Polaire le petit renard de feu

Polaire le petit renard de feu
Mathilde Joly
Saltimbanque 2025

Un périple vers l’Arctique

Par Michel Driol

Polaire, un petit renard blanc, s’enfuit du zoo où il est enfermé, pour retrouver son milieu naturel. En chemin, il rencontre un renard roux, qui lui indique qu’il doit continuer sa route vers le nord, comme les oies sauvages qui passent. Après avoir échappé à un chasseur, il retrouve dans un pays tout enneigé une meute d’autres renards blancs, et admire les aurores boréales.

En format paysage, avec de grandes illustrations en double page, voilà un album qui donne à suivre un parcours vers les grands espaces, vers la liberté, vers les racines. Le récit fait silence sur les conditions de libération de Polaire, mais l’illustration montre des cages ouvertes d’où les animaux s’enfuient. Ce qui suit est d’abord le récit d’une découverte du monde, un monde inconnu pour Polaire, qui n’a connu que le zoo. Découverte de la ville, découverte de la forêt, découverte de la neige, découverte des dangers que représente l’homme qui chasse, découverte des autres, presque semblables comme le renard roux, ou bien différents comme les animaux du grand Nord. C’est aussi la découverte de soi, portée par le texte avec ses formes interrogatives, comme autant de signes indiquant l’attitude de curiosité inquiète de Polaire face à ce monde nouveau pour lui. Ce qui guide Polaire, et qui est signalé au début et à la fin du récit, c’est son instinct qui lui permet de retrouver les racines qu’il n’a pas connues. C’est enfin un récit d’émancipation, permettant au petit renard de sortir des cages, de sortir du monde des hommes, pour retrouver une nature sauvage et splendide, symbolisée par les aurores boréales finales. A noter que Polaire n’est pas seul dans cette aventure : est présent, sur toutes les pages, un petit animal que le texte a la malice de ne signaler que vers la fin, invitant ainsi le lecteur qui aurait été inattentif à revenir en arrière, et à reparcourir l’album à sa recherche… A la fin du texte, un petit texte documentaire indique la liaison effectuée par les légendes nordiques entre le renard blanc et les aurores boréales. Les illustrations, peinture et papiers découpés, créent un univers coloré, plein de douceur. A noter en particulier deux illustrations, très frappantes, l’envol des oies vers les nord, une composition presque abstraite dans sa façon de montrer cette migration sur un fond de ciel blanc, et le personnage du chasseur, double page qui oblige à retourner le livre en position verticale, montrant par les couleurs toute la noirceur de ce personnage inquiétant, tandis que, dans l’obscurité, brillent les yeux des animaux traqués, invisibilisés.

Un album poétique, hymne à la nature, à la vie sauvage, au respect des différences, dont le héros poursuit sa quête vers ses origines avec opiniâtreté et détermination, tout en restant bien fragile et inquiet quant à la façon dont les autres vont le recevoir.

La petite boîte

La petite boîte
Yuichi Kasano, Diane Durocher (trad. du Japonais)
L’Ecole des Loisirs, 2021

La moufle, euh, non… la boîte

Par Christine Moulin

On ne compte plus les adaptations du conte slave La moufle. En voici une pour les tout-petits, de format carré, en carton résistant, qui met en scène non pas une moufle, mais un objet très riche, fantasmatiquement: une boîte!
L’histoire par accumulation est courte: peu d’animaux se présentent pour entrer dans la boîte et pour que cela aille plus vite, certains, tels les canards, viennent trois par trois. Ces animaux sont des classiques du répertoire de la maternelle: renard, élan, canards, donc, et ours. La situation est réduite à sa plus simple expression: on ne sait pas vraiment pourquoi tout le monde veut entrer dans la boîte, les conditions météorologiques ne semblant jouer aucun rôle, à la différence de ce qui se passe dans le conte originel. Pour le plaisir, sans doute?
Mais malgré ce dépouillement, cet album a de nombreux atouts: les animaux sont très mignons, avec leurs grands yeux malicieux, leur bouche souriante et leur expression très lisible. Le texte est varié: la narration est animée par des onomatopées et des dialogues enlevés.
Ce qui peut surprendre l’adulte qui connaît l’histoire, c’est la fin: la boîte n’explose pas, si bien que l’on peut chercher une nouvelle interprétation. Cela signifierait-il que l’on peut toujours accueillir autrui, même si les conditions matérielles ne semblent pas favorables? L’air réjoui des animaux, sur la dernière double page, laisse entendre que même serrés, on est bien, ensemble.

