Monsieur Hulot à la plage

Monsieur Hulot à la plage
David Merveille (d’après J. Tati)
Rouergue, 2015

Images fixes

Par Anne-Marie Mercier

Monsieur Hulot à la plageInspiré très fortement par les vacances de M. Hulot, cet album en multiples tons de gris, sans texte, en retrace une journée, du matin au soir.

On y retrouve de multiples clins d’œil au film : le bateau en deux moitiés, des personnages, le restaurant de l’hôtel, des situations… L’allure de Hulot, sa silhouette raide et son pas élastique sont magnifiquement rendus.

A quel genre d’enfant proposer ce livre ? A un grand, amateur de longue date de Tati qui aimera voir une version en images « fixes », ou à un enfant qui serait sensible à cet humour dès son plus jeune âge, s’il existe ?

Histoire de la petite dame qui aimait le bruit

Histoire de la petite dame qui aimait le bruit
Val Teal, Robert Lawson
Traduit (anlais, USA) par Camille Gautier
Autrement (Vintage), 2015

Vive le son,  vive le son !

Par Anne-Marie Mercier

Histoire de la petite damePublié en mars 2015, cet album est sans doute le dernier de la collection Vintage d’Autrement : cet éditeur a arrêté son secteur jeunesse depuis.

Et c’est bien dommage, notamment pour cette collection qui avait fait reparaître Livre de Mc Cain et Alcorn et qui donne à la petite dame qui aimait le bruit, publié pour la première fois en 1943, une nouvelle jeunesse.

En deux mots, une dame quitte la ville pour s’installer dans une ferme. Le bruit lui manque : elle fait venir successivement une vache, un chien, un chat, des poules, des oies, etc, jusqu’à un tacot pétaradant qui la ramène en ville où elle découvre une autre source de bruit qui lui manque encore : des enfants ! Hop, elle en enlève deux et son bonheur est parfait et sa tranquillité nulle.

Chaque page présente la nouvelles acquisitions dans un beau dessin à l’encre et quelques zones de couleurs (jaune, rouge, rose, noir). Dans le texte, sur la page de gauche, les onomatopées s’accumulent en lettres rouges, la lisibilité et l’esthétique sont parfaites, l’histoire réjouissante, une belle leçon pour les anti-bruits !

Dada

Dada
Germano Zullo, Albertine
La Joie de lire, 2013

La plus belle conquête du cheval

Par Anne-Marie Mercier

 

dadaVoici les aventures de deux amis-collègues, Roger Canasson, jockey, et son cheval, nommé tout simplement Dada. Ils vivent en parfaite harmonie, prennent le thé ensemble dans leur salon, et on peut croire « qu’ils ne constituent qu’une seule et même personne ». Quand Dada le champion manque les obstacles, que faire ? Lui faire passer toute sorte de scanners, lui faire prendre des vitamines, l’emmener chez un psy, au repos à la mer ?

Les illustrations sont loufoques à souhait comme le tire peut le faire penser, colorées, inventives, dans le style d’Albertine qui forme une paire gagnante avec Germano Zullo depuis longtemps.

Lou Pilouface – Le Dieu du Tonnerre

Lou Pilouface – Le Dieu du Tonnerre
François Place
Folio Cadet 2015

Aventures pour de rire en Amazonie

par Michel Driol

francois_place_lou5_couvertureC’est le 5ème tome des aventures  de Lou Pilouface. Cette fois, sa mère, Paméla Diva, donne la 100ème représentation de La fiancée du gondolier à l’Opéra de Manao. Oncle Boniface invite tout le monde à un grand repas, en présence de la directrice du musée, qui parle de la statuette du dieu du Tonnerre, Katakrak. Mais dans la nuit, ce dernier est volé. Dès le matin, oncle Boniface lance tout le monde à bord de son remorqueur Le Coriace à la poursuite du voleur, Gédéon le Brutal. On remonte le fleuve, on franchit des cascades, on découvre les pouvoirs de Katakrak, et de surprenants singes, les guillis oustitis. Finalement, on laissera Katakrak en haut de sa pyramide, et on rentrera avec la statue de la déesse… de la pluie !

