Le roi de la montagne en hiver

Le Roi de la montagne en hiver
Sylvie Delom, Aurtélia Fonty,
Didier Jeunesse (Contes du monde), 2013,

  Respecter les saisons, faire confiance à la nature

Par Maryse Vuillermet

9782278070527-TAdaptation réussie de deux contes, l’un russe et l’autre tchèque. Une mère a deux filles, l’une méchante et laide comme elle, et l’autre, jolie et gentille comme son père décédé. La veuve et la méchante fille maltraitent la belle. Elles lui imposent leurs caprices et exigences. Par exemple, elles lui demandent  des fleurs en hiver. La pauvre enfant part dans le froid et la neige mais rencontre près d’un feu des hommes encapuchonnés, ce sont les saisons.Janvier l’aide en lui faisant rencontrer Mars qui fait revenir une bouffée de printemps, la petite rapporte les violettes demandées. Sa sœur exige ensuite des fraises, même aide de Frère Juin et ceci, pour toutes les demandes et toutes les saisons. La dernière demande de la méchante sœur est de l’or, la petite trouve, grâce à Janvier, des pierres précieuses dans la grotte de l’hiver. Mais au lieu de les ramener à la maison, elle les garde et prend le train dans la ville voisine pour s’enfuir. Cette fin anachronique et impertinente donne son charme à l’adaptation.

Mais j’ai aimé aussi l’hymne aux saisons et le thème du respect de la nature et de ses cycles. Les illustrations d’Aurélia Fronty, qui puise son inspiration dans des tissus orientaux très colorés et imagine ses visages stylisés d’après ses  multiples voyages,  participent à l’atmosphère à la fois exotique et universelle.

La vie est belle

La Vie est belle
Christophe Léon
La joie de lire, Encrage   2013

  Souffrance au travail

Par Maryse Vuillermet

la vie ets  belle image J’avais été frappée par  la force et l’horreur d’un des romans précédents de Christophe Léon Silence, on irradie, publié chez Thierry Magnier en 2009 qui se situait dans des territoires dévastés par une explosion nucléaire. Celui-ci se déroule dans une famille dévastée  par  une explosion sociale. L’histoire commence par le récit fait par plusieurs passants de la défenestration  d’un homme sur  son lieu travail.

Puis, le récit se poursuit à la première personne du singulier. Lewis,  le narrateur,  quinze ans, fils de la victime du suicide, nous explique sa stratégie très réfléchie,  presque diabolique pour rencontrer et devenir l’ami de Julia,  une fille de son lycée. Or, il ne l’aime pas, et elle n’est pas jolie. Peu à peu, grâce à des retours en arrière, on comprend que son unique projet est la vengeance. En effet, son père a été harcelé par son chef,  humilié et conduit à la dépression et au suicide ; son sentiment d’échec, ses souffrances l’ont détruit,  lui et sa famille et le responsable, son patron, est le père de Julia.

Mais la mère de Lewis, elle,  a décidé de tourner la page, elle rencontre un homme simple et joyeux et veut refaire sa vie. Evidemment, Lewis le déteste mais accepte de l’accompagner au stand  de tir où il apprend à manier une arme. Les travaux d’approche fonctionnent,  il devient ami avec Julia qui, contre toute attente, se révèle être une fille intéressante.

Le grand jour arrive, il est invité  par les parents de Julia qui est même devenue jolie avec un peu de maquillage. Son frère Oscar a compris qui est Lewis, mais c’est un rebelle dans sa famille, il déteste son père et veut assister au règlement de compte.Tout semble se passer bien, le père de Julia, l’odieux patron qui a harcelé son employé, s’intéresse à Lewis, se montre prévenant. Que  va faire Lewis ? Va-t-il accomplir sa vengeance ?

Atmosphère étouffante et cruelle.  Suspens jusqu’à la fin.

Et récit d’une actualité poignante. L’entreprise s’appelle Violet Telecom, elle pourrait être n’importe laquelle des grandes sociétés de service qui maltraitent leurs employés et dont les suicides font régulièrement la une de la presse.Tous les protagonistes de l’histoire sont les victimes collatérales de ce nouveau fléau social mené au nom de la rentabilité,  appelé  harcèlement  au travail.

