Une indienne dans la nuit

Une indienne dans la nuit
Velie Le Gall  et Alex Cousseau
Rouergue

Historias minimas

Par Michel Driol

loicfroissart_livreindienne00Angèle a peur du noir. Cette nuit-là, elle est seule avec sa grand-mère dans la vieille maison. Comme d’habitude, le sommeil ne vient pas. Elle trouve le courage de se lever, entre dans la chambre de sa mère, ouvre une valise, et y découvre les souvenirs de sa mère, dont des carnets. Elle y lit ce qu’elle appelle un secret, à savoir que sa mère avant elle était surnommée « Petite Indienne », qu’elle aussi avait peur et que sa mère – la grand-mère d’Angèle – la consolait.  Cette dernière trouve Angèle endormie sur le tapis et la conduit dans sa chambre. Angèle a retrouvé la calme et peut enfin dormir tranquille. Ainsi racontée et mise à plat, l’intrigue semble mince. Pourtant les thèmes abordés et la construction narrative, ainsi que la mise en page, font de ce petit roman un ouvrage intéressant à plus d’un titre.

D’abord le thème de la filiation. Mère et fille portent le même surnom, partagent les mêmes peurs. Angèle découvre dans la valise le passé de sa mère quand elle était enfant, petits mots, photos, carnets l’aidant à répondre à la grande question que tous les enfants, un jour ou l’autre, se sont posée : qu’étaient mes parents avant d’être mes parents ? Au-delà de l’altérité des traits, des époques, c’est la similitude des comportements et des sentiments qui s’impose.

La construction aide le lecteur à partager les peurs d’Angèle dans la nuit. Un premier chapitre est daté de 22 h 59 et annonce la découverte du secret à 21 h 56, que la narratrice bien sûr ne révèle pas. Puis, des retours en arrière – de 20 h 42 à 22 h 53 racontent la nuit jusqu’à l’endormissement. Cette construction permet le suspense : quelle est la nature du secret qui bouleverse à ce point Angèle ? On suit Angèle pas à pas, dans sa descente de l’escalier, dans ses peurs et sa façon de les vaincre. L’écriture – prise en charge par Angèle à la première personne – est travaillée, imagée souvent (Angèle est née un huit, qui, pour elle,  sonne presque comme nuit, et dans le 8 elle voit une image de l’infini). Le texte fait la part belle aux sensations concrètes (les bruits, le noir, les odeurs…). La thématique Indienne parcourt le livre : du surnom de la mère et de la fille, au tipi, en passant par une statuette réalisée par le père, Tim, l’Indien, gardien de l’escalier.

Enfin, Le livre est presque tout entier imprimé en blanc sur pages noires : à l’image de la nuit, de l’angoisse, des peurs. Tout, à l’exception du centre : la découverte de la valise, et des souvenirs de la mère (à noter que le récit lu dans le carnet de souvenirs, situé aussi une nuit, est imprimé en blanc sur noir).  Ce dispositif typographique – renforcé par les illustrations de Loïc Froissart, elles aussi en noir et blanc (sans aucun gris) – concourt à faire éprouver par le lecteur les sentiments de la narratrice et le plonge dans un univers à l’étrangeté inquiétante.

Un roman – petit par sa taille – mais qui sait conjuguer poésie, douceur et inquiétude.

 

 

Ma première nuit à la belle étoile

Ma première nuit à la belle étoile
Alex Cousseau
Rouergue (dacodac), 2010

Des peurs

Par Anne-Marie Mercier

Mapremierenuitalabelleetoile.gifUne situation simple : Cléo et son cousin ont l’autorisation de passer la nuit dans le jardin de la maison. C’est le cousin qui raconte. Il devine que Cléo a peur de quelque chose, raconte sa plus belle peur pour l’inciter à se confier. Tous deux résolvent l’apparent mystère et désamorcent l’angoisse en mangeant des cornichons (belle trouvaille).
C’est une  histoire bien conduite, autour des peurs, peur de la nuit, de ce qu’on imagine qui n’est rien, de l’influence des images violentes de la télévision également. C’est aussi très bien écrit, presque trop : on a souvent l’impression que ce n’est pas le cousin enfant qui parle à sa cousine, mais bien un adulte sensible aux angoisses enfantines et qui se souviendrait des siennes.