Sous la forme classique d’un roman d’aventures exotiques  – narrateur externe, course poursuite, obstacles, tribus menaçantes, décor de temple en ruine, voici un roman complètement farfelu et humoristique. D’abord parce que les personnages sont humains dans le texte, mais animaux dans les dessins (chiens, chats, moutons, rhinocéros pour le méchant). Cette galerie de personnages au cœur tendre (Lou et son tonton – baby sitter) vit des aventures incroyables, dans un univers sauvage et magique, à l’aide d’adjuvants inattendus (le tabasco carburant pour remonter la chute d’eau).. Ensuite parce que l’’écriture est à la fois alerte, rapide et bon enfant, tant dans le récit – au ton souvent familier (excités comme des puces, il rigole à s’en faire mal aux côtes) que dans les dialogues, qui permettent de donner une voix à chacun (les jurons dignes du capitaine Haddock de l’oncle Boniface – Nom d’un casse-croute de piranha -,  le chuintement d’Aristide –chapitaine !). Enfin, parce que les tortures des guillis-ouistitis, comme leur nom l’indique, sont à base de chatouilles en apparence inoffensives.

Un roman d’aventures drôle, illustré par l’auteur, parodie des grands classiques du genre,  qui fera passer un bon moment aux jeunes lecteurs.

Chien pourri sans collier

Chien pourri
Colas Gutman, Marc Boutavant (illustrateur)
L’école des loisirs (Mouche), 2013.

Par Bérengère Avril-Chapuis

Chien Pourri est né dans une poubelle et de nombreuses rumeurs courent à son sujet : il aurait été abandonné par ses parents, sentirait la sardine et confondrait sa droite avec sa gauche. Tout cela est vrai, mais ce n’est pas tout : Chien Pourri est également recouvert de puces et ne se

déplace jamais sans un fan-cub de mouches.

50106-h245Ainsi débute le premier volet de la très originale série des Chien pourri créée par Colas Gutman et le très doué Marc Boutavant. Sous un visage animalier et dans un registre humoristique très décalé, le personnage éponyme s’affirme, on l’aura compris à la lecture de cet incipit, comme le digne héritier de Lazarillo de Tormes. Chien pourri n’a ni nom ni maître, il pue, il est moche et il n’est pas non plus très intelligent – pour ne pas dire franchement bête. C’est donc un anti-héros à part entière qui fait sourire (voire franchement rire) le jeune lecteur à ses dépens, ce qui peut s’avérer une expérience un peu déroutante – et bien sûr amusante. Le lecteur a toujours une longueur d’avance sur le pauvre animal qui ne comprend ni ne devine jamais ce qui risque d’arriver : « Chien pourri, tu es aussi naïf que moche, et tu es très moche ! » s’exclame ainsi (p.33) son compagnon d’infortune Chaplapla, chat de gouttière de son état.

Toutefois, nous dit-on, Chien pourri est affectueux. En mal d’amour, le ventre creux, à la recherche d’un maître plus encore que d’un sac de croquettes, notre sac à puces se retrouve pris malgré lui dans divers épisodes aventureux, croisant brigands et autres trafiquants.

On peut regretter que cette veine ne soit pas davantage exploitée – on adorerait. Mais on reste ravi à la découverte d’un personnage aussi original, comme on l’est d’entendre de jeunes lecteurs rire à gorge déployée à la lecture de ses aventures. Les illustrations sont magnifiques – riches, précises, colorées, marquées du style unique de leur auteur – et ajoutent encore à la saveur et à l’humour totalement décalé de ce roman très adapté aux plus jeunes des lecteurs autonomes.

L’amour et les tortues

Image

Un amour de tortue
Roald Dahl, Quentin Blake (illustrations)

Traduit de l’anglais par Henri Robillot
Paris, Gallimard jeunesse (Folio cadet « Premiers romans »),  2014 (1990), 70p.

