A propos Christine Moulin

Formatrice à l'ESPE Lyon 1 depuis 1994 (à la retraite depuis octobre 2016). Avant, professeur de français en collège et lycée. Membre du CRILJ01 qui organise, à Bourg-en-Bresse, le Festival de la Première Œuvre de Littérature de Jeunesse.

Oscar le calamar

Oscar le calamar
Valérie Strullu
Motus, 2015

Encre sympathique ?

Par Christine Moulin

Ce qui dès l’abord amuse quand on ouvre cet album de la collection « Mouchoir de poche », c’est qu’il est accompagné d’un petit sac de véritable encre de seiche! Voilà une façon originale de donner envie de lire! La dédicace est également encourageante: « Aux libres penseurs »!

La suite laisse plus perplexe. L’histoire semble hésiter entre le récit de l’enfance de l’irascible Oscar, qui toujours broie du noir et le récit de sa vie d’adulte: on se dit que ses relations conflictuelles avec ses amis vont être développées: non… On s’imagine que le fait qu’il soit devenu riche grâce à l’encre qu’il produit abondamment va influer sur les événements: non… On pense alors que sa rencontre avec le faible bigorneau va faire évoluer les choses: non… On passe finalement à un épisode où le calamar, frappé de mégalomanie, annonce qu’il va « faire régner les ténèbres à jamais » et échoue. Mais le dénouement est, lui aussi, un peu rapide. On peut retenir toutefois le jeu sur le mot « encre » qui permet à cet album de faire l’apologie de l’art et de la gratuité, face à l’orgueil et à la cupidité. Bref, on a l’impression que l’auteure avait toutes sortes de bonnes idées, dont aucune n’a été pleinement réalisée.

Chat et chien

Chat et chien
Jeanne Boyer
Ecole des Loisirs, 2015

Comme chien et chat

Par Christine Moulin

Tout semble destiner cet ouvrage aux plus petits: c’est un album cartonné, les illustrations ne montrent que l’essentiel et n’emploient que deux couleurs, le bleu pour le chien et l’orange pour le chat (du moins au début), l’histoire est linéaire (un chien et chat sont amis, le chat mange le chien, le chien ressort de l’estomac du chat, les deux animaux se réconcilient). Et pourtant…

Les illustrations privilégient un trait brouillon, très éloigné du « mignon » et tout entier dévoué à l’expressivité. Les couleurs débordent du trait et donnent encore plus de dynamisme à l’ensemble. L’histoire, quant à elle, sous ses airs innocents, remet en cause un certain nombre de stéréotypes, comme le suggère le titre qui inverse la formule habituelle: ce n’est pas le chien qui mange le chat  et dans ce récit, « on s’aime comme chien et chat ». On peut même penser que l’auteur nous invite à une réflexion sur l’amitié ou l’amour: on peut aimer quelqu’un et le dévorer au risque alors de n’être plus confronté qu’à soi-même, en un narcissisme délétère (quand il se retrouve tout seul, le chat se regarde dans un miroir mais sombre très vite dans le désespoir). Il faut accepter de ne pas comprendre l’autre, de ne pas l’absorber pour en faire un autre soi, afin de mieux être son ami, tout en se laissant transformer (est-ce ce qu’il faut voir dans l’échange de couleurs entre les deux animaux?).

La littérature de jeunesse seule sait ainsi s’adresser à tous les âges…

Le chien que Nino n’avait pas

Le chien que Nino n’avait pas
Edward van de Vendel, Anton Van Hertbruggen (ill.)
Marie Hooghe (trad.)

Didier Jeunesse, 2014

L’autre chien invisible

Par Christine Moulin

On l’a déjà noté, le thème des amis imaginaires est fréquemment traité en littérature de jeunesse, à tel point qu’un site comme Babelio a pu en dresser une bibliographie fournie. Le chien que Nino n’avait pas vient brillamment s’ajouter à cette liste. Tout est émouvant dans cet album: la présence fantomatique et pourtant si pleine de vie du chien de Nino, dans l’illustration, l’incessante répétition dans le texte de l’expression « le chien que Ninon n’avait pas », tout aussi paradoxale; en soulignant l’absence (ou plus exactement, la non existence) de l’animal, elle sature douloureusement le texte de désir et de rêve. Mais plus émouvante encore, et originale, c’est l’explication que l’on peut deviner de la nécessité pour Nino de se créer ce compagnon: « Le chien que Nino n’avait pas entendait tout ce que Nino entendait. Au téléphone. Avec Papa. Qui appelait d’un pays très, très lointain » (l’image montre un soldat ou un pilote en perdition).

