Le petit musée du bleu

Le petit musée du bleu
Carl Norac (textes)
Rue du monde, 2015

Bleu musée

Par Dominique Perrin

De Vermeer à Klein (en passant par la constellation Klee, Magritte, Matisse, Miro, Picasso), voici treize œuvres (dont l’orientale estampe d’Hokusai, l’autoportrait a-conventionnel selon Dubuffet, la porcelaine antique égyptienne et la plastique selon de Saint Phalle), mais posément regardées, plus intimement rencontrées à la faveur des poèmes familiers et complices, respectueux sans solennité de Carl Norac. Cela semble faire un très satisfaisant voyage d’initiation dans l’art de peindre et de représenter, de traduire la vision en teintes, de l’encadrer de mots, d’Histoire et de pensée – et de bleu, toujours de bleu, même si ou d’autant plus qu’ici Degas est dévisagé de si près qu’on sait moins que jamais quelle heure il est pour ses danseuses, et Guernica présent dans toute sa longue absence de bleu.

Achète Achète Achète

Achète Achète Achète
David Dumortier, Anastassia Elias
Møtus, 2016

Poésie pour un désirable durable

Par Anne-Marie Mercier

Face à l’injonction de la civilisation consumériste, qui consiste à nous faire vouloir acquérir et accumuler des objets,  David Dumortier propose d’autres désirs, portant sur des « biens » parfois intangibles, mais précieux et uniques, des choses éphémères, provoquant des sensations, des petits bonheurs, des jeux de mots et de pensée : une hésitation, une étoile filante, un petit caillou, un vieux violon… Comme le suggère l’image en couverture du livre, sur l’étagère à confitures, il n’y a pas que des conserves, fussent-elles sucrées.

Les illustrations, crayonnées, aquarelles ou pastels gras, imitent sur la double page le format d’un billet de banque en camaïeux divers, mais les motifs sont tout autres, à hauteur de vie et d’enfance, drôles ou tendres.

Achète, achète
Un avion en papier
Et lance-le
Dans la corbeille des nuages.

[…]

Achète, achète
Un petit morceau
De nulle part
Parce que ta maison
Peut être partout »

et plus encore sur le site de l’éditeur

Quand on n’a que l’amour

Quand on n’a que l’amour
Sabine Péglion et Bruno Doucey (Une anthologie établie par)
Éditions Bruno Doucey, 2015

Rien que la force d’aimer

Par François Quet

Avec la collection Poés’idéal, les éditions Bruno Doucey (https://www.editions-brunodoucey.com/collections/) proposent des anthologies thématiques « engagées » de « poèmes rassemblés autour d’un idéal », (Guerre à la guerre, Vive la liberté, etc.). Le livre est divisé en cinq sections pour évoquer l’absence de l’amour, sa naissance, sa plénitude, puis sa perte. La dernière partie fait passer de « l’horizon d’un homme à l’horizon de tous » (Paul Eluard) : « Aimer un être, c’est aimer à travers lui l’humanité toute entière » écrit B. Doucey dans la postface.

Chaque poème est suivi d’une brève biographie de l’auteur, et il est parfois accompagné d’un texte « en écho », le plus souvent en prose. Ainsi, un extrait de Sylvie (de Nerval) entre en résonance avec un poème de Pedro Salinas ; une adresse de Pierre Seghers à sa femme, Colette, « répond » à un poème de celle-ci ; une lettre de Diderot à Sophie Volland joue avec une chanson de Léo Ferré. Chaque partie est introduite par une double page où, sur un fond orangé, s’impriment en blanc ou en caractère gras, des vers isolés, phrases ou aphorismes qui précisent l’orientation donnée par le titre du chapitre : « Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout où je suis » (Victor Hugo). Ces citations condensent le propos en même temps qu’elles éveillent la curiosité du lecteur.