Par Bérengère Avril-Chapuis

UnknownPublié en 1990 pour la première fois, ce très court roman de Roald Dahl ne figure pas parmi les plus connus de ses livres. Il est pourtant délicieux. On retrouve en effet toute la subtilité du grand écrivain, toute sa délicatesse dans le récit de cette histoire d’amour – car c’en est une. Monsieur Hoppy, un vieux monsieur solitaire et timide, jeune retraité, épris de fleurs (qu’il cultive sur son balcon, au sommet de la tour où il vit) est secrètement amoureux de sa voisine du dessous, madame Silver. Veuve, tout aussi esseulée que lui, celle-ci semble n’avoir d’yeux que pour sa petite tortue, Alfred. Mais voici qu’un jour de printemps, madame Silver confie à son voisin qu’elle voudrait qu’Alfred grossisse un peu.

Une idée aussi folle qu’amusante germe alors dans l’esprit de M.Hoppy…

Courte histoire d’amour, donc, où la malice, la fantaisie et l’humour occupent le premier plan, réservant un traitement très spécial au petit animal évoqué dans le titre. Les illustrations de Quentin Blake, savoureuses et très colorées, soutiennent la lecture et donnent tout son sel au texte.
En guise de prologue, une note de l’auteur nous livre quelques indications biographiques intéressantes pour entrer dans le récit.

Une excellente lecture pour les plus jeunes comme pour les plus grands.

SOS dans le cosmos

SOS dans le cosmos
Guillaume Guéraud, Alex W. Inker
Sarbacane (Série B), 2015

L’album fait son cinéma, en série B

Par Anne-Marie Mercier

Guillaume Guéraucouv-sos-dans-le-cosmos-620x868d, amateur de cinéma (voir le bel hommage qu’il lui a rendu, Sans la télé), est aussi amateur de Série B. Depuis 2013 il signe dans la collection « série B », avec chaque fois un illustrateur différent, des volumes qui déclinent avec gourmandise les clichés de films « de genre ». Après les cow boys, pirates etc, voici les films de science fiction  passés à la moulinette. On retrouve des allusions à de multiples films à travers les rencontres effectuées par les héros, d’Alien à Interstellar, mais surtout beaucoup d’humour et une délectation pour toutes les fantaisies du genre.

Les illustrations rythment de manière cinématographique, c’est-à-dire à la fois visuelle et sonore (oui, sonore !) cette histoire loufoque, en y ajoutant la poésie et la verve qui sont la marque du style de Guéraud :
« Le météore 8 fut projeté à une vitesse vertigineuse dans un essaim d’étoiles filantes. Hors du système solaire. Bien au-delà des frontières imaginables. Parmi des astres au nom désastreux. Les membres de son équipage haletèrent en traversant la constellation des haltères. Ils s’agitèrent en longeant la galaxie du Sagittaire. Ils s’endormirent en frôlant Sandorimir. Et ils se réveillèrent en arrivant devant la nébuleuse des Rivières. Ils eurent à peine le temps de bailler. »

Tout comme le lecteur, pris par ce texte très court mais très efficace graphiquement et sémantiquement.

 

 

Perdu !

Perdu !
Alice Brière-Haquet, Olivier Philiponneau

Éditions MeMo, 2013

Contine

par François Quet

9782352891246FSPerdu ! est un hommage aux contes (en tous cas, à un conte en particulier) qui prend la forme d’une comptine un peu farce. Sept jours pour perdre un petit bonhomme dans les bois ! Ce n’est pas trop grave : il retrouve à chaque fois son chemin, mais ce n’est pas si simple, car quand il sème des fraises des bois, il constate qu’il y en a déjà des tas, et si ce sont des bonbons au miel qu’il laisse sur son chemin, ils ont fondu au soleil au moment de rebrousser chemin. Bref, passons tout de suite à la moralité de cette reprise loufoque d’une situation dramatique : « Que personne ne me dérange ! Je vais relire deux ou trois contes, ça peut servir à l’occasion ! ».

