Sous-sol

Sous-sol
Martine Pouchain
Sarbacane, coll. Exprim 202,

L’horreur d’un confinement en famille

 Maryse Vuillermet

Une famille composée de la mère, du père et de deux filles se retrouvent confinée au sous-sol de sa maison à la suite d’une catastrophe planétaire. Leslie, la narratrice, est la cadette, elle observe et raconte.
Leur père, pieux et très autoritaire, est le seul à sortir pour cultiver les légumes dans une serre mais il sort masqué et armé car les animaux redevenus sauvages sont dangereux.  Il leur décrit le monde d’Avant et leur rappelle constamment que, quand ils sortiront, ils seront les Elus, les rescapés, ceux qui ont réussi à survivre.
Leur vie est bien organisée car le père avait tout prévu même avant la catastrophe mais elle est horriblement ennuyeuse. Et  la tension entre les différents membres de la famille devient palpable, surtout entre la mère et le père et entre l’ainée, Amy et le père. Et un jour, la tension devient violence.
Cette histoire est très angoissante car elle est réaliste, elle sait remuer nos angoisses de catastrophe nucléaire, elle rappelle notre expérience de confinement et elle flirte avec le survivalisme actuel.
Un récit passionnant et très angoissant, des indices qui font monter savamment l’horreur et le doute, et dont on ne sort pas tout à fait indemne.

L’enfant, le libraire et le roi

 L’enfant, le libraire et le roi
Thierry Maricourt, Ill. François Place,
Rue du monde, 2021

 

 Un voyage au pays des livres

 Maryse Vuillermet

 

C’est une courte nouvelle et de minuscules dessins et pourtant une immense réflexion sur un univers infini, celui des livres, de tous les livres, et de la soif de lire.

Un petit garçon entre dans une librairie et farfouille, en fait, il ne peut s’offrir les quatre volumes de l’histoire du roi du lac gelé.  Le libraire le bouscule, l’enfant hésite entre acheter les trois premiers et ne pas connaître la fin, ou acheter les trois derniers et ne pas comprendre l’histoire pour ne pas avoir lu le début.  Un dialogue s’instaure entre le libraire qui peu à peu s’adoucit et l’enfant.  Ils échangent sur le plaisir de lire, la soif inextinguible de livres mais aussi ce que ça implique d’activités fatigantes pour le libraire.

Dans les interstices du dialogue, se glissent des morceaux de l’histoire du roi du lac gelé et on ne sait plus qui invente la fin, si c’est l’enfant ou l’auteur.

Une lecture pour tous les amoureux des livres petits et grands.

 

Le transsibérien, départ immédiat pour l’autre bout du monde

 Le transsibérien, départ immédiat pour l’autre bout du monde
Alexandra Litvina, Anna Desnistskaïa
Rue du monde, 2022,

 

 Un voyage pour rêver et apprendre

 Maryse Vuillermet

 

 

Difficile de rendre compte de ce beau livre dans le contexte actuel mais essayons!

Cet immense album est une invitation à découvrir le Transsibérien, ce train mythique, cette ligne créée en 1916 qui parcourt 9288 km, 140 gares de Moscou à Vladivostok.  On pense à Cendrars, à Sylvain Tesson et on rêve.

L’originalité de cet album et dû à plusieurs choix :

–– le parti pris d’un voyage en famille, ce sont des adultes et des enfants qui se retrouvent dans les wagons et les lits à étage, jouent aux cartes, regardent par la fenêtre, organisent les repas…

––le côté guide pratique, comment réserver, se préparer, quoi emporter, etc. etc.

–– les dessins de Anna Desnistskaïa pleins de vie, souvent drôle, mais également précis, dans les croquis de bâtiments, d’animaux, de plantes…  et extrêmement pédagogiques

–– les témoignages des enfants rencontrés tout au long du trajet et qui donnent une idée de la Russie d’aujourd’hui

–– les nombreuses informations dans tous les domaines, géographiques bien sûr mais aussi historiques, architecturaux, culinaires.

