Le tueur d’écume

 Le Tueur d’écume
Michel Honaker
Rageot  2015,

 

 A la poursuite du bateau fantôme

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

le tueur d'écume image Cliff, jeune héritier américain a fait naufrage avec son voilier et a perdu son meilleur ami disparu en mer. En fait, il raconte aux autorités avoir été attaqué par un super tanker, mais sur les radars, ce bateau démesuré n’a pas été repéré,  donc personne ne le croit.

Sauf un avocat Argill,  payé par un mystérieux commanditaire qui réunit une équipe ultra compétente pour partir à la recherche de ce bateau mystérieux ; dans l’équipe, on retrouve Cliff pour ses compétences de marin et Amber, jeune et jolie amérindienne qui a gardé de ses ancêtres le don de lire les sillages dans la mer, c’est à dire de retrouver la trace d’ un navire plusieurs jours après son passage.

Conduite par le capitaine Karras, le groupe part en mer.

Ce roman est donc un mélange de roman d’aventures maritimes,  de récit sur les croyances des Indiens d’Amérique, et de roman fantastique,  car le super tanker, au fur et à mesure des pages, devient de plus en plus fantomatique rejoignant la lignée mythique de tous les navires fantômes qui hantent les cauchemars des marins.

Le suspens de l’aventure est parfait et s’y ajoute la question de la relation entre Amber et Cliff, deux jeunes beaux et forts, qu’elle sera-t-elle?

 

Le Merveilleux

Le Merveilleux
Jean-François Chabas
(Les Grandes Personnes), 2014

Merveilleux/fantastique/étrange…

Par Anne-Marie Mercier

le merveilleuxLe « Merveilleux » de cette histoire, c’est un objet bien « réel » si on peut dire cela d’un objet romanesque ; c’est le nom que son découvreur à donné à une pierre précieuse, un saphir, minerai de la famille des corindons : «  espèce minérale composée d’alumine anhydre cristallisé, de formule Al2O3 et aussi parfois noté α-Al2O3 avec des traces de fer, de titane, de chrome, de manganèse, de nickel, de vanadium et de silicium ». Les corindons sont presque aussi durs que le diamant et sont donc d’excellents outils d’aiguisage des métaux.

C’est cette perspective qui irrigue les premières pages du roman : dans les montagnes du Cachemire indien, un vieux forgeron part, sans attendre la fonte totale des neiges, à la recherche de nouveaux outils. Il trouve une pierre énorme et revient à sa forge en risquant sa vie à plusieurs reprises, ne sachant pas si ces dangers sont un signe de malédiction ou si le fait qu’il en réchappe de justesse soit un signe de bénédiction. Ces premières pages sont belles, mêlant la vie du vieil homme (travaux, société, deuils, religion…) avec son parcours dans un décor naturel sauvage jusqu’à la découverte de la pierre, inquiétante et « merveilleuse » qui semble le fasciner de manière diabolique. C’est un homme droit : dans sa vie, « il n’y avait que des devoirs et chaque droit avait un prix ». Le restera-t-il ?

La suite du récit est moins poétique, plus aventureuse, et plus subjective : la pierre change de main, et chaque nouveau propriétaire prend la parole à son tour, ou capte un point de vue, un peu comme dans le film d’Ophüls, La Ronde, tiré de la pièce d’A. Schnitzler. Le second a une place importante, à travers un récit par lettres dans lequel il raconte son voyage en Inde, les circonstances dans lesquelles il a trouvé la pierre, puis son retour, riche, en Angleterre. Bizarrement, sa personnalité, ou du moins ce qu’il exprime dans ces lettres (on ne saisit pas bien pourquoi : son correspondant est son meilleur et seul ami), se modifie : il passe du langage de l’abruti parfait et sûr de la supériorité des occidentaux à des interrogations, puis à une réflexion plus nuancée qui aboutit à la décision de vendre la pierre à un prix moyen pour repartir vivre en Inde. Le « merveilleux » serait-il ce qui nous change, une force (celle du récit de fiction pour enfant, « positif » ?), qui permet à chacun de devenir autre, d’être muri en profondeur par des rencontres et des épreuves ?

Pour les personnages suivants, cette force joue dans un sens inverse en exacerbant leurs défauts, les poussant à l’humiliation, au meurtre, au vol, ou conduisant les plus purs à la faute. La pierre semble provoquer la mort dans des circonstances violentes (même pour un brochet qui avait déjoué toutes les ruses des pêcheurs : il se fait prendre après avoir avalé la pierre).

