La Passe-Miroir, t. 3 : la mémoire de Babel

La Passe-Miroir, t. 3 : la mémoire de Babel
Christelle Dabos
Gallimard jeunesse, 2017

Le labyrinthe des livres

Par Anne-Marie Mercier

Après l’enthousiasme provoqué par la lecture des deux premiers tomes (voir le 1 ou le 2), voilà une petite déception avec ce troisième volet. Tout d’abord parce qu’il n’est pas le dernier et que l’on espérait que tous les mystères seraient levés, ce qui n’est pas le cas. On a tout de même un début de réponse à la question « qui est Dieu ? », ce qui est important…

On retrouve aussi le talent de Christelle Dabos pour créer des espaces originaux, beaux, poétiques. La bibliothèque de Babel vue par elle est une petite merveille, une image de l’infini et la ville dans laquelle elle se situe prend corps nettement avec ses quartiers, ses monuments, ses moyens de déplacements, sa météorologie… L’école-pensionnat où Ophélie tente de gagner le droit d’entrer dans ce Mémorial est un micro univers sinistre à souhait, la compétition y est rude et ses efforts pour apprendre tout ce qu’elle ignore sont chaotiques.

Ophélie se bat aussi avec énergie pour retrouver Thorn et est longtemps déçue dans son attente, même lorsqu’elle le retrouve (la difficulté de communication entre ces deux-là va générer des volumes supplémentaires). Mais elle fait de nombreuses rencontres intéressantes, nous permet de méditer sur une civilisation où l’on veut gommer tout ce qui a trait aux guerres passées (thème curieusement assez fréquent dans les dystopies pour la jeunesse, voir par exemple Le Passeur de Lowry).

On devine enfin qu’au centre de tous les mystères il y a un livre pour enfant et que le « créateur » du monde des Arches (qui n’est pas ce Dieu là…) s’en est inspiré… Mais on n’en dira pas plus pour maintenir le suspens en attendant le(s) tome(s) suivant(s).

Le pire livre pour apprendre le dessin

Le pire livre pour apprendre le dessin
Antonin Louchard
Seuil Jeunesse 2017

Le Maitre et l’élève

Par Michel Driol

L’album se présente sous forme d’un dialogue entre un professeur qu’on ne voit pas, dont les propos occupent la page de gauche, en caractères gras, et un jeune lapin, page de droite, vu de face. Ce dernier ronchonne, proteste que c’est sa mère qui l’a envoyé à ce cours de dessin, parce que c’est gratuit, râle parce qu’il n’a pas le droit d’avoir un cutter, voudrait dessiner avec un modèle, et réalise évidemment le dessin d’une carotte… sous forme d’un gribouillage bleu. Surprise du professeur qui trouve que ce n’est pas ressemblant et propose alors de lui faire rapidement le dessin d’un lapin très gentil, bien élevé, et qui adore les carottes… Le résultat est surprenant et le professeur explique qu’il n’avait pas de modèle…

Ce face à face entre deux personnages ne manque pas de saveur. D’un côté, la bonne volonté du professeur, de l’autre l’élève qui croit déjà tout savoir, et trouve tout nul… Comme toujours avec Antonin Louchard, les dessins sont à la fois simples et d’une totale expressivité : l’air buté et boudeur du petit lapin se lit sur son visage, ses yeux… Que dire de la trousse ouverte, du matériel de dessin en parfait état… et du petit porte-clef en forme de carotte, bien sûr ! La chute de l’album, avec la pirouette finale du professeur qui a plus d’un tour dans son sac, sera bien sûr comprise à différents niveaux par les enfants, et il sera intéressant de voir comment ils l’interprètent : nullité ou extrême subtilité de l’adulte…

Voilà un album décalé,  plein d’humour, sur le thème de l’apprentissage.

Ma première nuit ailleurs

Ma première nuit ailleurs
Chiaki Okada, Ko Okada
Seuil jeunesse, 2012

L’apprentissage de la séparation

Par Caroline Scandale

Un petit lapin s’apprête à vivre sa première nuit loin de sa maman. Il serre fort son doudou crocodile. Triste et angoissé, il ne trouve pas le sommeil. Le lendemain matin, il songe à sa maman qui lui manque. Heureusement ce malaise ne dure pas longtemps car la petite fille qui l’héberge est adorable avec lui. Elle s’évertue à lui redonner le sourire avec une infinie tendresse. Au fil de l’histoire ils s’apprivoisent et tissent des liens d’amitié. A la fin du petit séjour, lorsque sa maman vient le chercher, Haruchan a le cœur gros. Bien sûr ils se reverront bientôt…
Les couleurs de cet album sont pâles, et ses dessins crayonnés, empreints de sobriété et de délicatesse. L’ombre de la couverture cède rapidement sa place à la lumière. Après la tristesse et l’angoisse, revient le temps de la gaité et du partage.
L’histoire et les illustrations se marient élégamment et mettent en scène de nombreuses thématiques propres à la petite enfance, notamment celle de la séparation mère/enfant nécessaire et salvatrice, celle du doudou, objet transitionnel par excellence et l’amitié comme moyen de dé-fusionner. Dès 3 ans.