Mais ce qui fait la magnifique spécificité de l’album, c’est que brusquement, en son milieu, le chien invisible disparaît au profit d’un chien réel, « le chien que Nino a maintenant » et évoque alors la belle acceptation de l’amour véritable: « Le chien que Nino a maintenant n’aime pas le lac […]. Il préfère creuser dans le sable. C’est bien aussi ». Ce qui n’empêche pas les rêves, heureusement, comme le suggère la fin…

Le chat

Le chat
Charlotte Mollet
Editions du Rouergue, 2017

(Le) chat

Par Christine Moulin

 L’album attire d’abord par ses illustrations, réalisées en linogravure, et jouent sur un petit nombre de couleurs franches et contrastées. La couverture laisse éclater, en guise de titre, le mot « chat » en orange mais rend beaucoup plus discrets le déterminant « le » devant le mot ainsi que l’image même de l’animal, en bleu sombre sur fond noir. C’est qu’effectivement nous allons partir à la recherche du félin en question à qui le livre semble dédié, puisqu’il s’ouvre, en lieu et place de la page de garde et de la page de titre, sur la vision d’un chat installé sur les genoux de sa maîtresse, accompagnée d’un texte à la tonalité poétique: « […] lové sur mes genoux, tu rêves sans dormir ». Plus précisément, nous allons partir à la recherche de son nom, mystérieux, forcément, comme celui de tous les chats: « Dis-moi le chat, comment t’appelles-tu? ». Suivent une série de suggestions, reliées au cosmos: Ciel, Lune, Nuage, etc. A chaque appellation correspondent un pouvoir attribué au chat (« tu changerais la nuit en jour »), mais également un fragment de son corps. On songe alors au conte La plus mignonne des petites souris, dans la collection du Père Castor, car chaque élément évoqué voit sa puissance battue en brèche par celle de l’élément qui suit. La présentation de l’éditeur confirme cette réminiscence tout en la rendant plus exotique : c’est là le fonctionnement, nous dit-il, d’un conte vietnamien. L’album se termine sur une chute et un jeu de mots, qui font sourire et le chat et le lecteur. Voilà donc un bel ouvrage, élégant, suggestif, serein et sage, à l’image de celui qu’il décrit.

Nuage

 

Nuage
Alice Brière-Haquet, Monica Barrengo (ill.)
Passe Partout

Nuage et Spleen…

Par Christine Moulin

Curieusement, depuis quelque temps, le nuage a le vent en poupe en littérature de jeunesse: c’est le cas dans le dernier album d’Anthony Browne, Marcel et le nuageet dans La Bulle de Thimothée de Fombelle. C’est aussi le cas dans l’album d’Alice Brière-Haquet. Dans les trois ouvrages, même si aucun n’appelle une lecture univoque, le nuage (ou l’ombre menaçante) peut être assimilé à une représentation symbolique des émotions négatives et intrusives, ou même de la dépression, thème relativement peu traité mais  susceptible, surtout si l’auteur adopte la stratégie du détour, d’aider des enfants qui seraient confrontés à cette maladie dans leur entourage ou qui auraient à l’affronter eux-mêmes. Il y faut de la délicatesse…

Nuage n’en manque pas. Le texte, peu bavard, analyse, sans pathos, l’impression de pesanteur, de découragement absolu attaché à cet état: « un nuage dans la tête nous cache le soleil », « son ombre se pose sur les plus jolies choses » (ces choses, en l’espèce, sont les chats et la musique). Il finit sur une note d’espoir tout en soulignant la fragilité qui perdure.

