Le Petit livre des jeux farfelus

Le Petit Livre des jeux farfelus
Noémie Tagan, Elyn
Helvetiq, 2021

« 52 jeux, 0 écran »

Par Anne-Marie Mercier

« 52 jeux, 0 écrans et 0 ennui », voilà le sous-titre prometteur de ce livre précieux et astucieux. Il s’agit de proposer des jeux simples pour des enfants, à l’intérieur, en voiture (surtout en voiture !) ou en extérieur. Il y a même une catégorie « en solo », indispensable, en effet. Ils sont classés ainsi selon la table des matières et c’est bien utile.
Quant au matériel requis, il est très simple : tantôt une ficelle (en prévoir beaucoup si on fait les 52 jeux !), un caillou, un bouchon, un crayon, des ciseaux, un gobelet… et même parfois un smartphone, preuve que tout peut servir – le zéro écran est limité à quelques exemples de cet usage sans connexion.
Enfin, la grande qualité de cet ouvrage est sa clarté et sa lisibilité. Si vous avez fait l’expérience de devoir trouver comment jouer à un jeu inconnu avec une règle obscure, ici tout est facile : si le texte en page de gauche est parfois un peu elliptique, une bande dessinée sur la page de droite montre des joueurs en action et éclaircit parfaitement toutes les questions. Cela permet aussi de laisser le livre entre les mains des jeunes joueurs afin qu’ils puissent tester eux-mêmes les jeux qui les attireraient ; comme tous les personnages ont l’air de s’amuser follement, on peut supposer que beaucoup les tenteront : le « zéro ennui » dépendra donc de leur choix.
Enfin, reste l’essentiel, le jeu lui-même. Certains semblent devoir avoir un succès garanti, d’autres demanderont aux joueurs un esprit coopératif, ou un tri pour trouver celui qui sera au bon niveau selon l’âge des joueurs, pas trop facile (il y en a) ni trop difficile. Ils sont divers mais assez proches dans leur esprit et la proposition finale, qui consiste à inventer un autre jeu en est facilitée.
Chaque page de présentation d’un jeu présente un symbole permettant de placer celui-ci dans un type de comportement : compétitif, coopératif, en équipe… On voit que les auteurs ont travaillé la question théorique du jeu, souvent rattachée à la typologie de Roger Caillois, (1955) qui classe les jeux selon qu’ils sont orientés par l’agon, l’alea, la mimicry et l’ilinx, les trois premiers (combat, hasard, pantomime) étant les plus courants. S’interroger sur la nature du jeu proposé à des enfants est indispensable quand on s’intéresse à l’éducation. Rappelons que Christian Bruel a publié un ouvrage sur le jeu (Jeu et réalité. Jouer pour changer, Le sourire qui mord, 1984, avec Bertrand Legendre), mettant en cause la place excessive de la compétition et de l’affrontement dans la plupart des pratiques.
Enfin, une catégorie supplémentaire permettra de tenir compte des capacités des enfants (ou, pour ceux qui considèrent que le jeu doit faire progresser, de les développer) : rapidité, précision, force, habileté, souffle, observation, discrétion… et bien d’autres.

A vos marques !

 

 

Il était une fois Le Petit Chaperon rou…

Il était une fois Le Petit Chaperon rou…
Philippe Jalbert
Seuil jeunesse, 2021

J’ai la mémoire qui flanche…

Par Anne-Marie Mercier

 

Cet album raconte deux fois (ou plutôt une fois et demi) l’histoire bien connue de la petite fille en rouge. La première fois, c’est une blague : chaque page se termine au milieu d’un mot attendu (Cha…peron, Ga…lette, mé…chant loup, etc) et offre à la page suivante un autre mot (Cha…botté, Ga…zelle, Mé…rou), tout en continuant avec la trame habituelle du conte.
La première histoire s’arrête avant l’arrivée à la maison de la grand-mère. On reprend, cette fois sérieusement, mais il y a un autre problème !
Les illustrations sur fond blanc sont colorées et parfois expressives (pour le loup), souvent drôles. L’auteur suggère au lecteur de continuer avec ses pinceaux : c’est en effet une histoire déconstruite partiellement, à reformuler, un joli jeu.

Et toi, qu’est-ce que tu manges ?

