Forgotten

Forgotten
Cat Patrick
La Martinière, 2011

 Memento

par Christine Moulin

cat patrick,la martinière,mémoire,adolescence,journal intime,écriture,sentiments,christine moulinA l’instar du héros du film de Christopher Nolan, l’héroïne, Lili, a des problèmes de mémoire et pour y remédier, rédige des notes tous les soirs sur sa journée : en effet, elle ne se souvient pas du passé. Toutes les nuits, à 4h33, son « disque dur » s’efface et elle recommence sa vie à zéro. Enfin, pas tout à fait car elle se souvient de l’avenir, ce qui peut expliquer qu’elle arrive à suivre des études à peu près normales, en première. Sur cette base, le roman explore quelques pistes intéressantes : le rôle de l’écriture, la part de mauvaise foi ou de traumatisme qui préside à l’effacement de certains souvenirs, le caractère inéluctable (ou non) du destin. De plus, sur le plan narratif, la situation permet des effets de suspens efficaces. Au prix de quelques incohérences: comment Lili se souvient-elle de vagues connaissances alors qu’elle redécouvre l’amour de sa vie tous les matins (j’ai eu beau être attentive : je n’ai pas repéré d’explications) ? A part cela, le roman n’est pas très original : le contexte reste celui d’un lycée américain et décrit les tourments de l’adolescence. Mêmes élèves, mêmes cours, mêmes histoires d’amour, même méfiance face au « passage à l’acte », noyée dans un érotisme diffus, que dans les histoires de bit lit, où l’anormalité de l’héroïne ressortit plus au genre fantastique. Mêmes relations difficiles avec les parents, mêmes angoisses existentielles : que vais-je mettre aujourd’hui (significativement, tous les mémos de Lili commencent par : « tenue »).Cela dit, le récit est bien mené : on a envie de débrouiller les fils compliqués de la mémoire de Lili mais la fin semble à la fois trop dense (à côté du début un peu lente et bâclée, confuse. Certains, sur le Net, y voient la promesse d’un deuxième tome…

Les Chroniques de Vlad Tod, 1

Les Chroniques de Vlad Tod. Un secret bien gardé
Heather Brewer

Traduit (anglais) par Cyril Laumonier
La Martinière jeunesse (fiction), 2011

ketchup

Par Anne-Marie Mercier

Les Chroniques de Vlad Tod1.jpgUn adolescent, collégien apparemment ordinaire, est un vampire. Il est obligé de le cacher, mais son secret est menacé, comme sa vie…

Bon. Au début, c’est tellement caricatural, que c’en est drôle : un peu de grand guignol, pourquoi pas ? La parodie peut prendre bien des formes. Et puis, au bout de la dixième description des capsules de sang cachées dans ses sandwichs et ses pizzas, de la centième évocation de ses canines qui s’allongent (ce vampire a des canines rétractibles, ça permet de fines allusions), on se lasse et l’invraisemblance de l’intrigue policière qui sous tend le roman comme celle des pseudo personnages, la platitude des dialogues, on en vient à être très tristes pour ces 5 tomes parus et ce « million d’exemplaires vendus dans le monde » qu’annonce la couverture.

Au fait, dans ce livre, il y a une chose réussie : la couverture. L’illustration de Christian Funfhausen est superbe ; l’éditeur français a repris celle de l’édition originale. Ceci expliquerait-il le succès ?

Le voleur de magie : et de trois!

Le voleur de magie, tome 3
Sarah Prineas

Gallimard jeunesse (grand format), 2001

et de trois!

par Anne Marie Mercier

le-voleur-de-magie-tome-3-de-sarah-prineas-893168576_ML.jpgCe troisième volume ressemble fort au précédent : beaucoup de scènes de poursuite, d’enfermement, d’évasion et peu d’inventions nouvelles, si ce n’est dans le dernier tiers du roman, assez réussi.

La quête par le jeune héros de sa « locus magicalicus » est spectaculaire (si l’on peut dire cela à propos d’un roman) et n’est cependant pas dénuée d’humour, le pouvoir change de mains, on assiste à des scènes de reconnaissance familiale… enfin, les ingrédients classiques de la littérature populaire et de jeunesse, ancienne ou moderne, sont assez bien mélangés et font de cette série en 3 volumes un ensemble agréable et d’une lecture facile, mais non indispensable.

Le voleur de magie2.gif   Le deuxième tome vient de paraître en poche.

