Potiron et petit ours

Potiron et petit ours
Chloé Mallard, Juliette Vallery, 
Les petites bulles éditions, 2018

Ourse vole

Par Marion Mas

Petite ourse – peut-être parce qu’elle a presque un nom de constellation – voudrait bien voler. Potiron – le grand ours – lui explique très rationnellement qu’elle ne peut pas. Il poursuit, toujours très raisonnablement, l’index de la patte en l’air, que pour voler, le meilleur moyen est d’attraper un nuage au lasso. Alors voilà petite ourse en train de confectionner un lasso – un beau – et de se mettre en chasse, avec succès. L’accréditation du merveilleux par le ton docte de Potiron fait sourire le lecteur adulte, tandis que la course en nuages ravit le lecteur de tout âge.
Dans une gamme chromatique pastel, les illustrations campent les personnages et le décor en quelques traits noirs ciselés se détachant d’aplats à l’encre de couleur qui saisissent la forme de manière très simple. Jouant avec le blanc de la page et les vides, les illustrations tendent à l’épure et donnent une sensation d’apesanteur. D’une grande douceur, elles rehaussent la poésie pleine d’humour de ce joli petit album.

Éléphant a une question

Éléphant a une question [2011, Uitgevertj De Eenhoornbvba]
Leen Van Den Berg, Kaatje Vermeire
cotcotcot éditions, 2018

Par Marion Mas

Tout commence avec la question de l’éléphant : comment sait-on qu’on est amoureux ? Pour y répondre, l’assemblée très démocratique de tous les animaux se réunit autour de la fourmi, ravie de suppléer à Monsieur Tortue (dont la femme est malade) dans le rôle de président et de greffier. Chacun des animaux, à tour de rôle, propose une réponse, que la fourmi note scrupuleusement sur son cahier. Les illustrations, en léger décalage avec le texte, lui donnent une profondeur poétique.
Mêlant le collage, le travail d’après photo et le trait de crayon, elles combinent le réalisme de la représentation au surréalisme des compositions.. Au fil du récit, se développe également le thème végétal : mis en relief par l’exploitation du grain de la page et des effets de matière, il donne à voir une harmonique de l’humain, du végétal et de l’animal, unis en une grande symphonie amoureuse. La palette chromatique, très sombre au début du récit, s’éclaircit au fur et à mesure de son avancée, jusqu’à la pointe finale de la fable, qui constitue une autre réponse à la question de l’éléphant…

Le Bonhomme de neige

Le Bonhomme de neige [1978]
Raymond Briggs
Grasset-jeunesse, édition spéciale 40e anniversaire, 2018

Neiges éternelles

Par Marion Mas

Pour le quarantième anniversaire de sa parution, Grasset jeunesse réédite Le Bonhomme de neige, l’album qui fit connaître le succès à Raymond Briggs en 1978. Dans cette bande dessinée au crayon, sans texte, Briggs entraine le jeune lecteur dans un récit plein d’humour et de poésie. Un matin d’hiver, à son réveil, un petit garçon s’aperçoit qu’il neige. Il construit un immense bonhomme de neige, qui, le soir venu, s’anime. Le petit garçon, qui semblait guetter son éveil, vient le chercher et le fait entrer dans la maison. Tel le Huron, le bonhomme de neige s’étonne des miracles de l’électricité, découvre qu’il ne fait pas bon s’approcher du gaz, fait la moue devant une reproduction des Tournesols  de Van Gogh et s’arrête, perplexe devant un verre contenant un dentier. Avec son nouveau compagnon de jeu, il se déguise avec les vêtements des parents, essaie sans grand succès le skateboard et festoie à la lueur d’une bougie, avant d’entrainer le petit garçon dans un voyage féérique au dessus de la campagne et d’un incroyable palais, éclatant de mille feux, jusqu’au bord de la mer. Mais comme dans les contes, aux lueurs du jour, il faut rentrer. Le récit s’achève sur une pointe de mélancolie, qui en rend d’autant plus sensible la délicatesse et l’onirisme, et que soulignent les harmonies chromatiques de chacune des doubles pages.

