Le jour où j’ai osé

Le jour où j’ai osé
Claire Castillon – Orianne Charpentier – Claudine Desmarteau – Manon Fargetton – Hugo Lindenberg – Vincent Mondiot – Marion Muller-Colard – Isabelle Pandzopoulos
Gallimard Scipto 2023

S’affirmer

Par Michel Driol

Un recueil de huit nouvelles, dont les personnages sont des adolescents, et qui ont en commun de mettre en avant ce passage délicat entre l’enfance et l’âge adulte, la première décision qui compte et a un impact sur soi-même. Il n’est pas seulement question de désobéissance, mais surtout d’affirmation de soi, avec tout ce que cela comporte de difficultés. Grande fille, de Claire Castillon, évoque une adolescente avec laquelle un homme bien plus âgé aimerait avoir une relation. L’Affiche de John Wick 2, de Vincent Mondiot, raconte les relations d’un adolescent de bonne famille et de son père, autour du tennis. Dans Tu m’aimes plus, Isabelle Pandazopoulos met en scène un adolescent attaché à son père, pourtant meurtrier de sa mère. Avec Vernis noir, Hugo Lindenberg dresse le portrait d’un adolescent qui se fait les ongles avec du vernis noir. Claudine Desmarteau, dans Elle a quelle âge la puce, fait le portrait d’une adolescente trop petite pour son âge. Dans les profondeurs de Manon Fargetton aborde la pédophilie. Les Champs, d’ Orianne Charpentier, évoque deux adolescents de la campagne dans un bus scolaire, et pose la question du courage. Enfin, c’est une professeure de philo, mise en scène par  Marion Muller-Colard qui amène ses élèves à se poser la question de la désobéissance.

Bien qu’ayant de nombreux points communs (comme une énonciation souvent en je, une tranche d’âge correspondant au lycée ou juste après), ces nouvelles sont pourtant bien différentes par les milieux sociaux dans lesquels vivent les personnages et par leur façon de gérer le temps. On croise ainsi des héritiers de très haut milieu social (parents Enarques) pourtant aux prises avec la drogue, des fils d’agriculteurs, et un enfant vivant en foyer. Certaines nouvelles racontent un temps très court, l’instant de la décision, d’autres s’inscrivent sur un temps très long (de l’enfance à l’âge adulte). Les problématiques dans lesquelles s’inscrivent ces nouvelles sont aussi différentes. Souvent, il s’agit de la première fois où on dit non. Non à ses parents, non à un adulte, non à ceux qui entourent. Il s’agit en fait de l’acceptation de soi, tel qu’on est, et de l’affirmation de soi face aux autres. Il est parfois question de sexualité, d’amour, mais pas seulement, souvent d’emprise que les autres exercent et dont on parvient à se débarrasser, en osant… Curieusement, il n’est pas question d’écologie, de destruction de la planète et de prise de conscience de ces phénomènes: ce n’est pas le sujet du recueil qui se centre beaucoup sur la relation aux autres enfants ou adolescents, qui est aussi abordée dans sa complexité : entre indifférence et hostilité, amitié complice et propos éclairants. Cette diversité montre à quel point le regard des pairs sur chacun est déterminant, à un âge où l’on se cherche, où on a perdu certains repères, avant d’en construire d’autres. On apprécie la construction du recueil, qui fait alterner les situations, jusqu’à la nouvelle finale, Désobéir, qui, tout en conservant son caractère narratif, présente un aspect plus philosophique, à travers l’évocation des écrits d’Hannah Arendt sur le procès Eichmann, et conduit à s’interroger sur la nécessité – et la capacité – de dire non, alors que les 18 premières années de la vie ont été l’incitation à obéir…

Un recueil à forte dimension psychologique, qui réunit des nouvelles autour d’une même question, pour montrer des adolescents effectuant leurs premières prises de conscience et leurs premières vraies révoltes.

C’est qui les méchants ?