L’originalité de ce florilège tient essentiellement à la variété des textes proposés : Jacques Brel côtoie Elytis, Baudelaire et Gaston Miron. Autant dire que les voix de l’amour sont aussi bien celles de poètes classiques (de Marie de France à Aragon), que de chanteurs (Trenet, Brel, Ferré) ou d’auteurs considérés comme mineurs (Carco). La poésie francophone est très présente (citons au hasard Anthony Phelps qui est haïtien, le syrien Adonis ou la québécoise Denise Boucher) mais des poètes traduits du monde entier (Akhmatova, Darwich, Neruda… des poètes coréens, australiens ou arabes, ) sont convoqués dans ces pages (avec une petite préférence pour la poésie grecque contemporaine). Enfin si on remarque que plus d’un quart de ces textes sont écrits par des femmes, on notera aussi qu’une dizaine de ces poètes sont nés après 1960.

Saluons donc ce beau travail, saluons l’ouverture qu’il apporte à chaque lecteur, allons à la rencontre du verbe aimer qui se conjugue toujours de la même manière, quelle que soit la langue, le lieu, la personne ou le temps qui le fait chanter.

A la lettre un alphabet poétique

A la lettre un alphabet poétique
Bernard Friot – Jean-François Marin
Milan

De A à Z, bien sûr

Par Michel Driol

Voici un défilé poétique ans lequel chaque lettre s’expose, à sa place, dans l’ordre. Contrainte habituelle dans ce genre d’exercice, chaque poème est saturé de mots contenant la lettre vedette. Comme souvent chez Bernard Friot, on s’en doute, l’humour est là.

Comment l’auteur renouvèle-t-il ce genre de l’abécédaire ? On trouve bien sûr la dimension métatextuelle affirmée : Si A est au commencement,  Z termine, et  il n’est pas étonnant qu’on ait placé ce grand benêt, ce zigoto, au fin fond de l’alphabet. Les jeux avec les lettres se multiplient : il convient de mettre les points sur le i au I. R est « une consonne fricative uvulaire voisée », ça sonne bien, même si on ne sait pas ce que ça veut dire.  On trouve quelques anaphores, en C’est pour le C, en Un ou une pour le U .

Mais c’est surtout dans le dialogue fictif, en particulier dans le jeu accusation / défense que ce livre trouve son originalité. Parfois intervient quelqu’un, pour faire cesser l’anaphore des C’est

C’est pas un peu fini ?

Ou pour répondre :
Finalement, le F est un type
assez fascinant, vous ne trouvez pas ?
– En effet !

Mais le dialogue sert surtout à souligner des jeux d’oppositions à propos des lettres qui se trouvent avoir alors deux valeurs, une positive, associée à des mots valorisants, l’autre négative, associée à des mots évoquant des réalités plus dures. Ainsi le K, tiraillé entre les mots guerriers et les multiples façons de dire je t’aime en anglais ou en allemand.

Les clins d’œil se multiplient, à l’orthographe, forcément, ce n’est pas parce qu’on  a deux l qu’on décolle, grogne le gorille furibard.  A la chanson aussi, S, comme une chanson de Queneau, si tu t’imagines. L’ouvrage parle forcément du monde, de la morale :

Si tu fais le V de la Victoire
tu fais aussi le v des vaincus
.

de la politique : toutes les lettres présentent leur candidature aux élections législatives : pour qui voter ?

de l’enfance, malheureuse, avec  le n,
regard lourd de détresse, un enfant se mord les lèvres.
Pas pleurer. Pas pleurer
.

Il faut donc aller au-delà de l’aspect formel, convenu  du livre,  qu’on pourrait prendre pour un énième avatar des abécédaires pour y découvrir une véritable vision du monde pleine d’enseignements.

A noter les illustrations, en page de gauche, de Jean-François Marin qui humanisent les lettres, et cachent un objet en lien avec la lettre.

