Le lion des montagnes

Le Lion des montagnes
Julie Bonnie
illustrations Max de Radiguès
Editions du Rouergue (Zig, Zag), 2014

Quand la chèvre finit par miauler !

Par Chantal Magne-Ville

Un joli petit rLeliondesmontagnesécit plein de réalisme pour raconter le drame de chèvres attaquées par un fauve féroce. Eh oui ! Le lion des montagnes existe bel et bien dans les forêts de séquoia de Californie, non loin de Sacramento. Le jeune narrateur, dans une langue simple et vibrante, empreinte d’oralité, retranscrit la longue traque de ce prédateur, tout en plongeant le lecteur dans les multiples sensations éprouvées devant les beautés de la nature sauvage.Loin des bruits de la ville, la relation entre un père et son fils montre l’importance de la transmission des valeurs de respect, aussi bien de la vie que de la mort.

Un style léger et enfantin pour de véritables questions existentielles, si profondes qu’il vaut mieux les aborder en s’abandonnant à la fraîcheur de cet univers, souligné par des illustrations au trait épuré, redondantes avec le texte, mais qui renforcent encore l’humanité des personnages, d’autant plus que le récit est tiré de faits réels ! Une plongée dans les grands espaces américains pour apprendre à saisir la complexité de la nature.

L’Année du Mistouflon

L’Année du Mistouflon
Anne-Marie Chapouton

Flammarion, Castor poche (romans) 2014

La « Bête » de Lourmarin

Par Anne-Marie.Mercier

lAnnée du MistouflonParu en 1975, ce Mistouflon avait fait bien des heureux, tant la fantaisie accompagnait la peinture d’un village (Lourmarin dans le Lubéron), de son école, des enfants et de leur famille. Irrévérencieux, amateur de Picole (recette jointe dans le livre) et mangeur de tabac, le Mistouflon sème la panique, tantôt adoré, tantôt détesté par les habitants, jusqu’au jour où l’on découvre l’existence de la Mistouflette…

Ce grand classique des lectures de l’école primaire réparait après avoir une première parution en Castor poche en 1982. Les illustrations de Gérad Franquin sont… du Franquin : parfaites pour accompagner ce récit loufoque.

Quant au petit dossier ajouté au volume, s’il comporte quelques éléments intéressants, on conseille d’oublier les exercices de grammaire et d’orthographe, très opposés à l’esprit-misouflonesque !

Gladiateur, t. 2 (Duel à Rome)

Gladiateur, t. 2 (Duel à Rome)
Simon Scarrow
Traduction (anglais) par Julien Ramel (Londres, 2013 Gladiator : Street fighter)
Gallimard jeunesse, 2013

Pouvoir romain in vivo…

Par Chantal Magne-Ville

Gladiateur2Duel à Rome permet de retrouver, Marcus, jeune garçon de onze ans qui appartient depuis un an à l’école de gladiateurs de Porcino, car il a été réduit en esclavage comme sa mère, suite à l’assassinat de Titus qu’il considérait comme son père. Il a appris tardivement qu’il était en réalité le fils de Spartacus, mais il le cache, car ce serait signer son arrêt de mort puisque celui-ci était considéré comme l’ennemi public des romains. Marcus a le dessein de rencontrer Pompée pour qu’il l’aide à retrouver sa mère. Il a été remarqué par César, car il a sauvé la nièce de celui-ci, Portia d’une mort certaine. Cette dernière semble vouloir faire de Marcus son confident mais il reste sur ses gardes vu leur différence de condition. César veut que Marcus soit entraîné pour devenir le garde du corps de Portia, et la protéger dans ses déplacements dans le quartier de Subure: à Rome le port du glaive étant interdit, Marcus doit apprendre à manier la dague, le couteau de lancer, la fronde, les bolas et la canne et savoir combattre à mains nues. César veut surtout qu’il infiltre un des clans qui crée l’insécurité dans la ville.

Suivre les aventures de Marcus permet une véritable immersion dans le quotidien de Rome, de ses ruelles et de leurs odeurs, et la découverte des rapports de force et des intrigues politiques au sein du Forum. Marcus aide César à démasquer un traitre en la personne de Bibulus. César est dépeint comme implacable mais aussi fin stratège. Il défend un amendement pour faire justice aux soldats qui ont combattu pour Rome en leur donnant des terres.

Lors de l’enlèvement de Portia et des combats pour la délivrer, les comportements humains et la mansuétude sont valorisés par rapport à la barbarie ; la vivacité d’esprit et la détermination sont toujours privilégiées par rapport à la force brutale. Ainsi, Kasos, un ennemi que Marcus a épargné, l’aidera à son tour à échapper à ceux qui veulent le tuer.