C’est qui les méchants ?
Stéphane Servant – Laetita Le Saux
Didier Jeunesse 2023

Délations en chaine…

Par Michel Driol

Drame au pays des animaux… La mère Michel a perdu son chat ! Pour les trois petits cochons, une chose est sûre : on le lui a volé pour le manger.  Le coupable ne peut être que la grenouille à grande bouche, suggère la mouche. Elle est bête, elle sent la vase, elle ne peut qu’être coupable… Et les trois justiciers d’aplatir la grenouille, bien innocente. Suivront, dans le rôle du coupable désigné par la rumeur, innocent passé à tabac, le renard, l’ogre, la sorcière, la grand-mère, l’ours. Jusqu’au moment où c’et le tour du loup.  Le loup qui a récupéré le chaton perdu et le rapporte. Alors, qui sont les vrais méchants ? C’est vous, conclut l’album, montrant les trois petits cochons.

Sur le principe des histoires en randonnée, dans lesquelles on rencontre de nombreux personnages de contes ou de fables bien reconnaissables, voici un album qui utilise les mécanismes du comique de répétition, pleinement assumé dans le texte et dans les illustrations, pour faire réfléchir aux dangers de la rumeur et de la délation. Que dire du rôle joué par les trois petits cochons ici ? Ils vont d’injustice en injustice, de personnage rossé en autre personnage rossé, sans se poser la moindre question. Ils sont à la fois désireux d’aider et de retrouver le chaton, mais aussi bien naïfs, bien dépourvus de tout esprit critique, bien prompts à suivre les accusations portées par tel ou tel et à faire justice sans réfléchir. C’est là une des subtilités de l’album, car le lecteur s’identifie à eux : ne sont-ils pas des victimes du loup dans leur propre histoire ? Ne sont-ils pas pleins de bonne volonté ? N’ont-ils pas comme mantra récurrent  «  Nous on est les gentils et on le punira » ? Le renversement final, montrant le loup, stigmatisé souvent comme étant le méchant, comme celui qui aide, accompagné par le texte laconique, les méchants, c’est vous, invite le lecteur à réévaluer le comportement des trois cochons et à réfléchir ses propres préjugés, à sa façon de se croire « gentil » par nature. Mais cette leçon est donnée sans effet moralisateur dans un album d’une drôlerie assez irrésistible, qui tient autant au texte qu’aux illustrations. Le texte est rythmé, fait la part belle aux dialogues et aux répétitions liées à la randonnée. Le tourne-page ménage les effets de surprise : « le méchant, c’est… ». Les illustrations humanisent les personnages par les attitudes, les vêtements, et les montrent toujours en action. Reviennent, comme un clin d’œil aux westerns, les affiches Wanted qui stigmatisent les coupables potentiels.

Un album bien jubilatoire, dont les héros sont des benêts à la fois imbéciles et sympathiques, qui utilise de façon intelligente l’intertextualité et des personnages bien connus, pour aider à s’interroger sur la délation et les dangers du suivisme.

 

 

Tout autour de toi

Tout autour de toi
Meg Fleming – Richard Jones
Didier Jeunesse 2022

Tous les matins du monde

Par Michel Driol

Comme l’indique le titre, l’album s’adresse à un enfant, souvent représenté sur l’illustration sous différents aspects. Sous forme de conseils, de suggestions, le texte l’invite à observer finement ce qui  l’entoure, ce qui se cache sous les choses, les empreintes dans la neige, le feu de camp ou les couleurs du ciel. Forêt, monde aquatique, animaux, ciel, jour, nuit, hiver, été, intérieur de la maison… l’album organise une exploration assez complète du monde, de tout ce que l’on peut dessiner… avant d’inciter à regarder aussi à l’intérieur de soi.