 

Le Livre des petits étonnements du sage Tao LiFu

Le Livre des petits étonnements du sage Tao LiFu
Jean-Pierre Siméon
Cheyne éditeur

La Grande Muraille n’arrête pas la fourmi

Par Michel Driol

Ce recueil commence par un avertissement de l’auteur : Tao Li Fu aurait vécu « entre deux siècles », était illettré et aurait énoncé ces sentences « frappantes et mystérieuses » à ses contemporains. Qui se les seraient transmises jusqu’à ce qu’au siècle dernier un lettré les transcrive. Des mille feuillets collectés alors n’en sont conservés qu’une poignée, celles qu’on va lire…

Suivent alors une soixantaine d’aphorismes, précédés de leur traduction en chinois. Il s’agit de formes brèves, entre une et trois lignes, qui prennent parfois la forme de constations :
Le plus puissant dragon
n’a jamais attrapé un oiseau

Parfois il s’agit de consignes ou de conseils :
Pose une pierre sur ton ombre
et pars en courant

d’hypothèses ;
Si tu regardes le ciel longtemps, il entre.

de rapprochements inattendus :
La caresse et la gifle ont la même main.

La nature y est omniprésente : animaux familiers, astres, nuages, montagnes, arbres, étangs…, et, au sein de cette nature, l’homme bien sûr, ainsi que l’enfant. Si le lecteur adulte se sent parfois proche de Pascal dans ces formes brèves, ces poèmes  évoquent bien sûr toutes les formes d’expression d’une sagesse populaire et curieuse du monde, des proverbes non dénués d’humour, en particulier dans les rapprochements effectués entre des réalités différentes :
L’ombre de l’éléphant
et l’ombre du coquelicot
ont le même poids.

L’ouvrage apparait donc comme une leçon : apprendre à s’étonner à partir de la perception de ce qui soudain, par la force des mots, devient une évidence, mais à quoi on n’avait pas, auparavant, prêté attention. Chacun des poèmes devient alors comme une métaphore, dont il reste à découvrir la signification en le laissant résonner en soi. Le recueil  n’entend pas enfermer le lecteur dans une interprétation, et c’est ce qui fait sa richesse. Jouant sur les contraires, il montre que la fragilité apparente est une force, que la vitesse n’est pas forcément la valeur suprême, et que la violence détruit celui qui la prône.

Petits étonnements, comme autant de petits concentrés d’humanité, à consommer sans modération, tout en admirant les calligraphes qui le rythment.

Je serai cet humain qui aime et qui navigue

Je serai cet humain qui aime et qui navigue
Frank Prévot, Stéphane Girel (ill.)

Hong Fei, 2016

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » … et la poésie

Par Anne-Marie Mercier

Il faut de l’espace pour évoquer le temps, la mer, l’amour, le lien, les racines… L’album est généreux et propose un grand format et même, vers la fin, une quadruple page à déplier. Les dessins, stylisés, plantent un décor de verts et de bleus, qui tournent parfois à l’orangé et au rouge, violet : décor d’herbe, de mer, de nuages, et parfois d’horizons lointains et de motifs exotiques, où l’envers peut être l’endroit.

Sur la plage où il accompagne son grand-père chaque année pendant l’été, un enfant trouve un coquillage sur lequel est inscrite la phrase « écoute-moi ». Il y entend des sons étranges, des rythmes, qui peu à peu deviennent un langage inconnu, langage qu’il finit par traduire, d’abord pour dire le poème qu’est la vie de son grand-père, puis pour dire la sienne avant d’inventer un autre poème.

Ce tâtonnement à la recherche d’un sens à donner au langage poétique s’accompagne d’une interrogation sur les origines : l’enfant  a pour ancêtres un marin européen et une femme originaire de Polynésie. A cette question qu’il se pose, il répond en fin de parcours avec le projet d’« être un humain », ce qui dit beaucoup, mais aussi un humain « qui aime et qui navigue », comme son grand père ; sera-ce sur la mer ou sur les vagues de la poésie ?

Ce narrateur est aussi un humain qui lit de la poésie, les références à des textes et auteurs connus étant nombreuses, sous la forme de clins d’œil, d’évocations plutôt que de citations et la question de l’écoute et de l’appropriation des sons, centrale.

L’histoire, comme les images, est dense, forte, et la magie du chant du coquillage prenante.