Le Monde entier est nul

Le Monde entier est nul
Julie Cazalas-Caïe illustrations Vincent Bourgeau
Seuil Jeunesse 2019

I will survive…

Par Michel Driol

Petit Carlero est le huitième membre de sa famille. Il a une amoureuse, Gildre. Mais à partir d’aujourd’hui, il trouve que le monde est nul. Parce qu’il a trouvé une inscription sur le banc de la cour de récréation : Gildre + Tavor = Amour…Bien sûr il y a les amis, le stylo arc-en-ciel, mais cela ne rend pas le monde moins nul… Et pourtant Petit Carlero trouvera le moyen de rendre le monde plus cool, en ayant à sa façon une attitude positive et en s’aimant lui-même d’abord.

Première déception amoureuse, sentiment que tout va mal, que tout devient sombre : voilà ce dont parle cet album, dans une langue contemporaine et imagée. Le texte, très oralisé, est une adresse au lecteur, une explication des termes de verlan comme vénère, un florilège d’expressions mal comprises par les personnages (la roue du carrosse pour la dernière roue du carrosse, le feu dentifrice pour le feu d’artifice), des allusions à certaines pratiques sociales (la réunion boites en plastique de la mamie…). Texte écrit donc dans une langue qui mime la langue enfantine sans bêtifier pour montrer le désespoir du personnage attachant, émouvant, empli de sa mauvaise humeur…

Les illustrations sont particulièrement expressives, elles complètent le texte en prenant certaines expressions au pied de la lettre. Elles rendent à la fois Petit Carléro étrange (c’est un animal, assez indéfini) et l’humanisent par ses trois boutons jaunes sur le ventre, et surtout par l’univers qui l’entoure : l’école, les accessoires, le Père Noël.

Un bel album pour panser les petites ou grandes blessures de la vie, en se disant qu’il fera beau demain.

 

L’Abominable Monsieur Schteuple

L’Abominable Monsieur Schteuple
Grégoire Kocjan – Illustration Hippolyte
L’Atelier du Poisson soluble 2019

Conte de Noël…

Par Michel Driol

Comme le titre l’indique, voici les exploits d’un monstre abominable : Monsieur Schteuple. Il déteste tout le monde, a toujours existé, été de toutes les guerres. Voleur d’enfants, il les met dans sa bosse. Mais il gratte et déguste aussi les croutes des enfants et casse un jouet ou crève l’œil d’un doudou. Jusqu’au jour où les fées décident de le capturer, et convoquent pour le juger tous les personnages des mondes magiques. Et la condamnation ne tarde pas : Monsieur Schteuple devra être gentil durant toute une nuit : un 24 en plein hiver. On le revêt donc de l’habit rouge des condamnés, tandis que les lutins sont chargés de vérifier qu’il accomplit bien sa punition. Cette nuit l’épuise, et il a bien besoin de 264 jours de psychanalyse !

Dans la production d’album autour de Noël, Grégoire Kocjan et Hippolyte signent un album original et plein d’humour en proposant de révéler la vérité pour répondre à la curiosité des enfants.  Dans toute la première partie, traitée sur un fond noir, sombre et inquiétant, on découvre l’abominable personnage. De façon assez subversive, il n’est pas qu’associé aux terreurs enfantines (l’ogre ou le croquemitaine) mais aussi à la guerre, aux capitalistes caricaturés avec leur gros cigare, aux marées noires comme une incarnation du mal absolu. Puis vient une seconde partie, traitée en couleurs, où l’on assiste à la capture, au jugement et à la métamorphose de Monsieur Schteuple. Le texte ne manque pas d’un humour tantôt méta textuel (on chercha un sac vert, pour la rime, mais il n’y en avait plus), tantôt lié aux personnages (elfes, vampires, sorcières… deviennent des personnages habitués à faire le bien, qui ne savent pas être sévères !), tantôt lié aux rimes qui lui confèrent une grande légèreté.

