Raconte à ta façon… Le Chat botté, Boucle d’or…

Raconte à ta façon… Le Chat botté, Boucle d’or…
Sonia Chaine, Adrien Pichelin
Flammarion jeunesse, 2017-12-29

Conte en kit

Par Anne-Marie Mercier

Une histoire peut se passer de mots, du moins au début.
On connaît les histoires sans paroles, mais ici on est face à un dispositif qui emprunte à quelques trouvailles graphiques devenues courantes depuis Leo Lionni ou les Pré-livres de Bruno Munari (Les trois ourses). L’originalité de cette collection réside paradoxalement dans son absence d’originalité sur le plan des histoires : il s’agit d’appliquer le principe des formes géométriques à un conte connu. Un marque-page donne la légende des formes.

Dans le cas de « Boucle d’or », c’est très simple : chaque ours est représenté par un rond de même couleur mais de grandeurs différentes, même chose pour les lits et les bols ; il y a une maison stylisée, un triangle doré (façon jupe ?) pour l’héroïne, etc. Et puis beaucoup de vert pour la forêt, avec le trait blanc du chemin qui met en valeur les déplacements. Les passages dans la maison sont en revanche plus complexes, et plus drôles.

Pour « Le Chat botté » qui présente une intrigue plus complexe et des lieux plus variés, le pari est aussi réussi. C’est une belle idée de styliser non seulement les personnages et leurs différents états (ogre en lion ou en souris) mais aussi les lieux (forêt, champ, rivière, château) et les objets (bottes) ou animaux (perdrix).

Les auteurs proposent non seulement de mettre en mots, mais d’imaginer des paysages, émotions, dialogues… et d’ajouter des cris et des bruits, de quoi s’amuser…

 

Petit atelier d’écriture créative

Petit atelier d’écriture créative
Louie Stowell, Megan Curtis, Rachel Firth,
Rosie Hore, alice James, Jérôme Martin, et Jonathan Melmoth
Lucile Gomez, Paul Hoppe, Briony May Smith Paul Thurlby (Ill)
Editions Usborne, 2016 et 2017 pour le texte français

Une mine pour les écrivains en herbe et leurs enseignants
Par Maryse Vuillermet

Ce livre se présente comme un cahier d’exercices d’écriture, ou un cahier d’activités, illustré avec humour et fantaisie.
Mais il est en fait un vrai manuel d’écriture destiné à tous les enfants, car tous les exercices sont faisables par tous, pas seulement par les bons en langue ou les passionnés de littérature.
Il s’inspire des techniques de creative writing chères aux écrivains américains et enseignées depuis de longues années dans les universités anglo-saxonnes (mais pas en France, où l’on considère à tort qu’écrire des romans ne s’apprend pas).
Il permet donc à des jeunes de jouer avec les mots puis d’écrire dans différents genres, haïkus, journal intime, BD, romans, scénarios, blogs, critiques de livres, poésie…
Il est pédagogique et drôle.
Il leur montre comment créer des personnages, un scénario, une histoire, des dialogues qui font avancer l’action, des scènes captivantes. Il explique les ressorts de la fiction, de la bonne histoire qui fait pleurer, s’émouvoir, frissonner et souffrir avec le personnage.
Il est rempli d’activités variées, d’exemples de livres, de personnages, de listes de mots et d’illustrations dynamiques qui donnent envie et encouragent la créativité.
Il s’adresse aux enfants mais tout autant aux enseignants de primaire ou de collège qui ont envie de donner vraiment le goût d’écrire à leurs élèves.

Le Livre qui dort

Le Livre qui dort
Ramadier et Bourgeau
L’école des loisirs (Loulou et cie), 2017

Pour dormir…

Par Anne-Marie Mercier

Votre enfant ne veut pas dormir ? les histoires l’excitent au lieu de l’engourdir ? Il en réclame toujours une autre ?

Alors vite ce livre est pour vous (enfin, il faut essayer) : le livre, fatigué va s’endormir, on demande à l’enfant de lui faire un câlin, de lui raconter une histoire, de lui dire bonne nuit… et le tour est joué ! L’idée du livre interactif mais tout en papier est joliment explorée ici, après le livre en colère qu’il fallait apaiser, le loup qu’il fallait faire disparaître

Le Chevalier courage !

