Les sorcières de Skelleftestad (t.2 les sœurs Swedenborg)
Jean-François Chabas
L’école des loisirs (medium), 2011
Jonglerie de stéréotypes
Par Anne-Marie Mercier
On retrouve la joyeuse et cruelle famille de sorcières (voir plus bas, pour le premier tome), la mère fantasque et ses trois filles qui dans ce volume ont atteint la maturité et peuvent commencer à exercer leurs talents. Chacune commence selon ses goûts ; l’une est branchée « chiffons » et l’autre pâtisserie (Chabas continue à s’amuser avec les stéréotypes).
L’aînée finit par accepter de s’y mettre un peu plus sérieusement et met ainsi une belle pagaille dans le village. Elle reçoit la visite du diable, impressionné par ses talents, un diable assez comique mais redoutable en réalité.
Il lui octroie la possibilité de faire un vœu et le récit obéit alors à la règle que les vœux inconsidérés tournent souvent mal : la jeune fille demande que son père, le très sot et très gentil Nils, devienne intelligent.
Cela déclenche une catastrophe. Un mâle intelligent ne peut que s’alarmer de l’indépendance des femelles de sa maisonnée (autre jeu de stéréotype…). Devant la catastrophe annoncée, elle fait tout pour l’annuler, las ! … on attend donc la suite !
Les Sorcières de Skelleftestad (t.1, l’étrange mariage de Nils Swedenborg) 2010
Mariage dérangé, série masquée
Par Anne-Marie Mercier
Le brave Nils, beau charpentier trentenaire, est tellement sot qu’aucune fille ne veut de lui. Arrive au village une belle inconnue qui tombe sous le charme, ou plutôt fait semblant, et l’épouse. Dans le temple où se déroule le mariage, il se passe de drôles de choses, la mariée est au bord du malaise. Par la suite, elle évite tout le monde, met au monde des filles de trois mois en trois mois… Bref, seul Nils ne se rend compte de rien et c’est pour cela que la belle Ingrid l’a épousé.  Comme toutes les sorcières, elle peut « pondre » (c’est le mot, elles naissent dans des œufs) des filles et les élever sans que quiconque (hors les femmes du village, des vilaines jalouses) la soupçonne. Elle peut aussi les laisser à leur père pour voyager et faire ses diableries. On ne sait s’il faut y lire une condamnation du féminisme ou un jeu avec les stéréotypes (peut-être le premier car cette Ingrid est vraiment insupportable). Par ailleurs, ce n’est pas très respectueux d’avoir donné à ce charmant abruti de Nils le nom de Swedenborg, le « prophète du nord », grand savant spiritualiste  respecté de Balzac…L’histoire est racontée sur un ton désapprobateur par la fille ainée qui a appris récemment le fond de l’affaire. Lorsque le  livre s’achève, elle a seize ans et elle a déclaré à sa mère qu’elle ne serait jamais sorcière comme elle. On devine la suite… On ne peut d’ailleurs rien faire d’autre que deviner, car l’histoire s’arrête au moment où elle commence. On retrouve ici cette manie des séries dans laquelle est tombée lrécemment l’école des loisirs (« tu quoque »…) avec Sorcier! de Moka, et tout récemment chroniqué sur ce blog. Les Pozzis de Brigitte Smadja. Couper les histoires en épisodes sans nécessité (ce premier tome, pour un ouvrage de la collection « medium » est mince, une petite centaine de pages) est une formule commerciale qui ne sert pas toujours les oeuvres. Quoique… le sous titre dans l’encadré jaune (voir l’image ci-dessus) qui indique que c’est le premier volume d’une série est si illisible qu’on a l’impression d’une action honteuse… Alors, où en est-on à l’école des loisirs? Il reste que le ton est alerte et sarcastique et que le récit est cocasse et plaisant à lire. Chabas réussit vraiment dans tout ce qu’il touche car il est ici dans un genre assez nouveau. Pour l’instant ça fonctionne… A suivre !
			
Il y avait la veine Enfant Océan, réécriture de conte, la veine Harry Potter, mixage de mythes et de « collège novel », Twilight qui faisait se rencontrer « collège novel » et vampires… Victor Dixen arrive à faire mieux encore, en mélangeant tous ces ingrédients dans un roman étonnant, haletant et poétique.
Le projet de Nathalie Le Gendre est intéressant sans être tout à fait neuf : écrire un roman proche de la SF tout en décrivant une société primitive ; présenter une société matriarcale dans laquelle les filles ont à faire des choix douloureux : être chef de Clan ou guérisseuse, se marier ou non selon ce choix… tandis que les hommes vivent dans une médiocrité soumise et respectueuse. C’est évidemment un roman féministe. Le mâle qui cherche à briser cet ordre qu’il trouve injuste est un vil traître, soit. On peut dire que c’est un retournement radical, assez manichéen mais la littérature militante aime cela.