Les illustrations sépia sont à l’unisson. Elles construisent leur propre discours, en écho avec celui du texte : des horloges, des montres, décalées, suggèrent que le temps a perdu sa fluidité pour le personnage principal, une femme, apparemment seule, voire solitaire. Trois chats, par leurs attitudes, réagissent à la détresse de leur maîtresse: souvent paisibles et rassurants, ils laissent parfois sourdre leur inquiétude en se frottant contre les jambes de leur « humaine » ou en attendant, figés, devant la porte de la chambre, qui reste fermée. Ils saluent finalement la sérénité retrouvée.

On voit combien tout est mesuré, feutré, sans pour autant éluder l’essentiel.

Le grand saut

Le grand saut
Florence Hinckel
Nathan (à paraître janvier 2017)

« Le grand saut » : ou mais vers quoi?

Par Christine Moulin

legrandsautt1Florence Hinckel a récemment signé un des livres de la série U4, Yannis. Dense et haletant, ce roman pouvait permettre d’attendre le meilleur d’un autre ouvrage, dont la quatrième de couverture annonce qu’il nous « entraîne au coeur de l’âme adolescente ». La déception n’est pas loin: Le grand saut est extrêmement lent à démarrer. Pourtant, les premières pages sont alertes: de jeunes élèves de 6ème scellent leur amitié en étant en retard le jour de la rentrée! On les retrouve ensuite en Terminale. On découvre progressivement leurs personnalités, leurs sentiments, leurs secrets,. Mais sans être vraiment caricaturaux, les caractères ne sont pas forcément très fouillés: Iris est rebelle, Rébecca coquette, Paul beau, très beau, et mystérieux, Marion sage, un peu trop, Sam drôle, un peu trop, et Alex bosseur, un peu trop.

Le roman est organisé comme un compte à rebours qui mène à une grande soirée d’Halloween, où il est très difficile d’être invité mais où, l’on s’en doute, nos héros seront introduits. Sans doute le récit mime-t-il l’attente mais l’ennui n’est pas loin. Les dialogues, censés être réalistes et évoquer la façon dont parlent les jeunes, sont parfois un peu vides. Les événements, certes, sont ceux qui peuvent intéresser les adolescents (ruptures, harcèlement par Internet, drogue, etc.) mais a du mal à voir, devant cette mosaïque, quel est véritablement le propos du roman. La structure chorale peine à nous désigner un héros, sans pour autant jouer pleinement sur les différences de points de vue ou les échos qu’elle pourrait permettre.

Mais la dernière phrase laisse deviner un mystère dont on voudrait quand même savoir la teneur…! Si bien qu’on a envie, malgré tout, de lire le tome II en espérant qu’il réalisera complètement ce que le premier a pu laisser entrevoir.

Le Petit Camion Rouge

Le petit camion rouge
Tatsuya Miyanishi, Fédoua Lamodière (trad. japonais)
Nobi Nobi, 2014

Petit Camion deviendra grand

Par Christine Moulin

petit camion rougeVoilà une histoire qui plaira à tous les amateurs ou amatrices de véhicules en tous genres mais ne déplaira pas à ceux qui aiment les contes initiatiques: le héros, Red, est en effet un camion, qui n’a retenu du Petit Chaperon Rouge que la mission « aller porter quelque chose à quelqu’un ». En l’occurrence, le « quelque chose » prend la forme de deux mystérieux paquets, très fragiles, et le « quelqu’un » une famille de lapins, au Pays des Carottes, chez qui vient de naître une petite lapine, dont Monsieur Tanuki (1), remplissant ainsi le célèbre rôle du mandataire de Propp, veut célébrer la naissance par ce cadeau intrigant. Red va traverser une ville très stylisée, mais remplie de voitures, de camionnettes tous plus utiles les uns que les autres. Red est alors très déprimé et se sent « minuscule et mollasson », malgré l’aide que lui apportent un camion-grue et une dépanneuse. D’autant plus que sa mission semble avoir échoué. En fait, il n’en est rien… On songe presque au Tagagné de Dalrymple, dont l’objet de la quête résidait dans la quête elle-même.