Il y a

Il y a
Jean-Claude Pirotte
Motus 2016

pourquoi pleurer c’est inutile / mes petits maux sont trop futiles

Par Michel Driol

Une trentaine de quatrains, illustrés par Didier Cros, composent cet ultime recueil de Jean-Claude Pirotte.  Ils dessinent comme un parcours qui irait du passé – souvenirs d’école- au présent et au futur, en passant par le futur antérieur, comme un bilan d’une vie. S’y mêlent de nombreux thèmes : enfance, école, lectures, animaux, dureté du monde moderne, dans une sorte d’incessant  dialogue entre l’enfant que fut l’auteur et l’homme adulte, entre les animaux et l’auteur.

Ces instantanés rendent compte d’un monde  dont ils soulignent la dureté  – qu’il s’agisse du passé, où le maitre portait un faux-col et où on avait froid on avait faim, ou qu’il s’agisse du présent  avec ses écrans qui nous séparent de nous-mêmes et des autres, ses charters qui renvoient les pères vers la misère, ou ses pesticides sidéraux. Ils donnent des leçons de sagesse : courir au fond des forêts, mieux voir le paysage, partir à la rencontre de la nature, faire l’école buissonnière. Il y a comme une vraie élégance dans l’humilité proposée : se tenir disponible, ne pas se plaindre, aller à la rencontre des autres pour mieux se trouver. Même si l’arrière-plan est sombre : dérèglement climatique dit en quelques mots (il n’y aura plus de saison), fin annoncée du monde (la terre meurt sous son manteau), mort annoncée de l’auteur (mais si je vais au paradis), l’humour ne perd pas ses droits – comme une politesse du désespoir : humour du bestiaire proposé de la mouche du coche à la tortue, ou du casse-croute à prévoir pour aller au paradis.  Au final, le dernier quatrain fait résonner le recueil comme un bilan ou un témoignage, une façon de tirer sa révérence à l’issue d’une vie qui peut englober la totalité du monde :
j’aurai franchi les paysages
comme un oiseau dans ses voyages
j’aurai connu la terre entière
et j’aurai vu toutes les mers

Cet autoportrait d’un être qui se rebelle contre la violence du monde et l’indifférence est superbement illustré par Didier Cros, avec un noir et blanc plus noir que blanc qui exprime l’inquiétude.

Les Moustiques

Les Moustiques
Maram al Masri
Editions du Centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux – Collection Petit Va ! 2015

Métaphoriques moustiques

C’est une histoire simple : une narratrice qui n’arrive pas à se débarrasser d’un moustique, malgré les produits chimiques. Que faire lorsque d’autres moustiques, plus gros, plus nombreux, arrivent ?

Les onomatopées pichipchip pourront amuser le jeune enfant, et la situation, banale et exaspérante, évoquer pour les plus grands des nuits d’insomnie. Pourtant l’ouvrage est plus inquiétant.  Des  triangles noirs, de plus en plus nombreux, envahissent la page de gauche, tandis que le texte occupe la page de droite. Poésie en prose, qui dit le monde, et invite à rechercher la signification de ces moustiques encombrants dont rien ne vient à bout. Cependant le champ lexical de la guerre et de la paix envahit en fait le texte : je l’ai menacé de fortes frappes,  la paix qui allait s’installer, une armée de moustiques, une tactique de guerre, champ de bataille. Si ce champ lexical livre une des significations possibles du poème, il ne les épuise pas. Interrogations de la narratrice, qui se demande que faire lorsque la guerre menace : agir comme les soldats et devenir moustique, ou rester humain et attendre ?  De quelle guerre ou lutte  s’agit-il ? Pendant un temps, ma révolution a réussi…  ce fragment ouvre à une autre signification : il ne s’agirait alors plus de guerre, mais de lutte contre un oppresseur, des  printemps arabes ? A moins que ces moustiques ne soient notre part obscure contre laquelle on cherche à lutter ? Le texte laisse ouvertes ses significations, ses interprétations, et se clôt avec pessimisme sur la victoire des moustiques, en dépit des frappes contre eux. Le plafond devient alors un champ de bataille,
ciel constellé d’étoiles noires
noires.