Les trois sœurs et le dictateur

Les trois sœurs et le dictateur
Elise de Fontenaille
Rouergue, 2014

Le courage des  femmes

Par  Maryse Vuillermet

 

 fontenaille_dictateurUne histoire simple et émouvante, rapide et sanglante et surtout vraie. Elise de Fontenaille sait faire revivre les événements passés. C’est une adolescente  californienne qui revient dans le pays natal de son père, Saint-Domingue, invitée par son beau cousin,  Antonio.  Et là,  elle apprend par sa grand-tante, dans sa maison entourée de fleurs, dans un récit  qui prend presque  deux jours,  l’histoire de sa grand-mère et de ses deux sœurs, histoire célèbre dans le pays mais que son père, traumatisé,  ne lui avait jamais racontée.

Ces trois sœurs belles, aimantes et courageuses  ont lutté contre le dictateur, Rafael  Trujillo, qui voulait violer l’aînée, la plus belle, comme il l’avait fait avec d’innombrables jeunes filles de son  pays et elles ont été battues à mort en 1960 toutes les trois par ses sbires.  Ce monstre,  amateur de jeunes vierges terrorisait sa population et il fallait un courage hors du commun pour s’opposer à lui.

 C’est le  jour de leur assassinat, le 25 novembre,  qui a été choisi pour célébrer la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

J’aimerais

J’aimerais
Portraits de Ingrid Codon,
Textes de Toon Tellegen, (trad. Maurice Lomré)
La joie de lire,   2013

  Sublime album pour Grands

par Maryse Vuillermet 

jaimerais_RVB_carre_200 Un album  étrange et d’une beauté envoûtante

 Trente-trois portraits d’enfants,  de femmes et de bébés, qui vous regardent,  mais ne sourient pas,  ils semblent tristes et vulnérables,  leurs yeux sont perdus dans un rêve, expriment  une nostalgie,  un étonnement ou encore une détermination sérieuse. Ils  portent des vêtements et arborent des coiffures  sans âge  et difficiles à situer, ce qui les rend à la fois proches de chacun de nous et étrangement décalés.

A chaque visage, l’écrivain  Toon Tellegen a prêté un rêve, parfois   une question. En effet en face de chaque portrait, on peut lire un texte qui commence le plus souvent par « J’aimerais.. »

« J’aimerais une baguette magique,… que quelque chose soit tout à coup annulé,… pouvoir me faire confiance, …avoir plus de courage moi qui n’en ai aucun… »  Ce sont de courts paragraphes,  des réflexions philosophiques et oniriques, parfois de petits rêves « J’aimerais marcher un jour le long d’un mur… »  qui donnent autant à penser qu’à rêver, qui donnent envie de nous  demander ce que nous aimerions, nous aussi…

Un album qui s’adresse aux grands à partir de quinze ans  et à tous les adultes.

Camp Paradis

Camp Paradis
Jean-Paul Nozière
Gallimard, Scripto, 2013

 

Que les hommes sont cruels !

Par Maryse Vuillermet

camp paradisLe narrateur Boris, orphelin,  est amené au Camp Paradis par un complice de son père,  trafiquant d’armes. « Eclopé de la vie » comme quatre autres enfants qu’il va y rencontrer, il est aimé et sécurisé par Pa et Ma, les responsables du camp  qui se sont donné la mission de sauver ces enfants.  Chacun d’eux a un passé horrible qu’on découvre par bribes, enfant esclave, enfant soldat,  enfant handicapé  et martyrisé ou affamé.  Dans ce camp, les règles sont strictes, pas de religion,  pas de prières,  pas de race, on travaille et on s’entraide. Mais les guerres tribales de religion ou de pouvoir sévissent tout autour et se rapprochent.

Le lieu et le camp sont imaginaires  et le récit présente quelques invraisemblances, mais c’est un roman tendre et violent,  qui se lit avec  terreur. Il tient bien sa place dans la collection Scripto.

