Glow (Mission nouvelle terre, t. 1)

Glow (Mission nouvelle terre, t. 1)
Amy Kathleen Ryan
Traduit (Etats-Unis) par Alice Delarbre
Le Masque (Msk), 2012

Moissons intergalactiques

Par Anne-Marie Mercier

glowLes éditions du Masque proposent de belles surprises en littérature pour adolescents. La série de la Grande Ecole du mal et de la ruse de Mark Walden offrait déjà une alternative de qualité aux consternants volumes de la série Cherub. Cette nouvelle série, présentée comme destinée aux amateurs de Hunger games (et en fait sans rapport avec cette série), ne manque pas d’éléments originaux et même surprenants, tout en maniant avec habileté tous les ressorts du suspens.

Dès la première page, on se trouve confronté à un univers peu conventionnel, mêlant voyage intergalactique et moissons dans un champ de blé. La première surprise passée, on comprend qu’on est embarqué avec les héros pour un long voyage dans des astronefs géants qui reproduisent la vie sur terre, une vie essentiellement agricole, afin de maintenir un cadre de vie et de ressources naturelles qui puisse être transplanté sur une autre planète.

Le héros est beau, il est destiné à un bel avenir (pilote en chef après le pilote en chef du moment), l’héroïne est très convoitée mais est destinée au héros (jusqu’ici, rien que de très banal). La société semble parfaite et fraternelle. L’avenir est radieux, l’ancienne terre est devenue un enfer qu’on a fui.

Mais très vite cette belle utopie déraille : la question de la reproduction apparaît comme centrale et sur ce vaisseau comme sur celui qui les attaque, on cherche à faire en sorte que des enfants naissent le plus vite possible. Les attaquants de l’autre vaisseau tuent la plupart des adultes et enlèvent toutes les filles, les adultes survivants se lancent à leur poursuite. L’histoire se déroule en deux récits parallèles, avec les deux héros séparés comme narrateurs. Dans le premier vaisseau, Kieran affronte une guerre d’ados pire que celle qui hante Sa Majesté des mouches, tandis que Waverly se retrouve dans une communauté sectaire guidée par une femme pasteur hypocrite et sans scrupules…  Autant dire que cela va très mal jusqu’à ce chacun arrive à redresser un peu la situation et que les filles puissent rejoindre le vaisseau de leurs frères et amis. Mais Kieran est lui-même devenu un chef de secte très inquiétant, et son seul opposant est le diabolique Seth, prédestiné au mal par ses origines et son prénom.

On retrouve des éléments de la colonisation de l’Amérique par les puritains, un rapport ambivalent à la ferveur religieuse, et une interrogation assez forte sur la possibilité de relations humaines fraternelles et solidaires : si le Bien semble triompher, c’est après avoir fortement vacillé et pour prendre ensuite à son tout un visage inquiétant… paranoïa garantie. A suivre, donc…

Martin, apprenti de Gutenberg. Carnet d’un imprimeur 1467-1468

Martin, apprenti de Gutenberg. Carnet d’un imprimeur 1467-1468
Sophie Humann
Gallimard jeunesse (« mon histoire »), 2010

Enfance du livre, enfance d’imprimeur

Par Anne-Marie Mercier

Martin, apprenti de Gutenberg.jpgMayence, Strasbourg, Paris, Venise, tel est l’itinéraire de Martin, 13 ans, qui commence son apprentissage avec le vieux Gutenberg, le poursuit avec Mendelin, et part à la recherche de l’imprimeur Jenson.

Au fil du voyage, le lecteur découvre la vie quotidienne du temps, la difficulté des voyages, les dangers (les voleurs, les loups, le froid…). On voit aussi la difficulté d’ imposer une technique nouvelle et les résistances de ceux qu’elle va priver progressivement d’emploi, les copistes. Ce qui pourrait être simplement documentaire devient une aventure. Tout cela est bien documenté, bien écrit. Le livre joue à imiter l’apparence d’un écrit du temps, avec une couverture en trompe l’œil, des titres calligraphiés et des pages inégales comme découpées à la main. Seul bémol : l’intrigue principale (la recherche de Nicolas Jenson) est peu dynamique et peu porteuse. ; le récit a du mal à démarrer. Mais une fois bien embarqué sur les routes aux côtés de Martin, le lecteur s’attache à ses pas et à ses efforts.

