Fais ce qu’il te plait !

Fais ce qu’il te plait !
Michel Boucher
Møtus, 2020

À vos crayons !

Par Anne-Marie Mercier

Finir son assiette, ne pas parler, obéir, croire tout ce qu’on nous dit, arrêter de rêver, faire confiance aux adultes, se méfier des étrangers… Tous ces préceptes sont ici retournés pour donner à l’enfant des leçons d’indépendance et de survie et l’inviter à développer son esprit critique.
L’originalité de ce petit livre est qu’il propose en vis-à-vis le précepte traditionnel et son contraire, ou du moins son antidote : la page de droite reprend la phrase donnée en page de gauche, en supprimant certains mots ou mêmes des lettres à l’intérieur de mots, pour lui donner un autre sens. Ce caviardage est fait avec astuce et invite à poursuivre le jeu. Ainsi, « Travaille au lieu de t’amuser si tu veux réussir » devient « va t’amuser » en extrayant le -va- de tra-va-illle.
Bien sûr on peut considérer que c’est un peu facile de dire aux enfants qu’ils peuvent revendiquer d’aller au pays des jouets (celui de Pinocchio) ou à celui des quatre cent mille volontés (d’André Maurois) et de moquer les figures d’autorité en leur donnant des têtes d’animaux, mais on peut répondre à cela qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre à jouer avec les images et les mots et prendre un peu de distance avec l’impératif.

 

 

 

Virelangues et trompe-Oreilles

Virelangues et trompe-Oreilles
Henri Galeron (images)
(Les Grandes Personnes), 2020

Méli-mélo dits et imaginés

Par Anne-Marie Mercier

« Que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ? »
Eh bien, on peut faire marcher sa langue, articuler des suites de mots difficiles à prononcer, souvent sans queue ni tête, et rêver sur leur sens possible avec les images proposées par Henri Galeron, toujours superbes, et bien reproduites dans ce joli petit album de format carré.

Voila l’archiduchesse séchant tête en bas avec ses chaussettes, les cyprès mis à toutes les sauces, comme les souris, ou les rats attirés par les tas de riz…  On trouve aussi des séries moins connues, comme celle de Natacha et son chat, le bébé qui boit dans son bain, les trois tortues tristes…. Dans la partie trompe oreilles, on trouve des enchainements tout aussi fantaisistes, parfois courts (« L’eusses-tu cru que ton père fut là peint ? », disent les lapins), parfois longs (« Pie niche haut… »).

Les très belles images précises dans leurs moindres détails donnent à ces visions souvent absurdes, parfois inquiétante, une saisissante vérité.

 

 

Les Nouvelles aventures de Lester et Bob

Les Nouvelles aventures de Lester et Bob
Ole Könnecke
Traduit (allemand) par Svea Winkler-Irigoin
L’école des loisirs, 2017

Amitiés complémentaires : la part du gâteau

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec plaisir le coupe de Lester (canard malin et un peu profiteur des trop gentils) et Bob (ours amateur de pâtisseries – à faire et à manger – et bonne pâte.

Ces nouveaux épisodes montrent leurs échanges de services (toujours en défaveur de Bob), les ruses de Lester contre les crocodiles ou contre Bob (gagné pour la deuxième), leurs disputes et réconciliations…

Tout cela est savoureux, à lire et à regarder, et donne envie de partager une tranche de ces gros gâteaux amicaux.

Tor et le prisonnier

Tor et le prisonnier
Thomas Lavachery
L’école des loisirs (mouche), 2018

Quel cirque !

Par Anne-Marie Mercier

Thomas Lavachery poursuit les aventures de Tor, l’ami des Trolls avec une nouvelle aventure à laquelle ses parents participent cette fois activement : ils ont été mis au courant dans un épisode précédent du fait que :
1 : les Trolls existent
2 : Tor est leur ami, ils sont gentils, si on l’est avec eux.
un jeune troll a été capturé par des chasseurs et vendu à un propriétaire de cirque cruel. Le père et l’oncle de Tor se font passer pour des dompteurs de lion (ce qu’ils ne sont pas) pour délivrer l’imprudent.
On retrouve la truculence des personnages, l’ « hénaurmité » des situations, et on se régale avec cette variation sur des thèmes connus.

