Le livre en analyse, chroniques de littérature de jeunesse

Le livre en analyse, chroniques de littérature de jeunesse
Annie Rolland

Thierry Magnier, 2011

Le livre de jeunesse et son lecteur

par Anne-Marie Mercier

le livre en analyse.gifCet ouvrage réunit des chroniques réalisées par Annie Rolland pour le site ricochet avec la complicité d’Etienne Delessert et propose le regard d’une psychologue sur la littérature pour enfants et adolescents. Douze chroniques, toutes intéressantes, examinent les pouvoirs de l’image et de la fiction dans la construction de l’individu. Elle analyse Yok Yok, Max et les maximonstres,La Maison d’Innocenti, et bien d’autres ouvrages contemporains ou classiques en les confrontant à des réactions de lecteurs.

Le chapitre sur Peter Pan est particulièrement passionnant, reliant la « clinique des enfants tristes » à l’imaginaire et à la structure psychique de James Barrie. Mais c’est autour de la lecture adolescente que Annie Rolland, qui a publié un ouvrage sur ce sujet (Qui a peur de la littérature ado ?) que l’on trouve les pages les plus stimulantes pour s’interroger sur ce que peut dire ou non la littérature de jeunesse. Pour l’auteur, elle peut et elle doit tout dire, y compris ce qui dérange. La sexualité des handicapés (Rien que ta peau de Kathy Ytak), la féminité,  le corps des filles et l’usage qu’elles peuvent en faire (Je reviens de mourir d’Antoine Dole, Le Grand Cahier…), la fêlure schizophrène (Le Temps des lézards est venu de Charlie Price) et surtout la violence adolescente (Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud).

Chaque chapitre de la deuxième moitié du volume est un argument contre ceux qui estiment qu’il faut rétablir une censure en littérature de jeunesse. Ces arguments sont ceux d’une psychologue clinicienne qui a rencontré beaucoup d’enfants et d’adolescents en souffrance et constaté que jamais le livre n’était la cause du malaise mais qu’en revanche il permettait d’extérioriser celui-ci et d’en parler. Enfin le livre est présenté comme le lieu où se disent des vérités qui n’apparaissent nulle part ailleurs.

L’auteur a choisi de s’exprimer dans une langue simple mais jamais simpliste. Elle propose des mini bibliographies avec chaque chronique qui permettront de poursuivre la réflexion. C’est un ouvrage qui sera utile à ceux, médiateurs, parents, enseignants, étudiants…, qui s’interrogent sur ce que les livres peuvent nous apprendre sur nous-mêmes ou sur autrui.

Oh corbeau

Oh corbeau
Marcus Malte, Rémi Saillard
Syros, 2010

par Frédérique Mattès

Aveuglé par son amour pour la belle Paloma (cantatrice célèbre et adulée) dont il ne recueille pas la plus petite attention du fait de son incapacité à émettre le moindre son harmonieux, Jo le corbeau va se séparer de ses ailes (symbole de liberté) pour acquérir une voix en or… Un très grand album qui met en valeur les illustrations expressives et sensibles de Rémi Saillard, lesquelles côtoient avec harmonie les textes poétiques de Marcus Malte. La mise en page du texte est travaillée  et les illustrations pleine page vous entraînent dans le sillage de Jo. L’objet livre est beau, le propos intéressant (dans la vie, il faut faire des choix), l’écriture est parfois dérangeante car elle alterne envolées lyriques et passages réalistes.

Comme si

Comme si
Christine Beigel, Anna Laval
Sarbacane, 2010

par Frédérique Mattès

Le héros de l’histoire est tout simplement chargé d’aller chercher des éclairs chez le boulanger… Il va transformer cette simple course en un périple « extraordinaire » : il fait « comme si »… Comme si  la boulangerie était Fort Alamo et le boulanger le commandant des Tuniques Bleues. Comme s’il allait délivrer la fille du boulanger, prisonnière au milieu du désert … Les enfants rêveurs pourront aisément se laisser emporter par cette histoire, ils y trouveront vraisemblablement un écho à leurs propres rêveries. Le trait enlevé (un petit côté Sempé) s’associe agréablement au texte clair et simple.

Rouge

Rouge
Anne Brière-Haquet, Elise Charpentier
Motus, 2010

par Frédérique Mattès

Un petit livre rouge, clin d’œil à une histoire fort connue. Il est question ici d’une mamie qui tricote, tricote quantité de vêtements rouges pour sa petite fille … Les petits textes en vers réjouiront les plus jeunes, l’illustration épurée, bicolore (rouge et noire) s’inscrit dans des cadrages audacieux .Une version fantaisiste du Petit chaperon rouge qui participe du retour aux textes patrimoniaux. A la dernière page, l’illustration offre une ouverture iconique. En effet, alors que la mamie affirme : «  Avec ça, crois-moi, il ne pourra rien t’arriver» (commentaire de la mamie offrant un  chaperon rouge à sa petite fille), l’illustration montre, en arrière-plan, un loup se pourléchant les babines….