 

L’inconnue des Andes

L’inconnue des Andes
Sylvie Deshors

Rouergue, (Doado Noir), 2011

Enquête en altitude

                                                                                                             par Maryse Vuillermet

    On retrouve dans ce roman policier le touchant personnage d’Agathe de Fuite en mineur, (voir article sur ce site), une jeune Franco-chinoise karatéka, son énergie, et surtout sa curiosité.  Elle voyage en Équateur en compagnie de son amie étudiante Lucia. Une curieuse rencontre avec une superbe inconnue aux yeux verts qui lui donne un bracelet en or va changer le cours paisible du voyage.Dans un Lodge en pleine Cordillères des Andes, elle trouve un morceau déchiré de son  passeport, ce qui lui fait croire qu’elle a disparu. Elle décide de partir à sa recherche.

Une course enquête à travers les paysages somptueux et dangereux des Andes, de nombreuses et belles amitiés entre jeunes  Américains du sud, Québécois, jeune policier lyonnais, un style efficace, une réalité sociale bien prise en compte (misère, violence, pillage de tombes, suite des tortures, disparitions et assassinats en Argentine), tous ces ingrédients bien dosés font de ce roman une lecture  dépaysante, engagée, palpitante et souvent émouvante.

Poésies dans l’air et dans l’eau

Poésies dans l’air et dans l’eau
Kochka, Julia Wauters

Flammarion (Père Castor), 2011

Voyage en Poésie

par Sophie Genin

9782081233072.gifVisite de la terre, de « l’R et de l’O », découverte des sons, des images, des sensations, par le biais de poèmes de facture relativement classique (rimes et courtes strophes), sauf à se perdre dans des poèmes qui sonnent comme autant de haïku sur le monde actuel, pas dénués d’humour, tel :

 « Hiver sonnant à la lisière,
Dans la soupière
Il fait chaud.
Thé sombre dans la théière,
Café dans la cafetière,
Nappe de poussière sous frigo. »

ou bien encore :

« Poésie en terre,
Poésie en pot,
Souriceau sous l’arbrisseau.
Petits animaux de la terre,
Coléoptères, escargots,
Penché, le petit garçon considère. »

 Le charme désuet et nostalgique de ces rimes qui font voyager tient aussi aux illustrations qui ont un goût d’années 50 mais actualisé par des couleurs flashies et des cadrages parfois étonnants qui montrent le quotidien sous un autre angle, ce qui est le propre d’une poésie vivante, ici largement accessible aux plus jeunes, dans un jeu habile d’associations d’idées parfois surprenantes.

La Chambre des astres

La Chambre des astres
Gilles Brulet, illustrations Brunella Baldi
SOC & FOC

Les Cévennes vues par un poète amoureux

par Sophie Genin

les cévennes,voyageDès la couverture, le monde de Brunella Baldi, aux couleurs de sable et d’ocre, aux courbes étonnantes, nous happe : quelle est cette maison, quelles sont ces formes rondes comme la lune ou plutôt comme des planètes imaginaires ? En ouvrant, les mots de Gilles Brulet nous accompagnent sur un chemin cévenol que l’auteur semble bien connaître. Il ne s’agit pas de narration, uniquement d’évocations oniriques, même si une dédicace initiale éclaire notre route quant au lieu que nous découvrons : « A Emile, berger du hameau de Montagnac, commune de Meyrannes, Cévennes ».

Pour celui qui s’est déjà promené dans ces paysages, il retrouvera des scènes dans les images choisies par le poète, telles que : « Vêtu d’autan ou de mistral/Les yeux citoyens des paysages/Le berger va/Dirigeant le troupeau/Dans sa maison mondiale ». Pour celui qui n’a pas cette chance, il voyagera dans un pays inconnu, incertain et onirique et, aidé par l’illustratrice, laissera son esprit voguer au gré des mots, lentement égrainés comme un souvenir qui échappe :

« Derrière le brouillard
Je sais demain
Les verbes des enfants
Les châteaux de l’amoureuse
Une libellule bleue
-Qui se posera sur le nu de l’épaule-
Le corps d’une source
Les rires de la lumière
Une plume au large
D’un chemin nouveau. »

 Alors, que vous connaissiez ou pas ces lieux, laissez-vous tenter par ce voyage onirique aux couleurs de désert cévenol et à la saveur douce amère des rêves que l’on voudrait rattraper…

 

Mon Premier voyage tout autour de la terre

Mon Premier voyage tout autour de la terre
 Gaëlle Duhazé
Le Sorbier, novembre 2010

Un sac à dos, un vélo : le vaste monde à la portée des petits

par Sophie Genin

9782732039824.jpg Un très long format à l’italienne pour partir à la découverte du Mali, de l’Inde, de la Chine, de l’Equateur et de l’Amérique du Nord. Sur la quatrième de couverture, des panneaux, disséminés dans un monceau de détails, annoncent, avec un humour que l’on retrouve dans l’album des destinations saugrenues telles que « ailleurs, très loin, par là, par ici, vers l’est » ou même encore « le bout du monde » !