Ce livre est une véritable mine d’informations, une encyclopédie sur rail, un livre-événement sorti dans un contexte très malheureux pour les auteurs et pour tous.

 

Bienvenue Castor, Magnus Weightman

Bienvenue Castor
Magnus Weightman
La Martinière Jeunesse, 2022

Un délicieux voyage au pays des maisons d’animaux

Maryse Vuillermet

L’album raconte le voyage de Castor qui décide un jour de quitter son nid et de courir le monde. Il croise le chemin du chien Atika qui l’embarque dans sa montgolfière. Ensemble, ils découvrent la Terre vue d’en haut, sa beauté, « ses paysages étonnants » puis les habitats de nombreux animaux. Nous explorons avec eux la tanière du phoque et de l’ours, le terrier du renard, la ruche des abeilles, la termitière, le nid du rat des moissons… Chaque logis est surprenant, son emplacement et son architecture sont la preuve d’une immense habileté.
Le dessin de Magnus Weightman est tendre, drôle, plein de fantaisie, chaque nid ou tanière est rempli d’animaux habillés comme des humains et meublé comme une maison humaine, cet anthropomorphisme des animaux les rend  sympathiques et proches des enfants, le tisserin joue du piano, le bernard-l’hermite fait du surf, les chiens de prairies ont des bibliothèques, c’est un univers de maisons de poupée.
A la fin de l’album, un planisphère permet de retracer le parcours des héros et de situer l’habitat de chacun des animaux pour apporter des informations complémentaires sur leur mode de vie.

Un album qui plaira à tous les enfants.

L’île sous la mer, Histoires naturelles, Xavier-Laurent Petit

L’ile sous la mer, Histoires naturelles
Xavier Laurent Petit, Ill, Amandine Delaunay
 L’école des loisirs, neuf, 2021.

 

  Ravages des guerres, celles des hommes et celles de la nature et résistance

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Marco, le jeune narrateur de cette histoire, bégaye et n’est pas bon en calcul mais il connaît tout de son île, les dunes, les vents, les cachettes et surtout les oiseaux, ses amis, dont il sait imiter les chants et comprendre les messages.  Les mots qu’il invente en bégayant, ses difficultés à l’école et le harcèlement dont il est victime le rendent touchant.

On est en 1917, les jeunes hommes de l’ile s’engagent pour la guerre en Europe, le frère de Marco, Tom, et le frère de sa meilleure amie, Magda, partent.

Une nuit, la tempête souffle si fort que les bâtiments du port, les maisons sont noyés.  L’île semble s’enfoncer.  L’institutrice essaie de comprendre ce qui se passe et mesure l’ile à l’aide de Marco, ses conclusions sont formelles, l’ile s’enfonce de plus en plus.  Peu à peu, les habitants, dont les parents de Magda, décident de partir. Marco est très malheureux.

Ce récit mêle habilement documentaire et fiction car il est construit à partir de faits réels. Et la fiction est très attachante.  Chaque personnage est traité avec soin, l’institutrice, la mère de Marco, sa meilleure amie Magda, son pire ennemi Bill Leroux… La tragédie affleure, l’absence des jeunes hommes partis à la guerre, les drames de la mer et celui de l’exil sont terribles mais la magie de certains instants dans les dunes au milieu des oiseaux, quand les oiseaux soufflent la solution à Marco et les illustrations tendres et drôles d’Amandine Delaunay permettent de s’en évader.

Ce petit roman mêle donc habilement chagrins et joies, désastres et résistance,  Tom parti à la guerre mais qui envoie des lettres pleines de fautes d’orthographe et d’amour fraternel, les deux enfants  séparés puis réunis par la disparition de l’île, l’institutrice inquiète pour son fiancé  aviateur qui le retrouve à la fin de la guerre et ce dernier  offre aux enfants un  voyage en avion  au-dessus de l’ile noyée devenue refuge des oiseaux, le méchant  harceleur Bill Leroux, à la mort de son frère, devient enfin gentil…  une montagne russe d’émotions fortes, donc un bon roman.