La fascination du bleu pur, le désir de richesse ou de pouvoir, tout cela se mêle dans une diabolique « ronde » dont on n’a pas la fin, à moins de considérer comme telle celle du forgeron qui clôt ce livre. On ne sait à quel point ce récit est bancal délibérément ; il laisse néanmoins une impression de radicale étrangeté et joue avec les catégories avec brio.

La Fille qui navigua autour de Féerie dans un bateau construit de ses propres mains

La Fille qui navigua autour de Féerie dans un bateau construit de ses propres mains
Catherynne M. Valente
Traduit (Etats-Unis) par Laurent Philibert-Caillat
Illustrations d’Ana Juan
Balivernes, 2015

Sur la mer des histoires

Par Anne-Marie Mercier

Quelle bellCouvRVB_LaFilleQuiNaviguaAutourDeFeerie_10cme surprise et quels merveilleux moments de lectures ! « Moments » est au pluriel car c’est un livre qui se déguste, qui infuse, qu’on n’a pas envie de finir, enfin un livre rare. Cela ne signifie pas qu’il n’a pas d’intrigue : l’héroïne, une fois enlevée sur les ailes du vent vert, fuyant les « tasses à thé roses et jaunes et les petits chiens affables », a bien des obstacles à surmonter pour entrer dans Féérie, retrouver des objets perdus par des sorcières, résoudre des énigmes, sauver ses amis échapper aux manipulations de la Marquise tyrannique qui règne sur ce monde, retrouver la bonne Reine mauve (à moins que les deux n’en soient qu’une), et tout simplement survivre à de nombreux dangers, le pire étant représenté par la forêt d’automne qui la transforme un temps en arbre mourant, se dépouillant peu à peu de ses feuilles et de ses branches.

L’héroïne s’appelle Septembre, elle porte une robe orange, et la veste verte laissée par le vent. Une atmosphère automnale domine: nostalgie des choses au moment où elles étaient dans tout leur éclat, impression d’une fin imminente… Les amis qu’elle rencontre sont étonnants et tous en quête d’un objet ou d’un être perdu : la merveilleuse Lessive qui vous plonge dans des bains qui vous lavent du passé et vous insufflent du courage, le surprenant Vouivriothèque, A-à-L, mélange de vouivre (proche du dragon) et de bibliothèque, qui sait tout ce qui dépend des mots de la première moitié de l’alphabet, un garçon de pierre bleu…

Si le livre est épais, il peut se lire en étape ; chaque chapitre est consacré à la découverte d’un monde et de la logique surprenante, de ses habitants étranges. Il y a beaucoup de l’univers d’Alice, de nombreux clins d’œil, comme à celui de Lewis (un placard permet de passer entre les mondes), mais aussi un grand nombre d’inventions surprenantes et poétiques. Poétique aussi le style, avec une traduction merveilleuse qui crée un rythme, une musique prenante. Quant aux illustrations elles sont à la hauteur du livre, originales, touchantes, un peu grinçantes… elles sont entre Rébecca Dautremer et  Teniel, proprement merveilleuses.

A conseiller à tous les amateurs de féérie un peu cruelle et décalée, petits et grands !

 

 

 

Red Queen

Red Queen
Victoria Aveyard
Le Masque (MsK), 2015

Super Cendrillon, ou la mort de la littérature

Par Anne-Marie Mercier

Pour écrire red queence récit de fantasy, l’auteur, dont c’est le premier roman, a bénéficié de nombreux conseils, si l’on en croit la page de remerciements, fort longue, qui le clôt. Le résultat laisse perplexe : des dialogues creux ou niais, des vraisemblances acrobatiques (même dans ce genre il en faut un minimum) et de nombreuses redites rendent sa lecture fastidieuse, et le personnage principal, une adolescente plus « ado » que nature et pourtant investie d’une mission cruciale ne donne pas envie de la suivre tant la narration qu’elle assume donne d’importance à son petit égo stupide, boursoufflé et autocentré.