Dès la première page, le ton est donné : la petite héroïne prépare son sac à dos, toutes ses affaires alignées sur le sol de sa chambre, y compris son doudou Paul-Emile (Victor ?). Elle s’adresse directement au lecteur, rendu actif grâce aux mille petits détails sur lesquels elle attirera son attention au fil du voyage, quasi initiatique, qu’elle lui fait entreprendre à ses côtés.

Chaque double page présente un nouveau pays, tout en couleurs, avec ses habitants et ses habitudes, son vocabulaire spécifiques. Certes, on ne passe pas toujours à côté des clichés mais les valeurs humanistes rattrapent ce petit travers et, lorsque, à son retour, l’héroïne feuillette son album photos, on a envie, comme elle, de se plonger à nouveau dans les belles rencontres faites pendant son périple et de repartir en voyage tout autour de la Terre !

Le Secret d’ Orbae (Le voyage de Cornelius, Le Voyage de Ziyara)

Le Secret d’ Orbae (Le voyage de Cornelius, Le Voyage de Ziyara)
François Place

Casterman, 2011

Coffre à trésors

par Anne-Marie Mercier

François Place,voyage,atlas  Casterman, Anne-Marie MercierLa nouvelle œuvre de François Place, Le Secret d’Orbae, n’est pas un livre, c’est  bien plus que cela : elle propose une nouvelle forme. C’est un coffret noir d’apparence mystérieuse dans lequel on trouve deux romans illustrés accompagnés par une carte de l’univers associé aux textes, et par des images illustrant certains de leurs épisodes, placées dans un portfolio cartonné et fermé par un lien. L’objet en lui-même est très beau.
Le contenu est lui aussi d’une grande qualité. L’ensemble renvoie à l’univers bien connu de l’Atlas imaginaire de François Place., auquel les deux héros des deux romans  appartiennent : Cornelius, l’homme du Nord, et Ziyara de Gandaa.

Le voyage de Cornelius imite les anciens récits de voyages ; le narrateur est un marchand et ses aventures sont reliées à sa quête d’un objet précieux – ici une étoffe, la « toile à nuage ». Plus que marchand, le protagoniste est un rêveur qui court après un idéal, recherche le défi et que l’amour même ne suffit pas à contenter.  La « toile à nuage » s’avère  proche de l’« étoffe dont sont faits les rêves » chère à William Shakespeare.
La quête de Cornelius lui fait sillonner le monde pour le plus grand bonheur du lecteur, qui retrouve les belles inventions de l’Atlas des géographes d’Orbae. De nombreuses rencontres, des dangers, des découvertes de civilisations étranges, tout cela rend le récit poétique et passionnant. Dans son périple il rencontre Ziyara ; il en tombe amoureux, mais la quitte cependant pour continuer sa quête.

Le deuxième roman, Le Voyage de Ziyara,  présente donc l’histoire de cette dernière, de sa naissance à sa nomination comme Grand Amiral, de sa gloire à son bannissement, de la rencontre avec Cornelius à sa recherche, au terme de sa disparition. Si les aventures de Cornelius sont essentiellement terrestres, celles de Ziyara sont essentiellement maritimes.
Ce roman est sans doute un peu moins réussi que celui de Cornelius et son intrigue plus décousue, pour deux raisons : le personnage principal en est moins complexe, et son moteur est la fuite, davantage que la quête. Néanmoins,  lire la même histoire racontée selon deux points de vue est très appréciable : l’un est masculin et l’autre féminin, l’un est terrestre et commercial, l’autre maritime et guerrier. Je conseille fortement de commencer par le voyage de Cornelius, cette première approche donnant à la seconde une ossature qui lui manque sans cela.

Les illustrations sont dans le style bien connu de François Place, tel qu’il s’est révélé dans l’Atlas : souvent proches de la miniature, d’une extrême précision avec des tonalités de coloris variées et toujours significatives, que ce soit sur un mode réaliste ou symbolique. Voir ces dessins en grand format dans les planches proposées par le portfolio est un plaisir nouveau. S’ils illustrent les épisodes des deux romans, ils donnent bien plus à voir encore. La lecture procède par va-et-vient entre les romans et les images, cartes ou illustrations : nouveau mode de parcours pour un nouvel objet, libre et foisonnant.