Les scènes à l’école de gladiateurs soulignent l’importance de l’effort, d’un entraînement physique, intensif, régulier et fastidieux.

Le récit s’apparente parfois à un thriller quand le lecteur ressent de l’intérieur la précarité du statut d’esclave qui, d’un moment à l’autre, peut être valorisé ou menacé, loué ou exécuté. Marcus n’hésite pas à avouer qu’il a peur dans les combats difficiles ce qui le rend extrêmement humain.

Un récit haletant pétri de valeurs universelles qui n’ont rien de passéistes et que la vie actuelle questionne toujours.

 

 

L’île du temps perdu Silvana Gandolfi

L’île du temps perdu
Silvana Gandolfi
Traduit (italien) par Faustina Fiore
(Les Grandes Personnes), ‘2014

Le temps en conserve

Par Anne-Marie.Mercier

Où vont tous cesL’île du temps perdu objets perdus, ces souvenirs égarés, ces heures « perdues », car inutiles ? Silvana Gandolfi donne une belle réponse : sur l’île du temps perdu.

Deux enfants y échouent après s’être perdues lors d’une visite de classe dans une mine. Elles découvrent une île peuplée essentiellement d’enfants (on pense à Sa Majesté des mouches et on frémit, comme elles frémissent devant la bizarrerie de ces bandes et leurs façons). La suite est passionnante autant qu’originale.

On découvre peu à peu la spécificité de ce lieu, ses dangers, ses liens avec le monde actuel et la nécessité de savoir perdre son gandolfitempstemps… Belle leçon pour tous !

Ce livre est une réédition: il avait paru en 2004 dans la belle collection de romans en grands formats de Seuil jeunesse.

 

 

 

 

À Bord du bateau pirate

À Bord du bateau pirate
Jean-Michel Billioud et Ollivier Latyk

Gallimard Jeunesse (Le monde animé), 2014

C’est un fameux trois-mâts

Par Matthieu Freyheit

Le bateau aBorddubateaupiratepirate est devenu en peu de temps un classique des albums de jeunesse, sorte de sous-branche des albums consacrés plus généralement à la piraterie. De fait, à bord du bateau pirate, on trouve essentiellement…des pirates. L’idée n’est donc pas neuve, ni originale, mais ce volume a l’intérêt de se montrer plus précis et plus curieux d’un mode d’existence somme toute particulier, et dont nous ne savons pas tout. De l’embarquement à la capture par les soldats du roi, l’album revient sur les principaux épisodes traversés par le bateau pirate : l’enrôlement, la répartition des tâches, la position du capitaine, les escales, les abordages et les trésors remettent en perspective les étapes majeures d’un véritable roman de piraterie. L’aventure avant tout, donc, mais semée d’informations et d’anecdotes qui permettent à cet album de sortir un peu du lot.

Visuellement, le livre privilégie les tons simples qui ne mettent pas à mal la présentation des informations, tout en livrant des scènes animées et riches. Et comme toujours dans ces albums participatifs, le geste du lecteur est mis à contribution : des languettes à tirer, des éléments à soulever, des roulettes à tourner, faisant de chaque double-page un livre dans le livre. Une réussite, donc, qui n’hésite pas à mélanger avec intelligence l’enthousiasme de l’aventure et de la découverte à celui de la connaissance.

 

Charlotte et Mona

Charlotte et Mona
Florence Seyvos

L’école des loisirs, 2014

Petits aménagements

Par Anne-Marie.Mercier

Trois Charlotte et Monacourts récits, aux illustrations un peu désuètes mais d’une belle candeur enfantine, voilà le menu de ce petit livre qui propose les « aventures » de deux sœurs : l’installation de leurs chambre après un déménagement, un jeu autour de la radio, une peur… le quotidien devient source d’émerveillements – et d’ailleurs, merveille : les peluches sont vivantes parfois, et parlent !

Animorphs (vol. 5, Le Prédateur)

Animorphs (vol. 5, Le Prédateur)
K. A. Applegate

Traduit (américain) par Noël Chassériau
Gallimard Jeunesse (Grand Format), 2014

Noé dans l’espace

Par Matthieu Freyheit

CinquièAnimorphsvolme tome d’une série forte de quarante-huit épisodes, publiée au milieu des années 1990.