C’est un secret !

C’est un secret !
John Burningham
traduction (anglais) d’E. Duval
Kaleidoscope, 2010

Où vont les chats durant la nuit ?

Par Anne-Marie Mercier

c'est un secret.gif « Où vont les chats durant la nuit ? » demande l’enfant. « Je ne sais pas », répond sa mère. Plus tard, le chat Malcolm, interrogé, proteste : « C’est un secret ».  A la fin de l’album l’enfant peut dire à sa mère : « Je sais où il va le soir, mais je ne peux pas te le dire parce que c’est un secret ». Entre les deux, il y a un beau chemin dans la ville nocturne avec des aventures proches de celles racontées par Pommaux (Une Nuit, un chat, La Fugue…).

Le réalisme est plus limité et l’atmosphère plus rêveuse. Le dessin est aussi empreint d’enfance et de fantaisie : des traits de brouillon (beaucoup de crayonnés, des coloriages aquarellés à grands traits), une alternance de fonds blancs, grisés ou noirs avec des contrastes de couleurs forts, des superpositions de papiers découpés. La petite Marie-Hélène est rapetissée pour accompagner son ami Malcolm, lui-même est habillé pour aller à la fête (un costume qui ressemble à un déguisement bricolé de chat botté – sans les bottes). On rencontre la reine des chats, il y a un festin, des danses, des jeux, des cadeaux pour tous… Le texte est simple et allusif, l’image fait le reste.

Un rêve d’enfance et de connivence loin des adultes (mais pas trop tout de même), un délice dédié fort justement par l’auteur « aux petits ».

La nuit

La Nuit
Olivier Charpentier,
Seuil (Clac book), 2011

Dormir, c’est rêver un peu

par Christine Moulin

Dans la même collection que l’album de Philippe-Henri Turin, la collection « Clac book », voilà un ouvrage bien plus abouti. Il raconte, par le seul truchement de l’image, gaie, dansante, fantasque et colorée (ce qui est un comble puisque tout se passe la nuit !) le voyage d’un petit loup dans ses propres rêves. Il est accompagné d’un doudou lapin (rouge), qui le rassure, ce qui est la moindre des choses pour un doudou, mais va également gagner du galon et devenir un personnage à part entière.
On pouvait a priori douter que le fantastique pût se décliner pour les tout-petits : et pourtant… A la fin de son périple, le héros rapporte des contrées qu’il a visitées, présentées comme imaginaires, une rose, bien réelle, elle (tel le grelot de Boréal Express, de Chris Van Allsburg), qu’il offre, petit prince plein de tendresse, à sa maman.

La Nuit de Valentine

La Nuit de Valentine
Hélène Vignal et Isabelle Carly
Le Rouergue, 2011

Grandir et s’épanouir quand on est introverti

par Sophie Genin

9782812602016.gifValentine est une petit fille sage, très sage, trop sage. Au fur et à mesure d’un texte énigmatique qui présente une héroïne très timide qui aurait envie mais attend que le monde vienne la chercher, on sent croître le malaise jusqu’à la fameuse nuit qui donne son titre à l’album. Une nuit où tout devient possible pour Valentine, sa nuit !

Le texte, volontairement elliptique sur les causes psychologiques de l’attitude de l’enfant, est tiré vers le rêve par des illustrations oniriques mêlant dessin et collages colorés. L’univers visuel semble être une voie/x différente proposée au lecteur qui peut, à sa guise, remplir les blancs de l’histoire. Cet album particulier, comme souvent au Rouergue, résonnera différemment chez les lecteurs car il faut, pour l’apprécier, accepter de suivre l’auteur et l’illustratrice sur un chemin mystérieux, voire inquiétant parfois… Il faut accepter aussi de rester avec de nombreuses questions sans réponses à la fin de la lecture…