bob.gifBobo lapin est sans doute d’abord une « histoire à colorier » : feuilleter celle-ci comme une invitation à faire œuvre de coloriste à partir de son dessin en noir et blanc, précis et efficace en même temps que naïf, conduit à en faire une évaluation plutôt enthousiaste. Cependant, une histoire à colorier est-elle nécessairement au-delà, ou en deçà des exigences qu’on peut avoir habituellement vis-à-vis d’un album pour la jeunesse ? Nullement, serait-on tenté de répondre.
Or l’histoire est ici bien plate, et décevante : Bobo lapin se réveille malade, rejette méthodiquement les traitements fort convenus que lui proposent ses amis en fonction de leurs propres habitudes alimentaires, et finit par trouver secours chez maman lapin. Il propose finalement avec succès son remède de lapin – un jus de carotte, faut-il le préciser – à tous ses amis malades à leur tour. On est bien loin de l’absorbant Docteur loup d’Olga Lecaye, où le questionnement sur le même et l’autre, le commun et le différent, leurs jeux de miroir et de trompe-l’œil, était exploré de façon merveilleusement prenante. On est également loin d’ouvrages au texte, au dessin et à la colorisation beaucoup plus simples, et néanmoins rafraîchissants pour les esprits de tous âges.

Il est où mon p’tit loup – Les mêmes et l’autre, tableaux de groupes

Stéphanie Blake
Il est où mon p’tit loup

L’école des loisirs, 2011

Les mêmes et l’autre, tableaux de groupes

Par Dominique Perrin

9782211203814.gif« Un chat n’y retrouverait pas ses petits ! » : la dernière production de Stéphanie Blake dans le grand format solidement cartonné de la collection « loulou et cie » illustre cette formule consacrée avec une espièglerie et un entrain féconds. Décidément non narratif, l’album consiste en une série de tableaux évoquant un Maurits Cornelis Escher détendu et bonhomme, accompagnés d’une phrase-comptine référée au titre : Il est où mon p’tit loup …« Si tu es malin, tu le trouveras chez les lapins » – « Et chez les chiens ? Regarde bien ! ».
On passe ainsi d’un univers animalier à un autre, à la fois abstrait, géométrique, et vivant, parlant : dans les pyramides de lapins, de chiens et autres crocodiles qui se succèdent de double-page en double-page, l’art de l’illustratrice anime et singularise tous les personnages. Loin des « cherchez l’intrus » traditionnels, telle est la satisfaisante surprise de ce livre qui mérite sa solidité et sa grande taille : le « petit loup » vert qu’il s’agit de retrouver dans différents tableaux de familles est plus convivial encore que facétieux ; s’il échappe d’abord au regard, ce n’est pas parce qu’il est bien caché, mais parce qu’il trouve sa place dans une série de collectifs multicolores où chacun est digne d’attirer le regard.

Mon lapin

Mon lapin
Grégoire Solotareff
, Soledad Bravi
L’école des loisirs, 2011

Lapin malin

Par Caroline Scandale

Mon lapin.gifArticulé autour du thème de l’amitié maître/animal, cet album met en scène un lapin, personnage récurrent chez Solotareff. Les illustrations stylisées de Soledad Bravi apportent un ton résolument moderne. Son trait de crayon est épais et ses couleurs contrastées, ce qui accroche immédiatement l’œil. Dès la couverture, le ton humoristique et tendre est donné.

Mon lapin raconte la rencontre pour le moins originale d’une petite fille, Garance, et d’un lapin plutôt malin. De proie croquée par le chien de la famille, il devient le nouvel animal de compagnie de la demoiselle et botte en touche le canidé chasseur… Le petit lapin de Garance est vraiment un petit malin mais il n’en est pas moins un gentil compagnon curieux et intéressant. Une jolie histoire d’amitié commence entre l’enfant et l’animal.

Fanfantôme

Fanfantôme 
Charlotte Sjöstrand
L’école des loisirs

 Tourne manège ?

Par  Chantal Magne-Ville 

Un adorable petit livre qui évoque les aléas de la propreté sur un mode léger. Il suffit de voir la mine dépitée du petit fantôme trop pressé qui vient de faire pipi sur son drap et cache la tache, puis d’entendre le ton mi-grondeur mi-amusé de la maman qui l’expédie illico dans la machine à laver pour se convaincre que tout ceci n’est pas bien grave. L’image circonscrite dans un cadre blanc  met en relief le décor fait d’innombrables nuances de gris sur lequel les fantômes découpent leurs silhouettes dynamiques et pleines d’entrain. Seuls les yeux et les joues sont recolorisés ce qui ajoute de la vivacité aux scènes pleines d’humour. Fanfantôme, par exemple, se lie d’amitié sur l’étendage avec une petite culotte timorée qu’il entraîne dans ses jeux car il vole, et le résultat ne se fait pas attendre : les voilà encore plus sales qu’avant…. Mais c’est lui qui réclame de retourner dans la machine….

Attends moi !

Attends moi !
Stéphanie Blake

L’école des loisirs, 2011

Un album vitaminé

Par Caroline Scandale

Attends moi .gifUn petit loup nous entraîne dans sa course folle. Avec son copain lapin, ils s’amusent à faire du skate board. Leur vitesse est telle qu’ils s’envolent en percutant un escargot et retombent dans une voiture. A son tour le gastéropode rigolo leur demande de l’attendre car il veut aussi jouer avec eux. Désormais à trois, ils roulent oreilles et antennes au vent, et invitent le jeune lecteur à les rejoindre dans leur monde acidulé et plein de pep’s.

Album cartonné déal pour les petits loups balbutiants, avides de découvertes et d’histoires à croquer…

Une ado sans peurs (et sans reproches?)

Ailleurs
Moka
L’école des loisirs (medium), 2009

par Anne-Marie Mercier

Moka (qui fait traîner son Sorcier ! en ajoutant volume après volume à sa série), livrerait ici généreusement une trilogie en un seul volume? En fait, c’est une réédition de titres parus à partir de 1991.
Les aventures de Francès, dite Frankie gagnent à être ainsi ramassées car les trois intrigues sont fortement liées par l’amour que la jeune fille de 15 ans voue à un Major de l’armée de l’air, quarante ans, veuf, et père d’un garçon à peine plus jeune qu’elle. A la fin des trois tomes, elle arrivera à ses fins. Désolée de griller ainsi le suspens, mais il faut bien dire que ce texte rompt avec les habitudes prudentes de la littérature de jeunesse.
Rupture sur bien d’autres points assez bien vus même si celui-ci est le plus risqué face aux protecteurs de l’enfance : elle fréquente des jeunes gens pas recommandables et un peu voyous, mais les héritiers des puissants de la ville sont bien pires. Elle fait une fugue et entraîne un plus jeune avec elle, et court de grands dangers, mais sauve un plus petit encore, et puis, il faut bien se faire entendre par les adultes, non ? Elle fait une vie d’enfer à sa sœur conformiste et à sa mère, mais il faut bien que celui (celle) qui a raison toujours, soit le chef, non ? et si ça va pas, on cogne. La négociation n’est pas son fort et elle n’a pas toujours tort en cela.
Bref, pas très conventionnelle, pas dans le discours, pas féminine pour un sou, ni même raffinée, mais attachante, généreuse et sincère, un ovni efflanqué en tee shirt qui lutte contre le racisme, l’hypocrisie, les pyromanes, les dragueurs, l’exploitation des enfants,… et qui n’a peur de rien.