La fable est jolie. Elle prend place dans la série des histoires qui peuvent rassurer les enfants malhabiles, qui se sentent toujours trop petits, trop incompétents. Aux plus grands, elle peut rappeler opportunément que l’échec apparent peut n’être que transitoire et laisser place à une réussite qui mérite patience et maturation. N’est-ce pas déjà beaucoup ?

(1) Un avertissement en début d’album prend soin de nous informer que le tanuki est un « animal d’Asie ressemblant au raton-laveur et qui est très présent dans le folklore traditionnel japonais. Il y est souvent présenté comme un animal espiègle aux pouvoirs merveilleux […] ».

Janis est folle

Janis est folle
Olivier Ka
Editions du Rouergue,2015

Ah, oui, quand même…

par Christine Moulin

liv-8572couv_m-janis-est-folleLe thème de la folie, nous l’avions déjà remarqué, sans être totalement absent de la littérature de jeunesse, n’y est pas souvent traité, du moins sur un registre autre qu’euphémique. Ici, il l’est, avec une violence inouïe : bipolaire, Janis, la mère du narrateur, Titouan, un adolescent de quinze ans, l’entraîne dans une errance qui va crescendo tout au long du roman. Jamais ces deux êtres, abîmés, traqués, unis par un lien indestructible et mortellement fusionnel, ne s’arrêtent : de mobil-homes en campings, vivant de vols et d’expédients, à bord d’une Volvo cocon, ils fuient… De lourds secrets semblent peser sur Janis. Certaines scènes, lumineuses, ne font que rendre encore plus sombre, par contraste, la fatalité qui accable Titouan et Janis : la scène où ils regardent les étoiles, au sommet d’un phare; la découverte de l’amour auprès de Fleur, une adolescente qu’il a fallu quitter très vite, trop vite; les moments, nombreux, où Titouan, protège sa mère, envers et contre tout, envers et contre elle-même, révélant pour elle un amour immense, insensé.

Vers la moitié du roman, les deux héros se rapprochent dangereusement de l’origine du mal qui a fait dérailler Janis: le chalet de la mère de celle-ci, où elle vit avec son autre fille, Marianne. On croit que les révélations sont proches mais elles ne seront que partielles car le mensonge et le silence ont rongé la famille de Janis.  Le narrateur bascule alors lui aussi : il cherche à rejoindre sa mère dans ce qu’il appelle son monde parallèle. Le road movie effréné reprend et connaîtra la seule issue possible, celle que l’on pressent quand on se laisse porter par cette course chaotique. Heureusement qu’il y a l’épilogue…

On parle souvent de roman « coup de poing ». Métaphore un peu facile mais qui, dans ce cas précis, reprend toute sa force: même si ce livre est une très belle histoire d’amour, même si on ne peut lui reprocher d’éviter la facilité qui consiste à présenter la « folie » sous un jour acceptable, souriant, il bouleverse et dérange. Peut-être parce qu’il confirme l’impression que l’on peut avoir quelquefois en lisant les romans pour ados: la faillite des adultes est totale et les rôles constamment inversés. Au point qu’on en vient à se demander, comme souvent : littérature de jeunesse? pour la jeunesse? De quelle culpabilité est-elle le nom?

Vingt et une heures

Vingt et une heures
Hélène Duffay
Ecole des Loisirs, 2015

« Adulte juste pour essayer »

par Christine Moulin

41w5UohgtlL._SL160_Ce pourrait être une nouvelle. Les personnages sont au nombre de deux seulement : la narratrice, Pauline, et son frère, Emilien. Ajoutons, si l’on veut, la mère, dont l’absence pèse sur tout le  récit : partie chercher le pain, elle ne revient pas… Le décor est minimaliste : une maison de vacances au bord de l’Océan. Les événements sont peu nombreux : Emilien manque de se noyer.

