D’où viens-tu?

D’où viens-tu?
Pronto
Seuil jeunesse (secrets de fabrication), 2012

Qui de la poule ou de l’oeuf?

Par Caroline Scandale

Ce documentaire jeunesse propose d’expliquer simplement l’origine des choses à la façon d’un imagier à rabats. Il se décline en six chapitres dont quatre concernent l’alimentation.

Si certaines origines paraissent évidentes, d’autres le sont beaucoup moins. Par exemple, la confection de la polaire à partir de bouteilles en plastique est propice à discuter du recyclage.  Quant à la provenance du fil de soie, elle permet d’évoquer son originale fabrication animale. D’autres encore familiarisent avec la biodiversité alimentaire,  les principaux matériaux et les différents milieux de vie…

En point d’orgue, le livre se referme sur la question existentielle « et toi d’où viens-tu? ». Pour tenter de répondre à ce questionnement déterminant, le rabat, quatre fois plus grand que les autres, est recouvert d’un papier miroir (de bonne qualité!) Le jeune lecteur se regarde… À qui ressemble-t-il? Mais surtout d’où vient-il? En soulevant son reflet, il découvre le ventre d’une femme enceinte… Les nouveaux modèles familiaux, les prouesses techniques de procréation médicalement assistée et l’adoption ouvrent le champs des possibles… Aux adultes de répondre… Bon courage!

 

 

 

Le Chat de Vallotton

Le Chat de Vallotton ; le peintre Félix Valloton et le groupe des Nabis
Jean Binder
Dossier documentaire de Christina Buley-Uribe
L’école des loisirs (Archimède), 2012

Nabi pour les petits

Par Yann Leblanc

Selon la formule de la collection, la fiction est un tremplin pour aller vers le savoir. Une histoire dont les images imitent l’esthétique des bois gravés montre une toute petite fille ramenant leur chat perdu aux Vallotton ; un dossier présente la vie du peintre et le groupe des Nabis. Tout cela est très bien fait, avec beaucoup de délicatesse.

Reste cependant une interrogation : l’âge de lecture du documentaire suppose un lectorat qui trouvera la fiction un peu enfantine.

Oh ! L’antiquité

Oh ! L’antiquité
Joe Fullman

Gallimard jeunesse (les yeux de la découverte), 2012

Ah! que d’images

par Anne-Marie Mercier

Toute l’antiquité.. enfin, celle qui s’enseigne en 6e, et c’est déjà beaucoup : de 8000 avant JC à 1550, Moyen-Orient, Afrique, Europe, Asie, Amérique et Espace du Pacifique.., une chronologie, un index, de belles photos en couleur, une maquette qui fait la part belle aux images, fidèle à l’esthétique des collections « découvertes » de Gallimard.

Mais c’est aussi une ouverture sur la modernité : on peut compléter la lecture et naviguer grâce aux liens internet proposés sur le site des éditions, télécharger des images, etc.

Espions

Espions
Meredith Costain
Traduit (anglais-Australie) par Valentine Palfrey
Gallimard jeunesse (discovery), 2011

 Une collection, des thèmes classiques et d’autres moins

Par Anne-Marie Mercier

Qu’est-ce qu’un espion ? les espions à travers l’histoire, les Rosenberg, Mata Hari… codes et messages chiffrés, KGB, M15, CIA… Mythes et réalités sont présentés avec une maquette efficace proche de la collection Gallimard – découvertes, de belles photos et de courts textes.

On peut s’interroger sur cette vogue du thème des espions (en fiction comme en documentaire), publié ici dans cette collection au même rang que les château forts, dinosaures et autres classiques du documentaire pour la jeunesse. L’homme de l’ombre serait-il le héros moderne, reléguant aux oubliettes les anciennes valeurs héroïques ?

Un Monde en couleurs

Un Monde en couleurs
Philippe Nessmann
Gallimard jeunesse, 2011

 Couleurs du monde et du temps

par Anne-Marie Mercier

 Bleu, rouge, jaune, vert… d’où viennent les couleurs, à quelle époque certaines ont-elles été employées et pour quoi ? quelles sont leurs tonalités, leurs effets (le bleu est pensif , le rouge vivant…).

On retrouve dans ce documentaire la veine des écrits de Michel Pastoureau : les couleurs sont prises aussi bien dans la nature que dans l’art, les objets quotidiens, les vêtements et les symboles comme les drapeaux et sont vues dans leur contexte historique et géographique. C’est un bel ouvrage, précis, facile à parcourir (maquette bien faite), qui parle à travers les images plus que par les textes, et beau, enfin par la grande qualité des reproductions.

Une Nuit, loin d’ici

Une Nuit, loin d’ici
Julia Wauters

Helium, 2011

 Nuit et jours

par Anne-Marie Mercier

Le bestiaire est l’objet de variations infinies. Ici, la forme est originale : les animaux sont classés par régions, chacune se dévoilant sur trois doubles pages organisées de façon similaire : la nuit ( les chauves-souris côtoient le Papilio Rex et la néphile du Kenya), le petit jour, le matin. Le texte énumère les animaux présents sur l’image et le jeu consiste à les identifier, avant de les retrouver tous présents sur les pages finales.

