Un, Deux, Rois

Un, Deux, Rois
Nathalie Papin
Théâtre l’école des loisirs, 2012

« Un roi Toc TocToc ! Vous pouvez entrer ! »

Par Carole Tackenberg, master MESFC Saint-Etienne

UndeuxroisPremière impression : quel drôle de pays ! Cette pièce de théâtre  nous emmène dans un monde fou, peuplé de Rois, devenus Rois grâce au faiseur de couronnes. Ces Rois de tout et de Rien créent leur royaume comme ils l’entendent, jouant avec l’architecture et les gens.

Et ce pauvre petit garçon qui cherche son grand père ! Quelle recherche difficile ! D’autant plus que ce grand père était le Roi de Rien et qu’il a disparu sans laisser de trace ! La recherche de l’enfant l’amène auprès du Roi Toc, devenu Roi grâce à sa couronne sur mesure, en toc. Cet individu farfelu ne va pas aider et devient même Toc TocToc !

Notre imaginaire est bien mis à contribution et ce texte ne demande qu’à être joué pour prendre vie. Les dialogues sont prenant et, sur un ton de comédie, présentent des questions de société : et si nous, nous fabriquions des gens ?

Cette pièce déroutante nous donne à voir un pays dans lequel l’enfant roi a une place d’honneur et où l’oralité est maitresse. De la couronne aux royaumes, c’ notre imagination  nous fait voyager et découvrir un monde de personnages attachants, loin des normes classiques.

Pierre Gripari : oeuvres

Pierre Gripari
Sept farces pour écoliers
Illustrations de  Till Charlier

Contes de la folie Méricourt
Illustrations de Serge Bloch

Contes d’ailleurs et d’autre part
Illustrations de Guillaume Long
Grasset, 2012

Petite bibliothèque et grands plaisirs

Par Anne-Marie Mercier

Vous le voulez comment, Le Marchand de fessées? En conte? Allez voir à la Folie Méricourt. En théâtre? C’est dans les farces pour écoliers. La truculence de Pierre Gripari son insolence et son goût de la subversion fonctionnent à plein dans ces titres, moins connus que les contes de la rue Broca, mais tout aussi drôles et inventifs. Les contes français, russes, grecs… sont revisités; les sorcières ont de multiples rôles, les enfants sont vifs et rusé.

On trouve quelques surprises : conte en forme d’échelle (Nanasse et Gigantet), conte à la table des matières rimée (Petite soeur, où l’on montre qu’on peut être fille et courageuse comme un prince). Les farces se disent au téléphone ou dans un bureau (entre Lui et Elle), on assiste au dialogue d’une famille avec la télé, d’un bébé avec un dieu, d’un diable avec un ange…

Chaque volume est imprimé dans une belle typographie, sur un beau papier épais et  illustré en noir et blanc de dessins proches de la caricature. De quoi monter une belle première bibliothèque d’oeuvres complètes pour une chambre d’enfant.

 Dans la même collection : Huit farces pour collégiens, Jean-Yves à qui rien n’arrive, Marelles et L’Histoire du prince Pipo, dont on reparle bientôt.

 

Petite Fille dans le noir

Petite Fille dans le noir
Suzanne Lebeau

Théâtrales jeunesse

Vivre malgré la noirceur

Par Anne-Marie Mercier

A son ami Gabriel qui lui demande au téléphone après plusieurs rendez-vous manqués « je ne suis pas un ogre […] pourquoi tu veux te sauver, Marie ? » elle répond « parce que j’ai trop de souvenirs pour être une agréable compagnie ».

Le spectateur découvre petit à petit quels sont ces cauchemars qui empêchent Marie de vivre, en voyant tantôt la fillette de 8 ans, heureuse entre une mère aimante et un père très, trop aimant, la Marie de 15 ans qui tente de se rebeller contre le père-amant, et celle de 35 ans qui n’arrive pas à nouer une relation avec un homme.

Avec beaucoup de pudeur, un inceste est  évoqué sous toutes ses couleurs : amour tendre, dévorant, destructeur du père, incompréhension et terreur de la fille. La révélation se fait peu à peu et on est à la fois au côté de Marie et, lorsqu’elle est au téléphone, du côté de ses amis de bon conseil incapables de l’aider. Lumières et ombres alternent jusqu’à un happy end possible, mais incertain, quand Marie l’adulte parle à Marie adolescente de l’impossibilité d’oublier et de son désir de vivre malgré tout. L’écriture de Suzanne Lebeau est comme toujours, simple et bouleversante.