Et pourtant, le temps est celui du roman. A cause de la narration alternée, sans doute : certains chapitres, au présent, racontent la matinée et la noyade d’Emilien, les autres, au passé, les événements de la veille ou le passé plus lointain, qui donne au personnage de Pauline sa profondeur. On apprend qu’elle a perdu son père, on comprend les relations conflictuelles qu’elle entretient avec sa mère, le lien privilégié qui l’attache à son frère, on entraperçoit les douces errances de ses sentiments amoureux pour une fille mais tout aussi bien pour un garçon, qui ressemble un peu à une fille, d’ailleurs. Temps du roman aussi parce que l’accident qui arrive à Emilien joue le rôle d’épreuve initiatique et fait basculer l’adolescente dans l’âge adulte mais aussi, paradoxalement, dans une sorte de sérénité, d’ouverture à la vie. Elle est en cela guidée par son frère, pourtant plus jeune, mais par bien des côtés, plus solide et plus mûr, et par un chien « qui adore rendre service, […] c’est dans sa nature de chien ».

Nous voici donc devant un objet non identifié qui illustre assez bien l’adage anglais: « Less is more ». Le mystère qui est au cœur du roman reste inexpliqué (qu’a fait la mère pendant son absence?), tout est suggéré, si bien qu’une fois la dernière page tournée, le silence qui s’installe ouvre à la réflexion. On se surprend à penser que les personnages seront de ceux dont le souvenir ne s’effacera pas de sitôt.

#Bleue

#Bleue
Florence Hinckel

Syros, 2015

Un bonheur insoutenable

Par Christine Moulin

CVT_Bleue_7309La bande rouge qui entoure le livre pose directement la question clé du roman: « Jusqu’où iriez-vous pour ne plus jamais souffrir? ». #Bleue, en effet, dépeint une société où l’on permet à chacun de ne plus avoir mal grâce à l’opération d' »oblitération », mise en œuvre par la CEDE, la Cellule d’Eradication de la Douleur Emotionnelle, qui laisse sur les poignets de ceux qui en ont bénéficié un point bleu brillant. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes (plusieurs allusions sont d’ailleurs faites à Leibniz et Voltaire) si cette possibilité ne devenait une obligation, notamment pour les mineurs, et si, malgré toutes les promesses des partisans de cette intervention, on ne perdait pas, en même temps que la capacité de souffrir, celle d’aimer, de compatir, de vivre, en fait. Pour être pleinement humains, ne nous faut-il pas accepter de garder en nous-mêmes tout ce qui nous rend fragiles? Cela dit, l’auteure a l’habileté et l’honnêteté de ne pas délivrer de messages moralisateurs: elle montre bien qu’elle comprend ceux qui font le choix de cesser de souffrir, quand la souffrance est intolérable mais, parallèlement, elle dresse de magnifiques portraits de personnes debout, notamment, une grand-mère, blessée mais superbe.

Ces interrogations sont portées par une belle histoire d’amour, celle entre Silas, le héros, et Astrid. Chacun parle à son tour, ce qui permet des effets de point de vue bien venus, au service du suspens, entretenu d’un bout à l’autre, et du propos.

Mais tout cela ne serait rien sans la description fort réussie de la société à peine futuriste dans laquelle l’histoire se déroule. C’est ce qui rend le roman haletant et troublant. Presque rien ne manque pour qu’on reconnaisse, à peine soulignées, les tendances inquiétantes de notre monde: c’est la crise, si bien qu’on sacrifie tout à son emploi, les vacances, les rêves, l’esprit critique, mais aussi sa personnalité (avoir été oblitéré est un atout pour être embauché); le bien-être béat dans lequel flottent les oblitérés permet de maintenir une paix sociale factice; il est très mal considéré de ne pas se connecter au Réseau qui enferme les connectés dans une dépendance permanente et malsaine, une fausse convivialité, insidieusement contraignante (d’où l’importance du hashtag dans le titre); les médias jouent leur rôle en noyant les informations dérangeantes dans un flot d’informations inutiles, maintenant ainsi un faux air de démocratie. Même les détails sont soignés: il devient plus intéressant de regarder les pubs que les films car elles sont mieux réalisées!

La fin pourrait paraître un peu trop « rose », « happy end »; peut-être est-ce simplement parce qu’elle survient un peu trop rapidement. Mais elle a le mérite de délivrer un message d’espoir, qui, lui, n’est pas factice, malgré tout,: « il faut rester vigilants pour ne pas basculer […] dans l’inhumanité ».

La page du site de l’auteur consacrée à Bleue.