Le Chevalier courage !
Delphine Chedru
Hélium, 2010

L’album dont vous êtes le héros

Par Anne-Marie Mercier

 

On connaissait les romans du type « le livre dont vous êtes le héros » voici un album gagné par ce jeu. Celui-ci prouve à quel point ce type d’ouvrages est adapté à ce genre : un chevalier doit accomplir une quête et se trouve devant divers obstacles et surtout des énigmes : il faut trouver  des motifs ou des objets dans les images, trouver des intrus, associer des paires… en même temps on rencontre avec le chevalier des êtres étranges, des lieux mystérieux et beaux…

C’est une belle promenade qui fait passer d’une page à une autre espacée de plusieurs autres, parfois revenir en arrière comme au jeu de l’oie… et c’est une vraie plongée si on le parcourt sérieusement car les énigmes demandent du temps et de l’attention !

Voir sur le site de l’éditeur.

Le Musée en pyjamarama

Le Musée en pyjamarama
Michaël Leblond, Frédérique Bertrand
Rouergue, 2016

Le musée, la nuit…

Par Anne-Marie Mercier

Fatigué de sa visite au musée, un enfant s’endort et se retrouve dans un dédale de couloirs sombres ; un gardien semble dormir, c’est l’occasion de revoir les tableaux : des roues tournent, des mobiles bougent, des taches explosent… Soulages, Mondrian, Calder, Miro, et d’autres figures de l’art moderne ou contemporain s’animent.

Sur le même principe que les autres albums « en pyjamarama » (Lunaparc, New YorkMes Robots, Les Billes, une grille rayée que l’on passe sur les images permet ces effets de la technique de l’ombro-cinéma (on peut voir une video sur le site de l’éditeur), le livre devient une surface qui bouge et fait bouger le lecteur. Il choisit son rythme, l’ordre des animations, il se promène… tout en regardant de belles images.

Le Livre qui dit enfin tout sur les filles et les garçons

Le Livre qui te dit enfin tout sur les filles et les garçons
Françoize Boucher
Nathan, 2014

Tout, vous saurez tout… ou rien de plus ?

Par Anne-Marie Mercier

Le Livre qui dit enfin tout sur les filles et les garçonsCe livre ne dit pas tout (d’ailleurs la plaisanterie est vite découverte), mais il dit ce qu’il juge essentiel très habilement, sous forme de jeux, de tests souvent absurdes, et en dessins vite croqués et stéréotypés à souhait, ce qui permet de souligner la courte-vue de ceux qui penseraient encore que filles et garçons ne sont pas égaux.

Ils sont affirmés comme différents, certes, mais on ne nous dit jamais à quoi tient cette différence sinon à l’évolution du corps et aux idées reçues. Les variations possibles ne sont pas niées, au contraire, mais elles ne sont pas non plus mises au premier plan.

Tout cela pour ça ? On pourrait objecter que ces idées sont aujourd’hui elles-mêmes bien « reçues » ; mais la qualité du livre tient à sa drôlerie, à son jeu sur l’interactivité (un peu à la manière des albums d’Hervé Tullet) et à sa manière de dire de façon annexe mais juste qu’il n’en a pas toujours été ainsi, que la situation est loin d’être parfaite chez nous et qu’elle reste inextricable dans bien des pays.

Cité Babel, Le grand livre des religions

Cité Babel, Le grand livre des religions
Pascale Hédelin, Gaëlle Duhazé

Les éditions des éléphants, 2015

Religions en voisinage

Par Claire Damon

Cité Babel, Le grand livre des religionsLudique et passionnant, l’album Cité Babel se présente sous la forme d’un immeuble de plusieurs étages. Au rez-de-chaussée se trouve l’épicerie de Monsieur Félix qui est athée, au premier étage vit une famille catholique, au deuxième, une famille juive et au troisième, une famille musulmane.