Mais on se souvient que dans d’autres séries (celle d’Allie Condie par exemple) on avait cru comprendre que c’était un procédé qui permettait de montrer l’aliénation du début pour mettre en valeur l’épanouissement intellectuel et moral du personnage. Alors, on va un peu plus loin ; on fait comme les lecteurs pressés, une fois la patience épuisée, on saute des pages pour voir où ça mène… Et on se félicite d’avoir pu aller au bout de l’entreprise, voici pourquoi:

En résumé : on se situe dans un monde post-cataclysmique : l’humanité est divisée en deux catégories, celle des « Rouges » (qui ressemblent à l’humanité ordinaire), misérables, soumis à la conscription dans une guerre sans fin avec l’état voisin et exploités avec férocité par l’autre groupe, celui des « Argents » au sang… argent qui vivent dans le luxe et ont, selon leur famille, divers pouvoirs (invisibilité, télépathie, maîtrise de l’eau, du feu, de l’air…) qui les rendent quasi invincibles. Ce côté binaire est souvent exploité en dystopie, il est mis en évidence par le ressassement de la narratrice qui à longueur de page explique combien et pourquoi elle hait ces dominateurs – on devine assez vite que cette haine a une importance pour le récit. La narratrice, rouge, est sans talent particulier ni aptitude pour un travail quelconque, elle vole pour aider sa famille et ne se fait jamais prendre tant elle est astucieuse et agile, soit – on se demande à quoi servent les super pouvoirs de la police.

Elle se trouve par une suite de hasards (providentiels) serveuse au château justement lors de la fête du choix des épouses pour les deux princes. Par accident, elle dévoile qu’elle possède un pouvoir qu’elle ignorait (elle maîtrise l’électricité, ce qui est autrement moderne que de manipuler l’un des quatre éléments) et est immédiatement fiancée au plus jeune des princes. Vu le titre, on ne peut que s’inquiéter pour la survie de son aîné, ou pour la fidélité de sa mie, et on a raison sur les deux tableaux : cette jeune fille dont on nous dit qu’elle est tout à fait quelconque est convoitée par trois jeunes hommes (deux princes et un argent, ami d’enfance : un de plus que dans Twilight, tout de même !) tous bien déterminés, et elle est intéressée par chacun sans que cela soit dit nettement. Donc intrigue sentimentale éculée, personnage type de roman à l’eau de rose, passons, le concentré – pour ne pas dire la surenchère – en lui-même est intéressant.

Le côté original du roman tient dans ses décors, pas très originaux, mais mouvants, à l’image de ceux d’un jeu vidéo semé d’embûches ou d’un parcours d’obstacle comme ceux qui ont été popularisés par les films sur Indiana Jones. Il tient aussi à son action, même si le lecteur habitué aux ficelles les voit assez vite : la pauvre Cendrillon, non seulement doit porter des robes de princesse et suivre des cours de maintien (las !) mais elle affronte un monde cruel où tous les coups sont permis, et où faire souffrir autrui est un délice : les sœurs de Cendrillon sont cent, et elles sont dans le palais. Les multiples scènes de combat mettant en jeu les pouvoirs des Argents et la petite débutante qui doit apprendre à contrôler le sien (autre topos) feraient de belles scènes pour un film à effets spéciaux, avec non plus quatre mais une douzaine de types de « fantastiques » des studios Marvel.

On finit par comprendre qu’on cherchait de la littérature, ou du moins du roman, des personnages, des enjeux, là où il y a avant tout un scenario de film ou de jeu vidéo, pas mal au demeurant : mais alors, pourquoi gâcher tant de papier ?

 

Les mondes de l’alliance

Les mondes de l’alliance
David Moitet
Didier jeunesse, 2014-2015

Les mondes de l'allianceC’est toujours un événement lorsque paraît une trilogie de science fiction française : on attend de bonnes surprises, de l’originalité, tant ce domaine est dominé par les grandes machines éditoriales  » anglo-saxonnes « . Meto, par exemple, avait été une bonne surprise. Mais on ne peut s’empêcher d’être un peu déçu face à cette nouvelle série, même si elle reste dans une bonne moyenne.

David Moitet a un réel talent pour inventer des histoires, il a créé un monde cohérent, original et intéressant, il manie les allusions à Star Wars avec discrétion et humour. Mais, mais… l’écriture pose vraiment problème. Il aurait fallu supprimer  les clichés, les adjectifs ou adverbes inutiles, les dialogues insipides et faux.

Les mondes de l'alliance2Il est vrai que beaucoup de romans ados sont écrits ainsi, comme si imiter le style d’un narrateur débutant, puisque la plupart de ces romans sont écrits à la première personne, devait rendre l’histoire plus crédible. Ici, le narrateur étant extérieur à l’histoire, il n’avait pas cette justification et cela gâche en grande partie le plaisir.