A noter qu’un podcast documentaire sur le même sujet est joint : L’île sous la mer de Camille Juzeau

 

Introverti.e.s, mode d’emploi, Coline Pierré et Loïc Froissart

Introverti(e)s mode d’emploi
Coline Pierré et Loïc Froissart
Rouergue, Coll. Dacodac, 2021

 

« Guide de survie à l’usage des discrets, des timides, des réservées, des rêveurs, des silencieuses, des solitaires, des réfléchies, des calmes, des indépendantes, des têtes en l’air, des secrètes, des renfermés, des cérébrales… »

Maryse Vuillermet

 

C’est drôle, très drôle!

Ce petit livre inclassable est à la fois une BD et un essai scientifique. Il est  didactique et amusant, composé de dessins, explications, tableaux, quizz, petits jeux…

Ce « manuel » définit ce qu’est un introverti puis en précise les différents types. Ensuite, il indique comment les apprivoiser et communiquer avec eux pour peut-être les aimer. Dans une époque où seuls les extravertis ont la parole, les places et le pouvoir, il rend justice et offre certainement une bouffée d’air frais aux introvertis qui se reconnaîtront et qui seront reconnus aussi dans leurs différences et leurs qualités.

Il sera utile aussi à ceux qui les côtoient ou vivent avec eux sans toujours bien les comprendre.

Sans jamais se prendre au sérieux, cet ouvrage était tout simplement nécessaire.

 

Ps « Ce livre est rédigé autant que possible en écriture inclusive » dit l’auteure d’où le mélange de masculin et féminin  dans le sous-titre que j’ai reproduit pour vous en donner une idée.

Le club des inadapté.e.s, Cati Baur, d’après le roman de Martin Page

 Le club des inadapté.e.s
Cati Baur d’après le roman de Martin Page,
Rue de sèvres, 2021

 

 Groupe d’ados en danger

 Maryse Vuillermet

 

 

 

 Martin, Edwige, Erwan et Fred sont « des adolescents à problèmes », si l’on s’en réfère à la dénomination classique, l’un est trop petit, et est orphelin, l’autre est trop grande et trop intello, une autre encore est punk et musicienne, et le quatrième porte un costume et des chaussures à lacets, et ils ont, comme par hasard, des parents à problèmes. Le père d’Erwan est veuf et dépressif, il oublie son fils, celui d’Edwige est chômeur…

Qui se ressemble s’assemble, ils forment donc une bande de quatre inséparables, et ils se dénomment le club des inadaptés. Ils sont  inadaptés  au collège où ils s’ennuient, sauf en maths où la remplaçante se révèle être la reine des inadaptées, c’est normal, elle est géniale et alcoolique. Et inadaptés dans la vie où ils ne veulent surtout pas ressembler à leurs camarades beaux, intelligentes et riches. Leur refuge est une cabane à leur image.

Un jour, Erwan, le plus gentil, le bricoleur, se fait agresser et tabasser dans la rue, pour rien, sûrement parce qu’il est différent !

Et puis, il devient bizarre, s’enferme pour fabriquer une machine à rééquilibrer les injustices. Ses amis s’inquiètent pour lui.

C’est un très bon album, l’histoire est forte, ces jeunes n’ont pas de chance, subissent des injustices, mais ils se serrent les coudes et trouvent des solutions avec intelligence et tendresse.

Le dessin de Cati Baur est drôle, plein de tendresse, coloré mais il sait aussi être caricatural et incisif et il illustre avec finesse le roman de Martin Page.

 

C’est un album qui peut grandement réconforter de jeunes ados en souffrance .