Mais le charme particulier de cet album tient à la présence de feuilles transparentes qui voilent certaines parties de l’image, les découvrent progressivement et font vibrer les couleurs. Voir les images.

Sequoyah

Sequoyah 
Frédéric Marais
Thierry Magnier, 2011

 Sequoyah   (1770-1843) : ceci n’est pas un arbre

Par Anne-Marie Mercier

Ceci n’est pas un arbre, ce n’est pas non plus un « pied de porc », bien que ce soit le sens littéral de ce mot en langue cherokee. C’est un enfant de cette culture, confronté au handicap, puis c’est un adulte qui invente, après un long travail, le syllabaire cherokee. Les deux histoires se succèdent, mettant chacune en valeur la solitude et l’obstination de ce héros très particulier.

Toutes deux se déroulent dans un décor de western sombre et stylisé (noir et bleu, noir et vert, gris…) où le personnage ocre se détache fortement. Les images empruntent aux scènes de western par leur cadrage, par les angles de vue et l’utilisation de la profondeur de champ. L’album est superbe; c’est une belle réalisation de Frédéric Marais (qui vient d’illustrer chez Sarbacane un album de Dedieu, La Guerre des mots).

Les lecteurs français découvriront ainsi ce héros de la culture cherokee (il semble qu’on ait donné son nom à l’arbre et il est avéré que de nombreux lieux en Amérique portent son nom) et de la culture tout court. Il verront aussi ce beau syllabaire de 85 articulations, reproduit en entier dans les dernières pages. Autant dire que c’est un album qui devrait être entre les mains de tous les écoliers.

Sur Wikipedia, un article bien documenté.

 

Professeur Gamberge. C’est quoi, le piratage sur Internet ?

Professeur Gamberge. C’est quoi, le piratage sur Internet ?
Jean Schalit, Karim Friha
Gallimard Jeunesse (Giboulées), 2011

Le piratage, c’est mal ; et autres raccourcis

Par Matthieu Freyheit

« Gambergez avec le professeur Gamberge »… Autant vous prévenir tout de suite, le contenu est aussi recherché que l’accroche. Le professeur Gamberge, c’est un savant. Cheveux blancs, cravate et blouse blanche. Il sévit à la télévision depuis maintenant quelques années, et se décline désormais en une série de livres petit format d’une vingtaine de pages. Et tenez-vous le pour dit, le professeur Gamberge vous explique tout. De  « A quoi ça sert de voter ? » à « Pourquoi, quand et comment paye-t-on des impôts ? » en passant par « Les Canadair, comment ça marche ? » (??? j’avoue que ce dernier volume me laisse perplexe), les lecteurs, à partir de 7 ans selon l’indication donnée par Gallimard Jeunesse, ont droit à tous les poncifs bien-pensants habituels.

Celui qui nous intéresse, « C’est quoi, le piratage sur Internet ? », n’est pas en reste. Passons sur le style graphique déplorable. Passons également sur le scénario protozoaire – peut-être aurait-il mieux valu l’effacer complètement. Le livre conserve le mérite de vouloir aborder la question du piratage dans les multiples sphères qu’il concerne : économique, personnelle, politique, etc. Tout cela à l’aide de la classique métaphore selon laquelle Internet est un immense océan peuplé de navires en tous genres. Arrive la question du piratage. Pour le professeur, la chose est simple : les pirates informatiques, méchants et fourbes, sont prêts à tout pour s’en mettre plein les poches. D’où la question de fond posée par l’une de ses interlocutrices, symbole supposé du lecteur moyen : « Mais alors, c’est dangereux Internet ? ». Il fallait bien un livre pour en arriver là. Non, la rassure tout de même le professeur. Et celui-ci d’embrayer, index levé, sur l’injustice des téléchargements illégaux.

Vous l’aurez compris, je ne suis pas convaincu. Mais alors pas du tout. D’un manichéisme agaçant, le livre ne revient à aucun moment sur les origines sociales et historiques du piratage ou du hack, pas plus que sur ses divers enjeux et les différents acteurs qui en forment le complexe panorama. Bref, trop de morale tue la morale. Et à l’heure tardive où je referme ce livre, il me vient comme une soudaine envie de télécharger un film…

 

Moi, Jean-Jacques Rousseau

Moi, Jean-Jacques Rousseau
Raconté par Edwige Chirouter, illustré par Mayumi Otero
Les petits Platons, 2012

Rousseau – Hop ! Opéra

Par Anne-Marie Mercier

Anniversaire oblige (voir plus bas, la notice sur Rousseau à 20 ans), voici Rousseau expliqué, ou plutôt « raconté » aux enfants. Mais quels enfants ? C’est la question qu’on se pose pour certains titres de cet éditeur et elle revient pour ce volume. L’ambition est totale (et vertigineuse) : proposer en un petit livre illustré un résumé de la vie et de la pensée de Rousseau. L’acte I résume sa vie jusqu’à « l’illumination de Vincennes », l’acte II ses idées sur la société, l’acte III porte sur l’éducation et le final est en chansons. Cela oblige à bien des raccourcis (voir nommer « Emile » l’enfant sauvage me donne un peu le tournis, même si cela permet de mettre en cohérence plusieurs œuvres) et parfois à des à-peu-près discutables : Rousseau apparaît un temps comme un apôtre de la Révolution, même si plus loin il s’interroge pour savoir s’il ne faut pas plutôt craindre un tel bouleversement. En somme, rien n’est faux mais tout est bien sûr rapide et dense.