Nuit tatouée (La peau des rêves, 1)

Nuit tatouée (La peau des rêves, 1)
Charlotte Bousquet

L’archipel (Galapagos), 2011

Une série B post-apocalyptique

par Anne-Marie Mercier

Nuit tatouée Charlotte Bousquet.gif Dans un Paris post-apocalyptique, un groupe d’humains tente de conserver son territoire et la vie contre d’autres humains, des mutants, des hybrides. Les combats, poursuites et complots dans une ville en ruine crépusculaire, la jalousie et la trahison donnent à ce roman un certain rythme, mais on se lasse tant celui-ci relève du procédé.
L’héroïne, Cléo, est une enfant trouvée élevé dans la haine des « Chimères », humains ailés qui auraient tué ses parents. Elle découvre que la vérité est plus complexe, et le lecteur devine facilement la suite : toute l’intrigue est un tissu de clichés. L’invraisemblance des situations (digne des romans populaires), la platitude des dialogues et le peu d’épaisseur psychologique des personnages font que ce texte est davantage un scénario de film de série B ou d’un film « de genre » qu’une création à laquelle on pourrait croire. Malgré sa brièveté, le récit cadre qui structure l’histoire de Cléo est beaucoup plusintéressant : c’est celui-ci que l’on pourrait éventuellement vouloir suivre.

Magnus Million et le dortoir des cauchemars:gros collège novel fantastico-archaïque

Magnus Million et le dortoir des cauchemars
Jean-Philippe Arrou-Vignod

Gallimard jeunesse (grand format), 2011

Gros collège novel fantastico-archaïque

par Anne-Marie Mercier

Magnus Million et le dortoir des cauchemars.gifJean-Philippe Arrou-Vignod propose ici une version un peu désuète du « college novel » et croise ce genre avec le roman social, le roman fantastique et le roman policier. Dans un Grand-Duché d’opérette, il se trame des choses louches au lycée de la ville où le jeune héros, 14 ans, est pensionnaire. Il arrivera bien sûr à sauver le monde et ses amis, ceux qui l’ont d’abord tourmenté dans le « dortoir des punitions » et à surmonter sa lâcheté ; il retrouvera une partie de sa famille, découvrira son histoire, se fera accepter par son père… Le résultat est une oeuvre qui recycle de nombreuses situations bien connues ; elle a des qualités mais est loin d’être parfaite.
Le roman peine à trouver son rythme dans son premier tiers ; il le trouve par la suite et enchaîne événements et découvertes. Mais il y a une dimension caricaturale un peu gênante – même si on peut la mettre sur le compte de l’humour, très présent dans le texte : le héros incarne les classes privilégiées, les classes inférieures sont représentées par des brutes souvent stupides et parlant mal. Poussé trop loin sur ces questions, le pastiche de la littérature du dix-neuvième siècle présente un certain danger.

Enfin, les fameux cauchemars ne sont guère convaincants, tant ils sont livresques et cohérents (Cerbère, un personnage des Trois mousquetaires,…). Il semble que l’auteur ait cherché à placer une dimension culturelle au coeur du fantastique. Celle-ci s’avère moins intéressante et surtout moins complexe que ce que proposait  une géographie du monde des rêves : « il y a 3 portes pour y entrer : la porte de la peur, celle du désir et celle du souvenir ».

La véritable originalité du roman est l’hypersomnie du héros, qui le place de façon inattendue dans des situations cocasses puis dramatiques.La fin du livre, qui montre le héros lisant une histoire aux jeunes orphelins fascinés, évoque d’une manière intéressante les enfants perdus de Peter Pan; et le cadre choisi, une bibliothèque de livres de jeunesse abandonnée a un certain charme.

Le Livre des étoiles (l’intégrale)