C’est d’autant plus regrettable que tous les ingrédients d’une bonne historie de science fiction étaient réunis. Un monde post apocalyptique a réuni dans une Alliance apparemment démocratique les trois espèces pensantes de l’univers, humains, tauriens (énormes, proches du Minotaure) et régaliens (insectes géants sans émotions et très forts en informatique…). Les deux héros, orphelins comme il se doit, un garçon et une fille, jumeaux, sont élèves à l’académie militaire et y font des tâches ménagère pour payer leurs études, méprisés par certains de leurs camarades. Pendant la nuit, ils s’entraînent : mystérieusement, le placard de leur chambre donne accès aux salles de simulatiLes mondes de l'alliance3on – et deviennent ainsi l’un un combattant redoutable, notamment avec le sabre que lui a laissé son père, l’autre une pilote d’avion de chasse experte. Très vite, ils seront embarqués dans de multiples aventures dans lesquelles ils se trouveront dans des conflits de loyauté terribles : l’ennemi n’est pas celui qu’ils ont cru d’abord.

D’un volume à l’autre, la lecture se fait plus fluide, les situations se complexifient.. finalement, ce n’est pas mal du tout !

Les Pozzi, 10

Les Pozzi, t. 10 (Pozzi)
Brigitte Smadja
L’école des loisirs (Mouche), 2015

La fin d’une série-fleuve

Par Anne-Marie Mercier

Les Pozzi, t. 10 (Pozzi)Voici le dixième volume, enfin ! Non qu’on se lassait, mais l’intrigue au fil du temps devenait un peu ténue et il fallait tout le charme de ce petit monde auquel on avait fini par être sensible (après un début un peu réticent) pour rester attentif aux sorties de nouveaux épisodes.

Fin où tout est expliqué, une sorte de genèse en forme de conclusion : on apprend d’où viennent les Pozzi, leur rapport avec le Lailleurs, l’origine de la guerre… Tout cela ressemble beaucoup à nos mythes, avec le thème des frères ennemis, de l’enfant livré au flots, et ce petit monde prend une allure autre tout à coup.

Voir sur les tomes précédents

Terre-Dargon, t. 3 : Les sortilèges du vent

Terre-Dargon, t. 3 : Les sortilèges du vent
Erik L’Homme
Gallimard jeunesse, 2015

Terre-Dargon, t. 3 - Les sortilèges du ventFin de la trilogie : On retrouve les aventures des trois camarades, le barde débutant, le garçon ours, et l’apprenti sorcière, accompagnés d’un vieux sorcier et s’affrontant à de multiples ennemis dont on ne sait trop ce qu’ils cherchent, les uns tentant de les entrainer à l’est, d’autres à l’ouest, certains cherchant à les tuer, d’autres à les utiliser on ne sait pour quoi… Pour couronner le tout, l’écriture garde le parti-pris d’une narration alternée et l’on se disperse, d’un court chapitre consacré à l’un des héros, à un autre sur l’un de ses amis embarqué dans une toute autre affaire (apparemment), etc.

Tout s’éclaircit dans ce dernier tome où les actions divergentes jusqu’ici se nouent en une intrigue unique. Complots, magie, prophétie, dragon, métamorphoses, tous les ingrédients qui font rêver les amateurs de fantasy sont réunis.

Plus de morts que de vivants

Plus de morts que de vivants
Guillaume Guéraud
Rouergue doado noir 2015

Coronavirus au collège

Par Michel Driol

plusmortsvivantsVeille de vacances scolaires, au collège Rosa Parks, à Marseille. Plusieurs élèves sont pris de maux étranges qui créent d’inquiétantes lésions, puis la mort. Les équipes de secours arrivent, le plan Orsec est déclenché. Petit à petit l’hécatombe grandit, élèves et adultes meurent de façon de plus en plus terrifiante. Tout le monde est confiné au collège : pour combien de temps ? Certains pourront-ils survivre ?