Et toi, qu’est-ce que tu manges ?
Chloé Mesny-Deschamps, Salomée Vidal, Lucia Calfapietra
Grasset jeunesse, 2021

Le tour du monde avec treize enfants

Par Anne-Marie Mercier

La cuisine est bien ce qui distingue et rassemble : treize enfants aux prénoms tantôt bien français tantôt pas proposent une recette (d’une entrée, d’un plat principal ou d’un dessert), en commençant tous leur texte par « Dans le pays de mes ancêtres… ».
Chaque chapitre occupe quatre pages. Les première doubles pages sont consacrées à l’évocation rapide du pays, à travers quelques unes de ses caractéristiques : géographie, religion, faune et flore, coutumes… et à une présentation du plat, tout cela face à une belle image colorée reprenant quelques aspects évoqués par le texte. La deuxième double page développe la recette, avec toutes les caractéristiques du beau livre de cuisine : image présentant le plat dans un beau récipient et sur une nappe qui évoquent la tradition du pays, liste des ingrédients, élaboration pas à pas.
Tout est écrit à la première personne : c’est un enfant qui s’adresse à d’autres enfants. Les mots sont simples, les termes spécialisés expliqués (comme le mot « lever »), les ingrédients sont faciles à trouver (de la Vache qui rit pour une recette indienne, par exemple), les explications sont claires et intègrent des remarques personnelles sur le plaisir de certaines étapes (toucher, goût…) .
On y trouvera le Guacamole, le naan au fromage, une salade fattouche, les jiaozis, les falafels, les sushis, les boulettes kefta, les gnocchis, le poulet DG du Cameroun, les kanebullar (gâteaux à la cannelle suédois), les tartelettes au sirop d’érable, le gâteau Pavlova, et, pour la France, le croque-Monsieur ! Le succès est quasi certain, autant par la simplicité des recettes que par le choix judicieux de saveurs et de consistances aimées des enfants.
Les illustrations sont appétissantes, très colorées, avec le relief particulier du papier découpé ; la page finale présente tous les enfants avec leurs plats  dans un décor de fête en plein air, comme une invitation à organiser un superbe pique-nique de fin d’année intégrant l’histoire des familles de tous les enfants.
Voilà un beau complément aux livres d’Alain Serres chez Rue du monde sur la cuisine multiculturelle : Une cuisine grande comme le monde (avec Zaü, réédité en 2020 avec un jeu de memory) ou Une cuisine grande comme un jardin (avec Martin Jarrie, 2004)

Qui a peur de la peur ?

Qui a peur de la peur ?
Milada Rezkovà (texte), Lukàš Urbanek, Jakub Kaše (ill.)
Traduit (tchèque) par Eurydice Antolin
Helvetiq, 2021

Une émotion vue dans les grandes largeurs (et en détail)

Par Anne-Marie Mercier

On trouve de nombreux livres plus ou moins bien faits sur les émotions, mais rarement un projet aussi élaboré et aussi abouti. Il est fait autant pour l’enfant que pour les adultes qui cherchent à l’éduquer et le rassurer, contrairement à la plupart, qui sont des livres conçus comme des supports d’éducation ou d’enseignement, et non comme des objets de plaisir, de curiosité, de réflexion et de jeu.
Pas de pensée simplette  ici : la peur est montrée comme un phénomène normal, naturel, qui touche tout le monde, même les adultes et les animaux. On apprend comment elle fonctionne, en quoi elle est nécessaire pour la survie, comment elle évolue avec l’âge et les expériences, comment elle diffère selon les individus, quelles phobies diverses peuvent affecter certains…
Mais ce parcours n’a rien d’un livre encyclopédique ardu car il sollicite sans cesse son lecteur par le jeu, l’imagination, la création (plusieurs pages vierges sont proposées pour y dessiner ou écrire comment on se représente la peur, ce qu’on en a vécu comme expérience). La peur elle-même s’adresse au lecteur, consciente de son rôle et montrant qu’il ne faut pas la craindre, mais la comprendre. Elle introduit le lecteur à toutes ses nuances (appréhension, anxiété, nervosité…) ; le vocabulaire est d’une extrême richesse et la traduction (du tchèque) d’un grand naturel. La peur donne aussi des secrets et petits trucs pratiques pour  dompter ou  contourner ses peurs.
Les illustrations sont souvent cocasses, parfois belles, elles sont dues à deux graphistes pragois. De courtes bandes dessinées proposent des situations bien connues des enfants et adolescents (par exemple la crainte de faire un exposé en classe). Le choix de gros caractères et d’images en grand format rend l’ouvrage facile à lire à plusieurs.
C’est donc le livre parfait pour tout comprendre de la peur, chez soi ou à l’école, débattre sans crainte, grandir sans appréhension. Et que de choses on y apprend (tiens, saviez-vous que les requins ont peur des dauphins ?).
Une critique et des images à lire et voir sur mômes.net

