Ame animale

Ame animale
Pablo Salvaje
Nathan, 2017

Animal, mon frère

Par Anne-Marie Mercier

Pablo Salvaje est un graveur sévillan dont les superbes images ont été réunies ici en album. Mais ce livre est bien plus qu’une réunion de très belles gravures, réalisées en trois couleurs, représentant des animaux : le propos introductif sur « l’âme animale » précise que ces deux mots viennent du même mot « anima », et doivent être considérés comme proches, voire équivalents. L’homme et l’animal participent de cette même âme, partagent le même réseau de vie, mais les hommes provoquent un déséquilibre qui menace les forts comme les faibles.

Hommage aux espèces disparues, avertissement sur celles qui sont menacées, et sur la dégradation de la planète, cet album est aussi une méditation sur les beautés et la variété des espèces. A travers quelques thèmes (amour, rythme, survie, métamorphose, habitat…) on aperçoit la variété des comportements, humains et animaux, et la merveille d’un monde coloré et infini porteur de multiples formes de vie.

La cause animale est bien illustrée en littérature de jeunesse, dans tous les genres (voir la chronique précédente, sur le roman de Stéphane Servant, Sirius.

NB: un site intitulé « âme animale » existe; il reprend la même posture d’émerveillement et de respect, tout en étant orienté vers l’ésotérisme.

 

 

Poils, plumes et mots

 Poils, plumes et mots
Virginia Arraga de Malherbe
Editions Amaterra, 2013

 Expressions cachées

Par  Chantal Magne-Ville

Ce bel album s’ouvre à rebours, pour signifier d’entrée au lecteur qu’il va devoir être actif et partir à la découverte. Le titre Poils, plumes et mots, n’est en effet pas vraiment explicite.
Le principe du livre est simple : il s’agit de terminer des expressions  dont le dernier élément se dissimule derrière des caches, magnifiquement découpés.  Trois couleurs seulement sont utilisées : orange fluo, blanc mat et noir lustré. Les superpositions créent des effets de matières absolument splendides. Il apparaît vite que le mot à trouver est le nom d’un animal,  dont le dessin stylisé contraste vivement avec le fond. Chaque fois, on n’aperçoit qu’un œil, toujours de la même taille ; en revanche les caches représentent  superbement la végétation dans laquelle vit l’animal : jungle, forêt, fleurs, feuillages. La quête se termine en apothéose,  par une manière de récapitulation, avec un paon dont la roue cache les réponses sous chaque ocelle. Le double rang de plumage permet même l’ajout d’autres expressions avec des animaux. Une très belle manière d’apprendre très jeune  les subtilités de la langue en en ayant plein les yeux !

La Fête des fruits

La Fête des fruits
Gerda Muller
L’école des loisirs, 2017

Ronde des saisons

Par Anne-Marie Mercier

Gerda Muller a un talent pour créer des illustrations qui ont le charme de celles d’antan, entre documentaire et fiction, imagiers et encyclopédies. Chaque page de droite montre une scène champêtre plaisante, mettant souvent en scène des enfants ou adolescents qui s’affairent autour de plantes dont les noms sont Inscrits en dessous de l’image et au dessus d’un bandeau montrant les feuilles et fruits de cette plante.

Dans la page de gauche, on nous raconte l’histoire de Sophie, jeune citadine en vacances chez ses oncle et tante, qui découvre les cueillettes avec son cousin (fraises, groseilles, cerises, prunes…), puis écolière devant s’adapter à une nouvelle région, après avoir déménagé dans le sud, et la découvrant avec l’aide de sa voisine, de l’été jusqu’à l’automne (melons, abricots, raisins, grenades, figues, olives, citrons, mûres, châtaignes…). Le panorama des fruits est complété par un projet d’école sur les fruits : Sophie et ses camarades font de belles fiches illustrées sur la goyave, l’ananas, la papaye, la pistache… et Sophie rêve d’aller voir « en vrai » toutes ces choses – comme l’enfant qui aura lu ce livre?