J’aime pas dire bonjour

J’aime pas dire bonjour
Carole Zalberg, Boll
Grasset Jeunesse, 2010

par Frédérique Mattès

Le personnage principal, un enfant, explique, en présentant une galerie de portaits, pourquoi il n’aime pas embrasser : les vieux pépés, la grand-mère campagnarde, la cousine aux gros seins … C’est sympathique, assez drôle (certains y retrouveront certainement du vécu !) mais un peu long et caricatural … Les illustrations de Boll, trait alerte à l’encre et aplats de couleurs, rappellent celles de Zaü.

Martin des colibris

Martin des colibris
Alain Serres, Judith Geyfier
Rue du Monde, 2008

par Frédérique Mattès

Un magnifique album qui a été écrit à partir de la véritable histoire de l’expédition scientifique de la Coquille (1822-1825).Un hommage rendu par Judith Gueyfier aux superbes planches naturalistes du 19ème siècle. Elle a su en saisir l’âme et la qualité technique. Un hommage rendu aussi à ces expéditions du bout du monde qui ont permis de construire la connaissance. Alain Serres a invité un jeune enfant dans son histoire pour permettre aux jeunes lecteurs de s’y impliquer plus fortement. On suit donc Martin qui s’embarque clandestinement sur la Coquille et qui vivra pleinement son voyage comme un vrai naturaliste. A conseiller à coup sûr aux enfants passionnés de nature, d’oiseaux. Ils y trouveront aussi une incitation à prendre le crayon pour croquer à leur tour paysages et volatiles.

Le jardin secret de Monsieur Albert

Le jardin secret de Monsieur Albert
Henri Meunier, Benoît Audé
Editions L’Edune, 2009

par Frédérique Mattès

Un hymne aux petites gens à travers le portrait de Monsieur Albert, portier au Majestic et fier de son état, tout empêtré de timidité et amoureux fou de Mademoiselle Julie, à laquelle il n’ose rien dire. Un beau travail de mise en page du texte d’Henri Meunier. Un texte poétique, fantaisiste, délicat : « Mon costume c’est comme un antidote à ma fragilité ». Une économie dans le trait humoristique qui lui fait écho, les pages sont peuplées de petits personnages et de multiples détails. On se retrouve dans un univers proche de celui d’Hélène Riff. Une belle réussite.

Moi le loup et les vacances avec pépé

Moi le loup et les vacances avec pépé
Delphine Perret
Thierry Magnier, 2010

par Frédérique Mattès

 De simples illustrations au trait pour cette B.D pleine de malice, un « road-story », celui de Louis, de son animal de compagnie (le grand méchant loup) et de son pépé. Ils partent tous trois à la mer. C’est gai, léger, sympathique pour dire le bonheur du quotidien, le bonheur tout simple d’être ensemble.

Les heureux parents

Les heureux parents
Laetitia Bourget, Emmanuelle Houdart
Thierry Magnier, 2010

par Frédérique Mattès

Dès le premier regard, on est interpellé par les illustrations si particulières d’Emmanuelle Houdart. C’est très beau mais aussi très troublant. A chaque page, un camaïeu de couleur fortes, de détails surréalistes ; les personnages, visages fermés, toujours de profil, distillent un certains malaise. Ces illustrations sont proches de l’univers de Nikolaus Heidelbach, elles font admirablement écho au texte. Un texte concis, juste, qui interroge. Il pointe la difficulté d’être père ou mère au quotidien : les nuits sans sommeil, la place que chacun doit se trouver … Un bel album qui fera rire les plus jeunes mais qui saura aussi retenir l’attention des parents car il pose des questions essentielles. A offrir malicieusement aux futurs parents ?

Nu

Nu
Sara
Seuil Jeunesse, 2010

par Frédérique Mattès

A chaque album de Sara, on est saisi par la délicatesse et l’expressivité de ses illustrations épurées composées uniquement de papiers déchirés déclinés en bi-chromie (ici ocre et noir). Un court texte en page de titre présente les personnages principaux (un archéologue et une statue de temple grec) puis la narration est prise en charge uniquement par l’image. Les personnages échangent leurs places, la  statue prend vie et s’échappe. Le lecteur se laisse entraîner avec plaisir dans cette escapade muette et un peu folle. Puis chacun regagne sa place … enfin c’est ce que l’on croit. La fin de l’album offre une ouverture iconographique qui interroge. Une femme rousse apparaît en gros plan, le socle est de nouveau vide …. Un album résistant à lire et à relire à plusieurs niveaux.