Le Livre des étoiles (l’intégrale)
Érik L’Homme

Gallimard jeunesse, 2011

Le plein de magie

par Anne-Marie Mercier

Érik l'homme  gallimard jeunesse,magie,anne-marie mercierPour ceux qui ne connaissent pas encore les aventures de Guillemot entre le pays d’Ys et le monde incertain, voici l’occasion de combler une lacune et peut-être une attente. On pourrait en dire de même pour ceux qui cherchent en vain un équivalent français de Harry Potter : cette trilogie contient cetains  des éléments qui en ont fait le succès, sans être comme beaucoup d’autres une pâle imitation.
Pour ce qui est des ressemblances : un héros apprenti sorcier de père inconnu, des mondes parallèles, un groupe d’amis – garçons et filles – qui l’épaulent, la lutte contre le mal absolu, une petite dose d’humour, un soupçon de mythologies.
Pour ce qui est des différences : une quête des origines qui aboutit en partie, des relations entre les jeunes héros qui évoluent de façon radicale, une construction de mondes imaginaires teintée de réflexion anthropologique et surtout une superbe invention, celle des « graphèmes ».
Cette édition des trois tomes (1. Qadehar le Sorcier, 2. Le Seigneur Sha, 3. Le Visage de l’Ombre) en un seul volume propose précisément un carnet de Guillemot sous forme de « bonus » pour prolonger le jeu de la lecture en jeu des graphèmes.

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève)

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève)
Kate McMullan

Gallimard (folio cadet), 2011

Désir d’école

Par Anne-Marie Mercier 

L’école des massacreurs de dragons, t. 1 (le nouvel élève).jpgDans cette série qui a eu beaucoup de succès et qui paraît maintenant en poche on retrouve plusieurs ingrédients qui ont fait le succès de nombreuses autres. Le jeune héros est martyrisé par sa famille dans lequel il joue un personnage de Cendrillon. Treizième fils, roux, il est totalement différent de ses frères et se sait destiné à un futur glorieux grâce à la prédiction d’un ménestrel de passage. Intégrer une école va lui permettre de changer sa vie.

Il y a beaucoup de loufoquerie, ce qui fait que le roman ne se prend jamais trop au sérieux. On pourrait y voir un mixage de Harry Potter réécrit par Roald Dahl, un pastiche de romans de fantasy. Cela fait une lecture drôle et distrayante, sans prétention.

Le dossier Artémis Fowl Le complexe d’Atlantis (Artémis Fowl, 7)

Le dossier Artémis Fowl
Le complexe d’Atlantis (Artémis Fowl, 7)

Eoin Colfer
traduit (anglais) par Julien Ramel
Gallimard (folio junior), 2011

Petit Vade-mecum Artémis

par Anne-Marie Mercier

Le dossier Artémis Fowl .gifCette édition en poche du volume publié en 2006 propose aux amateurs du héros de Eoin Colfer quelques éléments qui leur permettront de compléter la saga. On y trouve deux courts récits, « les FARfadets », qui retrace l’entrée de Holly dans les forces luttant contre les infractions au code de bonne conduite des êtres féeriques, et « le septième nain », qui retrace une aventure d’Artémis, voleur patenté. Ce volume propose également un alphabet gnomique, des interviews des différents personnages, un Quiz absurde, et  quelques autres renseignements fondamentaux comme les bulletins scolaires d’Artémis…

Le complexe d'atlantis (Artémis Fowl, 7).gif Peu auparavant est paru le septième tome de la série, dans lequel on retrouve le démoniaque Turnball et les ingrédients qui ont fait le succès de la série : suspense, inventivité et humour.  Le jeune héros irlandais met du désordre dans le monde de la féerie, comme d’habitude, mais surtout est lui-même en plein désordre, souffrant d’un syndrome qui produit des troubles obsessionnels, de la paranoïa, et un éclatement de la personnalité. Ce dernier point produit des situations cocasses : le double d’Artémis, Orion, est une sorte de Don Quichotte qui ne fait pas la différence entre la fiction et la « réalité ». Ce volume est annoncé comme l’avant-dernier de la série.

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer

Cherub, vol. 1: Cent jours en enfer
Robert Muchamore

Traduit (anglais) par Antoine Pinchot
Casterman, 2011

Petit manuel de machiavelisme pour les enfants

Par Anne-Marie Mercier

michael gerard bauer,moby dick,timidité,persécution,école,parole,éloquence,concours,cancer,castermanLe premier tome de la série « culte » de Cherub est publié en poche… Enfin, direz-vous ? Hélas, plutôt… Bien sûr, ce sont des romans d’action bien menés ; bien sûr le jeune héros, James, petit délinquant qui ne pense qu’à jouer à la PlayStation et à regarder la télé et qui est sauvé par l’ »organisation » Cherub peut séduire certains.

Mais l’école de Cherub ressemble beaucoup à un camp d’entraînement (le titre, « 100 jours en enfer », désigne le programme d’entraînement intensif des futurs agents-espions), la discipline est menée à coup de punitions humiliantes, l’enseignement présenté comme un enseignement d’élite pour une élite (10 élèves par classe).