En tout cas il aura fait une belle incursion dans un documentaire présenté sous la forme d’un récit, avec des personnages qui lui sont proches. Rien de très original, mais fait à la perfection.

Souvenirs de Marcel au Grand Hôtel

Souvenirs de Marcel au Grand Hôtel
Sophie Strady, Jean-Francois Martin
Hélium, 2016

Enigme et Mémoires du XXe siècle

Par Anne-Marie Mercier

Marcel, héros de La Mémoire de l’éléphant paru également aux éditions hélium, revient pour un album qui mêle encyclopédie et enquête : Marcel parcourt l’hôtel à la recherche de l’une de ses valises et, de chambre en chambre, découvre l’univers de leurs occupants : peinture, couture, cuisine, cinéma… ces métiers sont développés dans quelques une des pages de droite avec des accumulations d’encadrés qui présentent des objets, des expressions, des anecdotes…

De nombreux clins d’œil à la culture parcourent les pages, par exemple les boîtes de conserve de Warhol, … l’ombre de Léonard Cohen plane sur la couverture (Marcel à un de ses disques sous be bras), et dans tout l’album avec sa chanson sur le Chelsea Hotel, fréquenté par de nombreux artistes : les spécialistes s’amuseront à les y retrouver.
Les autres se régaleront de ce parcours à énigme superbe, dans un lieu où tout est  » Grand  » ou tenteront de réaliser la recette des madeleines (Proust, l’autre Marcel à mémoire) avec la recette donnée en dernières pages.

Subtil, cultivé, beau… Grand!

Gouniche

Gouniche
Delphine Durand
Rouergue, 2016

Gouniche et ses amis

Par Anne-Marie Mercier

Après Les Mous, voici le retour de Gouniche, apparu dans Ma maison en 2000. Gouniche n’est pas un mou, mais il leur ressemble avec son allure de patate et ses petites habitudes. C’est un genre de Gibi (voir le monde des Shadoks de Jacques Rouxel), gentil comme eux, préoccupé de choses simples comme : que faire quand on s’ennuie ? comment emmener en vélo un ami qui n’en fait pas ? comment savoir si son chat est un chien ou l’inverse ? comment communiquer avec une fleur qui vient d’une autre planète ?

Ses amis, la fleur, le caillou, le chien, le poisson rouge, font avec lui toutes sortes de sports et de jeux : ils jouent au Mounoploli, font des acrobaties, regardent ensemble leur feuilleton préféré…

En images séquentielles, images pleine page ou vignettes, fiches techniques, photo-montages… avec un sens de lecture qui varie, chaque situation est absurde et quotidienne à la fois, les images sont loufoques à l’avenant, l’art du documentaire bien mis à l’envers : on aime Gouniche !

1,2,3 Maison

1, 2, 3, Maison
Bernadette Gervais
Gallimard jeunesse (giboulées), 2016

1, 2, 3… livre à compter

Par Anne-Marie Mercier

1-2-3-maisonUne maison, c’est : une porte, deux cheminées, trois lucarnes, quatre fenêtres… Petit à petit, d’une page à l’autre le dessin se complète, proche d’un dessin d’enfant, fait de formes simples et géométriques. Des animaux et des fleurs couvrent peu à peu l’espace, la page finale propose un autre décompte, celui de la famille et des animaux domestiques, qui permet de refaire la liste des nombres et des chiffres jusqu’à dix.

Classique, efficace, c’est un joli album carré imprimé sur carton souple et lisse, de quoi construire pas à pas dessins et nombres en parallèle. L’utilisation de la maison pour l’initiation au calcul semble devenir un topos de l’album pour les petits.

La Grande Galerie des dinosaures et autres animaux préhistoriques

La Grande Galerie des dinosaures et autres animaux préhistoriques
Rob Colson, Elisabeth Gray, Steve Kirk
Casterman, 2015

 Le dinosaure positif 

Par Anne-Marie Mercier

La Grande Galerie des dinosaures et autres animaux préhistoriquesAprès les aventures de T-Végi, voici des informations moins citoyennes mais plus solides. Ce n’est pas parce que les animaux préhistoriques n’ont pas été photographiés qu’ils ne doivent pas avoir droit à leurs documentaires (d’ailleurs de nombreux éditeurs n’ont pas reculé devant cette tâche).