Reviennent régulièrement, comme un leitmotiv, les mots « Oh merveille ! Quelle merveille ». C’est dire qu’il est question ici du merveilleux que l’on peut trouver dans les choses les plus quotidiennes, pour peu qu’on y soit attentif et qu’on sache l’observer. C’est un album qui invite à la contemplation du monde. Comme une leçon de vie, dans laquelle l’important est de saisir ce qu’il y a de magique dans l’instant qui passe, dans le petit rien, si banal, si quotidien, mais si porteur de vie cachée, à l’image de ces fourmis qui s’agitent sous la pierre, véritable microcosme de notre monde. Tout en sobriété, le texte joue sur la mode de l’évocation, de l’incitation, plus que sur celui de la description : des verbes, des noms plus que des adjectifs. A chacun de se faire ses propres images, ou de se perdre dans celles que donnent à voir les illustrations, extrêmement variées, tant par le choix des plans, des couleurs, des « merveilles » représentées, bien représentatives de l’extraordinaire diversité du monde auquel l’ouvrage veut nous rendre sensibles.

Un album qui tente de définir un art de vivre, dont la dimension poétique est indéniable, et qui, à une époque où les enfants sont souvent des zappeurs, veulent aller trop vite, les invite à prendre leur temps dans la contemplation.

Si le singe fait des singeries

Si le singe fait des singeries
Simone Mota – Elise Carpentier
Six citrons acides  2023

Animaleries…

Par Michel Driol

C’est à un drôle de mariage que les illustrations nous font assister, celui du coq et de la poule. On suit de page en page le cortège des animaux, jusqu’à la salle des fêtes où se tient la réception, où l’on boit, où l’on danse avant la photo finale.

Mais c’est à un autre mariage que le texte nous convoque, celui entre un nom d’animal et le même nom, augmenté du suffixe –rie.  Tout commence par l’inducteur du titre, si le singe fait des singeries, puis on part dans la création verbale la plus rigoureuse et la plus pure l’éléphant fait des éléphanteries et l’hippopotame des hippopotameries… Parfois, on croise, comme par hasard, des noms qui existent vraiment poissonnerie, coquetterie, chèvrerie… Parfois c’est le règne de l’à-peu-près, le phoque fait des moqueries, oups ! des phoqueries.

Voilà donc un cortège d’animaux, un bestiaire loufoque et inventif, créatif et joyeux. Il s’agit bien ici de jouer avec  la langue, en reprenant une structure de dérivation en -rie, génératrice de substantifs, bien établie en français, pour, à la façon des enfants qui explorent leur langue en créant des néologismes, proposer de nouveaux mots dont on cherchera un sens possible peut-être sur l’illustration. Cette dernière renforce les mots existants (la coquetterie du coq), donne des pistes pour zèbrerie (avec  ce zèbre peintre de rayures) ou hippopotamerie (avec cette façon qu’a l’hippopotame de manger des petites fleurs pour en expulser des grosses). C’est à une fête de la langue que nous sommes conviés, une fête qui repose sur l’attendu et l’effet de surprise, mais surtout sur le plaisir de la rime qui est ici un mariage entre des mots réels et des mots inventés. Il n’est que de lire, comme un étonnant inventaire à la Prévert, la liste des mots en rie prononcée par l’oiseau dans une des dernières pages, qui se clôt par « courgettes au riz ».

Il ne suffit pas de dire que la langue et l’orthographe sont des choses sérieuses… on peut être sérieux sans être ennuyeux, et mettre à distance la langue par le jeu, le rire, n’est-ce pas le meilleur moyen de la faire sienne ? Maitriser la langue, c’est savoir la prendre comme un superbe terrain de jeu, être capable de jouer avec les normes et de s’en affranchir. Tel est le parti pris par les éditions Six citrons acides dans leurs publications. On ne saurait que leur en savoir gré !