Cuisine au beurre noir

Cuisine au beurre noir
Michel Besnier, Henri Galeron
Møtus, 2019

Par Anne-Marie Mercier

Chauds les poèmes !

La cuisine, c’est beaucoup de gestes, avec le vocabulaire qui les désigne (ôter, faire revenir, ébouillanter, faire dégorger…), des objets (poêlons, marmite, soupière ;.., des ingrédients qui sentent bon « les mots ordinaires / pomme de terre, / persil, potiron / qui sent bon / le jardin le vert/les mots bien ronds/ ceux de ma mère. » On en a les papilles éveillés et, avec les crayons de Galeron, noirs sur gris,  les « yeux farcis de beauté ».

Mais il n’y a pas que de la douceur, loin de là : la cuisine peut se faire cruelle, sanglante, elle mérite alors bien son nom de noire : « Tuez/ Dépouillez / Videz / Coupez / Enflammez (…) Hachez menu / Faites sauter / Faites rôtir […] La cuisine c’est la guerre / Oui Chef ».

Rire amer, le titre est sans doute inspiré par celui du film de Gilles Grangier, « La cuisine au beurre », où Bourvil tenait le premier rôle. C’est fin, varié, un brin canaille, parfois un peu épicé.

 

 

AniMalcolm

AniMalcolm
David Baddiel
Traduit (anglais) par Rosalind Elland-Goldsmith
Seuil, 2018

Animal, mon frère

Par Anne-Marie Mercier

Malcolm n’aime pas les animaux ; ça ne l’intéresse pas et il aurait préféré avoir un ordinateur pour son anniversaire plutôt qu’un stupide chinchilla. On se doute bien qu’en littérature de jeunesse, du moins dans sa part la plus conventionnelle, ce n’est pas bien. Le pauvre Malcolm sera redressé grâce à l’intervention d’un vieux bouc croisé lors d’un séjour dans une ferme pédagogique.

Le sel de l’histoire est dans le procédé utilisé pour changer Malcolm : on le change effectivement : il subit toutes sortes de métamorphoses (tortue, cochon, singe…). Si la spécificité de ce qu’on peut imaginer être un  point de vue animal y est peu pris en compte, cela donne lieu à toutes sortes de péripéties souvent drôles et ces animaux apparaissent comme fraternels et compréhensifs. Ça ne casse pas trois pattes à un canard et Macolm est une vraie tête à claque, mais ces animaux sont vachement sympas…

La Vérité sur ma folle école

La Vérité sur ma folle école
Davide Cali, Benjamin Chaud
Hélium, 2019

Ouf !

Par Anne-Marie Mercier

Bizarre, cette école ! mais cela n’a rien d’étonnant, vu le duo talentueux et inventif qui la présente. Bizarre aussi le garçon qui fait visiter les lieux à la nouvelle, avec sa coiffure décoiffée, sa cravate et son costume, sans parler de son chien, qui participe à toutes les activités scolaires.
Les deux enfants parcourent l’école de fond en comble, jusqu’à la loge du gardien, et aux locaux techniques, et au service des objets trouvés. Ils visitent aussi la piscine, la salle d’arts plastiques, la bibliothèque « immense », la salle des professeurs (où ceux-ci sont concentrés autour d’un énorme plat de bonbons), le bureau de la directrice (qui lévite avec tous les objets autour d’elle). Tout est en effet étrange, à part l’injonction de faire ses devoirs. Les illustrations fourmillent de détails et de scènes cocasses, on s’amuse beaucoup à cette visite.
Et la chute de l’histoire invite à relativiser : méfions-nous, il y a souvent plus étrange encore que ce que l’on croit voir.

Le Pigeon doit aller à l’école !