Flamme

Flamme
Zhu Chengliang
HongFei 2017

Mère courage et ses enfants

Par Michel Driol

Flamme est une renarde qui vit dans une forêt avec ses deux petits, Moucheté et Petit Roux. La forêt est perturbée par le passage du chemin de fer, ce qui conduit à Flamme a chercher la tranquillité ailleurs. Malheureusement en chemin, Moucheté est pris dans un piège et enfermé dans une cage par des chasseurs. Flamme fait preuve de ruse et tente tout pour délivrer son petit, malgré l’agressivité de chiens et les dangers. A la fin, la solidarité et l’union entre les renards permettra de libérer Moucheté et de reconstituer la cellule familiale.

Les thèmes – l’amour maternel, la persévérance, le courage, la ténacité – ont été souvent abordés en littérature de jeunesse. L’originalité de l’album tient à leur traitement tant graphique que textuel.  Les teintes dominantes sont celles de l’automne, en harmonie avec le pelage roux des renards. Une fois la première image passée, on l’on voit la mère et les deux enfants au repos, tout ensuite est mouvement : fuite des renards, chute dans le piège,  coq et poule qui volètent,  course effrénée de la renarde pour échapper aux chiens. Le rythme graphique et textuel s’accélère, la page se découpe en trois. Le texte se raccourcit. Les plans se succèdent : plongée, travelling et donnent cette illusion de mouvement rapide pour arriver  au moment où tout s’inverse et où ce sont les chasseurs qui fuient devant l’armée des renards, dont la seule présence statique au sommet de la colline les effraye.  Le texte, avec discrétion, s’intègre dans l’image, la bruite parfois (tchou chou, ouah ouah…) et souligne avec concision les actions.

Cet album, résolument du côté des animaux, s’inscrit dans une nature dont l’homme dérange et détruit l’harmonie et la quiétude : c’est le train, ce sont les chasseurs qui sont les dangers. L’album dit aussi simplement qu’il ne faut pas avoir peur, et que l’union des petits fait la force s’ils sont déterminés à agir.

Une histoire touchante qui tiendra en haleine ses lecteurs.

Le Miel des trois compères

Le Miel des trois compères
Richard Marnier, Gaëtan Doremus
Rouergue, 2014

Métaphysique des choix

Par Anne-Marie Mercier

Le Miel des trois compèresInstallons une situation : trois animaux amateurs de miel rencontrent un rayon de miel. Répétons la dix sept fois en proposant dix sept histoires différentes. On aura au bout du compte un exercice entre les Exercices de style et les Mille milliards de poèmes de Queneau : même style mais exploration des possibles.

C’est surtout sur le plan des rapports entre eux que ces « compères » font preuve d’inventivité, de la négociation à sa parodie, de la fable à l’explosion délirante.

Loup, renard, ours sont ici en compétition ; c’est souvent l’ours qui gagne : force brute, innocence un peu épaisse font mieux que ruse et cruauté.

Sylvain et SylvetteEt ces compères font penser au Roman de Renart et à Sylvain et Sylvette !

Partie de pêche

Partie de pêche
Béatrice Rodriguez
Autrement jeunesse (Histoires sans paroles), 2011

Sans paroles, tout est dit

par Anne-Marie Mercier

Suite du Voleur de poule et de La Revanche du coq, cet album nous présente le renard et la poule (couple formé dans le premier volume) couvant leur premier œuf… Le frigo étant vide, c’est madame qui part à la pêche, confiant l’œuf au renard. On frémit… on a presque raison ! mais chut.

La partie de pêche de la poule se déroule comme les autres épisodes des merveilleuses histoires sans paroles : parcours « homérique », par monts, vaux et océans, enchainements, répétitions, accumulation, exagérations, humour, et retour à la maison, avec une surprise (des deux côtés).