 

Le clan des chiens, tome 1 Sur la piste des hommes

Le clan des chiens; Tome 1 Sur la piste des hommes
Christopher Holt
Seuil,   2013, pour la traduction
D’ Amélie Sarn

  Angoisse chez les chiens

Par Maryse Vuillermet

 le-clan-des-chiens---sur-la-piste-des-hommes-4149792-250-400Qu’est-il arrivé aux maîtres  de Max, le labrador ?  Pourquoi l’ont-ils abandonné au chenil ? Quand,  presque mort de faim, il réussit à s’échapper, il ne trouve  à l’extérieur que désolation,  les Hommes sont partis  et des chiens maigres, seuls, ou en clans très fermés et très dangereux,  errent dans les villes. Accompagné de Rocky, un teckel très intelligent et de Naïve,  une petite chienne yorkshire affectueuse, il commence un immense périple à travers  un pays dévasté où les loups affamés les  menacent  sans cesse, où les rats pullulent dans le métro abandonné, avec  le froid,  la pluie et surtout  la faim comme compagnons.  Ils volent  des croquettes dans les supermarchés, s’initient à la survie. Beaucoup d’entre eux sont devenus fous,  les plus forts sont des tyrans, les faibles se soumettent.

Mais eux,  dans leur petite bande,  s’entraident,  aident les plus faibles et cherchent  les hommes. On leur dit d’aller vers l’océan mais pourquoi ? Qu’est-il arrivé ? Le suspense et l’angoisse sont bien présents tout au long du récit. On s’attache à ces chiens intelligents et courageux, on s’étonne de voir incarnées,  dans les  autres chiens perdus,  toutes les tares des humains.

C’est un premier tome  attachant,  dépêchez-vous, le deuxième tome est sorti en octobre 2013 et le troisième l’a talonné.

la prophétie des sept chevaux

 La prophétie des sept chevaux
Les chevaux du vent  Livre III 
Martine Laffon
Seuil 2013

  Des adolescents chamans

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

la prophétie des sept chevaux image Sophia,  Marco et Nacim, trois  adolescents de quinze ans,  ont été initiés dans les tomes précédents  Les cavaliers de l’ombre et Le maléfice des masques  aux secrets du chamanisme par Natawas, leur maitre.  Dans les histoires précédentes, ils se  sont montrés capables de lutter contre l’Ombre  dans le grand Nord et en Afrique.  Cette fois,  c’est en Mongolie que  les chevaux du vent,  une race  très ancienne de petits chevaux qui descend de Gengis Khan,  sont attaqués par des loups et que des enfants disparaissent en grand nombre. Ils décident d’aller à la fête de Naadam,  une course très célèbre où des centaines de jeunes cavaliers mongoles s’affrontent chaque année sur le dos de leurs chevaux. Parallèlement à cette histoire, aux Etats Unis, Lou, une journaliste hippique cherche  à savoir qui est Baal,  un cheval inconnu engagé dans une course par un propriétaire mystérieux.  Dans sa banlieue, elle souffre de solitude comme son voisin,  et on se demande pourquoi cette jeune femme cache tant ses origines.

Nous sommes là dans un univers de fantasy original parce qu’il puise dans un fonds  traditionnel de magie, et  où l’univers des chevaux, des nomades éleveurs  et de la steppe   du chamanisme, des métamorphoses est d’un puissant exotisme. Là-bas, le monde des esprits, des morts  est relié à celui des vivants, le monde des hommes à celui des animaux, chevaux, loups et chiens,  qui sont à la fois leurs totems, et leurs gardiens.  Les rêves se lisent  et se racontent comme des prophéties,  les chamans frappent leurs tambours pour invoquer les forces des esprits bienfaisants,  et  les secrets se transmettent. C’est captivant et  envoutant.

Red code, la brigade des fous

Red code, la brigade des fous      
Philip Le Roy
Rageot Thriller 2013

  Catalogue et liste

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

cvt_La-brigade-des-fous--Red-Code_2696 imageJ’ai beaucoup de mal à accrocher à ce policier, le deuxième de la série  Red code après Blackzone.  Pour moi, le procédé est trop visible : six jeunes  choisis pour leurs qualités exceptionnelles mais aussi pour leur handicap,  un autiste savant,  une bipolaire séductrice, une hyperactive championne d’arts martiaux,  une dépressive insensible au danger, un addict aux jeux vidéo, et un trisomique  exceptionnellement musclé sont entraînés dans un camp appelé La Citadelle pour mener des enquêtes dangereuses et classées secrète.  Dans ce cas, il s’agit d’infiltrer un réseau de jeunes terroristes afghans. Ils sont adolescents  et lycéens. Il s’agît donc pour nos six détectives de s’inscrire dans leurs lycées,  de s’en faire des amis et de les arrêter avant qu’ils ne fassent pas exploser le centre atomique ITER. Mais le réseau  qui les a amenés en France est aussi un réseau de  vente d’êtres humains, de prostituées, les méchants sont aussi des adeptes de l’extraction des gaz de schiste, enfin, ils présentent eux aussi un catalogue de perversités.