 

 

Collection Mon petit livre sonore

Collection Mon petit livre sonore
Didier jeunesse

Jouer, écouter, feuilleter

Par Anne-Marie Mercier

Berceuses pour mon petit amour
Berceuses pour mon petit chat
Lucia Calfapietra (ill.)
Didier jeunesse, 2020

Je découvre les Comédies musicales
Je découvre le Jazz
Liuna Virardi (ill.)
Didier jeunesse, 2019

 

La collection « Mon petit livre sonore » de Didier jeunesse compte déjà près de trente titres, ouvrant les enfants à des univers sonores variés. Berceuses en différentes langues, comptines, bruitages, œuvres de musique classique (Chopin, Mozart, Beeethoven, des extraits de Casse-Noisette…), sont donnés sous formes de mini anthologies cartonnées, chaque double page proposant un bref échantillon sonore.
Toutes ces « vignettes » musicales sont déclenchées en appuyant sur une pastille argentée placée dans l’illustration, facilement repérable et ne demandant pas de dextérité ou de force particulière, donc dans un dispositif tout à fait adapté aux enfants.
On trouve sur le site de l’éditeur des échantillons de musiques et images : Berceuses pour mon petit amour et Berceuses pour mon petit chat proposent des titres bien connus (Dodo m’amour, Schlaf Kinden Schlaf, Frère Jacques, Anicouni, Go to sleep my baby, Dodo, Do l’enfant do, la minèt, C’est la cocotte blanche, Toutouig, Arroro mi nene…) et sont illustrés avec beaucoup de douceur et des motifs animaliers par Lucia  Calfapietra.

Quand ce n’est pas le moment d’aller dormir et d’écouter des berceuses dans toutes les langues, on trouve dans cette collection des livres sonores autour de styles musicaux plus toniques et a priori destinés aux adultes. Le volume consacré au Jazz permet d’entendre les voix d’Ella Fitzgerald, de Frank Sinatra, de Fats Waller, et les ensembles des Delta Rythm Boys et de Slim et Slam ; beaucoup de voix d’hommes, des airs aux rythmes rapides (le « cheek to cheek » de Sinatra faisant un peu exception). On a davantage de voix féminines dans les airs des Comédies musicales, la seule exception étant celle de Gene Kelly dans Chantons sous la pluie. Celle de Julie Andrews illustre des airs célèbres, le « Do ré mi » de La Mélodie du bonheur, « I could have danced all Night » de My Fair Lady, et on entend celle de Julie Garland dans « Over the Rainbow » du Magicien d’Oz. Les couleurs sont éclatantes et les illustrations bien reliées aux thèmes des chansons et à leur esprit. Les airs sont tous chantés en anglais; c’est aussi le cas dans le volume sur le Jazz.
Tout cela pétille et donne envie de réentendre ces airs fameux et de les entonner soi-même : chacun peut ainsi participer à sa manière, en contemplant et écoutant, feuilletant, déclenchant les airs, chantant….

 

 

 

Quel est ce légume ?

Quel est ce légume ?
Anne Crausaz
MeMo, 2019

Des légumes ? Miam !

Par Anne-Marie Mercier

Quel est cet album?
un jeu,
un documentaire,
une aventure,
une encyclopédie,
un livre d’art ?
Tout cela à la fois!

Les légumes ne sont plus ces mets abhorrés de certains enfants (et notamment du fameux Zigomar de Corentin), mais des objets à contempler de près… et sans doute à manger, comme nous y invite la dernière page, tant leurs couleurs, matières, formes sont appétissantes sous le pinceau d’ Anne Crausaz dont on avait admiré les oiseaux .