La structure de la comptine est bien présente et à chaque jour, par rimes plus ou moins savantes, correspondent des semailles plus ou moins fantaisistes mais toujours inefficaces… jusqu’aux cailloux blancs du samedi ! Beaucoup d’humour donc dans ce petit texte parodique, qui sans citer le Petit Poucet y fait constamment référence. Les gravures sur bois d’Olivier Philiponneau privilégient chaque jour une couleur (les fraises des bois, les petits pois, les gouttes d’eau, les pièces d’or, les bonbons au miel, …) avant de se retrouver sur l’arc-en-ciel du dimanche.

Sans se moquer (c’est un risque de la parodie : celui de faire le malin aux dépens de ce qu’on parodie), les auteurs font un clin d’œil malin à une vieille histoire (connue ou encore à découvrir pour les plus jeunes lecteurs) à travers une petite musique très personnelle et une imagerie séduisante.

L’Ogre au pull vert moutarde

L’Ogre au pull vert moutarde
Marion Brunet
Sarbacane (Pépix), 2014

Conte du « foyer »

Par Anne-Marie Mercier

Dans l’instituLOgre au pull vert moutardetion où se trouve le dortoir des jeunes héros, on ne rit pas tous les jours, alors quand il s’agit de faire une farce à un nouveau, comme ce veilleur de nuit tout juste arrivé, il faut en profiter. Oui, mais imaginez que celui-ci soit « pire » que ceux qu’il doit garder, « lie de la société », « graines de délinquance », mal-aimés ?

C’est ainsi que le narrateur, Abdou, présente ses camarades, mêlant ce qu’il sait d’eux avec les propos méprisants du directeur de l’institution. Les héros de l’histoire sont des enfants retirés à leurs parents pour diverses raisons, tous malheureux et perdus, même ceux qui font semblant du contraire, durs entre eux. Mais ce tableau ne s’arrête pas à la tristesse et à la dénonciation. Abdou livre dans quelques chapitres des conseils de survie pour affronter les éducateurs, psychologues, etc. et arriver à mettre un peu de joie dans son existence. Enfin l’histoire de l’ogre, dont le lecteur demande pendant un temps où elle va le mener, est délirante à souhait, comme une explosion d’énergie positive.

Un joli « Pépix« : humour aventures, irrévérence », le contrat est rempli !

On a toujours besoin d’un rhinocéros chez soi

On a toujours besoin d’un rhinocéros chez soi
Shel Silverstein

Grasset Jeunesse, 2015

Indispensable !

par François Quet

On a toujours besoin d'un rhinocéros chez soiVoici un petit guide indispensable pour qui voudrait adopter un rhinocéros. Les dessins de Shel Silverstein montrent efficacement que cet animal de compagnie vous servira aussi bien de camarade de jeu, que de lampe de chevet, de charrue ou de gratte-dos. Ceux qui, parmi mes lecteurs, douteraient de l’utilité d’un pareil animal dans leur trois pièces-cuisine se laisseront aisément convaincre par le plaidoyer de l’auteur. Celui-ci s’amuse à habiller son animal de compagnie avec les vêtements les plus respectables, enfile des bagels autour de sa corne ou le fait flotter à l’envers dans l’eau du bain.

On comprend mieux, après avoir lu cet album, ce que c’est que l’imagination burlesque et plus largement, la créativité. Le crayon de Shel Silverstein n’a rien à faire de la réalité. Il s’inspire de la forme (colossale) de l’animal, et de sa corne, puis le déplace, le travestit, rend possible par le dessin ce que le monde réel ne saurait concevoir. Ce faisant, il invente un monde parallèle au nôtre, beaucoup plus drôle et qui est une véritable invitation à la fantaisie. Un livre pour les enfants ? sans doute… Un livre pour tous ceux qui ne se satisfont pas du monde tel qu’il a l’air d’être.