Trio
Franc Bruneau, Ambrogio Sarfati, Camille Tartakowsky
Editions Dyozol, 2017
Géométries humaines
Par Anne-Marie Mercier
C’est l’histoire d’un… triangle. Il est bleu, il s’appelle Trio. Il vit dans un hexagone, avec ses parents, monsieur et madame Pythagore, qui viennent d’ailleurs. Son papa et sa maman, deux triangles bleus comme lui, l’aiment beaucoup. Mais voilà, les autres enfants sont plutôt ronds ; quelques-uns sont carrés. Et si Trio s’entend bien avec Carro (carré jaune) et Cyclo (rond jaune), ça ne va pas du tout avec Rondo « un grand rond revanchard » qui déclare : « on n’a pas besoin des ronds et des carrés dans la contrée aux six côtés ».
Au pays de la littérature de jeunesse, la raison et l’intelligence gagnent toujours : Trio démontre qu’on peut faire toutes sortes de figures en combinant les formes (des carrés et des formes presque rondes avec des triangles, etc.) mais aussi dessiner des arbres, toute une ville… La fin ressemble à un jeu de construction.
Partant d’une formule imitée de Petit Bleu et Petit Jaune de Léo Lionni, et de Petite Tache de Lionel Le Néouanic, les auteurs combinent le message de tolérance avec un jeu sur les formes et les couleurs très réjouissant.
Petit album cartonné, il permet une « lecture » à plusieurs niveaux, aussi bien pour les tout petits que pour les plus grands. Il propose une entrée dans les questions difficiles par les formes, les couleurs et la géométrie, une belle performance pour les éditions Dyozol.
On les découvre sur leur site (après les avoir vues au salon du livre pour la jeunesse de Saint-Paul-Trois Châteaux) :
« Les Éditions Dyozol, nouvelle maison d’édition jeunesse, vont publier à partir de janvier 2017 des livres d’artistes et d’écrivains jeunesse destinés dans un premier temps aux enfants de 0 à 9 ans. L’ambition de l’équipe des Éditions Dyozol est de privilégier des thématiques contemporaines fortes et des formes qui incitent à l’échange entre l’enfant et l’adulte par un traitement poétique, ludique et implicite. »
On leur souhaite de continuer sur cette belle lancée !





Pauline Kalioujny emporte le jeune lecteur dans une promenade lumineuse au sein de couleurs luxuriantes, chacune étant associée à un nouvel animal (poissons bleus, lapins verts et poussins jaunes) qui est l’occasion d’une rencontre pour Lupus, qui s’ennuie dans son monde tout blanc, mise en abîme de la page, lieu de vie de cet animal de papier. Grâce à une technique d’illustrations originale associant la lino-gravure aux encres colorées, l’auteur illustratrice crée un monde à effets surprenants. En effet, le monde blanc ennuyeux du jeune chien ou loup (son nom nous fait douter !), héros de ce conte initiatique s’enrichit de couleurs grâce à la synesthésie qui mêle les sensations, sentiments, odeurs et couleurs. L’ensemble, avec peu de texte mais dense, est très réussi.
Sous couvert de rendre le lecteur actif, l’Ecole des loisirs propose un nouveau concept aux plus jeunes, dans la collection « loulou & compagnie » : les livres à colorier. Comme Dominique Perrin (cf. chronique à propos de Bobo Lapin), je déplorerai ici la platitude de l’histoire de Lulu : contrairement à l’album initial d’Alex Sanders, celui-ci est juste prétexte à utiliser différentes couleurs, reprenant les différentes mésaventures de Lulu dans De toutes les couleurs. Mieux vaut retourner voir l’original plutôt que de lire des phrases telles que : « Et avec mon savon ROSE comme ta jolie robe, Maman, toutes les couleurs sont dans l’eau ! Sauf le ORANGE et le VIOLET des petits poissons qui sont sur ma serviette ! ».
Les auteurs nous offrent une très jolie variation sur les albums et poèmes répétitifs fondés sur l’enchâssement, à l’image du célèbre poème d’Eluard, « Dans Paris ». La couverture, découpée, ouvre une fenêtre en forme de cœur sur l’image d’une maison, fil directeur de cette comptine. Comptine ? Non, pas vraiment, et on se prend à le regretter car le nombre des habitants aurait pu augmenter ou diminuer au fil de l’album. Mais peut-être cela aurait-il été trop évident, trop « instructif ». Seuls les couleurs sont au rendez-vous et les animaux et peuvent donc, avec les tout-petits, faire l’objet de découvertes. Et ce qui est vraiment très amusant, c’est de repérer les différents procédés utilisés dans l’illustration pour insérer les maisons les unes dans les autres. La chute de cette « nursery rhyme », reste dans la tradition mais la réinterprète subtilement, en usant de la magie des répétitions. Cet ouvrage est la preuve que le petit bruit discret d’un cœur qui bat peut grandement réjouir les lecteurs.
Au début il y a une planète, Aïeaïeaïe. Comme elle s’est livrée sans frein aux excès de la consommation, elle est très vite menacée par un méchant nuage qui lui enlève ses couleurs. Ses dirigeants vont voir ceux de la planète Oulàlà, leur voisine. Mais celle-ci n’est pas « aideuse », c’est là son moindre défaut.