Ici, le parti-pris scientifique est intéressant car il met en avant ce qu’on sait : ces animaux sont représentés tout d’abord et principalement par leur squelette, présenté avec une échelle humaine. Leur allure générale, leurs couleurs, mode de déplacement, etc., toutes choses qui ne sont que supposées, apparaissent en petites vignettes ou en doubles pages illustratrices du propos, tandis que le texte, bref, est composé de petits paragraphes détaillant tel ou tel aspect. Certains sont présentés sous le nom de leur classe, comme les plésiosauriens, etc.

Une chronologie, un glossaire, un index complètent l’ensemble, belle éducation à la science et à la diversité du vivant – sans parler de la poésie des noms (ah, le galimimus, le smilodon, l’archéoptéryx…). Quelqu’un peut-il retrouver le poème sur l’archéoptéryx (qui n’est plus l’ancêtre des oiseaux… tout change…) ?

Papillons et mamillons

Papillons et mamillons
François Davis, Henri Galeron
Møtus, 2015

 Les mots en valise, l’enjeu des mots

 Par Anne-Marie Mercier

Papillons et mamillonsComme le titre l’indique, le jeu sur les mots est au cœur de ce petit ouvrage. Le principe est de les décomposer en éléments sonores signifiants et d’en discuter le pertinence (selon le système des mots-valises).
De format carré, il associe pour chaque mot deux doubles pages. La première présente le mot et la réflexion qui montre qu’il n’est pas fidèle à ce qu’il représente. Le biberon n’est pas rond mais long : dans la deuxième double page on présentera le bibelon. Les lunettes sont sales ? Vite, nettoyons-les avant qu’elles ne deviennent des lunefloues !
Le nuage n’a pas d’âge. Le muguet n’est pas toujours gai…

Les illustrations prennent « au pied de la lettre » ces propositions et créent ainsi un imagier fantaisiste où l’enfant n’apprend pas à appliquer le langage aux choses mais à jouer avec le langage, à le goûter en poète, donc.

Les Mous

Les Mous
Delphine Durand
Rouergue, 2015

Vive les mous !

Par Anne-Marie Mercier

lesmousQu’est-ce qu’un mou ? une bestiole sympathique, de forme indéterminée, plutôt arrondie, « cool », « niais », ils vivent sous terre, sont sociables. Il y a toutes sortes de mous. Ils ressemblent un peu aux Gibis pour ceux qui connaissent les Shadocks, l’intelligence et la gaieté en moins.

Si vous êtes séduits après la lecture de cette encyclopédie et souhaitez avoir un mou chez vous, sachez que le mou apprivoisé demande des soins. En fin de volumes, vous trouverez toutes sortes de conseils…

Parodie d’encyclopédie jubilatoire !

Espèces de monstres

Espèces de monstres
François David, Olivier Thiébaut
Motus, 2015

Un album « monstre »

Par Anne-Marie Mercier

Espèces de monstresAprès Les Hommes n’en font qu’à leur tête, François David et Olivier Thiébaut reprennent le procédé de portraits composites, à la manière d’Arcimboldo, accompagnés de courts textes poétiques. Ce sont autant de « caractères » (à la manière cette fois de La Bruyère ou La Fontaine) qui sont brossés : monstres fabuleux (le loup du Chaperon rouge), caricaturaux (le monstre d’hygiène, l’encyclopédiste), moraux (le brise-tout).

A cette liste s’ajoutent les monstres qui souillent la nature : marée noire voitures, ordures… François David et Olivier Thiébaut renouent ici avec un autre de leurs albums , Un Rêve sans faim, qui dénonçait les injustices et déséquilibres du monde ; poésie et art engagés ne sont pas avec eux des gros mots, loin de là. Textes simples, riches et rythmés, images sophistiquées alliant les assemblages les plus étranges, tout est… parfait : un album « monstre », qui conjugue monstration, dévoilement et poésie.

 

Un rêve sans faim