Enfin, sur le terrain, les jeunes gens ont une activité d’espions : mensonge, dissimulation et trahison sont leur domaine. Le seul interdit (« ne pas nuire à des innocents ») est hardiment franchi au prétexte que « on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ». La volonté d’entrer dans la complexité est intéressante, mais

Le succès de la série montre-t-il que le nouveau rêve des adolescents n’est plus d’être un hardi policier, ou sorcier, ou voleur, mais d’être un enfant soldat ? que l’école dont ils rêvent est un pensionnat-prison militaire ? ou bien est-ce juste pour se faire peur ?

Le prétexte est que ces héros eux aussi « sauvent le monde », mais au bénéfice de qui ? Dans ce premier volume c’est au bénéfice des compagnies pétrolières contre les hippies et les écologistes. Bien sûr, les uns agissent en toute légalité et les autres pas… mais si la littérature pour adolescents se met à donner la primauté au Droit contre la Justice, il y de quoi s’interroger.

Enfin, que je sache, les écologistes – fussent-ils terroristes (?) – n’ont jamais commis d’attentats sanglants. Que le livre fasse croire le contraire n’est pas innocent.

Quant à l’écriture, elle est d’une platitude sans nom.

Pour aller plus loin, lisez la chronique- coup de gueule parue sur le blog de Patrice Favaro.

Et lisez plutôt Grande école du mal et de la ruse de M. Walden (oui, les héros sont des affreux jojo délinquants, mais au moins c’est drôle) ou Jimmy Coates de Joe Craig, A comme Association de Bottero et L’Homme (surtout les deux premiers), éventuellement Spy High (série, pas excellente, mais moins inquiétante, pour ce que j’en ai vu). Et, pourquoi pas, les Langelot (Lieutenant X/ Vladimir Volkoff), romans d’espionnage pour la jeunesse bien conservateurs mais écrits avec style.

La fille de mes rêves

La fille de mes rêves
Christophe Lambert, Sam Van Steen

Soon, 2011

Second Life

par Christine Moulin

fille de mes reves.jpgNous sommes dans une société à peine futuriste, donnant même parfois l’impression que l’auteur ne tenait pas spécialement à écrire un livre d’anticipation. C’est ainsi qu’in extremis (p.271), il fait manger de petites pilules à ses personnage: clin d’oeil! Et encore laissent-elles la place à un bon couscous fumant…
C’est que tout est comme aujourd’hui dans ce roman, à ceci près que la technique en général et les jeux vidéo en particulier ont fait des progrès. On peut désormais, sous forme d’avatars, grâce à une Dreambox (et évidemment, à prix d’or, avec abonnements « ordinaire » et « Premium »!) diriger ses rêves et notamment, draguer la nuit. Cette vie nocturne suscite les mêmes interrogations que les jeux en ligne du type Second Life qui existent déjà aujourd’hui: qui est qui? Comment construire son identité en souhaitant être un autre? Comment passer du virtuel au réel? Est-ce par frustration que l’on cherche à séduire dans ce « Real Dream »? A qui confions-nous nos rêves? Jusqu’où l’appât du profit peut-il mener? Que peut-on souhaiter pour être heureux? Ces questions sont bien posées par le roman, sans rien de didactique ni de militant. Tous les personnages ont des côtés auxquels le lecteur peut s’identifier, même les « méchants », et le thème du jeu sur les identités, qui devrait plaire aux adolescents, est fouillé, repris en écho par celui de la gémellité.

L’histoire, quoique classique, embarque le lecteur: d’une part, un essaim détraque le logiciel et rend les rêves mortels. D’où, bien sûr, enquête et drames en série (la seule chose qui laisse un peu sur sa faim, c’est qu’on aurait aimé savoir d’où venait cet essaim et quelle en était la nature, au juste…) D’autre part, dans certains chapitres, le narrateur cède la parole à un lycéen, Kamel, qui cherche l’amour et revivra un schème à la Cyrano dans les méandres du virtuel. Les deux pistes, traitées avec rigueur et cohérence, se rejoindront, bien sûr.

Rien de lénifiant: la violence des rapports sociaux, la violence physique aussi, la sexualité, le cynisme font partie du décor mais ne portent jamais à la désespérance. Bref, voilà un livre qui se lit bien mais qui évite les raccourcis simplificateurs.