Un album qui, comme un conte étiologique, donne l’origine d’une de nos traditions. Un album drôle et gentiment amoral qui propose comme punition de faire le bien, montre que le méchant ne s’amende pas, et associe quelques-uns des extrêmes de l’imaginaire enfantin : le père Noël et le croquemitaine.

 

Hors cadre[s], n° 25 

Hors cadre[s], n° 25 : emprunts et variations
Revue éditée par L’atelier du poisson soluble
Octobre 2019- mars 2020

Pastiche, plagiat, clin-d’oeil

Par Anne-Marie Mercier

La littérature de jeunesse, comme « la » Littérature, est traversée par l’intertextualité ; nombreux sont les récits (notamment les contes) qui ont été réécrits, détournés, pastichés. La revue Hors cadre[s] « observatoire de l’album et des littératures graphiques » propose des articles abondamment et bellement illustrés autour de cette question : les reprises du Père Castor comme L’Histoire de Perlette goutte d’eau devenue sous le pinceau d’Anne Crausaz Bon voyage (MeMo, 2010), les citations d’œuvres classiques par Tomi Ungerer, l’inspiration encyclopédique chez Anaïs Vaugelade (Comment fabriquer son grand-frère, L’école des loisirs, 2016) ou Katie Couprie (Le Dictionnaire fou du corps, Thierry Magnier, 2012), les œuvres qui ont inspiré Régis Lejonc (notamment pour Kohdja, Thierry Magnier, 2017) – saviez-vous que la plaque d’immatriculation de la voiture sur la couverture de Cœur de Bois (Notari, 2017) évoquait la classification d’Aarne-Thompson ? – les reprises par Blutch de BD célèbres, l’œuvre d’Emile Bravo avec ses Sept ours nains et son Boucle d’or (qui porte une ceinture à boucle dorée sur laquelle est inscrit « sept d’un coup »), le monde de la BD (pour adultes et pour enfants) et ses reprises, tout cela forme un ensemble drôle et passionnant.

On peut aussi lire une étude sur les littératures graphiques en Colombie, et fabriquer un petit livre, Pratiques courantes, en montant les feuilles créées par Marion Sellenet autour de le femme des sixties, que Moulinex était censé libérer.

En avril 2020, Hors cadre[s] changera de maquette et prendra du volume avec de nouvelles rubriques qui s’ajouteront aux existantes : des récits d’auteur/es et d’illustrateurs/trices (Daniel Pennac, Florence Cestac), des chroniques… À suivre !

La Chauve-souris

La Chauve-souris (Les sciences naturelles de Tatsu Nagata)
Tatsu Nagata [Dedieu]
Seuil jeunesse, 2017

Renversant !

Par Anne-Marie Mercier

Dans la liste des bêtes et bestioles croquées par Tatsu Nagata, la chauve-souris est un peu à part, tant elle cristallise de terreurs chez certains. L’auteur a choisi de dédramatiser ce rapport et de regarder l’animal avec un œil scientifique et factuel, après une introduction comique qui le montre surpris et effrayé, au diapason avec ses lecteurs : mode de vie, alimentation, déplacements, tout cela est dit très sérieusement avec des illustrations qui le sont moins, toutes superbes et drôles, en grands aplats de couleurs où les petits animaux ouvrent de grands yeux étonnés.

La Maison de Madame M

La Maison de Madame M
Clotilde Perrin
Seuil Jeunesse 2019

Toi qui entres ici, abandonne toute espérance

Par Michel Driol

Sur la couverture, une porte entrouverte laisse entrevoir un personnage inquiétant, une longue queue, des pattes d’araignées. Des os brisés, et une boite aux lettres portant un nom, la mort. Une fois entré, on suit le guide, qui s’adresse au lecteur, et lui fait visiter cinq pièces de la maison. Deux lignes en bas des doubles pages correspondent au discours du guide, discours saturé d’un lexique particulier : diablement, fatal, disparaitre, vie, mourir, tuer… A la fin, le lecteur préfère s’enfuir pour ne pas rencontrer cette hôtesse d’un genre particulier.