C’est une qualité pour ce type d’ouvrage. L’auteure réussit le tour de force de transformer un écrit de type documentaire en partition rythmée. Rousseau, le narrateur, est présenté comme un metteur en scène d’opéra qui dirige quelques acteurs (l’enfant sauvage, le lecteur, Thérèse) et des marionnettes (Diderot, notamment, l’un des « traîtres »). C’est donc le Rousseau d’Ermenonville, proche de sa fin, qui parle, enjoué et fou de musique au début, autoritaire et soupçonneux à la fin de l’ouvrage (était-ce bien nécessaire ?). Il varie le rythme (ralentissement et trémolos lors de l’épisode du ruban volé (bien vu), intermède en chanson sur la botanique) ; il fait bondir et voler ses acteurs (illustrations très vives, gaies, parfaites), confronte Emile et le lecteur pour montrer comment l’entente est vite détruite par l’« amour propre », et gronde la pauvre Thérèse. On s’amuse, on s’étonne, on est attendri.

Ce petit théâtre est très bien servi par les illustrations qui mettent en valeur cette « mise en scène », lui donnent une profondeur ou insistent sur sa surface. On imagine que ce livre pourrait servir d’introduction à l’étude de Rousseau (mais avec bien des aménagements et des retours). On peut aussi jouer à retrouver certaines de ses phrases tirées de son œuvre et données sans guillemets ni notes. Mais pour quels enfants, alors ? Certainement pas pour les Emile, mais… pour les petits Platons !

L’auteure est une spécialiste de la philosophie en littérature de jeunesse (voir son blog).

Jean-Jacques Rousseau à 20 ans

Jean-Jacques Rousseau à 20 ans ; un impétueux désir de liberté
Claude Mazauric
Au Diable Vauvert, 2011

 Jean-Jacques avant Rousseau

par Anne-Marie Mercier

La collection « à 20 ans » ajoute en 2012 un portrait de Jean-Jacques Rousseau à ceux de Flaubert, Genet, Duras, Colette, Proust, et Hemingway. Ce saut en arrière dans le temps s’explique sans doute par les célébrations Rousseau de cette année (tricentenaire de sa naissance : voir le blog de l’ARALD, le site que la région Rhône Alpes lui a consacré,  le site « 2012 Rousseau pour tous » de Genève) et pour des nouvelles sur la recherche internationale le site de  l’association Rousseau.

En dehors de ces circonstances, ce livre s’imposait car Jean-Jacques est un anti modèle qui rassurera bien des adolescents et bien des parents : enfant sans école, apprenti qui fugue à 16 ans par peur d’une punition,  rêveur mal élevé et mal à l’aise avec les usages du monde… il hésite encore entre plusieurs professions à l’âge de 30 ans. Autant dire que pour parler de l’écrivain tout en décrivant le jeune homme, l’auteur a dû faire quelques entorses au principe de la collection, ce qui lui fait écrire, évoquant le séjour de Rousseau à Lyon avant sa « montée » à Paris : « à 30 ans, Jean-Jacques est devenu potentiellement Rousseau : on ne tardera pas à le savoir ». L’auteur réussit ce tour de force : on voit comment le temps en apparence perdu a été une construction lente et au bout du compte cohérente; de nombreuses incursions vers les oeuvres à venir sont très éclairantes.

Tous les raccourcis qu’on peut lire sur Rousseau sont fort justement revus par l’auteur, historien spécialiste de la période, à commencer par la notion d’autodidacte : elle n’a pas de sens à cette époque, et Rousseau a eu des maîtres, quelques uns fort bons. Les périodes et les lieux de formation comme Genève (la Genève réelle, bien décryptée, et la Genève rêvée) puis Lyon sont mis en valeur alors que bien souvent l’on ne voit que Paris. Le Rousseau qui chemine, le long des rivières et des lacs, comme d’une ville à l’autre est une autre belle découverte, comme son « identité francophone quasiment cosmopolite ». C’est tout un destin qui est présenté, ou plutôt un parcours, qui mène de l’apprenti à l’écrivain célébré par toute l’Europe – et le monde entier aujourd’hui. Enfin, l’ouvrage est une réussite par son écriture limpide et sa finesse. Il propose un Jean-Jacques aimable et proche et évite ainsi les aspects qui trop souvent détournent les jeunes gens de son œuvre. Quel que soit l’âge, c’est une belle lecture et un beau livre bien plein et bien fait.

Voir l’entretien avec Claude Mazauric sur France-culture (8/6/2011).