Cette forme – avec des pages découpées qu’on tourne au gré du hasard et des envies – est le coup de génie de l’album. Jamais rébarbatif, ce documentaire fait découvrir au fil des saisons les temps forts, les rites, les fêtes et les traditions païennes et religieuses. Comme au sein de l’immeuble, ces habitudes et ces croyances se superposent, se respectent, s’invitent et se questionnent. Le vivre ensemble en ressort comme une évidence.

Visitons la maison

Visitons la maison
Pittau & Gervais
Galimard jeunesse (Giboulées), 2015

ABC de la maison

Par Anne-Marie Mercier

Visitons la maisonDans le même esprit que les grands albums parus précédemment (Promenade au jardin, Visite au zoo), les auteurs proposent une visite guidée entre les pages par des chemins de couleur : l’un permet de relier les silhouettes de différents membres de plusieurs familles, dont on retrouve les images à coller en page centrale, l’autre relie les objets, cachés sous des rabats à leur initiale qui évoquent parfois les bruits qui leur sont associés, un autre associe les animaux. Beauté du graphisme sur un fond bleu marine, ingéniosité des parcours, mise en éveil et en activité, c’est tout un monde qui se déplie, dans un abécédaire en forme de jeu.

Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?

Mon livre des doudous. Où sont-ils cachés ?
Sébastien Pelon (ill.)

Père Castor, 2013

Schmilblick pour les tout-petits

Par Dominique Perrin

mon livre« Je suis un doudou lapin aux dents blanches, et j’ai une étiquette verte à carreaux. Où suis-je ? ». Cet album agrémenté d’étiquettes de tissu en guise de marques-pages ne poursuit assurément pas de but poétique ; emboîtant le pas à de désormais classiques comme Il est où mon p’tit loup ? de Stéphanie Blake, il attire le jeune lecteur par son thème et ses onglets agréables à toucher en vue de lui soumettre des devinettes logiques. Pour cela, il requiert l’analyse correcte de groupes nominaux descriptifs et la discrimination visuelle correcte d’une pluralité de doudous de même type (de double page en double page, des ours, puis des lapins, puis des éléphants…).

Il est bien possible que ledit jeune lecteur s’y amuse et y apprenne la langue… mais pourquoi bannir aussi rigoureusement toute gaieté inventive d’énoncés impitoyablement calqués sur le modèle cité ci-dessus ?

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau

Le Voyage dans le temps de la famille Boyau. Un roman à lire et à jouer
Yves Grevet et Julien Meyer (illustrations)
Syros, 2014

Le passé est un jeu comme un autre

Par Matthieu Freyheit

Le Voyage dans le temps de la famille BoyauL’auteur reprend ici les codes du livre-jeu et, en sous-main également, ceux plus discrets du cahier de vacances auquel Le Voyage dans le temps de la famille Boyau s’assimile parfois davantage. Tutoyé dès les premières lignes, le lecteur est pris à partie par Victor, douze ans, fils d’un inventeur et d’une historienne. Victor, enfant typique du début du quatrième millénaire. Victor toujours, donc le père décide d’emmener sa famille dans un voyage interdit vers un passé mystérieux de l’humanité : le 21e siècle. Le voyage proposé par Yves Grevet a l’intérêt de mettre le lecteur en relation avec son propre passé récent (saura-t-il reconnaître les ancêtres de son téléphone bien-aimé ?), mais aussi d’engager l’idée qu’il appartient lui-même à un présent qui passera bientôt au rang de passé explorable, d’Histoire. Déjà dépassé, le 21e siècle ? Une leçon de relativisation, donc, diluée dans une succession de jeux, de codes, de rébus à déchiffrer, d’indices à découvrir qui mettent constamment le lecteur-joueur en rapport avec les différentes temporalités qui l’entourent, avec lesquelles il dialogue parfois sans en avoir conscience. Les illustrations elles-mêmes ne cherchent pas une quelconque poésie mais se mettent au service du jeu et de la redécouverte de son propre univers. Un voyage qui se prête, sur un mode ludique, à l’introduction de motifs complexes, et pourquoi pas au récit d’un certain Huron venu en France…