2084

2084
Philippe Dorin
l’école des loisirs (théâtre), 2012

Marionnettes du futur

par Anne-Marie Mercier

Voilà que le théâtre, et encore mieux, le théâtre de marionnettes, s’empare de la science-fiction. Le fait est assez rare pour que l’entreprise soit belle en elle-même. Mais, mieux encore, ce recueil est un régal d’originalité et d’humour.

Ces saynètes courtes, (présentées en 2010 au théâtre jeune public de Strasbourg) présentent des personnages du futur (numéros, clones, personnages virtuels,…) mais aussi Têtedelard et Boutdechou, un Mozart qui se souvient d’avoir été Mozart, et quelques humains égarés : les manipulateurs. Les dialogues jouent sur l’absurde, sur les mots, sur le langage ordinaire et les langages spéciaux. L’ensemble est très drôle, plein de fantaisie et parfois de philosophie.

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres
Charles Perrault, Juliette Binet
Gallimard jeunesse (Giboulées), 2011

 Théâtre de (lampe de ) poche

Par Anne-Marie Mercier

 Boîte de jeu, livre d’activité, castelet… il y a de tout à l’intérieur de ce livre de la collection « théâtre d’ombres » : on y propose un castelet de dimensions réduites, des décors en plastique rigide transparent, des figurines de même matière pour les personnages (humains et animaux), avec même quelque gros plans hardis (une figurine entière pour le pied de Cendrillon). Une lampe de poche à dynamo est fournie : fini le cauchemar de la recherche des piles…

Un petit livre propose le conte dans le texte de Perrault, illustré d’images dans le même style (mais en couleurs pastels) et accompagné de conseils pour le jeu dramatique, seul ou en groupe, tout à fait bien venus (comprendre l’histoire avant tout, essayer de ressentir l’émotion des personnages). Pour ceux qui n’arriveraient pas à improviser, des idées de mise en scène et de « jeu d’acteurs » et un texte théâtral très court sont proposés.

Enfin, tout cela est quasiment parfait. Seul reproche : le style du texte du mode d’emploi est un peu trop relâché.

Dans la même collection on retrouvera le Petit Poucet, le Chat botté, le Petit Chaperon rouge, Ali Baba, la Belle au bois dormant et les personnages des fables.

 

Mongol

Mongol
Karin Serres

l’Ecole des Loisirs (Théâtre), 2011

Transformation réussie

par Sophie Genin

différence ; école    « Cette histoire a d’abord existé sous forme d’un roman (…). Je l’ai entièrement réécrite pour le théâtre à l’invitation de Pascale Daniel-Lacombe, du Théâtre du Rivage, qui l’a créée à l’Atrium de Dax le 24 mars 2011 » (Karin Serres). Nous pouvons remercier la metteur en scène car, si je n’ai pas lu Mongol sous forme de roman (édité en 2003), la pièce a tout des qualités de ce qui fait un texte marquant.

En effet, l’idée de départ, un quiproquo du héros, Ludovic, traité de « mongol » par Fabrice, caïd de sa classe, permet à l’auteur de nous emmener en voyage sur les traces des véritables Mongols, en particulier de celles de Gengis Khan. Jamais la visée de cette pièce n’est didactique ou moralisatrice car le jeune garçon trouve un sens à son existence dans la découverte de la langue et des traditions d’un peuple souvent méconnu. En refermant l’ouvrage, une seule envie : continuer à en découvrir plus !

On retrouve dans cette pièce au rythme rapide et dense, suivant celui de Ludovic au sein de sa famille et à l’école, par épisodes, la qualité d’une pièce pour plus jeunes : Le Petit Bonhomme vert (et le rouge!), publié aux éditions du Bonhomme Vert en 2008. En effet, l’adresse aux enfants est juste, sans non-dits, directe mais attentive. On peut alors suivre Karin Serres où bon il lui semblera de nous conduire. On se laisse emporter, suivant Ludovic, pas si « différent » que ça.

J’ai 17 pour toujours

J’ai 17 pour toujours
Jacques Descorde

l’Ecole des Loisirs (Théâtre), 2011

Coup de poing à l’estomac

par Sophie Genin

adolescence ; banlieueDeux amies sur un toit. Des séquences brèves. Très brèves. 22 en tout. Un univers noir qui espère toujours, à la Olivier Adam. Des adolescentes écorchées par la vie avant même d’avoir atteint 17 ans. Un texte difficile à suivre car basé sur les associations d’idées, voire les obsessions (comme compter le nombre de fenêtres allumées à différentes heures de la nuit, perchée sur le toit d’un immeuble-tour immense), des deux filles paumées et désabusées. Parfois les prénoms, Stella et Adèle, se brouillent et semblent s’inverser. Ce qui reste, comme goût amer, à la fin, c’est la mort mais aussi la vie.