Elle invite le lecteur à s’en aapprocher de très près, et à participer à un jeu de devinettes en suivant deux fourmis. L’une fait découvrir et l’autre, plus petite, qui joue le rôle d’un enfant, découvre ce monde. La plus grande donne quelques caractéristiques du légume, la jeune doit deviner ce que c’est avant que l’on tourne la page perforée d’un petit trou par lequel passent les deux fourmis.

Elles observent de l’extérieur et de l’intérieur le petit monde qu’elles découvrent : le dégradé du radis, la délicatesse de la tomate, mais aussi le navet, la betterave, les petits pois le poivron… tous forment une palette de couleurs superbes, sur beau papier avec une impression impeccable. Même chose pour les fruits, publié dans la même collection (encore bravo MeMo ! Et il faut aller voir leur site, beau et intéressant).

 

Mercredi

Mercredi
Anne Bertier
MeMo (2010), 2018

Du jeu, de la géométrie, de la créativité : MeMo dans les pas du Père Castor

Par Anne-Marie Mercier

Bel hommage à Nathalie Parain, cet album carré, au format original (que l’on ne peut qualifier ni de petit ni de grand : que dire donc, sinon qu’il est parfait ?), propose les jeux de deux personnages : Petit Rond et Grand Carré. On l’aura compris, ce sont des formes géométriques, l’une est bleue et l’autre orange, couleurs complémentaires – mais rien à voir avec l’album Petit Bleu et Petit Jaune de Léo Lionni qui travaillait sur la couleur. Ici, seule la forme compte et elle est travaillée à merveille.
Il faudrait ajouter à la forme les mots, car c’est aussi un imagier associant mots et choses, formes graphiques et décodage de celles-ci : « Il leur suffit de prononcer un mot et ils se transforment aussitôt ». Grand Carré (il mène le jeu) lance le thème ; Petit Rond l’imite, d’abord en essayant de reproduire la même forme (un papillon avec deux triangles pour l’un, deux demi-cercles pour l’autre), une fleur, un champignon… On en aura une idée plus précise en feuilletant sur le site de l’éditeur.
Mais le jeu a des limites et on ne peut pas tout faire quand on est petit. Après une brouille, les deux amis coopèrent harmonieusement et longuement, preuve que le jeu en collaboration est plus intéressant que le jeu en compétition : ils forment ensemble un « i », un bonbon, un clown… et ce temps de jeu se termine bien évidemment par un goûter. Voilà une belle façon d’occuper les mercredis.

On retrouve ici les principes qui animaient Nathalie Parain et l’équipe des débuts du Père Castor : proposer de beaux albums, à la lisibilité travaillée (la typographie et la mise en page de l’album vont dans ce sens), qui sollicitent l’imagination et développent la créativité de l’enfant. Mercredi est une invitation à poursuivre en jouant au tangram, ou en créant de nouvelles formes, comme les tout premiers albums du Père Castor signés par Nathalie Parain, Je fais mes masques (Paris : Flammarion (Albums du Père Castor), 1931 / Mes masques, 2004 ; 2006) et surtout Je découpe (Paris : Flammarion (Albums du Père Castor), 1931 ; Nantes : MeMo, 2012).
Avec le même principe de collages, Anne Bertier a travaillé également sur les opérations arithmétiques, dans  la série « Signes jeux » de MeMo, pour « donner un sens graphique aux opérations de l’arithmétique élémentaire. Elle traite ainsi l’addition et la soustraction, mais également multiplication, division et égalité » (Je divise, Je multiplie, Je soustrais, C’est égal).
Saluons encore une fois le magnifique travail des éditions MeMo qui font reparaitre des classiques (ceux du père Castor, les albums de Sendak, etc.) et parfois les traduisent, ouvrant l’accès des français une histoire plus large de la littérature de jeunesse, et qui proposent également des albums contemporains inspirés de ceux-ci.
Les éditions MeMo ont également publié des monographies sur de grands artistes de ce domaine, comme Nathalie Parain, Paul Cox, ou Elisabeth Ivanovsky.