L’auteure, Maram Al-Masri, est une poétesse d’origine syrienne : avec des mots simples elle dit la soif de liberté, l’oppression omniprésente, et le chaos envahissant.

J’atteste contre la barbarie

J’atteste contre la barbarie
Abdellatif Laâbi, Zaü, Alain Serres (dossier sur le terrorisme)
Rue du monde, 2015

J’atteste qu’il n’y a d’Être humain que celui dont le Cœur tremble d’amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux
que pour lui même
Liberté
Paix
Dignité

Par Anne-Marie Mercier

jatteste contre la barbarieAprès les attentats de 2015, ceux de janvier qui ont visé la rédaction du journal Charlie-Hebdo, ceux de novembre dirigés contre le Bataclan, le stade de France, des terrasses de cafés parisiens, des passants… Alain Serres a publié dans la maison d’éditions qu’il dirige, le poème d’Abdellatif Laâbi complété par un dossier expliquant aux enfants les évènements, leur contexte, comment et pourquoi réagir à ces actes. Le massacre de Nice le 14 juillet 2016, l’assassinat d’un prêtre commis dans une église un peu plus tard maintiennent ce livre dans une actualité brûlante. Les enseignants et parents qui souhaitent trouver un support pour parler de ces questions trouveront ici un ouvrage à la fois beau, bon et vrai : utile.

Abdellatif Laâbi, poète né au Maroc, emprisonné dans son pays pour avoir parlé trop librement, prix Goncourt de la poésie en 2009, dit en quelques lignes, écrites le 10 janvier 2015, avec des mots simples, ce que c’est qu’être un homme revendiquant son humanité. C’est un appel à la paix, au dialogue, à l’effort pour être à la hauteur de cette déclaration. Zaü a rendu visibles et compréhensibles à travers de beaux symboles ces idées qui pourraient sembler très générales et lointaines.

Le dossier d’Alain Serres est concis et complet : rappel des événements et des réactions qu’ils ont suscitées, du contexte géopolitique (avec une carte), analyses : la religion est un prétexte qui cache d’autres mobiles, conseils ; on peut être en désaccord avec la façon de vivre ou de penser des autres, mais c’est avec des mots – ou des dessins – qu’on doit l’exprimer ; les extrémistes qui se réclament de la religion musulmane remettent en cause le statut de la femme, les libertés, la laïcité et ne sont pas tous les musulmans… le terrorisme ne vise pas que la France : l’Algérie, le Liban, L’Egypte, le Nigeria, l’Irak, la Syrie… sont aussi des cibles, et plus encore.

Fidèle aux idées de Rue de monde, Alain Serres lance un appel à la jeunesse, source d’espoir : les nouvelles générations sauront développer un monde où il fera bon vivre, ensemble.

Ecouter l’émission de France-culture : Abdellatif Laâbi : La poésie en réponse à la barbarie (janvier 2016)

 

Têtes de bulles

Têtes de bulles
Alain Serres, Martin Jarrie
Rue du monde, 2015

Pensées visibles et invisibles

 Par Anne-Marie Mercier

Têtes de bullesQu’y a-t-il dans la tête d’un enfant avant qu’il sache formuler clairement ses idées, les mettre en mots ?

C’est à cette question que répondent les belles images de Martin Jarrie : les formes de têtes renferment tantôt des fleurs, tantôt des animaux inquiétants, des labyrinthes, des explosions ou des parcours fluides, des projets, des désirs, jusqu’aux derniers de ces désirs : apprendre à lire et à écrire, « dans les langues des tous les peuples qui entourent mon pays ».
Le texte d’Alain Serres, dans des bulles, exprime idées et émotions en termes simples et riches, souvent imagés : les idées poussent comme des plantes, se développent, minent parfois, il suffit d’attendre pour qu’une autre, plus heureuse survienne. Dans la tête des grands, est-ce si différent ?