Le Pigeon doit aller à l’école !
Mo Willems
Kaléidoscope

Place aux pigeons ?

Par Anne-Marie Mercier

Comme Ernesto, l’enfant qui ne veut pas aller à l’école dans le texte de Marguerite Duras (Ah Ernesto, publié par Harlin Quist (1971) et réédité chez Thierry Magnier avec des illustrations de Katie Couprie), le pigeon a de nombreux arguments : il n’est pas du matin, il a peur, de la maitresse, des autres, des lettres, des chiffres…
Tout cela dédramatise gaiement la question et les poses du pigeon juste esquissé le rendent bien humain, comme dans les autres albums de la série, encore plus déjantés (Ne laissez pas le pigeon conduire le bus).

 

 

La Recette des parents

La Recette des parents
Martin Page, Quentin Faucompré
Rouergue, 2016

Jouer ou travailler?

Par Anne-Marie Mercier

« Il y a très longtemps,
le monde était peuplé uniquement d’enfants.
ils passaient leurs journées à ramasser des fruits et à prendre soin des animaux, ils construisaient des maisons et ils cousaient des vêtements. »

Comme tous les récits étiologiques, ce conte propose un récit d’origine, mais il prend les choses à l’envers (on retrouve la question de l’œuf et de la poule), et présente la création des parents après celle des enfants.
Comme toutes les fables absurdes, il vise à dire des choses sérieuses et drôles à la fois. Le premier couple de parents est créé par une petite fille qui « était fatiguée de travailler tout le temps [et] voulait se reposer, s’amuser, courir et se baigner » : les parents sont obéissants et travailleurs, ils donnent entière satisfaction à leurs créateurs qui peuvent enfin jouer tranquillement. Mais les enfants se rendent compte que quelque chose ne va pas : les papas et les mamans qu’ils ont créés n’ont pas l’air heureux, ne rient jamais, et, pire, chassent les animaux. Que faire ?
Les illustrations de Quentin Faucompré, avec leurs couleurs flashy et leurs allures de coloriage déjanté sont au diapason pour faire rire et réfléchir sur la difficile question de la répartition des tâches… Et puis, si vous voulez créer à votre tour un parent, vous avez plusieurs recettes à suivre (au fait, comment fait-on les enfants? c’est la question que ce récit permet de ne pas poser).

 

 

La Fête d’anniversaire

La Fête d’anniversaire
Malika Doray
MeMo, 2019

« Même pas » une fête, de « même pas » anniversaire

Par Anne-Marie Mercier

« Il était une fois une souris qui voulait des biscuits. Elle décida donc de fêter son anniversaire et d’en préparer ».

Tout est dit. Le désir est affirmé, et réalisé. Il l’est même avec tous ses à-côtés car la souris ajoute aux biscuits quelques gâteaux et s’écrit à elle-même une jolie carte, affirmant son affection en post-scriptum. Elle met le tout dans un joli paquet qu’elle trouve à son réveil le lendemain et déguste avec délices en savourant sa tranquillité.
Le deuxième acte porte sur le partage : alors que la souris se félicite d’être seule et de n’avoir « même pas » invité personne, commençant à « même pas » s’ennuyer, on sonne à sa porte et « personne » entre, sous la forme (grenouille, lapin, renard, ours ?) de trois amis avec « même pas » un gâteau, des boissons, des bougies, et des cadeaux… que l’on voit entre leurs mains dans l’image. Tous se régalent ensemble et le mystère du « même pas » reste entier.
La structure de la page est sage au début : sur fond blanc, la souris est tantôt représentée une fois, parfois deux, trois, quatre fois, mais tout cela est bien aligné, avec des formes simples et des variations de postures qui lui donnent un air de pantin. A l’arrivée des amis, la structure explose, partiellement : le cadre reste bien en place, d’un trait bien droit orné de fruits et de feuilles. Simplicité et fantaisie garanties, dans un album grand format aux images très aérées et lisibles pour les petits. Et tout cela sur un beau papier avec une superbe impression (marque de fabrique de MeMo).