Les aventures de Lancelot sont ici racontées en langue moderne, de façon très explicite, un peu trop pour ceux qui ont en mémoire le texte original. Certes, il est plein de suspens, d’aventures et d’amour (l’histoire racontée l’est en elle-même) mais la modernisation gomme l’étrangeté du récit et ce qui est magie devient fantastique, ce qui est poésie est ramené à une certaine rationalité, la religiosité est gommée.
… C’est la question que pose ce roman de social fiction étonnant. Lena vit depuis 17 ans à Portland, dans un futur indistinct caractérisé par une vie aux normes basées sur l’éradication d’un terrible fléau qui a ravagé le monde, « l’Amor Deliria Nervosa ». Pour que la terrible fin de Roméo et Juliette (lu en cours de santé pour l’édification des élèves !) n’incombe pas aux citoyens américains, chacun subit le Protocole à 18 ans, opération consistant à éradiquer définitivement les sentiments du cerveau. Ainsi, les jeunes adultes accèdent au statut d’Invulnérable. Lors de l’Evaluation, chacun est « soupesé » afin de se voir proposer un appariement, pour se marier, trouver un travail et avoir des enfant, le tout dans sa classe sociale. 
Premiers romans de Sarah Prineas, qui vit dans l’Iowa et pense qu’elle a écrit pour des adolescents et jeunes adultes, cette nouvelle série est si prudente qu’elle peut être donnée à lire à de plus jeunes encore. La maison Gallimard ne s’y est pas trompée et a choisi d’illustrer abondamment le texte (dessins de Antonio Javier Caparo).
Les deux derniers volumes de la série sont portés par l’ombre de la disparition de Pierre Bottero, mort dans un accident de moto en 2009. De façon assez sidérante, le volume 4 se clôt sur le départ d’Ombe et de Jasper pour une virée en moto, eux qui se définissent mutuellement « sans casque » et sans  prudence. Le livre s’achève sur ces mot : « la vie mérite d’être vécue. Toujours. »
Dans le 5e volume, Eric Lhomme prend acte de la disparition de son coéquipier et ami : Ombe est morte, ne reste que Jasper, décidé à la venger. Ce roman, hanté par la disparition, peine à prendre son rythme. Il est parasité par les interventions continuelles d’Ombe dans la tête de Jasper et parfois par une contamination du style oral d’Ombe. Il est aussi un peu trop répétitif (trop de passages d’invocations magiques), très morbide ; enfin, il a des allures de roman de deuil, de ressassement. Ce n’est que vers la fin qu’il parvient à prendre une véritable consistance en introduisant de la complexité et en suggérant un nouveau départ, comme si le deuil avait fait son travail. A suivre, donc ?
Dans un premier temps, on se dit qu’il est irritant de trouver autant de clichés linguistiques ou situationnels dès les premières pages d’un roman. Puis, on se dit que c’est curieux qu’il y en ait autant et que c’est sans doute un reflet de la situation de la jeune narratrice, une adolescente sans problèmes. Elle n’a aucun recul critique face à la société parfaite dans laquelle elle vit, heureuse ; elle semble ne rien savoir de ce qui se passe autour d’elle. Comme le beau montage photographique de la couverture le suggère, elle est prise dans une bulle, un lieu, un moment et rien ne vient suggérer qu’il puisse y avoir autre chose que la continuation de cet état. Et de fait, au cours de la lecture, les clichés disparaissent, laissant la place à une écriture qui cherche à dire les progrès de l’intelligence et à éclaircir autant que possible la confusion des sentiments.

La première moitié du livre est très bonne, le premier quart excellent. L’action se situe dans un Londres du futur dévasté par la guerre et par les recherches que les Vlads (avatars des Soviétiques ?) imposent à la population : il s’agit, ni plus ni moins, de démolir la ville, pierre par pierre, pour retrouver un mystérieux artefact, censé détenir des pouvoirs immenses et bénéfiques. A la manœuvre, les « excaves », dont font partie les héros : Cass, nouvelle Gavroche, et son frère Wilbur qui, à huit ans, fait preuve d’une intelligence hors norme. Il est persuadé qu’il peut deviner où est l’artefact et se fonde, pour le chercher, sur des indices qu’il puise dans d’anciennes bandes dessinées enfouies dans les ruines des maisons qu’il aide à abattre. C’est ainsi qu’un jour, il se retrouve suspendu à une des aiguilles de Big Ben : sa sœur le sauvera avec l’aide d’un être mystérieux qu’elle surnomme d’abord Pyjama Boy, à cause de sa tenue, et qui s’avérera être Peyto, venu d’une autre planète. Bien sûr, Peyto a un lien étroit avec l’artefact.