Etrange album qui plonge dans un univers encore plus étrange, en suivant un guide  à la fois rassurant et inquiétant. Les double pages sont remplies des mots et des icônes de la mort : un calendrier de l’éternité, une danse macabre, une horloge, des vanités, de la pourriture et du compost, Perséphone, un fantôme…  Par ailleurs, plus de 25 flaps et animations diverses permettent d’ouvrir les tiroirs, les portes, les valises, de faire surgir des monstres pour continuer d’explorer cet univers rempli de détails macabres.

Tout comme dans ses trois derniers albums, A l’intérieur de mes émotions, A l’intérieur des gentils, à l’intérieur des méchants, Clotilde Perrin propose un livre objet à explorer. Cette fois, c’est l’imaginaire de la mort en occident qui est convoqué,  imaginaire à la fois très traditionnel, mais aussi contemporain dans les vanités par exemple, où se côtoient hamburgers et smartphone. On s’attarde sur les détails, les titres des livres de la bibliothèque, et l’on découvre ainsi une véritable encyclopédie surréaliste dont l’esthétique, faite d’accumulation, qui n’est pas sans évoquer la représentation baroque de la mort.

Cet album fait penser à cette chanson de Ferré, sur des paroles de Jean-Roger Caussimon :

Ne chantez pas la Mort, c´est un sujet morbide
Le mot seul jette un froid, aussitôt qu´il est dit
Les gens du show-business vous prédiront le bide
C´est un sujet tabou pour poète maudit

Peut-on consacrer un album jeunesse à ce sujet ? Oui, répond sans hésiter 20Clotilde Perrin. Car si la mort flirte avec des parties de corps : squelettes, yeux, des insectes, mouches et vers, des instruments comme les couteaux, elle flirte aussi avec l’humour : élixir de jeunesse, crème anti ride, squelette se brossant les dents, petits angelots (variation sur le thème baroque des putti) que l’on cherche de page en page. L’album se situe sur une corde raide entre le terrifiant et le familier, entre le cauchemar et le frisson pour rire. Rien de métaphysique. La question de ce qu’il y a après la mort n’est pas posée : un long sommeil, une porte finale monstrueuse ouvrant sur une représentation d’un autre monde très breughélienne, peuplé de monstres. Mais le lecteur s’enfuit à temps. Il faut vivre, dit l’album, tandis, qu’en 4ème de couv’, un petit monstre assez sympathique dit « Reviens ! »

Un album « encyclopédique » qui, par sa singularité et son originalité, occupe une place à part dans la production actuelle, entre Halloween, grand guignol et Jérôme Bosch…

 

La Plus Grande Peur de ma vie

La Plus Grande Peur de ma vie
Eric Pessan
L’école des loisirs (« Médium »), 2017

Massacre au collège ?

Par Anne-Marie Mercier

Un roman court, une illustration pleine page en couverture, un titre qui semble pasticher un sujet de rédaction à l’ancienne… tout cela pourrait faire penser à un ouvrage pour les très jeunes lecteurs. Mais non, c’est un titre de la collection « Médium », qui est donc destiné à des adolescents.
La peur dont il est question est effectivement une grande peur, et elle est partagée par beaucoup : il y est question de massacre possible en établissement scolaire, d’un désir de vengeance chez un adolescent harcelé par d’autres, de secrets partagés, et de responsabilités de groupe, donc de questions lourdes. Elles sont traitées ici sans pesanteur, avec le point de vue d’un adolescent qui raconte ce dont il a été témoin. Il le fait de manière empathique : le manipulateur d’explosif est d’abord son ami, un élève fragile un peu perdu, un être pris par un engrenage de circonstances. Chacun pourrait occuper l’un ou l’autre des rôles dans cette histoire.
C’est aussi une réflexion sur la passivité qui nous empêche parfois d’agir quand on le devrait : « quand on est témoin […] on est contaminé par la honte et la colère. On s’en veut de ne pas savoir comment réagir. On aimerait se lever […] Et je ferais mieux d’arrêter d‘écrire « on » pour oser écrire « je », parce que ces pensées sont les miennes. Norbert a beau être mon ami, je ne l’aide pas. Je me dis qu’il doit trouver la solution tout seul. Je me dis que si je l’aide […] Alexandre me harcèlera toute l’année »