On ne peut que saluer la réédition par Gallimard de cette œuvre devenue un classique du genre en littérature de jeunesse, série-fleuve de la métamorphose. Ce n’est pas pour rien sans doute, au vu du succès actuel de la thématique, que la série Animorphs continue d’être lue. Mais le sujet ne fait pas tout : claire, efficace, l’écriture de Katherine Alice Applegate a surtout l’intelligence d’une certaine neutralité, évitant d’être trop strictement marquée par le style des années 1990. Et dans un domaine éditorial où ‘devenir classique’ est encore une notion à étudier, la pérennisation qu’assure cette réédition ne peut que nous intéresser.

Du côté de l’histoire, par conséquent, rien de tout-à-fait neuf : la guerre menée contre les répugnants Yirks bat son plein, et le lecteur est ici amené à partager les doutes qui habitent l’un des héros, Marco. Et, toujours, une belle suite de métamorphoses, ici singulièrement variées, jusqu’à souffler l’idée d’une arche parodique d’animaux pris au piège d’un vaisseau ennemi.

L’innocent de Palerme

L’innocent de Palerme
Silvana Gandolfi

Traduit (italien) par Faustina Fiore)
Gallimard (folio junior)/Les Grandes Personnes, 2014

Witness à Palerme

Par Anne-Marie.Mercier

C’est un innocentdepalerme2roman bien réaliste que Silvana Gandolfi a fait paraître chez les Grandes Personnes en 2011 ; il réparait en poche, après la consécration que lui donnée le prix Sorcières et son inscription sur la liste des lectures conseillées pour les collégiens par l’éducation nationale.

Deux histoires s’entremêlent dans la première moitié de l’ouvrage, dont on voit mal comment elles peuvent se rejoindre : celle de Santino, enfant unique palermitain, très fort en course à pied, dont les pinnocentdepalerme1arents tirent le diable par la queue, et celle de Lucio, adolescent de Livourne, qui fait du voilier et  vit seul avec sa mère et sa petite sœur. Les deux histoires se rejoignent vers la moitié de l’ouvrage, expliquant tous les non dits et plongeant le lecteur dans un récit angoissant (mais pas trop) où la mafia semble partout, en quête du témoin qu’est Santino.

Réalisme et fantastique se mêlent également en fin d’ouvrage, nous faisant renouer avec des thèmes chers à Silvana Gandolfi pour qui le réel a bien des strates.

 

Le Miroir brisé

Le Miroir brisé
Jonathan Coe

Traduit (anglais) par Josée Kamoun
Gallimard Jeunesse, 2013 (2012)

Roman-pâtisserie

Par Matthieu Freyheit

C_Le-miroir-brise_633Claire, huit ans, découvre un fragment de miroir dans une décharge. On s’en doute, le déchet recèle un vrai trésor philosophique (on pense à La Poubelle d’Ali Baba, de Lorris Murail). De fait, la jeune fille se rend bientôt compte que le miroir ne reflète pas la réalité qui l’entoure. Le quotidien, nécessairement triste, est métamorphosé par le pouvoir déformant du miroir. Dans son reflet, les images se multiplient : la grisaille du ciel est un bleu insolent, la tapisserie des murs s’éveille au mouvement des baleines et des serpents de mer, la petite maison de banlieue s’élance en château somptueux, et une licorne apparaît à l’orée d’un bois qu’on imagine enchanté. Excessif ? C’est peu dire.

Dans ce roman-pâtisserie, l’auteur multiplie les images sucrées et indigestes, encore appuyées par des illustrations au kitsch rare. Certes, la fable cherche à bien faire : Claire apprend à regarder le monde d’un œil nouveau, jusqu’à espérer et agir pour que le reflet déborde des cadres du miroir, pour que la beauté colonise son monde. Mais enfin le message reste simpliste, et le discours s’articule autour de scènes convenues : la découverte de l’injustice, celle du désir sécuritaire des méchants riches qui méprisent les autres, celle du propre visage de Claire, débarrassé de son acné, celle des conflits déséquilibrés entre les bien lotis et les sans-abris, etc. J’en passe. On attend une plus grande complexité qui n’arrive pas au terme d’un récit dans lequel Claire, longtemps esseulée, finit par trouver ses semblables, porteurs de miroirs comme d’autres furent porteurs de lanterne. Sans toute la poésie d’un Stevenson, malheureusement.

Petite panne

clef-molettePetite panne
Certains l’auront remarqué… notre site a été bloqué pendant quelques jours, non par une subite panne d’inspiration due à l’été, mais bien par un incident technique, résolu grâce à notre fée habituelle (merci Julie!) et à un nouveau magicien (merci Alexandre).

Merci de votre patience !