Pia

Pia
Jacques (Maes) & Lise (Braekers)
Format 2023

Une page arrachée

Par Michel Driol

La page la plus précieuse du livre de Pia a été arrachée (et, matériellement, elle l’est réellement dans l’album) et s’est envolée. La fillette part à sa recherche en rencontrant, page après page de personnages étonnants : la dame aux origamis, un homme enrhumé, une femme qui a un gros chagrin d’amour, un scaphandrier… dans des lieux surprenants : un coffre-fort, un etui à guitare, des poubelles… Mais lorsqu’elle retrouve sa page, tous les personnages qu’elle a rencontrés l’accusent de la préférer aux histoires qu’ils auraient pu lui raconter, et déchirent la précieuse page. Pia ne se décourage pas, elle reconstitue le puzzle. Ce n’était pas la page d’un livre, mais d’un carnet sur lequel elle a fait un dessin qu’elle s’apprête à offrir à son meilleur ami, immobilisé sur un lit d’hôpital…

 Adoptant la structure d’un album en randonnée, voici un album qui conduit le lecteur de surprise en surprise. Surprise d’abord de ces personnages que croise Pia, personnages dont la fantaisie est accentuée par l’illustration qui tend à la caricature, exagère, grossit le trait, ou laisse percevoir des détails amusants qu’on laissera à chacun le soin de découvrir. Surprise ensuite du texte, qui associe, sur la page de gauche, deux éléments. L’un est narratif et court, faisant avancer l’action, avec une forme plus ou moins rimée. L’autre, en bas de page, ce sont les propos tenus par le personnage, propos à chaque fois versifiés, mais dont le dernier mot est tronqué. Le système des rimes permet de le reconstituer, mais c’est aussi le signe que Pia n’écoute pas, et qu’elle est déjà passée à la suite. La chute présente une double surprise qui invite à réinterpréter l’album. Qu’est-ce qui a de la valeur ? le bout de papier qu’on recherche ou les histoires, les vies, la rencontre avec les autres ? surtout quand ces autres sont malheureux (souffrant d’un rhume énorme), atteints d’un grain de folie (les origamis), comme cabossés par la vie (souffrant d’un chagrin d’amour), en danger (le scaphandrier ou la dame prisonnière du coffre-fort), et toujours présentés dans leur solitude. Légitimement, ils se regroupent et accusent Pia d’un certain égoïsme, de surdité face à leurs besoins. La seconde chute montre au contraire l’empathie de Pia pour son ami victime d’un accident, dans le dessin qu’elle lui a fait, dans sa quête de ce dessin envolé. Entre les deux chutes, une page pleine de signification montre l’incompréhension de Pia face à la destruction de sa page, l’incommunicabilité entre Pia page de gauche et les autres qui partent, page de droite. Au fond, c’est de cela que parle cet album, de la façon dont nos préoccupations – fussent-elles légitimes et altruistes – nous empêchent de voir les autres et de prendre du temps pour eux.

Un album rythmé et enlevé qui fait la part belle à l’imaginaire, à la fantaisie, à la poésie pour évoquer la relation entre une fillette et un ami victime d’un accident, mais aussi pour évoquer la question des rapports avec les autres, comme un puzzle toujours à reconstituer, avec empathie.

Le Garçon en pyjama rayé

Le Garçon en pyjama rayé
John Boyne, ill. Olivier Jeffers,
trad. Catherine Gibert
Gallimard Jeunesse, 2023

  Les camps de concentration vus par un enfant

 Maryse Vuillermet

Pour ceux qui, comme moi, ne l’avaient pas lu à sa sortie il y a dix ans, cette réédition pour les 10 ans illustrée par Olivier Jeffers et préfacée par l’auteur est un cadeau car le roman opère encore avec puissance.
Il raconte l’histoire d’un jeune allemand qui mène une vie heureuse à Berlin avec sa sœur et ses parents dans une très belle maison, mais c’est la guerre et le père est militaire, d’ailleurs, ils reçoivent parfois à dîner le fourreur. Le père, par une promotion intéressante est envoyé très loin à la campagne.  La famille doit déménager dans une maison assez sinistre, à proximité d’un camp entouré de barbelés.
Le héros, Bruno, voit de la fenêtre de sa chambre dans le camp, des silhouettes en pyjama rayé.  Il s’ennuie, regrette ses amis de Berlin, n’aime pas ses cours particuliers et cherche toujours à mener de petites enquêtes.  Ainsi, il se rend près des barbelés et rencontre un enfant de son âge, en pyjama rayé, très triste et très maigre.  Une amitié se noue entre les deux jeunes.  Bruno se plaint beaucoup de sa vie actuelle, le garçon en pyjama rayé ne se plaint pas mais lui demande de lui apporter à manger.
Un jour, Bruno aidé par le garçon en pyjama rayé, rentre dans le camp, il passe sous le fil de fer barbelé et la suite est inoubliable …
C’est un roman d’une très grande puissance, on comprend assez vite ce qu’est ce camp, et ce que sont ces silhouettes en pyjama rayé mais l’enfant lui, à son époque et dans son milieu, ne peut encore le concevoir. Son innocence est tragique.
Les illustrations d’Olivier Jeffers, en montrant des silhouettes effarées, maigres, isolées, des militaires grands et tout puissants, et l’enfant si seul et si petit, participent à notre sentiment d’horreur impuissante.