Le récit ménage le suspens, commencé avec un prologue dans lequel le narrateur se présente : un garçon ordinaire, avec juste une touche d’originalité par le fait qu’il aime écrire des histoires.  Il a une histoire à raconter, mais comme elle est vraie, il peine à la dramatiser et il cherche ses mots, il les pèse. Chaque étape semble rapprocher du drame ; des retours en arrière ralentissent la réponse à cette attente. La description de la montée de l’angoisse  chez les quatre amis, élèves de cinquième est très réussie et illustrée par des effets typographiques originaux et éloquents.

La rédaction est réussie, elle obtient une note maximale pour son art du récit et sa vérité, pour ses personnages très caractérisés, pour la peinture fine de leurs relations, avec le portrait d’une vie scolaire et la mise en scène de questions très contemporaines, et pour l’évocation de questions difficiles comme la prise de responsabilité, la demande d’aide aux adultes, et le prix – et le coût – de la solidarité.

Lire le début

Si l’on me tend l’oreille

Si l’on me tend l’oreille
Hélène Vignal
Rouergue (doado), 2019

L’alchimie des rebelles

Par Anne-Marie Mercier

Un monde qui semble appartenir à l’époque médiévale, un roi autoritaire, trois provinces, l’une maritime, une autre agricole, et la troisième, dite des Vents chauds, plus aride ; une décision du roi oblige les habitants à se cantonner à l’une des provinces, à rompre de ce fait tous les liens qu’ils avaient avec ceux qui vivent ailleurs et à renoncer à leur vie itinérante, pour ceux qui la pratiquaient (saltimbanques, marchands forains, artistes…). On pourrait se trouver face à un récit classique reprenant des motifs bien connus de contes, avec un ou des héros qui mènent une révolte, forcément victorieuse : les saltimbanques contre le pouvoir, etc.
Point du tout.
Il n’y a aura pas de héros victorieux, pas de victoire, juste une survie et un refus d’obéir chez une poignée de personnages : une diseuse de « bonne » aventure, une vieille, coiffeuse qui cherche à rejoindre son mari marin, un musicien ombrageux, un propriétaire-fabricant-animateur-sonorisateur de manège qui parle à ses animaux de bois, une enfant acrobate trouvée dans la forêt parmi les cadavres de ceux qui formaient sa famille… tous partagent pendant un temps la même roulotte, le même chemin ou le même abri et vivent la même précarité sous le regard hostile des sédentaires.
« Un mélange d’abattement et de colère, un cocktail de molécules incendiaires qui avait commencé à circuler dans leurs corps, passant par les kilomètres de vaisseaux, sous forme liquide ou gazeuse. Il était fait de bile, de sang frais et d’adrénaline, de vent iodé, de cortisol et de soufre. La chimie des Récalcitrants était en marche en eux et ils n’y pouvaient rien. Ils se croyaient abattus, vaincus et ils étaient en fait en cours de transformation et laissaient secrètement s’opérer l’alchimie des rebelles. Celle qui croît dans la solitude et le doute et ne connaît que l’évidence du refus pour la guider. » (p. 91)
L’histoire s’ouvre, après une brève présentation de la situation, par un viol, celui de l’héroïne, Grouzna, la devineresse, elle se poursuit avec la description de sa vie errante et solitaire, changée ensuite par la nécessité de s’unir pour survivre et arriver là où chacun le souhaite. Elle rencontre l’un après l’autre ceux qui formeront sa compagnie, sa famille de cœur. Dans leur route vers le littoral, chacun doit abandonner un peu de lui-même et devenir autre. Tous ne parviendront pas à bon port car ce monde est cruel pour les faibles. Le récit est inventif, sensible et poignant. Il est porté par des personnages originaux et attachants, et surtout par une belle écriture.
Cette petite troupe de Récalcitrants (comme les nomme l’administration) est portée par une chimie propre :