Je dis liste, car à chacune des sorties du camp,  les six agents  s’adonnent a une liste complète de coups  et tortures, d’exactions en tous genres, explosions, destructions de bus,  de voitures,  d’immeubles, enfin, tout ce qu’il est possible de faire sans tuer vraiment. Les personnages  ont à la fois des talents exceptionnels et  sont des malades qui pourraient être à nouveaux enfermés à tout moment. On devrait s’attacher à eux, mais ils sont trop caricaturaux. Dans ce style, j’ai préféré Les infiltrés ou A comme association de Bottero.

Fugueuses

Fugueuses    
Sylvie Deshors
Rouergue, Doado, 2013

 Très politiquement incorrect!

Par Maryse Vuillermet

fugueuses imageCe roman est un éloge de la fugue,  de la résistance passive  ou active contre le pouvoir et ses représentants, les CRS. Deux jeunes filles,  mal dans leur vie et leur famille,  décident de fuguer en début d’hiver. Elles rejoignent le camp des opposants à un aéroport,  quelque part en Vendée. Là,  elles apprennent la débrouille, la solidarité, le travail collectif, l’écologie, la construction de cabanes, donc,  d’après elles,  beaucoup plus et mieux qu’au lycée. Elles sont amies mais très différentes, Lisa est forte, elle aime le combat  et les travaux physiques, Jeanne est douce, timide et réfléchie. Elles s’épanouissent dans ce milieu,  malgré la boue, le froid et le danger des charges de CRS.

A la fin, leur chemin se sépare, mais cette parenthèse les aura rendues plus fortes.

Beaucoup de parents n’apprécieront pas cet éloge de la fugue, mais beaucoup de jeunes vont rêver de cette vie libre, qui a un sens,  parce  qu’elle obéit à des choix de vie assumés.

Frangine

Frangine
Marion Brunet
Sarbacane, Coll. Exprim’, 2013 

Un beau roman de formation sur un sujet ô combien délicat et d’actualité

Par Maryse Vuillermet

 

frangineJoachim, lycéen de terminale,  n’a pas eu trop de problèmes jusque-là,  pour vivre sa différence. En effet, il est né d’une PMA ( procréation médicalement assistée) et il a deux mères, maman et Maline. Ceci pour plusieurs raisons, il est beau et costaud et il est magnifiquement aimé par ses deux mères et sa petite sœur, il vit dans un cocon de tendresse  et de confort. Il n’en va pas de même pour sa petite sœur, Pauline,  quand elle arrive au lycée.

Elle subit de plein fouet la bêtise, la haine et la violence de quelques gros bras de la classe de première. Ils la harcèlent, la couvrent d’insultes, la menacent des pires sévices sexuels, lui font un chantage ignoble. Elle souffre en silence. Pendant ce temps,  son frère vit sa première aventure amoureuse avec Pauline.

 Cependant,  par hasard, il  apprend l’horreur, fou de haine et honteux de son aveuglement,  il veut régler leur compte aux idiots,  mais sa petite sœur   ne veut pas qu’il le fasse à sa place.  Après avoir repris des forces pendant les vacances de Toussaint à la campagne auprès de ses grands-parents, elle décide de ne plus subir. Il fallait juste qu’elle arrête d’avoir peur. Le récit du retournement de situation est très jouissif  pour le lecteur.

C’est une belle histoire, un beau roman de formation original, sur un sujet peu traité,  mais d’actualité ; les enfants de couples homosexuels.

Joachim découvre en même temps l’amour et la sexualité, les différences sociales, la haine et toutes ses découvertes ne le font vaciller qu’un instant,  car, grâce à ses mères et à leur amour inconditionnel, à leur courage de vivre en accord avec elles-mêmes, il a des bases solides. C’est la leçon du roman:  ce qui compte, c’est surtout l’amour  entre frères et sœurs, entre grands-parents et petits enfants,  et dans le couple, l’amitié et  c’est ce qui donne le courage de  ne pas passer à côté de sa vie.