L’écriture lapidaire, comme un uppercut, s’accompagne d’une bande-son actuelle (Portishead, Télépopmusik, Nirvana) qui la transforme en road-movie oppressant et fascinant.

Mongol

Mongol
Karin Serres
L’école des loisirs (Théâtre),

Moi ?   Différent ?….

Par Chantal Magne-Ville

mongoltheatre.aspx.gifmongolroman.gifDans cette adaptation théâtrale du roman éponyme, Karine Serres met en scène Ludovic, un enfant différent qui se fait souvent insulter par ses camarades de classe. Un jour ils le traitent de « mongol ». Le dictionnaire lui apprend qu’il s’agit d’un peuple d’Asie, et il n’a alors de cesse de trouver des informations sur ces hommes dont il découvre la culture. Il en apprend les expressions, la géographie, et rêve sur leurs noms de lieux. En s’identifiant à ces guerriers, et en tentant maladroitement d’en adopter les coutumes, il se singularise et génère l’incompréhension autour de lui. Seul le spectateur perçoit la logique de ses nouveaux comportements, ce qui fait ressortir l’inadaptation des réponses de l’entourage. Cependant Ludovic acquiert progressivement de l’assurance et parvient à tenir tête à ses persécuteurs. Les échanges sont nerveux et très percutants, mimétiques de la montée de la force intérieure du héros, dont nous partageons les conquêtes par le  point de vue interne qui prend souvent la forme de monologues décoiffants où l’humour est souvent présent ainsi que la poésie. Une œuvre attachante, pleine d’humanité, qui sait toucher tout spectateur, quel que soit son âge. La découverte de l’altérité se fait avec une très grande justesse psychologique, sans misérabilisme, délivrant un message résolument optimiste.

Même pas mort !

Même pas mort ! 
Audren
L’école des loisirs (théâtre), 2011

Dommage !

Par Michel Dieuaide

Même pas mort.gif Parler de la mort aux jeunes spectateurs avec le langage théâtral est un choix courageux. Dans une pièce intitulée « Même pas mort ! », l’auteur se risque à aborder une thématique qui engage beaucoup, quand on sait combien les adultes restent souvent sans voix devant les interrogations des enfants à ce sujet.

Audren met en jeu ses personnages dans une situation unique : l’attente des familiers d’un mort autour d’une tombe ouverte avant l’arrivée du  cercueil. Peine, frustrations, humour s’égrènent pour supporter ce sursis à l’adieu définitif, en présence de deux importuns, autoproclamés « conservateurs de bonheur », qui vont s’immiscer dans la conversation des proches du disparu.

Très vite, malheureusement, les dialogues s’évertuent à dédramatiser la situation de base et la pièce s’engouffre dans une légèreté décalée qui fait disparaître toute tension émotionnelle. Qui plus est, le mort n’est même pas mort et sa réapparition renforce la sensation que, décidément, vouloir parler de la mort ne suffit pas si l’écriture s’emploie à l’esquiver. Tous les personnages – à l’exception de Bérénice (la femme de ménage du mort) – s’échinent à prendre de la distance, perdant ainsi toute épaisseur. Ernest et Maya, les pseudo-poètes du bonheur de vivre, ressemblent à des baudruches langagières et contribuent principalement à retirer à l’écriture toute la densité que le choix initial de contenu pouvait laisser espérer. Dommage ! « Même pas mort ! » tient de la supercherie…même pas drôle !

J’ai tué mon prof !

J’ai tué mon prof !
Patrick Mosconi
Syros (mini syros), 2010

Cervelle tueuse

par Caroline Scandale

Patrick Mosconi, Syros (mini syros,Caroline Scandale,professeur,collège,)Qui n’a jamais rêvé de tuer un professeur exécré? La force de l’esprit peut-elle aider en pareilles circonstances à bouleverser le destin? Visiblement, oui… Puisque la seule volonté de Julien parvient à dégommer Lambert, dit Moustache, son prof de dessin. Oui mais voilà, le jeune garçonnet vit très mal son nouveau statut d’assassin. Il se sent infiniment coupable et part donc à la rencontre de la famille du mort pour s’excuser. Quand soudain il fait une terrifiante découverte… Et si Lambert n’était pas vraiment mort?