Raconte à ta façon

Raconte à ta façon Roule Galette
Raconte à ta façon Le Petit Poucet

Sonia Chaine, Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse (« Raconte à ta façon »), 2019

Images en kit à l’appui

Par Anne-Marie Mercier

Ces histoires sont des classique chacune à leur manière (un conte  de Perrault, et une des histoires du Père Castor qui figure dans bien des bibliothèques de classes maternelles). Mais le principe de la collection repose à la fois sur la nouveauté et la familiarité : il vaut mieux que l’enfant ait eu connaissance du texte d’origine, celui de de Natha Caputo, ou de Perrault, avant de se lancer dans l’aventure qui consiste à « raconter à sa façon ».
Les histoires sont résumées en trente-deux étapes qui figurent sur un marque-page, avec la légende des figures : en effet les illustrations fonctionnent avec un nombre limité d’icônes (un rond jaune pour la galette, un rond gris pour le loup ; différents types de triangles pour les personnages du petit Poucet, etc) et un décor très shématique qui dans les deux cas est plus un parcours qu’une image.

C’est très inventif et cela produit des effets de sens intéressants : le rythme des histoires, les répétitions sont ainsi mis en valeur et le support pour la narration est assez dépouillé pour que le narrateur ne se perde pas dans trop de détails.
Dans la même collection, de nombreux autres classiques ont été revisités sous la même forme.

feuilleter Le Petit Poucet
Roule Galette

Virelangues et trompe-Oreilles

Virelangues et trompe-Oreilles
Henri Galeron (images)
(Les Grandes Personnes), 2020

Méli-mélo dits et imaginés

Par Anne-Marie Mercier

« Que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ? »
Eh bien, on peut faire marcher sa langue, articuler des suites de mots difficiles à prononcer, souvent sans queue ni tête, et rêver sur leur sens possible avec les images proposées par Henri Galeron, toujours superbes, et bien reproduites dans ce joli petit album de format carré.

Voila l’archiduchesse séchant tête en bas avec ses chaussettes, les cyprès mis à toutes les sauces, comme les souris, ou les rats attirés par les tas de riz…  On trouve aussi des séries moins connues, comme celle de Natacha et son chat, le bébé qui boit dans son bain, les trois tortues tristes…. Dans la partie trompe oreilles, on trouve des enchainements tout aussi fantaisistes, parfois courts (« L’eusses-tu cru que ton père fut là peint ? », disent les lapins), parfois longs (« Pie niche haut… »).

Les très belles images précises dans leurs moindres détails donnent à ces visions souvent absurdes, parfois inquiétante, une saisissante vérité.

 

 

La Promenade de Petit Bonhomme

La Promenade de Petit Bonhomme
Lucie Felix
(Les Grandes Personnes)

Livre vivre

Par Anne-Marie Mercier

Lietje a rendu compte des merveilleux Coucou et Hariki il y a peu. Leur auteure, Lucie Felix, proposait en 2015 un autre album (que nous avions recensé au moment de sa sortie mais qui mérite ici d’être mis en perspective avec les titres récents) dans lequel l’adulte qui lit ou l’enfant qui l’écoute (ou qui reprend le livre seul), sont actifs, parcourent le livre par le toucher et se promènent autant dans l’espace de la page que dans l’espace du récit.

Ce grand album cartonné propose un espace sobre, réduit à une bande colorée comportant parfois des aspérités et surmontée d’un grand espace blanc qui commence dès la page de couverture. L’espace – et donc la promenade – se complexifie peu à peu : du plat on passe à des reliefs, à un précipice qu’il faut franchir, à un toboggan… on rencontre des animaux, enfin on entre dans la maison : un goûter attend, mais avant il faut franchir les derniers obstacles…
Dans cet espace, pas de personnage inscrit : ce « petit bonhomme » est la main de celui qui raconte, suggérée en pointillés sur la première de couverture, puis absente de l’image : il s’agit de la placer et de l’animer soi-même. On va faire glisser le doigt sur le chemin bien lisse, le faire trébucher sur le caillou, sauter au-dessus du précipice.. et le replier en fin de parcours, tout tranquillement.
À chaque étape, la page doit être caressée pour faire ressentir ses reliefs. Les couleurs aquarellées sont superbes, évoquant tantôt des mousses, de l’eau, du bois, du marbre… Il est rare de voir autant de reliefs en tous genres sur une surface de papier apparemment plane,  et d’ouvrir un livre sans personnage apparent qui accueille autant de vie avec des moyens aussi simples.