 

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Esther Andersen, Timothée de Fombelle

Esther Andersen
Timothée de Fombelle
Gallimard jeunesse, 2021

 

Vacances inoubliables

 

 Maryse Vuillermet

 

Un petit garçon va chaque année en vacances chez son oncle Angelo. Or, cette année-là, il décide de rouler en vélo plus loin que d’habitude, et il découvre en même temps la liberté, la griserie du lointain, la plage, la mer et l’amour fou d’Esther.

C’est difficile de décrire la grâce et la beauté de cet album. Le texte dresse avec délicatesse le portrait de l’oncle, son originalité, sa fantaisie, son désordre mais surtout son amour immense pour le petit vacancier qu’il comprend sans paroles.  Cet oncle est si farfelu et si pauvre qu’il pourrait faire honte au petit garçon, mais quand il s’agit de retrouver un chien perdu, il est à la hauteur de la situation, il fait preuve d’intelligence « je fais mes déductions, je connais mon affaire », d’intelligence du cœur.  Et ce petit garçon qui n’a jamais vu la mer, est-ce honteux, il demande à Esther « tu trouves ça bête ? ça te fait rire ?  Non. »  En un mot, voilà le petit garçon rassuré, et toute l’histoire est de la même veine, tout est suggéré, effleuré.

L’album raconte aussi la liberté, le bonheur simple de ces moments, l’amour immédiat pour Esther, sa recherche.

Les dessins d’Irène Bonacina s’accordent à cette douceur, elle dessine la grâce des silhouettes légères d’Esther, de l’oncle Angelo et du petit garçon, les paysages de la côte, l’immensité de la mer et l’émotion de la première baignade…

 

L’été de tous les possibles

 L’été de tous les possibles
Jennifer Niven, (trad.  Vanessa Rubio-Barreau)
Gallimard jeunesse, 2021

 

Chagrins et premier amour

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Après avoir adoré Tous nos jours parfaits,  http://www.lietje.fr/2016/03/22/tous-nos-jours-parfaits/     j’attendais beaucoup de ce roman. Or, j’avoue que j’ai eu du mal à me laisser prendre par cette histoire d’adolescente dévastée par le divorce de ses parents. Et j’ai eu du mal aussi avec « l’ambiance très américaine » : fin des années au lycée, cérémonies de remise de diplômes en grande pompe, discours de la meilleure élève, parents drôles, gentils, universitaires qui disent toutes les cinq minutes à leurs enfants « je t’aime » et meilleure amie depuis l’enfance qui dit aussi toutes les cinq minutes « je t’aime ».

Bref, il m’a fallu du temps pour entrer dans l’histoire. Une fois sur l’ile où la narratrice passe ses vacances avec sa mère et rencontre le beau Mia, le récit retrouve un peu d’intérêt grâce à la présence d’une nature sauvage,(les tortues viennent pondre sur la plage, on croise des serpents et des alligators), et à l’histoire des habitants, les ancêtres de Claudine sur lesquels sa mère fait des recherches.

Mais bon, un léger ennui a régné sur ma lecture, désolée.

 

 

avec toi, Delphine Grenier

 avec toi
Delphine Grenier,
Didier jeunesse, 2021,

 

Fondu-enchainé de tendresse

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Cet album raconte toutes les situations que peut   vivre un petit animal avec son parent, du réveil au coucher :   » avec toi, je me réveille ; avec toi, je suis bien ; avec toi, je me régale ; avec toi, je chante… »

Ce qui fait la force de cet album avec très peu de texte, c’est la beauté des illustrations aux couleurs intenses et profondes et la tendresse heureuse qui s’en dégage avec force. Les animaux (ours, chiens, chats, renards, oies…) et leurs petits ont une présence exceptionnelle.  Et leurs attitudes de confiance, d’abandon, de complicité, d’intensité de vie racontent aussi notre propre vie, nos relations humaines entre parents et enfants, notre présence au monde.