 

La Poésie, késako ?

La Poésie, késako ?
Thomas Vinau – Illustrations de Marc Majewski
Gallimard Jeunesse 2023

C’est quoi mon po – c’est quoi mon po – mon poème ?

Par Michel Driol

Qu’est ce que la poésie ? Voilà une question simple en apparence, mais à laquelle nombre d’auteurs, de poètes, de théoriciens ont apporté des réponses diverses. Au tour de Thomas Vinau de se livrer à l’exercice, mais, et on le sent dès le titre, avec humour et désacralisation. Tout au fil des pages vont se succéder des tentatives de définition, sous des formes différentes, mais toujours imagées et poétiques. Tantôt on aura l’accroche par « Si c’était… » un passage secret, un détective privé, un drôle de magicien.. Ou alors la comparaison est introduite par « Elle pourrait ressembler à »… un archéologue, un paysan.. C’est la métaphore qui suit, avec « Elle pourrait être »… une question, un secret… Sous forme de jeu de mot, c’est une notion essentielle qui est introduite « Elle garde la forme »… d’un hamac, d’une bouée.. Reviennent enfin les métaphores « C’est une grande table, un coloriage »… Et l’album se termine par un appel à chaque lecteur pour qu’il donne sa définition : A toi de voir. Ce court panorama permet déjà de mesure l’étendue et la diversité des champs lexicaux convoqués : métiers, objets, notions abstraites…

Au-delà du plaisir de la lecture, du plaisir des surprises nombreuses et variées que l’on rencontre dans ces pages, se dessinent quelques caractéristiques de la poésie. D’abord la difficulté de la cerner car elle intègre en elle des contraires et se nourrit de paradoxes. On en citera trois : parfois raccourci, parfois détour, un secret qu’on ne peut garder qu’en le partageant, le cadeau que le silence fait aux mots. Mais elle est aussi liberté, liberté d’apporter ce qu’on veut à la table, liberté de ne pas respecter les limites du coloriage. Elle ne passe pas à côté de ce qui est drôle (le mot blague revient souvent).  Au cœur de l’ouvrage se glisse la question de la forme, aussitôt posée, aussi éclatée dans un pluriel (toutes les formes), L’essentiel est dit, suggéré au lecteur, comme si la seule définition possible de la poésie ne pouvait qu’emprunter une langue elle-même poétique, faite d’images, de comparaisons, de rapprochements, comme s’il fallait rendre la poésie sensible par un langage oblique et non dans la sécheresse d’une approche plus théorisante. On trouvera ici des réponses à ces questions : qu’est-ce que la poésie ? A quoi sert-elle ? Quels effets produit-elle ? Mais ces réponses, formulées avec humour, un humour souligné par des illustrations pleines de malice, restent à interpréter pour se forger sa propre conception de la poésie. Le vocabulaire et les illustrations nous plongent dans les choses ordinaires (un magicien, une porte, des lunettes), mais ce réel, aussitôt posé est dépassé ou déplacé par la suite de la phrase – ou un détail de l’illustration –  pour associer le réel et l’imaginaire, le visible et l’invisible, le quotidien et l’extraordinaire. Il y a là une vraie ligne de force qui touche à la conception de la poésie de l’auteur, magnifiquement comprise par son illustrateur.