Voilà un roman qu’on lit d’une traite et qui ne vous lâche pas.  D’abord en raison du thème et de son traitement : la mort qui frappe, en masse, une collectivité d’ados, avec leurs espoirs (la danse, la musique), sans distinction entre les bons élèves, les absentéistes chroniques, les provocateurs, les amoureux… On songe, bien sûr, au Hussard sur le toit, au Journal de l’Année de la Peste à Londres de Defoe, voire à la Peste de Camus qui évoquent le même type de situation. Quelles réactions, à l’heure des téléphones portables et des réseaux sociaux, face à ce que l’on pressent comme inéluctable ? la volonté de protéger son petit frère, de ne  pas le quitter, le souhait de retrouver et d’embrasser celle qu’on aime, même si elle est atteinte, la modification ou pas des relations avec les professeurs… Plus le temps passe et plus la peur croît, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, face à quelque chose que personne ne peut contrôler. A l’heure des attentats, des massacres de lycéens dans les écoles aux Etats-Unis, ce coronavirus apparait comme une métaphore d’un mal qui ronge notre société, dont la conséquence est que, à tout moment, quelque chose peut surgir qui fait que le regard sur soi-même et sur le monde s’en retrouve modifié, et qu’on regarde, avec inquiétude, les scènes anodines de la vie qui nous entoure.

L’écriture est précise et travaillée : entre phrases très courtes et phrases longues, entre répétitions des sujets et assemblages  de trois verbes ou adjectifs, la langue sait être expressive. Par ailleurs, le récit à la troisième personne alterne avec des séquences de nature différente : notes du principal, échanges de SMS, conversations téléphoniques, chroniques radio, faisant entrer d’une certaine façon l’extérieur dans le huis-clos que constitue le collège. L’esthétique de la mort dans ce qu’elle a de plus horrible (descriptions des souffrances, des glaires, du sang, des cheveux qui tombent conduites avec un grand réalisme)  s’y déploie en contraste évident avec un fond de gelée blanche d’un jour d’hiver, dans un décor familier.

Un roman noir, très noir, qui marquera profondément ses lecteurs, les surprendra sans doute et les incitera à échanger sur leurs réactions.

Terre-Dragon, vol.2

Terre-Dragon, vol.2: le chant du fleuve
Erik L’Homme
Gallimard jeunesse, 2015

Au fil de l’eau

Par Anne-Marie Mercier

TerreDragonvol.2On retrouve l’imaginaire d’Erik L’Homme, tel qu’il avait développé dans l’oeuvre qui l’a fait connaître, Le Livre des étoiles : des héros qui ont des pouvoirs mais ont du mal à les maîtriser, une figure paternelle lointaine en la personne d’un vieux sorcier, des poursuites, des combats, menés parfois parallèlement par chacun des personnages… Et tout cela dans un monde tantôt désertique tantôt aquatique, peuplé de monstres et de civilisations étranges, à la technologie et aux croyances teintées de médiévalisme. Tout cela n’exclut pas l’humour et la poésie notamment celle que développe l’apprenti barde du groupe. Autre point de similitude, les runes magiques, dont le volume fournit un glossaire.
Après A comme association, qui poussait la parodie et l’usage des clichés ou des contre-clichés à son paroxysme, on peut se réjouir de voir revenir la veine précédente, qui avait une originalité et une cohérence intéressantes.

La Louve

La Louve
Clémentine Beauvais
Alice jeunesse (Histoires comme ça), 2014

Conte ancien et moderne

Par Anne-Marie Mercier

La LouveMêlant des thèmes courants en littérature de jeunesse, Clémentine Beauvais a réussi à élaborer une histoire originale, prenante, aux personnages attachants.

C’est une histoire de métamorphose, mais celle-ci n’est explicite qu’à la fin : le récit est conduit à la première personne par une enfant, Romane, qui vit dans un orphelinat. Pour sauver son amie et calmer une mère louve-sorcière en colère, elle endosse une peau de louveteau. Au fil de plusieurs tentatives d’abord infructueuses, elle est progressivement et définitivement changée. Le lecteur en est averti par quelques indices : son ouïe et son odorat qui semblent se développer, son envie de courir après des proies…

La modernité du récit fait que la métamorphose est heureuse contrairement à ce qui se passe dans les contes traditionnels : Romane trouve ainsi une famille, elle qui n’en avait pas, et le bonheur. Autre signe des temps, la malédiction de la mère louve tient non seulement au meurtre de l’une de ses filles, mais aussi à la destruction opérée par les humains dans la nature. Elle leur lance un ultimatum représenté par une colombe de glace : quand la colombe aura fondu, au bout de trois jours, une enfant doit mourir. L ‘album est rythmé par ce décompte du temps installé par la fonte de la colombe, on assiste aux atermoiements des adultes, aux trois tentatives menées par trois enfants, jusqu’au dénouement final, dans le froid et la nuit. Les illustrations jouent sur les contrastes, entre ombres et lumières, formes inabouties et achevées.

En voir plus : récompenses, articles… sur le site de l’auteure, un blog passionnant.