Un belle tentative poétique de proposer une approche sensible de la poésie, à travers l’humour, la langue, les situations, à destination d’abord des enfants, mais que bien des adultes pourraient lire :

Le projet hakana,

 Le Projet Hakana
Marin Ledun,
Rageot,  2023.

 Un roman d’aventures dans le temps et la réflexion sur la mort des civilisations

 Maryse Vuillermet

On est sur les îles Marquises en 1594, c’est-à-dire avant l’arrivée de l’homme blanc, 12 adolescents, garçons et filles appelés sentinelles, sept   scientifiques et deux légionnaires chargés de leur protection y ont été envoyés à titre expérimental par un programme scientifique de 2175 élaboré par l’Europe. Ce programme est destiné à trouver des endroits où l’homme occidental pourrait vivre puisqu‘il a détruit sa planète.
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu, les jeunes sentinelles ont fraternisé avec les jeunes Marquisiens et Rim, la plus brillante et la plus belle, a eu une relation amoureuse avec Moana, un fils de chef, et elle est enceinte.
Et pour cette raison, elle ne peut pas être exfiltrée avec les autres à la fin de l’expérience.
Deux récits avancent en alternance, le récit du docteur Gauthier qui retrace les deux années passées sur l’ile et le récit de la guerre que vont se livrer les forces spéciales chargées de récupérer Rim et son bébé et la population marquisienne qui les protègent.
Rime et Moana fuient sur l’eau…
C’est un roman à la fois politique, écologique et d’aventures, plein de péripéties et de héros qui réussissent à changer leur destin et celui de leur peuple.
On peut dire que c’est aussi un roman féministe car la jeune Rim se bat à armes égales avec son compagnon et avec une intelligence rare
C’est encore un roman poignant et fort sur la destruction des civilisations hier et aujourd’hui.

Eveils

Eveils
Georges Lazarre
L’Harmattan 2022

Mon sonnet soignera tes secrets et tes maux

Par Michel Driol

Trois parties bien distinctes dans ce recueil de poèmes : Enfance, Nature, la Réunion. Sous une forme très classique, respectant les règles de la métrique (versification, rimes), voire des formes traditionnelles (sonnet), ces poèmes jouent sur divers registres.

On trouve ainsi un côté assez primesautier dans Enfance, dont les poèmes mettent souvent en jeu un certain rapport avec le temps qui passe, les jours qu’on attend et ceux qu’on préfère. Avec Nature, ce sont les animaux, les rivières, qui sont célébrés. Enfin, peut-être plus touchant, La Réunion, lieu de naissance de l’auteur, est l’évocation aussi bien des paysages, de la faune et de la flore de l’ile que de certains de ses grands hommes. Les vers savent jouer avec la métrique, allant du léger pentasyllabe au classique alexandrin, avec toutefois une prédilection pour les hexasyllabes et les octosyllabes Une langue simple, une poésie qui se veut accessible à tous pour dire la beauté de ce qui nous entoure, avec, parfois, comme une légère  une touche de créolité.

Eveils, pour s’ouvrir au monde.

Les chagrins

 Les Chagrins
Catherine Dolto, ill Colline Faure-Poirée
Gallimard Jeunesse (Giboulées), 2023

 Comment guérir les chagrins des tout petits

 Maryse Vuillermet

Comment reconnaître les chagrins ?  Comment savoir d’où ça vient et surtout à qui en parler car il faut en parler.  Les adultes aussi ont des chagrins, comment faire pour les consoler ?  Toutes ces questions autour du chagrin que se pose un enfant, le docteur Catherine Dolto y répond dans une langue pleine de simplicité et d’empathie.
Un recueil bien utile d’autant plus que les illustrations de Catherine Faure-Poirée sont pleines d’humour et rendent les situations même les plus tristes un peu cocasses.